"Hard ou Soft Brexit " ?

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Pierre-Alain Coffinier

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24 octobre 2016
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Coffinier Pierre-Alain

Pierre-Alain Coffinier

Conseiller diplomatique de l'INHESJ

"Hard ou Soft Brexit " ?

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Trois mois après le référendum, sous la pression des milieux économiques et des partenaires européens, la Première ministre britannique, Theresa May, a annoncé le 2 octobre à l'occasion du congrès du parti conservateur à Birmingham les grandes lignes de sa vision d'un Royaume-Uni " redevenu souverain " après sa sortie de l'Union européenne[1]. Le pays contrôlerait à nouveau son immigration et sa législation, tout en assurant aux entreprises la possibilité d'"agir et opérer avec un maximum de liberté dans le marché unique européen". L'insistance de la Première Ministre sur la souveraineté et le contrôle de l'immigration, ses accents sociaux, laissent entendre qu'elle privilégierait un " hard Brexit " en dehors de l'Espace économique européen.

Une telle vision est une chimère. Aucun des modèles actuels hors de l'Union européenne ne permet de concilier ces exigences.

Les agents économiques sont nerveux. Les pressions se multiplient pour conserver a minima l'accès au marché unique européen.

La Première ministre annonce son intention d'enclencher les négociations avant la fin du mois de mars 2017. Elle souhaite limiter le rôle du parlement. Mais le processus particulièrement ardu qui pourrait durer des années ne le permettrait pas. Westminster pèsera pour défendre les intérêts supérieurs du pays. A ces pressions s'ajouteront celles des entités dévolues, Ecosse et Irlande du Nord, que Theresa May entend tenir à distance. Leur vote pour l'Europe a pourtant été clair. Elles défendront un maintien dans l'espace économique européen faute de quoi pourrait ressurgir le spectre de troubles en Irlande ou d'une indépendance écossaise - laquelle signerait la fin de la dissuasion nucléaire du Royaume-Uni et de son rôle mondial.

Si elle ne s'enraie pas avant, par exemple par un retournement politique ou de l'opinion, l'aventure britannique qui divise le pays comme jamais aboutira au mieux à une solution médiane - un " soft Brexit " - mais d'où l'influence politique de Londres dans l'Union européenne et le monde pourrait sortir très amoindrie.

Une démonstration par l'absurde des bienfaits de l'Union ?

L'objectif tel que défini actuellement est une chimère

Trois mois après le référendum, il n'était plus possible à Theresa May au congrès du parti conservateur de différer davantage les grandes lignes de son projet pour le Royaume-Uni et l'annonce attendue par tous de la date de l'invocation de l'article 50 du traité de Lisbonne. Elle s'est dévoilée un minimum, guidée en apparence plus par le mandat démocratique donné par les circonstances de sa nomination au lendemain du référendum - c'est elle qui doit mettre en œuvre la volonté populaire exprimée - que par une idée claire de là où elle entend mener son pays : "Brexit means Brexit", "We'll make a success of it". Pour l'avenir, le "bon accord pour le Royaume-Uni" inclura le "libre échange des biens et services".

Elle est plus précise sur l'immigration et le rejet des lois jugées intrusives de Bruxelles ou Luxembourg. " La nouvelle relation inclura le contrôle du mouvement des personnes en provenance de l'Union européenne (...). Il s'agira de développer notre propre modèle britannique ". Les entreprises pourront "agir et opérer avec un maximum de liberté dans le marché unique européen". Mais " nos lois seront faites à Westminster, pas à Bruxelles ".

Répétées avec une certaine intransigeance, de telles conditions sont dangereuses pour une économie qui bénéficie grandement de son insertion dans l'Union européenne : en 2015, 44% de ses exportations de biens et services se dirigeaient vers le continent d'où provenaient 53% de ses importations. Londres est la première place financière mondiale et dépend beaucoup pour certains de ses secteurs (assurances, compensations en euro) de son insertion dans l'Espace économique européen.

