Le "moment populiste" : vers une Europe "post-libérale" ?

Démocratie et citoyenneté

Thierry Chopin

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12 décembre 2016
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Thierry Chopin

Directeur des études de la Fondation Robert Schuman, professeur associé à l'Université catholique de Lille (ESPOL)

Le "moment populiste" : vers une Europe "post-libérale" ?

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Pourtant, les citoyens des démocraties occidentales dans leur ensemble expriment, depuis plus de 25 ans, une défiance croissante à l'égard des institutions et du personnel politiques de leur démocratie nationale et, de manière plus générale, vis-à-vis de l'" establishment " ou du " système " (y compris économique et financier, médiatique et intellectuel) ; le sentiment de marginalisation sociale (pauvreté, exclusion, etc.) des " perdants " de l'ouverture économique internationale dépasse les régions industrielles de la " Rust Belt " américaine et celles des " Midlands" au Royaume-Uni et existe aussi dans maints pays sur le continent européen [3]; au-delà des classes populaires et des souffrances des périphéries les plus déshéritées, il s'accompagne en outre de la peur du déclassement des classes moyennes qui s'inquiètent de leur avenir et de celui de leurs enfants [4] ; last but not least, la question du contrôle des flux migratoires est au cœur du débat public de nombreux pays européens, dont les termes portent sur la sécurité et l'identité [5].

L'Occident connaît un " moment populiste " et l'Europe continentale n'échappe pas à la règle. L'argument au cœur de ce texte est que les formes diverses de populisme - qui alimentent un discours eurosceptique voire europhobe - convergent toutes vers une crise du libéralisme qu'il convient de surmonter si l'on ne veut pas que nos sociétés se ferment au monde moderne.

Populismes et crise du libéralisme

Qu'est-ce que le " populisme " : anti-élitiste, anti-démocratique ou anti-libéral ?

Les différentes formes d'euroscepticismes et d'europhobie que l'on voit se développer dans maints Etats membres de l'Union européenne convergent toutes, en dépit de leur diversité, vers une rhétorique populiste. Le " populisme " n'est pas seulement - comme le disent ceux qui en sont accusés - un terme et une rhétorique qui serait utilisés par les " élites " pour disqualifier avec mépris la parole du " peuple ". Il correspond à une réalité historique et contemporaine dont les caractéristiques générales sont connues.

Le " populisme " renvoie d'abord à la dénonciation des " élites " - politiques, économiques, médiatiques et intellectuelles - stigmatisées parce qu'elles auraient confisqué et trahi le pouvoir et la volonté du " peuple ", seul fondement valable d'une autorité légitime. Mais de quel " peuple " s'agit-il ? Dans la rhétorique populiste, le peuple est défini soit sur une base sociologique par référence à certains groupes sociaux spécifiques, soit sur une base nationaliste, dans les deux cas dans un triple mouvement de radicalisation et d'exacerbation des différences avec ce qui est censé lui être extérieur ou étranger : sur le plan moral, contre les " corrompus " ; sur le plan politique et socio-économique dans la dénonciation traditionnelle des élites ; et sur le plan ethnique contre les étrangers. In fine, le peuple est dès lors mobilisé afin de ressusciter un sentiment défaillant de représentation et d'identité.

Par ailleurs, de quelles " élites " parle-t-on ? Les 16 millions de Britanniques ayant voté pour rester au sein de l'Union européenne font-ils tous partie de ces prétendues " élites " ; si c'est le cas, la promotion sociale au Royaume-Uni est réellement exceptionnelle ! Aux Etats-Unis, une majorité d'Américains a voté pour Hillary Clinton - font-ils eux aussi tous partie de l'" élite " ? De leur côté, la majorité des électeurs issus des minorités noire et hispanique ayant voté pour la candidate démocrate ne feraient-ils pas partie du " peuple " [6]? Donald Trump ne fait-il pas partie des élites économiques ? Un bon nombre de ceux qui déclarent être les candidats du " vrai peuple " en France n'appartiennent-ils pas aux " élites " qu'ils dénoncent ? Dire cela ne signifie pas que les " élites " en question ne doivent pas mieux prendre en compte les préoccupations et répondre avec efficacité aux attentes des citoyens et notamment de ceux qui se sentent marginalisés, exclus et oubliés mais aussi des classes moyennes qui craignent leur déclassement. Cela ne signifie pas non plus qu'il ne faille pas répondre à la demande de crédibilité et de compétence qui est exprimée fortement dans nos démocraties. Cela ne signifie pas enfin que nous ne soyons pas en droit de demander à nos " élites " et à tous ceux qui décident et agissent en notre nom d'être exemplaires. 

Au-delà de cette composante " anti-élitiste ", le populisme se caractérise par un " anti-pluralisme ". En effet, la critique populiste des élites s'accompagne de la prétention à détenir le monopole de la représentation de la volonté du " vrai " peuple (" I am your voice " dit Trump). Or, la liberté du peuple consiste à ne pas être pris en otage avant qu'il se soit exprimé et la démocratie suppose le pluralisme ; certains auteurs en déduisent que " le populisme tend même sans doute à être anti-démocratique " [7] et ne doit pas nécessairement être abordé comme un " correctif utile " pour la démocratie libérale [8].

