Les Européens et les conséquences du Brexit

Multilatéralisme

Fondation Robert Schuman,  

IFOP Institut français d'opinion publique

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9 janvier 2017
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Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Institut français d'opinion publique IFOP

IFOP Institut français d'opinion publique

Cette enquête Ifop pour la Fondation Robert Schuman[2] a été menée dans cinq pays européens (la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et la Pologne) auprès d'échantillons représentatifs de leur population nationale âgée de 18 ans, au cours du mois de novembre 2016. De cet état de l'opinion cinq mois après le vote britannique, il est possible de conclure que les Européens continuent à relativiser le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne, en dépit d'inquiétudes toujours présentes - quoique légèrement atténuées - concernant les impacts économiques du Brexit. Les esprits semblent intégrer peu à peu le départ des Britanniques, en témoigne la plus grande bienveillance qu'ils souhaitent dans les relations UE-UK dans le cadre des négociations à venir.

 

1. Pas d'alarmisme concernant le Brexit...

Les opinions publiques européennes, dans leur ensemble ne semblent pas faire preuve de catastrophisme après la victoire du " Leave " il y a cinq mois. Sans pour autant prendre cette décision à la légère, il apparaît qu'au sein de la plupart des pays interrogés, tout au plus trois interviewés sur dix jugent le sujet " très grave, car c'est l'un des principaux Etats-membres et l'une des principales puissances économiques européennes qui quitte l'Union européenne " (19% des Français, 25% des Allemands, 31% des Espagnols et des Italiens). Seuls les Polonais affichent une très nette inquiétude suite au départ du Royaume-Uni (55% jugent cette décision très grave). Les autres, sans être aussi alarmistes, estiment plutôt que le Brexit n'est " pas si grave que cela car le Royaume-Uni a toujours eu un statut à part en Europe et a toujours freiné les avancées de la construction européennes (45% des Français, 38% des Allemands, 40% des Espagnols, 44% des Italiens).

 

Plusieurs éléments peuvent venir expliquer ce positionnement serein de la plupart des grands pays membres et la plus grande inquiétude de la Pologne :

• Le statut accordé au Royaume-Uni dans l'Union européenne, et notamment sa non appartenance à la zone euro et à l'espace Schengen, aident à relativiser : on peut en effet facilement imaginer que les réactions auraient été plus catastrophées si un autre grand pays membre de la zone euro avait décidé de quitter l'Union.

 

• L'inquiétude plus forte auprès des Polonais s'explique sans doute par les nombreux liens entretenus avec le Royaume-Uni, notamment constitués par la présence sur le sol britannique de 800 000 ressortissants polonais, mais aussi par l'entrée plus récente de la Pologne dans l'ensemble européen.

 

• Le fait que la Pologne jouisse également d'un statut d'Etat membre sans appartenir pour autant  à la zone euro et que ses positions convergent parfois avec le Royaume-Uni sur les questions de gouvernance européenne ont certainement aussi eu un impact sur la gravité perçue du Brexit dans ce pays.

 

 

Si les plus anciens membres semblent donc plus sereins, il convient toutefois de noter que cette inquiétude tend à être de plus en en plus partagée - certes dans une bien moindre mesure que la Pologne - par les opinions française et italienne. En effet, une part croissante depuis juillet juge que la sortie du Royaume-Uni est " assez grave, mais pas autant que si c'était un autre grand pays-membre de la zone euro qui quittait l'Union européenne " (de 29% des Français en juillet 2016 à 36% en novembre 2016, de 27% à 35% des Italiens), voire " très grave car c'est l'un des principaux Etats-membres et des principales puissances économiques européennes qui quitte l'Union européenne " (de 13% à 19% des Français).

A titre subsidiaire, il est intéressant de constater que les électeurs de l'extrême droite, moins attachés à l'institution européenne, relativisent davantage la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. C'est le cas en France (55% des électeurs de Marine Le Pen en 2012 considèrent que ce n'est pas si grave), en Italie (59% des sympathisants de Lega Nord et 55% de ceux du populiste Movimento Cinque Stelle) et en Allemagne (54% parmi les électeurs de l'AfD).

 

2. ...en dépit  d'inquiétudes quant à l'impact économique du " Leave "...