L'Europe a aussi beaucoup à perdre. Deuxième ou troisième économie européenne (selon la valeur de la livre) ; le Royaume-Uni compte pour 10% du commerce de ses partenaires continentaux. Son départ est pour le projet européen une véritable amputation économique, politique, stratégique mais aussi civilisationnelle et culturelle.

La libre circulation des personnes : une dérogation à ce principe serait extrêmement difficile à obtenir

Les enquêtes[2] ont montré que la crainte de l'immigration avait été l'un des principaux motifs du rejet de l'Europe lors du vote le 23 juin. De fait, avec un solde net de 327 000 personnes dont 180 000 Européens, l'immigration nette au Royaume-Uni a été en 2015 la plus élevée jamais enregistrée.

Mais les populistes ont entretenu les amalgames. En 2015, environ 3,3 millions de ressortissants d'un autre pays européen vivaient au Royaume-Uni, soit 5% de la population. Ce sont d'abord 880 000 Polonais, suivis de 411 000 Irlandais, 300 000 Allemands - et presque autant de Français - peu suspects de poser des problèmes d'intégration. Les actes racistes en recrudescence depuis le référendum ont autant visé les " minorités visibles " que les Européens de l'est: 6,9% de la population du Royaume-Uni est d'origine asiatique, 3% d'origine africaine, 2% est métis. D'une manière générale, les bénéfices collectifs de l'immigration au Royaume-Uni sont supérieurs aux coûts. Ceci est particulièrement vrai pour les Européens dont le niveau de qualification est supérieur à la moyenne[3].

S'agissant des moyens de contrôle de cette immigration, le gouvernement britannique a déjà plus d'outils que d'autres. Pour les non-Européens, le pays est hors Schengen mais dans une " Zone commune de voyage " (" Common Travel Area ") préexistante avec la République d'Irlande. Il pratique sa propre politique migratoire. Le Royaume-Uni a refusé le plan d'accueil proposé par la Commission européenne de quotas de réfugiés par pays. Mme May soutient un plan d'aide aux pays d'origine. Pour faire davantage, les Etats membres conservent le pouvoir de restreindre l'accès aux prestations sociales pour des migrants n'ayant pas d'emploi rémunéré.

Les chances de parvenir à des concessions sont minimes

Sans doute les migrations sont-elles partout en Europe une question sensible. Mais il s'agit d'abord d'une réaction à l'afflux de migrants économiques et politiques du Moyen-Orient et du Sahel. En Allemagne, la classe politique ne s'inquiète guère des ressortissants européens travaillant chez elle. En France, aux Pays-Bas, en Italie, la population est d'abord sensible aux étrangers musulmans.

Tous les responsables européens se déclarent fermés à une demande de dérogation britannique sur la circulation des personnes - d'ailleurs physiques et morales, ce qui inclut donc les services - dans l'hypothèse où celui-ci souhaiterait se maintenir dans le marché unique européen. Toute restriction de la libre circulation par Londres une fois sortie de l'Union européenne lui fermerait l'accès au marché unique. Cette intransigeance tient à la crainte du populisme europhobe. Ni à Paris, La Haye, Copenhague ou Rome on ne souhaite que certains partis se prévalent d'un précédent britannique pour demander une sortie de l'Union. Il faut que le Brexit ait un coût. Les bénéfices de l'accès au marché unique ont un prix - que paient tant la Norvège que la Suisse.