Le populisme renvoie enfin à l'une des tensions essentielles au cœur du régime démocratique entre le principe de la souveraineté populaire et le principe libéral [9]. C'est à cette articulation problématique et toujours instable que les populistes puisent par exemple leur critique des contre-pouvoirs au cœur du libéralisme politique [10]. The Daily Mail a qualifié, le 4 novembre 2016, les trois juges de la Haute Cour de Londres d'" ennemis du peuple " après l'arrêt rendu sur l'accord nécessaire du Parlement (dont la souveraineté est pourtant sacro-sainte et au fondement de la démocratie britannique) pour déclencher la procédure de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Or, il faut rappeler que la démocratie repose certes sur la légitimité populaire mais aussi sur d'autres sources de légitimité. Même les institutions dotées d'une légitimité démocratique directe ou indirecte ne sauraient avoir le monopole du bien public dans nos démocraties constitutionnelles. De la même manière, considérer que seul le référendum serait démocratique conduit à une simplification abusive de ce qu'est la démocratie. En effet, la soumission à la sanction populaire peut conduire un gouvernement à adopter des décisions de court terme, contraires à l'intérêt général. C'est le principe de base du constitutionnalisme libéral au fondement de nos démocraties depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : des institutions indépendantes doivent servir de garde-fou contre les excès d'un gouvernement même démocratiquement élu afin de protéger la minorité. L'histoire nous a appris à ne pas considérer que toute action entreprise par un gouvernement démocratiquement élu soit nécessairement légitime. Les institutions indépendantes constituent une composante de nos démocraties et de l'État de droit qui les fonde [11].

Diversité des populismes nationaux

La renaissance des populismes constitue un symptôme très fort de la crise politique en Europe [12] et plus spécifiquement de la crise du libéralisme [13]. Du Danemark et de la Finlande à la Hongrie et à la Pologne en passant par l'Autriche, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, les différentes élections nationales confirment la force des partis d'extrême droite et des populismes (les deux n'étant pas équivalents) qui imposent dans le débat public un discours dont le cœur est constitué par un protectionnisme à la fois économique, culturel et identitaire. Sans doute les raisons qui rendent compte de ces évolutions diffèrent-elles d'un pays à l'autre et les formes contemporaines du populisme sont-elles multiples : entre le retour des réalités et les aspirations nationalistes en Europe centrale, parfois sous la forme d'un national-populisme autoritaire et " illibéral " [14] comme c'est le cas actuellement en Hongrie et en Pologne ou encore les effets de l'évolution démographique de sociétés de plus en plus âgées dans le Nord de l'Europe, les convergences paraissent difficiles à trouver. De son côté, si l'Europe du Sud connaît une moindre dynamique de l'extrême droite, cela s'explique sans doute par le fait que ces pays sont protégés par le souvenir des expériences dictatoriales qui créent dans l'électorat des verrous contre le développement de forces autoritaires même si les partis populistes de gauche (Podemos en Espagne, Syriza en Grèce par exemple) connaissent des succès électoraux dans un contexte de difficultés sociales liées à la crise économique. Le phénomène de mémoire politique est ainsi à prendre en compte même si le cas de la Grèce semble montrer que cette mémoire n'est pas une garantie suffisante.

La démocratie libérale au risque des populismes

En dépit de cette diversité nationale, certains éléments d'explication peuvent être avancés qui permettent de donner une cohérence d'ensemble [15] à ces évolutions politiques qui convergent toutes vers une mise en question de la démocratie libérale [16].

D'abord, sur un plan économique, ce retour du populisme est lié à la crise économique et financière de 200 [17], dans un contexte où ce sont les partis de la droite extrême en Europe qui deviennent de manière croissante les porte-voix de l'exaspération et de la colère sociales, trop longtemps ignorées, ce qui explique la popularisation massive de leur électorat. Au-delà, il est lié, de manière générale, au sentiment de déstabilisation économique et de peur vis-à-vis de la mondialisation [18] ainsi que de trouble identitaire ressenti par maintes opinions publiques dans le contexte d'ouverture internationale et de développement de la société " post-industrielle " [19] depuis 25 ans. La globalisation de l'économie produit des effets allant dans le sens d'un repli sur soi, tendance qui se renforce dans les périodes de crise : sur le plan interne, hostilité aux étrangers et retour des discours xénophobes dans certains pays comme forme renouvelée du mécanisme du " bouc émissaire " mis en évidence par René Girard [20], les étrangers étant considérés comme responsables des maux économiques et sociaux y compris en termes d'insécurité ; sur le plan externe : retour des contrôles aux frontières nationales encouragé par la crise des migrants et, plus encore, par les attentats terroristes ; durcissement des sociétés se traduisant par la volonté de se protéger contre les migrations de l'Est et du Sud.

Ensuite, sur un plan culturel, le retour du populisme dans des pays prospères sur le plan économique (par exemple dans les pays scandinaves) s'exprime sous une forme " patrimoniale " [21] et peut s'expliquer par les premières manifestations de sociétés de plus en plus âgées qui ne se caractérisent pas seulement par des craintes économiques mais plutôt par des craintes de type " culturel " liées à la transformation d'un environnement dans lequel elles ne se reconnaissent plus nécessairement, ce qui explique l'importance renouvelée du thème de la place des religions - notamment de l'islam - et de l'exercice des cultes dans les sociétés européennes.