Interrogés sur les conséquences attendues du Brexit sur l'économie britannique, les interviewés peinent à se positionner. Cette difficulté à se projeter s'avère assez logique dans la mesure où, d'une part, il n'existe pas de précédent qui puisse éclairer les jugements et où, d'autre part, l'impact concret du Brexit peine pour l'instant à se dessiner clairement Outre-Manche. Dans le détail, il apparaît tout de même que dans tous les pays investigués, la réponse neutre " l'économie britannique ne sera ni dynamisée ni affaiblie par cette décision de quitter l'UE " recueille des scores significativement inférieurs à la réponse neutre concernant l'impact du Brexit sur chaque économie nationale -  entre 19% et 32% pour l'économie britannique et 31% et 41% pour l'économie nationale. Tout se passe donc comme si l'opinion publique européenne avait une idée beaucoup plus précise concernant les conséquences d'une sortie de l'UE pour l'économie britannique que pour la sienne.

 

 

Plus précisément, la majorité des Européens craint que l'économie britannique soit affaiblie par la décision de quitter l'Union européenne, et particulièrement les Allemands et les Espagnols (51% des Français, 69% des Allemands, 61% des Espagnols, 54% des Polonais). Les Italiens font exception en ce qu'ils sont un peu moins de la moitié à le penser (43%). Dès lors, force est de constater que sur ce point, les souverainistes semblent, pour l'instant, avoir perdu la bataille de l'opinion dans la mesure où dans tous les pays sondés la proportion des interviewés qui pronostiquent des conséquences négatives pour l'économie britannique est bien plus importante que celle de ceux qui anticipent que le Brexit apportera une redynamisation de l'économie en la libérant des carcans européens. Depuis juillet toutefois, cette inquiétude concernant l'économie britannique est relativisée notamment chez les Polonais - où elle était particulièrement ancrée au départ (de 62% à 54% anticipent un affaiblissement de l'économie britannique) -, mais aussi chez les Français et les Italiens qui tendent de plus en plus à penser que cette crise sera in fine salutaire pour l'économie britannique (de 12% à 18% des Français jugent que l'économie du Royaume-Uni sera dynamisée par la décision de quitter l'UE, de 27% à 34% des Italiens).

 

Quant à l'impact sur l'économie nationale respective de chaque pays, il apparaît encore un peu plus difficile à évaluer pour les personnes interrogées ; la part importante d'interviewés préférant ne pas se prononcer et le fait que les exprimés soient très partagés en témoignent. Néanmoins, force est de constater que l'Allemagne, première économie de la zone euro, semble nettement plus confiante dans ses atouts : 41% des Allemands entrevoient des opportunités économiques pour leur pays (contre 35% des Français et des Espagnols, 32% des Italiens, 26% des Polonais). A l'inverse, les Polonais sont ceux qui redoutent le plus la fragilisation de leur économie (35%), la situation d'économie émergente et de nouvel entrant dans l'espace européen les rendant probablement moins confiants dans leur capacité à absorber une telle perturbation et cela d'autant plus que la perspective d'un retour massif des travailleurs polonais expatriés au Royaume-Uni n'est pas à écarter. Il convient toutefois d'observer que, conséquence des signes de redémarrage de l'économie espagnole, la part des interviewés hispaniques optimistes pour leur économie va crescendo depuis cet été (35%, +10 points par rapport à juillet 2016). Cette tendance s'observe également dans les autres pays, mais son ampleur y est plus réduite : en France (+4 points), en Allemagne (+2 points), en Italie (+3 points).

 

3. ...et la crainte d'un effet domino

La thèse du risque de contagion entraîne une certaine divergence au sein des opinions européennes. D'un côté, une courte majorité des Allemands et des Espagnols considère que suite à la sortie du Royaume-Uni, l'Union européenne va repartir sur de nouvelles bases et sortira renforcée de la crise (52% des Allemands, 51% des Espagnols) - et à un niveau moins fort les Polonais (45%). De l'autre, les Français et les Italiens tendent davantage à penser qu'à la suite de la sortie de l'Union européenne du Royaume-Uni, d'autres pays vont quitter l'Union européenne, ce qui aboutira à sa disparition (36% des Français et surtout 45% des Italiens qui, encore une fois, se montrent plus eurosceptiques).