De retour d'une tournée dans plusieurs capitales européennes, le directeur du think-tank Centre for European Reform, Charles Grant, a expliqué dernièrement pourquoi Berlin, Paris et Varsovie notamment se montreraient intransigeants sur l'immigration[4]. En sa qualité de chef de file officieux, l'Allemagne avait une responsabilité particulière vis-à-vis de l'Union européenne et devait incarner à la fois l'intérêt de tous et l'orthodoxie communautaire. Si la France avait une position légaliste - et fermée - sur une demande de dérogation ou d'aménagement britannique, Berlin devrait suivre. Si le Royaume-Uni souhaitait une immigration choisie, lui permettant d'attirer les plus qualifiés des ressortissants de l'Est européen pour laisser à l'Allemagne les moins qualifiés, Berlin le prendrait mal. La fermeté actuelle n'était pas une position de négociation. Le groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, Slovaquie et République tchèque) qui a beaucoup de ressortissants en Europe occidentale serait intransigeant. Or pour l'approbation d'une nouvelle relation entre le Royaume-Uni et l'Union Européenne, un nouveau traité, chaque pays a un veto.

L'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne doit être approuvé par le Parlement européen. Attentif aux intérêts des citoyens européens, celui-ci rejetterait un texte qui comporterait une exception à la libre circulation des personnes dans la participation au marché unique.

Sans intégration progressive de l'acquis communautaire, une demande d'accès sans restriction au plus grand marché du monde pour les biens et services n'a pas plus de chances d'aboutir. Même en souscrivant à cette condition, l'ouverture du marché unique à un pays extérieur à l'Union européenne comporterait des conditions ou restrictions inacceptables pour les Britanniques.

La transposition dans les lois nationales de l'acquis communautaire au fur et à mesure de son évolution comme l'acceptation d'un arbitrage supérieur sont la seule façon d'assurer le bon fonctionnement du marché unique. A l'intérieur de l'Union européenne il n'y a pas de dérogation. En dehors, les pays les plus intégrés sont les autres membres de l'Espace économique européen, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein. Ils ont un accès libre au marché unique européen mais doivent en respecter intégralement les quatre libertés de mouvement (biens, services, capitaux et personnes). Ils ne participent pas à la politique agricole commune (PAC) ni à la politique commune de pêche (PCP), ni à la coopération de politique étrangère, de sécurité et de défense, à laquelle ils peuvent s'associer au cas par cas. Ils ne font pas partie de l'union douanière européenne et les frontières avec ses membres doivent permettre le contrôle des règles d'origine. En contrepartie, la Norvège par exemple paie un droit d'accès équivalent par habitant à 83% de la contribution britannique. Les trois pays doivent reprendre au fur et à mesure toute la législation européenne sans avoir leur mot à dire lors de sa négociation. Les litiges sont arbitrés par la Cour de l'Espace économique européen, qui se montre souvent plus ferme que la Cour de Luxembourg.

Si le Royaume-Uni suivait un tel statut, le principal changement pour les agents économiques serait que Londres perdrait toute capacité d'influence sur la législation communautaire. Ce serait humiliant pour la deuxième ou troisième économie européenne, invendable aux électeurs qui demandaient davantage de souveraineté et difficilement acceptable pour le secteur financier qui représente 7.5% du PIB britannique. Une frontière diviserait l'Irlande.

Dans un ordre d'intégration et de contraintes décroissant figure ensuite le " modèle suisse ". Celui-ci n'oblige pas la Confédération à reprendre l'acquis communautaire au fur et à mesure, bien que des pressions s'exercent en ce sens. Sa relation avec l'Union européenne est régie par une série d'accords bilatéraux (agriculture, libre circulation des personnes, commerce, fiscalité, etc.). Pour le Royaume-Uni, le premier problème serait que ce statut ne donne pas à la Suisse d'accès au marché unique des services, y compris financiers. Ses banques recourent à des filiales basées à Londres. Cette relation ne permet aucun contrôle des migrants communautaires. Les principales capitales européennes ne souhaiteront pas reproduire ce modèle qui donne lieu à nombre de litiges avec Berne.

L'Union européenne et le Canada ont conclu fin 2014, après sept ans de négociations, un accord de libre-échange couvrant la plupart des aspects de la relation économique bilatérale, notamment les biens et les services, l'investissement et les achats gouvernementaux. Cet accord n'inclut pas la libre circulation des personnes. Ottawa n'a pas de contribution à payer. Mais les services concernés sont très limités. Si le Canada souhaite pénétrer le marché unique avec les bénéfices du " passeport " européen, il doit établir une présence dans l'Union et respecter toutes les règles. Un tel statut serait bien moins avantageux pour la City que l'actuel.