Enfin, sur un plan politique, plusieurs symptômes d'une crise des principes de la démocratie libérale et de l'état de droit paraissent aisément identifiables : exaspération de nombreux citoyens face aux scandales financiers et fiscaux ainsi qu'aux affaires de corruption qui alimentent la critique de l'" anti-establishment " au cœur du discours populiste ; développement de discours où la sécurité est présentée comme la première des libertés et au nom de laquelle on en vient à miner les fondements des autres libertés ; relégation au second plan du primat des droits fondamentaux ; etc. Plus fondamentalement, ce retour des populismes traduit une crise de la représentation qui prend au moins deux formes différentes. D'un côté, le " système " de représentation traditionnel rencontre des difficultés à refléter la diversité des clivages anciens et nouveaux qui s'expriment dans la société mais qui ne trouvent pas nécessairement de traduction claire au plan électoral. Dans ce contexte, où beaucoup de citoyens ont l'impression que l'alternance classique, voire le consensus bipartisan, entre les partis de droite et de gauche ne permet pas de dépasser un statu quo jugé intenable, les partis populistes, voire extrémistes, apparaissent comme un moyen de briser le consensus bipartisan et le système politique traditionnel en se présentant comme la seule alternative politique possible [22]. En outre, les mécanismes traditionnels de représentation - au sens propre du terme - ne parviennent plus à remplir leur fonction de " figuration " des sociétés actuelles, individualistes et fortement atomisées, d'où la tentation de faire revivre les vieilles figures du peuple et de la nation, afin de ressusciter le sentiment défaillant d'une identité protectrice et rassurante et de retrouver le sens de l'appartenance à une communauté [23].

Si l'Union européenne n'est pas nécessairement une condition d'existence de ces populismes, néanmoins celle-ci exacerbe les thèmes qu'ils portent : rapport problématique à la démocratie représentative, identité et communauté, dialectique ouverture/fermeture, rapports liberté/sécurité, Etat-providence menacé, etc. De ce point de vue, les faiblesses de l'Europe actuelle peuvent être considérées non pas tant comme des éléments déclencheurs que comme des démultiplicateurs de certaines exigences au cœur de nos démocraties portant notamment sur la recherche de communauté et d'identité ainsi que sur la demande d'égalité et de justice sociale comme sur la demande de protection en matière économique et en matière de sécurité.

Repenser le libéralisme

La démocratie libérale : un régime ouvert à la critique

Si l'on suit cette logique, alors la redéfinition d'un projet politique européen de long terme est urgente. La montée en puissance des courants populistes radicaux, voire extrémistes, eurosceptiques et europhobes, à droite comme à gauche, met en lumière depuis plusieurs années une crise de la démocratie libérale tant du point de vue économique que politique [24]. La dérégulation a été associée au désastre de la crise financière et aux scandales fiscaux (Luxleaks, Panama Papers par exemple). En outre, le libéralisme politique est de plus en plus perçu comme synonyme d'inefficacité voire d'impuissance face notamment à d'autres modèles proposés dans le monde : fascination mêlée d'angoisse pour le modèle chinois ; ou encore attirance pour le régime russe et le modèle de l'homme fort capable de rétablir l'ordre et d'apporter la sécurité. Qu'on se souvienne ici de l'histoire du siècle passé et des projets politiques qui, fondés sur une doctrine qui se voulait protectrice, ont débouché sur des " sociétés fermées " et des Etats policiers en opposition totale avec les valeurs des sociétés démocratiques et libérales. La chute du mur de Berlin a symbolisé le triomphe des sociétés libérales. On aurait tort de croire que nous sommes protégés de tout retour en arrière. Dans quel type de société voulons-nous vivre ?

Cette crise du libéralisme se traduit ainsi par une crise politique dont la renaissance des populismes et des extrémismes dans maints Etats constitue un symptôme suffisamment clair. La force de la démocratie libérale est néanmoins d'être un régime par nature ouvert sur ses propres lacunes et ses propres insuffisances.

Face à la crise de légitimité démocratique, il s'agit, de manière fondamentale, de produire une vision commune de l'avenir de la construction européenne afin de combler le déficit de sens qui l'affecte : une communauté de citoyens ne vit pas uniquement de droit, d'économie ou de régulation ; mais aussi et surtout de sentiment d'appartenance à une communauté politique comme espace de choix. Or, il paraît désormais suffisamment clair que les votes récents au Royaume-Uni (et aux Etats-Unis) s'expliquent, en partie, par une (contre) politique de " rejet " [25] plutôt que par le choix d'un projet positif d'avenir.

Face à la crise économique, les tenants de la " société ouverte " doivent reconnaître que la recherche d'égalité et de solidarité dans un monde ouvert aux échanges constituent des exigences humaines fondamentales comme le montre le succès du livre de Thomas Piketty sur les inégalités [26] et sont tout aussi légitimes que les aspirations à la liberté. De la même façon, les libertés de circulation et d'établissement au sein du marché intérieur sont des principes fondamentaux de l'Union mais elles ne doivent pas conduire à ce que la prestation d'un service dans un même lieu puisse obéir à des règles sociales et fiscales différentes : c'est la condition d'une concurrence loyale et de la préservation des modèles sociaux.

Face à la crise des réfugiés, l'accueil des personnes fuyant des pays en guerre constitue un impératif moral et un droit fondamental ; dans le même temps, la recherche de sécurité doit être tout autant prise en compte.