 

 

Dans ces pays, l'idée d'un effet domino gagne par ailleurs du terrain par rapport à l'enquête de juillet (de 32% à 36% en France, de 41% à 45% des Italiens) et si elle n'est pas encore majoritaire (du fait de la forte proportion de personnes préférant ne pas se prononcer sur cette question à savoir 28% des Français et 24% des Italiens), elle creuse de plus en plus l'écart avec l'idée que cette sortie pourrait relancer une dynamique dans la construction européenne chez les Italiens (45% croient en l'effet domino contre 31% pour le scenario d'une relance de la construction européenne). L'anticipation - voire l'attente d'autres départs - est plus forte auprès des partis populistes comme le Front National (57%), l'Alternative fur Deutschland en Allemagne (55%), Lega Nord (66%) et Movimento Cinque Stelle (58%) en Italie.

 

4. Une opinion moins passionnée à l'égard du Royaume-Uni

L'idée d'une position sans concession de l'Union européenne à l'égard des Britanniques demeure très présente dans tous les pays, mais cède un peu de terrain par rapport à juillet 2016. Tout se passe comme si l'opinion avait digéré le choc, et avait muri pour adopter une posture plus réaliste. Aussi, les Français, les Allemands, les Espagnols et les Italiens partagent l'avis que, dans le cadre des négociations avec le Royaume-Uni, l'Union européenne ne devrait faire aucune concession aux Britanniques et leur retirer rapidement tous les avantages économiques et commerciaux qui étaient associés à leur appartenance à l'Union européenne (49% des Français et des Allemands, 46% des Espagnols et 41% des Italiens), mais de manière un peu moins soutenue qu'en juillet (on observe une baisse de respectivement -4 points, -6 points, -5 points, -6 points).

On notera toutefois que, dès juillet et encore maintenant, les Polonais affichent une posture nettement plus conciliante. Plus de la moitié d'entre eux souhaite que l'Union européenne se montre  " assez conciliante avec les Britanniques et qu'elle maintienne des accords économiques et commerciaux préférentiels entre l'Union européenne et le Royaume-Uni " (54%), voire même qu'elle se montre " très conciliante et maintienne le plus grand nombre possible d'accords économiques et commerciaux préférentiels entre l'Union européenne et le Royaume-Uni de façon à ce qu'il ne quitte pas vraiment l'Union européenne " (20%). Cette plus grande bienveillance trouve très probablement sa source dans, nous l'avons vu, les liens entretenus avec le Royaume-Uni et l'arrivée récente de la Pologne dans l'Union, mais aussi dans l'inquiétude plus constituée des Polonais concernant le Brexit (55% jugent " très grave " la sortie de la Grande Bretagne de l'Union Européenne).

- 1 - La méthodologie

Méthodologie

Ce document présente les résultats d'une étude réalisée par l'Ifop. Elle respecte fidèlement les principes scientifiques et déontologiques de l'enquête par sondage. Les enseignements qu'elle indique reflètent un état de l'opinion à l'instant de sa réalisation et non pas une prédiction.

 

Aucune publication totale ou partielle ne peut être faite sans l'accord exprès de l'Ifop.

Précision relative aux marges d'erreur

La théorie statistique permet de mesurer l'incertitude à attacher à chaque résultat d'une enquête. Cette incertitude s'exprime par un intervalle de confiance situé de part et d'autre de la valeur observée et dans lequel la vraie valeur a une probabilité déterminée de se trouver. Cette incertitude, communément appelée " marge d'erreur ", varie en fonction de la taille de l'échantillon et du pourcentage observé comme le montre le tableau ci-dessous :

Exemple de lecture du tableau : dans le cas d'un échantillon de 1 000 personnes, si le pourcentage mesuré est de 10%, la marge d'erreur est égale à 1,8. Le vrai pourcentage est donc compris entre 8,2% et 11,8%.

- 2 - Les résultats de l'étude

[1] Sondage Ifop réalisé du 28 juin au 6 juillet 2016
[2]  Voir article les Echos du 19 décembre 2016 http://www.lesechos.fr/monde/europe/0211604384175-jean-dominique-giuliani-lincertitude-atteindra-son-maximum-lorsque-les-negociations-seront-lancees-2051429.php#xtor=RSS-52  et http://www.lesechos.fr/monde/europe/0211607731616-brexit-limmensite-de-la-tache-commence-a-apparaitre-2051329.php
[3] Sondage Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et la FEPS réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 28 juin au 6 juillet 2016 auprès de six échantillons représentatifs de la population nationale âgée de 18 ans et plus de : France (1 004 personnes), Allemagne (1 000 personnes), Italie (1 002 personnes), Espagne (1001 personnes), Belgique (1007 personnes), Pologne (1 012 personnes).

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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