Faute de mieux, les relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne seraient régies par les règles de l'OMC. Londres pourrait importer à meilleur coût qu'actuellement des denrées alimentaires - les prix du bœuf et du veau sont actuellement 30% plus cher dans l'Union que les cours mondiaux - mais aussi voitures, textiles et autres denrées soumises au tarif extérieur commun européen. Mais cela exposerait davantage le Royaume-Uni à la mondialisation. Dans un monde plus concurrentiel, les plus faibles souffriraient le plus. Ce serait potentiellement catastrophique pour l'industrie britannique. En 2015 le Royaume-Uni a produit plus de voitures que la France. Plus de 80% était destiné à l'exportation, pour la plupart vers l'Union européenne. Des droits de douane de 10% seraient inacceptables quand la marge de profit tourne autour de 5%.

Les négociations pour y parvenir ne seraient pas simples. Les partisans du Brexit ont évoqué la possibilité d'accords de libre-échange avec les anciens dominions (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande) et de grands pays (Etats-Unis, Chine). Les pourparlers ne peuvent commencer formellement avant la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne, les accords économiques avec les partenaires externes restant une compétence exclusive de Bruxelles. Il y en a actuellement 53. Bien entendu, Londres peut d'ores et déjà approcher informellement les capitales concernées. Mais comment avancer si sur le point qui les intéressera le plus, l'accès au marché unique européen à partir du Royaume-Uni, pas la moindre assurance ne saurait être donnée dès maintenant ? Par ailleurs, lors du G20 en Chine début septembre, les Etats-Unis comme le Japon se sont inquiétés de la voie sur laquelle le Royaume-Uni entendait s'engager. Pour Obama, un accord bilatéral avec Londres ne serait pas la priorité de Washington qui préparait des accords commerciaux avec de grands groupes de pays[5]. Le Japon est préoccupé par la perte de l'accès au marché unique européen pour les filiales de ses entreprises basées au Royaume-Uni, notamment en matière de services financiers[6]. De telles positions augurent mal des accords qui pourraient être signés avec ces deux partenaires tiers primordiaux.

L'ancien directeur général du Service juridique du Conseil, Jean-Claude Piris, a analysé les différentes possibilités[7]. Aucune n'est aussi satisfaisante que la situation actuelle. Toutes engagent le Royaume-Uni dans des négociations aussi longues qu'incertaines. La plus réaliste semble bien un maintien du pays dans l'Espace économique européen. Afin de faciliter l'acceptation par l'opinion britannique des contraintes qu'il comporte, comme de maintenir un degré élevé d'intégration européenne auquel nous avons tous intérêt, une étude propose des droits réévalués pour ses membres hors Union européenne[8]. Une telle solution qui limiterait les coûts pour l'Europe et le Royaume-Uni du Brexit serait bien sûr soumise à l'épreuve des négociations.

Face à l'incertitude, la nervosité des agents économiques

Jusqu'aux éléments annoncés par Theresa May à Birmingham sur le Brexit, le principal effet économique du vote du 23 juin restait, après le choc initial qui a fait plonger les bourses, la dépréciation de la livre sterling d'environ 10%. Cela s'est traduit l'été dernier par une hausse des recettes touristiques. La balance commerciale britannique étant très déficitaire, cela entraînera de l'inflation qui frappera davantage les budgets les plus serrés. La consommation s'est maintenue en juillet, mais a été morose en août.

La baisse de la livre pourrait profiter à la compétitivité de l'industrie britannique. Mais dans la phase d'incertitude prolongée anticipée, les premiers signes d'une suspension d'investissements apparaissent. Les chambres de commerce britanniques ont divisé par deux leurs anticipations de croissance du PIB de 2,3% à 1% pour l'an prochain, soit la pire performance économique depuis la crise financière de 2009. La Banque d'Angleterre a baissé les taux d'intérêt à un niveau record de 0,25% qui n'a pas eu l'effet attendu sur les investissements ni la consommation.