L'Etat et le marché

Partant de ce constat, il apparaît nécessaire de repenser le libéralisme européen avec pour objectif cardinal la protection des citoyens contre les excès ou les insuffisances des systèmes politiques et économiques. Et celle-ci doit s'appuyer sur la reconnaissance critique des limites des principes d'organisation de nos sociétés, en particulier l'Etat et le marché, la liberté et la sécurité. Autrement dit, il s'agit de rejeter la croyance idéologique dans l'identité présumée de l'un de ces principes avec l'intérêt général.

Sur le plan économique, le libéralisme européen doit ainsi signifier la reconnaissance des limites à la fois du marché et de l'Etat. Il n'est pas inutile de rappeler que cet effort fut notamment initié par John Stuart Mill dans ses Principes d'économie politique [27]. Cet effort mérite d'être inlassablement continué. Il est en effet clair qu'il n'est pas possible d'accorder une confiance aveugle au marché qui peut être à courte vue et connaître des ajustements brutaux. L'intervention publique peut être justifiée par les externalités, l'asymétrie d'information, la nécessité de compenser les inégalités de départ pour des raisons de justice sociale ou la définition nécessaire des règles du jeu d'institutions comme les marchés financiers, la monnaie et la concurrence [28]. En même temps, il convient de reconnaître que l'intervention publique n'est pas omnisciente et omnipotente. Elle peut être exposée à des risques comme dans leurs formes extrêmes, le clientélisme politique, le népotisme et la corruption. Ces risques ont alimenté dans de nombreux pays la critique des élites et favorisé la montée des populismes.

Liberté, sécurité et identité

De façon similaire, il s'agit sur le plan politique de reconnaître les limites respectives des exigences de sécurité, de liberté ou d'identité. Chacune est légitime jusqu'à un certain point. Vouloir une sécurité absolue, vouloir la disparition de l'incertitude ou du risque est éminemment dangereux pour la liberté, car la liberté implique une certaine indétermination, qui n'est pas compatible avec un contrôle total de l'action des citoyens. L'exigence de sécurité ne peut donc jamais être une exigence absolue, car elle conduirait alors à une société fermée et autoritaire. Inversement, la liberté n'est pas possible dans les faits sans ce degré minimal de la sécurité qu'est la sûreté, c'est-à-dire le fait de ne pas voir son intégrité physique mise en danger ou soumise à l'arbitraire du bon vouloir d'autrui, et sans une protection sociale, au moins minimale. Pour résumer, en reformulant le premier principe de la justice sociale de Rawls [29] de la façon suivante, on pourrait dire que l'objectif de nos sociétés devrait être la recherche de la plus grande sécurité et liberté des personnes compatible avec un ensemble étendu de libertés fondamentales et de garanties de sécurité minimales protégées constitutionnellement. Ce principe justifie l'intervention publique dans le cadre de missions régaliennes visant à protéger les libertés publiques et, en leur nom, la sécurité, qu'il s'agisse de la sécurité intérieure ou extérieure.

Le contre-populisme

Comme l'a écrit Pierre Hassner au moment de l'effondrement de l'URSS : " Nous savons, par l'amère expérience du XXe siècle, qu'il n'y a pas de substitut à la liberté et qu'aucun système, aucune alliance, ni aucun État [...] ne peut se fermer au monde moderne sans connaître l'échec ou l'effondrement. Mais nous savons aussi que l'humanité ne vit pas que de liberté et d'universalité, que les aspirations qui ont conduit au nationalisme et au socialisme, la recherche de la communauté et de l'identité et la recherche de l'égalité et de la solidarité, reparaîtront toujours, comme elles le font déjà. C'est dans la mesure où le libéralisme pourra les incorporer et les concilier à la fois avec la liberté de l'individu et avec l'interdépendance de la planète, qu'il aura une chance, après avoir gagné la guerre froide, de ne pas perdre la paix " [30]. Dans la droite ligne de ce qui précède, il nous semble que l'Union européenne doit donc prendre en compte un certain nombre d'exigences et d'aspirations exprimées par les citoyens et qui sont tout aussi légitimes que celles de liberté : le besoin de communauté et d'identité, la réponse à la question sociale et la protection en matière économique mais aussi de sécurité.

Prendre au sérieux la question des frontières

La question des frontières de l'Union européenne se pose avec acuité et renvoie à des défis majeurs lancés à l'Union. Quel projet européen après le Brexit ? Où exercer le contrôle migratoire ? Comment répondre à la crise d'identité qui caractérise maints pays européens ? En outre, certains Etats se sentent menacés dans leurs frontières et leur sécurité (pays baltes et est-européens par la Russie notamment) et doutent de la capacité de l'Union européenne à les protéger, ce qui se traduit soit par des dépenses militaires nationales plus élevées (Pologne par exemple) soit par une stratégie de renforcement de l'intégration (pays baltes avec l'adoption de l'euro perçu comme l'assurance d'une solidarité plus poussée).

La question est cruciale : si la Russie menait une politique agressive et expansionniste comme en Ukraine à l'encontre d'un Etat membre, que ferait l'Europe ? C'est le vrai test pour les frontières et l'identité européennes. Sommes-nous prêts à engager des moyens et à prendre le risque de pertes humaines pour protéger nos frontières ? Il est notable que l'OTAN, qui a servi de substitut de ce point de vue, n'est pas nécessairement la solution miracle, et ce d'autant moins après l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis : par exemple, que se passerait-il si la Turquie, membre de l'OTAN, se montrait de plus en plus agressive à l'égard de la Grèce ? La situation chypriote montre le risque du fait accompli.

Ce qui relie les nations à l'intérieur de l'Union européenne est aussi ce qui les distingue de l'extérieur. La question des frontières est donc liée à celle de l'identité politique et géopolitique de l'Europe et met en jeu le sentiment d'appartenance à un ensemble collectif multinational.

Il faut d'abord réaffirmer l'apport géopolitique des différents " élargissements " à la construction européenne en termes de pacification, de réconciliation et de stabilisation des pays du continent, et ce en dépit d'évolutions préoccupantes en Europe centrale. Pourtant, il faut aussi reconnaître que, à la différence des " élargissements " précédents, les adhésions depuis 2004 se sont accompagnées d'interrogations, non seulement politico-institutionnelles et socio-économiques, mais aussi et surtout identitaires qui ont surgi au sein de plusieurs opinions publiques nationales (en France et aux Pays-Bas mais aussi en Allemagne ou en Autriche). Au-delà des raisons économiques (craintes de dumping social et fiscal amplifiées par les effets de la crise) et politiques (sentiment de perte d'influence), la question identitaire est liée à la rupture géopolitique introduite par la chute du Mur de Berlin. D'un côté, cette crise d'identité trouve son origine dans le sentiment d'une extension apparemment indéfinie qui caractériserait une " Europe " sans limites ne parvenant pas à prendre au sérieux la question pourtant essentielle du territoire (limite de la sécurité et délimitation d'une communauté comme cadre d'appartenance et d'identification). De l'autre, la rupture géopolitique introduite, sous l'effet de l'effondrement de l'URSS il y a 25 ans, fait apparaître un élément inédit : le contact avec la périphérie du continent européen où un travail de clarification, même temporaire, des limites territoriales de l'Union européenne s'impose [31].

Dans un tel contexte, il est indispensable d'engager une réflexion politique commune sur les limites de l'Union européenne. Cette question politique majeure a été trop longtemps éludée sous prétexte qu'il s'agit d'un sujet qui divise les Européens (notamment sur le statut à proposer à la Turquie et l'Ukraine) [32]. Ne pas poser cette question reviendrait pourtant à ne pas répondre au malaise des opinions publiques sur ce sujet qui contribue à affaiblir l'adhésion à la construction européenne.

Répondre à la question sociale

Tocqueville avait déjà souligné que la démocratie est non seulement une forme de gouvernement mais aussi une " forme de société " dont le principe réside dans l'aspiration à l' " égalité des conditions " [33]. Avec la crise, la nécessité de développer la dimension sociale de l'Union européenne est devenue une évidence [34].

La construction européenne est régulièrement critiquée pour son manque de dimension sociale. Elle constitue pourtant d'ores et déjà un espace de solidarité. L'accès au marché intérieur a agi comme un vecteur de rattrapage économique pour beaucoup de pays, par exemple en Espagne, en Irlande mais aussi en Europe centrale et orientale comme le montre l'évolution de la croissance et du PIB par habitant dans ces pays depuis leur adhésion à l'Union européenne [35]. En outre, l'approfondissement de ce marché s'est accompagné au fil de la construction européenne de transferts financiers sans précédents : la PAC (40% du budget) qui a été une réussite mais qui ne l'est plus et qui doit être réformée ; et les politiques régionales et de cohésion au bénéfice des pays et des régions les plus défavorisés qui représentent un peu plus d'un tiers du budget de l'Union.

Par ailleurs, la crise de la zone euro a rendu indispensable la solidarité financière des Etats qui la composent, comme facteur de stabilité de l'union monétaire : au total, et en tenant compte des fonds alloués à l'Espagne pour assainir son système bancaire, le total des interventions européennes au titre de la solidarité financière de la zone euro atteignait fin 2012 près de 430 milliards €. Au-delà de cette exigence de solidarité " financière " stricto sensu, l'Union européenne doit désormais prendre également en considération le besoin de cohésion sociale nécessaire à une société stable. L'Europe se caractérise par une forte hétérogénéité en matière sociale. Même s'il convient de réduire l'écart entre les représentations et les réalités en la matière, les exemples de concurrence sociale, parfois agressive, sont désormais des faits avérés, notamment dans le secteur agroalimentaire, celui des transports ou du bâtiment. C'est précisément dans ce contexte qu'intervient la révision actuelle de la directive sur le détachement des travailleurs dont il faut renforcer le contrôle.

En outre, sous l'effet de la crise, le taux de chômage a fortement progressé en Europe. La crise a également rappelé la fragilité structurelle de catégories de population dont l'inclusion sur le marché du travail est plus faible : les jeunes (moins de 25 ans), les seniors (plus de 50 ans), les intérimaires, ou encore les femmes seules ayant des enfants à charge.

Si renforcer la dimension sociale de l'Union européenne, et notamment de la zone euro, est devenu une évidence, le débat " social " demeure difficile au niveau européen, et ce pour plusieurs raisons. La plupart des compétences sur ce registre restent nationales et les 28 Etats membres ont des traditions et des histoires différentes [36]; agir dans ce domaine suppose donc de prendre en compte le principe de subsidiarité et de bien distinguer qui fait quoi. Par ailleurs, tous les Etats membres ne donnent pas le même sens au mot: redistribution, encadrement et organisation des relations de travail, protection individuelle des personnes au travail ; lutte contre les discriminations. En outre, le discours sur " l'Europe sociale " est très souvent inaudible. Ce n'est pas par exemple en faisant adopter le principe d'un " SMIC européen " qu'on réduira comme par enchantement les différentiels de salaire. Ces préalables étant posés, l'adoption de mesures dans le domaine social visant notamment à accompagner les salariés confrontés à des transformations économiques et industrielles parfois brutales est indispensable sauf à laisser se renforcer l'idée que l'Europe ne fait rien pour ses travailleurs [37] !

La nécessité d'une " Europe régalienne "

Si l'Union européenne, telle qu'elle a été construite par les Etats, dispose d'un certain nombre d'instruments pour assurer le bon fonctionnement des marchés (notamment au travers de ses prérogatives en matière de concurrence, de réglementation du marché intérieur ou en matière monétaire), force est aussi de reconnaître ses faiblesses dans plusieurs domaines [38]. En particulier, sa capacité à contribuer à la stabilisation des cycles économiques dans le domaine budgétaire, ou encore son rôle dans le maintien de la sécurité et de l'état de droit (par exemple la lutte contre la corruption, l'anti-terrorisme, la défense ou la protection des frontières) sont très limités du fait de la volonté des Etats qui la composent de ne pas lui accorder de pouvoirs en ces matières. L'Union européenne a été construite dans le refus de ses Etats membres de confier à l'Union ces missions " régaliennes " en raison de la protection par les Etats de leur souveraineté [39]. Les institutions européennes se sont ainsi trouvées fort dépourvues face à la crise économique et à la demande d'un renforcement de l'état de droit et des politiques de sécurité. Il n'est dès lors pas étonnant que de nombreux partis protestataires soient aussi critiques vis-à-vis de l'action européenne qu'ils le sont vis-à-vis des politiques nationales. Un tel constat dessine en creux les contours d'un projet européen visant à mieux assurer la protection des citoyens et conduit à poser la question des formes d'exercice à l'échelle européenne de missions visant à protéger les libertés publiques et, en leur nom, la sécurité intérieure ou extérieure.

Ce programme a également une dimension économique. Les négociations commerciales en sont un exemple. Dans le monde actuel, les sources de croissance sont pour une large part hors d'Europe du fait des dynamiques démographiques et de rattrapage économique, mais aussi parce que de nombreuses innovations technologiques se diffusent ou se rentabilisent sur une échelle mondiale. Dans ce contexte, le protectionnisme n'a de protection que le nom. Cela ne veut pas dire pour autant que l'Europe ne doive pas défendre ses intérêts et ses préférences [40]. Cela passe notamment par l'exigence de la réciprocité, par exemple en matière d'application des principes d'économie de marché, de protection de la propriété intellectuelle, de commande publique ou de garanties à l'exportation. Cela suppose également d'assurer que les traités commerciaux ne remettent pas en cause (directement ou indirectement au travers de mécanismes non encadrés de règlements des différends) les dispositions existantes dans la réglementation européenne en matière de protection des consommateurs, que ce soit dans les domaines de la santé, de l'agriculture, de l'environnement ou de la finance. Enfin, cela demande que l'Europe dispose d'outils de contrôle du respect de ses règles qui soient aussi efficaces que les outils américains, par exemple, en matière fiscale, financière ou de contrôle des normes techniques.

Au-delà de la seule dimension commerciale ou de la protection du consommateur, le fondement domestique de la puissance régalienne est la capacité de lever l'impôt, érodée par l'évasion, la fraude et l'optimisation fiscales. Celles-ci remettent également en cause la justice sociale en créant une inégalité entre les contribuables, ménages ou entreprises, certains étant capable d'échapper à l'impôt. Le soutien très large dont la Commission a bénéficié dans l'affaire Apple et l'adoption rapide par le Conseil des initiatives législatives de la Commission soulignent la demande d'une action européenne forte dans ce domaine.

Ce projet répond en effet à une demande des Européens : 82% d'entre eux attendent une intervention plus importante de l'Union européenne dans la lutte contre le terrorisme, 75% dans la lutte contre la fraude fiscale, 74% sur la question migratoire, 71% sur la protection des frontières extérieures et 66% en matière de sécurité́ et de défense [41].

In fine, le thème de l'Europe régalienne permet de déplacer le débat sur la souveraineté. Une Europe régalienne est une Europe qui renforce la souveraineté de la puissance publique, qu'elle s'exerce au niveau national ou européen. L'Union européenne et les Etats européens, dans le modèle démocratique et libéral qui est le nôtre, ont la même raison d'être : protéger la sécurité de leurs citoyens, à la fois physiquement et économiquement, tout en donnant le plus grand espace possible à la liberté individuelle. La préservation de l'ouverture des frontières et des valeurs européennes libérales suppose la constitution d'une Europe régalienne, sans quoi le risque du repli national ne fera que s'amplifier. Or il y a peu de chance que ce repli apporte plus de solutions que de nouveaux problèmes. En particulier, la renationalisation ne saurait apporter en elle-même la solution à des phénomènes qui dépassent les nations : elle n'arrêterait pas l'afflux des migrants, elle ne répondrait pas aux fragilités économiques, elle ne rendrait pas la politique plus éthique, elle ne mettrait pas un terme aux menaces terroristes. Ce qui est en jeu est bien plus de déterminer le contenu des politiques à mener et les lignes de fractures sur ce point traversent les débats nationaux. Enfin, le repli national, ne remédierait en rien aux désaccords européens, au contraire. L'acrimonie à l'égard de " Bruxelles " se transformerait en rancœur à l'égard des Etats européens voisins, qui reprendraient le rôle de bouc-émissaires qu'ils avaient avant la construction européenne et qui resurgit déjà périodiquement. Revenir à une Europe nationale serait renouer le fil d'une histoire de divisions politiques que la construction européenne n'a pas fait disparaître mais qu'elle a su entourer de garde-fous.

***

Lutter contre les populismes, c'est in fine (re)créer une vision et un sens, un projet politique de long terme. Ce projet doit être celui de reconstruire un modèle politique proprement européen à l'échelle du continent capable de prendre en compte un certain nombre d'exigences incontournables : répondre à la crise de sens, au besoin de solidarité et de lutte contre les inégalités, recréer un sentiment d'appartenance par la recherche de la communauté et de l'identité, et enfin répondre à la demande de protection en matière économique et sociale mais aussi en matière de sécurité. Sur le plan externe, il s'agit de rendre ce projet politique " compétitif " dans la concurrence mondiale des modèles d'organisation politique et socio-économique. Ce n'est qu'en apportant des réponses aux attentes exprimées par les Européens que ces derniers pourront trouver leur place dans le monde en transformation. Ce n'est qu'en étant sûrs de leurs principes qu'ils pourront cesser d'être spectateurs et devenir les acteurs à part entière de la mondialisation. Telle est la condition pour que les Européens surmontent leur désarroi et redécouvrent le sentiment de leur liberté.


[1] Ce texte reprend et développe des considérations publiées initialement dans " Euroscepticismes et europhobie : l'Europe à l'épreuve des populismes ", in Rapport Schuman sur l'Europe. L'état de l'Union 2016, Lignes de repères, 2016 et dans " Comment répondre aux attentes des Européens ? ", avec Jean-François Jamet, in Commentaire, n°155, automne 2016.
[2] Je remercie Yves Bertoncini pour ses éclairages sur ce point lors de nos discussions sur le sujet.
[3] Voir par exemple pour la France Laurent Davezies, La crise qui vient. La nouvelle fracture territoriale, Le Seuil, 2012 et Christophe Guilly, La France périphérique: comment on a sacrifié les classes populaires, Flammarion, 2014.
[4] Cf. Louis Chauvel, La spirale du déclassement, Le Seuil, 2016 et Les Classes moyennes à la dérive, Le Seuil, 2006.
[5] Cf. Pascal Perrineau, " Les Européens et la question migratoire ", Rapport Schuman sur l'Europe. L'état de l'Union 2016, Lignes de repères, 2016 ; et Wouter Van der Brug, Meindert Fennema, Jean Tillie, " Anti-immigrant parties in Europe : Ideological or Protest Vote ? ", in European Journal of Political Research, 37, 2000, p. 77- 102.
[6] V. Gérard Grunberg, " Le peuple, quel peuple ? Les élites, quelles élites ? ", Telos, 14 novembre 2016.
[7] Cf. Jan-Werner Müller, Qu'est-ce que le populisme ? Définir enfin la menace, Editions Premier Parallèle, 2016.
[8] Voir Cas Mudde and Cristobal Rovira Kaltwasser (eds.), Populims in Europe and the Americas: Threat or Corrective for Democracy? New York, Cambridge University Press, 2013.
[9] Yves Mény and Yves Surel, Democracies and the Populist Challenge, New York, Palgrave, 2002. Le populisme n'est pas nécessairement incompatible avec le libéralisme en tout cas dans sa composante économique et sa variante "néolibérale"; comme le montrent certains exemples en Amérique latine où l'on a pu parler de "populisme néolibéral". Cf. Kurt Weyland, "Neopopulism and neoliberalism in Latin America: Unexpected affinities", Studies in Comparative International Development, 31/1996, p. 3-31.
[10] Cf. Bernard Manin, " Les deux libéralismes : marché ou contre-pouvoirs ", in Intervention, n°9, 1984. Catherine Audard, Qu'est-ce que le libéralisme ? Ethique, politique, société, Paris, Gallimard, 2009.
[11] Voir Samuel Issacharoff, Fragile Democracies, New York, Cambridge University Press, 2015.
[12] Cf. Pierre-André Taguieff, La revanche du nationalisme. Néopopulistes et xénophobes à l'assaut de l'Europe, Paris, PUF, 2015.
[13] Thierry Chopin et Jean-François Jamet, " L'Europe libérale en question ", Commentaire, n°134, été 2011.
[14] Selon l'expression de Fareed Zakaria, "The Rise of Illiberal Democracy", Foreign Affairs, 76:6, 1997. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, dénonce la "crise d'identité du libéralisme" in Speech at the 14th Kötcse civil picnic, September 5th 2015
[15]Cf. Pascal Perrineau, "L'irrésistible ascension des nationaux-populismes en Europe?", in Y.-C. Zarka, P. Perrineau, A. Laquièze (dir.), L'Union européenne entre implosion et refondation, Editions Mimésis, 2016, p. 143-155.
[16] Timothy Garton Ash, "Populists are out to divide us. They must be stopped", The Guardian, November 11th 2016.
[17] Manuel Funke, Moritz Schularick, Christoph Trebesch, Going to Extremes: Politics after Financial Crisis, 1870-2014, Center for Economic Studies (CES) / Institut IFO 2015 –
[18] Voir Catherine de Vries and Isabell Hoffmann, Fear not Values. Public opinion and the populist vote in Europe, Bertelsmann Stiftung / eupinions, 2016 / 3
[19] Cf. Daniel Cohen, Trois leçons sur la société post-industrielle, Le Seuil, 2006.
[20] René Girard, Le bouc émissaire, Grasset, 1982.
[21] Voir Dominique Reynié, Populismes : la pente fatale, Plon, 2011 et Les nouveaux populismes, Hachette Pluriel, 2013
[22] Ce mécanisme s'applique de manière évidente aux " démocraties de consensus " - Autriche, Belgique, Pays-Bas, etc. - que A Lijphart et J.T. Hottinger ont appelé " Les démocraties consociatives ", in Revue internationale de politique comparée, vol. 4, n°3, 1997, p. 529-697. Mais cela s'applique aussi à des systèmes politiques majoritaires comme en France où la montée du Front national s'explique aussi par le sentiment de maints citoyens d'avoir " tout essayé ".
[23] Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie. La politique à l'âge de la défiance, Le Seuil, 2006, p. 269-277.
[24]  Voir Abram N. Shulsky, " La démocratie libérale : victorieuse et assaillie ", Commentaire, n°148, hiver 2014-2015 et Pierre Manent, " La crise du libéralisme ", Commentaire, n° 141, printemps 2013.
[25] Ivan Krastev parle de "démocratie du rejet" (" democracy of rejection ") pour qualifier la politique de protestation globale actuelle, in Democracy Disrupted : the Politics of Global Protest, Philadelphia, University of Pennsylvania, 2014.
[26]  Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Paris, Le Seuil, 2013.
[27]  John Stuart Mill notait ainsi qu'" en économie, le laisser-faire doit être la pratique courante et on ne doit s'en éloigner que lorsque cela est nécessaire pour atteindre un grand bien. Cette maxime est indiscutablement solide en tant que règle générale ; mais elle comporte de nombreuses et évidentes exceptions " (J. S. Mill, Principes d'économie politique, 1848). Mill donne quelques exemples, en particulier la protection du consommateur et le droit des contrats.
[28] Cf. Philippe Aghion et Alexandra Roulet, Repenser l'Etat, Paris, Le Seuil, 2011.
[29]  John Rawls, A Therory of Justice, The Belknap Press of Harvard University Press, 1971.
[30] Pierre Hassner, " L'Europe et le spectre des nationalismes ", Esprit, octobre 1991 ; repris dans La violence et la paix, Paris, Le Seuil, 1995.
[31] Michel Foucher, Le retour des frontières, CNRS Editions, 2016 et L'Obsession des frontières, Perrin, 2007. Comme l'avait signalé Vaclav Havel : " dans l'Histoire, la Russie s'est étendue et rétractée. La plupart des conflits trouvent leur origine dans des querelles de frontières et dans la conquête ou la perte de territoire. Le jour où nous conviendrons dans le calme où se termine l'Union européenne et où commence la Fédération russe, la moitié de la tension entre les deux disparaîtra ".
[32] Les partisans de l'adhésion de la Turquie avaient obtenu que la question des " frontières de l'Europe " n'apparaisse pas dans le mandat du groupe de réflexion sur " l'Europe en 2030 " que l'ancien président du gouvernement espagnol, Felipe Gonzalez, avait présidé en 2010
[33]  Pour une réévaluation contemporaine de cette thèse, cf. Pierre Rosanvallon, La société des égaux, Paris, Le Seuil, 2011.
[34] Voir Jürgen Habermas, " Democracy, Solidarity and the European Crisis ", discours prononcé à l'Université de Leuven aux Pays-Bas, 26 avril 2013.
[35] En 1990, les PIB/habitant de la Pologne et de l'Ukraine étaient similaires. 25 ans plus tard, le rapport était de 1 à 4 entre les deux pays. Cf. Gilles Lepesant, " 2004-2014 : bilan d'une décennie d'élargissements ", Question d'Europe n°311, Fondation Robert Schuman, avril 2014.
[36] G. Esping Andersen, Les trois mondes de l'État providence. Essai sur le capitalisme moderne, PUF, 2007.
[37] Le renforcement du Fonds d'ajustement à la mondialisation est ici indispensable.
[38] V. Thierry Chopin, " Pour une Europe régalienne ", Le Monde, 30 juin 2016.
[39] Dès 1954, la France refuse avec le rejet de la Communauté européenne de défense la constitution d'une défense européenne.
[40] Dès 1954, la France refuse avec le rejet de la Communauté européenne de défense la constitution d'une défense européenne.
[41] Cf. "Les Européens en 2016", Eurobaromètre spécial du Parlement européen, juin 2016.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

Le "moment populiste" : vers une Europe "post-libérale" ?

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