Les craintes d'un " hard Brexit " s'étant précisées, la position du Royaume-Uni comme hub financier global pourrait être affectée. Selon PwC[9], 2 millions de personnes sont employées directement ou indirectement dans les services financiers britanniques. Les secteurs dans lesquels la confiance baisse le plus sont les sociétés de crédit, les entreprises de construction et les gestionnaires d'actifs. Leurs inquiétudes portent sur l'impact négatif du Brexit sur l'économie en général, les changements concernant l'accès aux marchés européens, l'incertitude sur les accords commerciaux subséquents et la perspective de rendements plus faibles. Quelques 5 500 sociétés financières notamment américaines, japonaises, suisses, basées au Royaume-Uni, seraient touchées et beaucoup envisageraient de se relocaliser. Pour le Financial Times[10], un cinquième des revenus de la City, soit quelques 9 milliards £, serait menacé par un accès restreint au marché unique des services financiers, c'est-à-dire par la perte des droits de " passeport " européen. Le directeur de la bourse de Londres affirme que 100 000 emplois pourraient quitter le Royaume-Uni si la City perdait sa capacité à faire des transactions en euro.

Carlos Ghosn, le patron de Renault-Nissan, qui possède à Sunderland (nord-est de l'Angleterre) la plus grosse usine automobile du pays (un demi-million de véhicules par an), a annoncé qu'il gelait ses investissements jusqu'à ce que soient clarifiées les futures relations avec l'UE, notamment en matière de droits de douane. Jaguar Land Rover s'inquiète également. Le groupe britannique, qui appartient à Tata, a calculé que si le Royaume-Uni revenait aux règles de l'OMC, avec des droits de douane de 10 % sur ses exportations vers l'Europe, ses bénéfices annuels seraient amputés de 1 milliard £.

Dans l'espoir d'obtenir une formule qui satisfasse leurs intérêts, des " clients anonymes " (fortement soupçonnés d'appartenir au monde des affaires) se sont mobilisés dès fin juin pour exiger des assurances sur "le respect de la constitution du Royaume-Uni et de la souveraineté du parlement lorsque serait invoqué l'article 50" du traité de l'UE[11]. Pas moins de 6 actions en ce sens ont été lancées. Depuis le discours de Theresa May à Birmingham, quatre grands patrons de l'industrie, y compris celui de la puissante Confederation of British Industries (CBI), ont signé une lettre demandant le maintien du Royaume-Uni dans le marché unique européen : " un départ de l'Union européenne sans le moindre accord commercial préférentiel et dérogeant aux règles standard de l'OMC causerait sur le long terme un préjudice grave à l'économie britannique. Les Britanniques ont voté pour quitter l'UE, pas pour une baisse du niveau de vie. Nous demandons un Brexit qui préserve la prospérité de tous au Royaume-Uni ".

Le nouveau conseiller économique du ministère chargé du Brexit, Raoul Ruparel, estime qu'un départ du Royaume-Uni de l'union douanière européenne (qui n'englobe pas la Norvège et l'Islande) coûterait sur le long terme entre 1 et 1,2% de PIB, soit environ 25 milliards £ chaque année[12].

Il va sans dire que la situation de l'économie pèsera sur le processus parlementaire et politique de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Or celui-ci sera particulièrement long et ardu.

Quand bien même on admettrait l'objectif de Theresa May, par exemple comme une position de négociation susceptible d'évoluer vers un Brexit " soft ", le chemin pour y parvenir est inexploré. Il ouvre nombre de questions constitutionnelles et juridiques à Londres, mais aussi dans les administrations nord-irlandaise et écossaise, qui ne rendent pas plus réalisables les conditions de la Première Ministre.

Le référendum du 23 juin a tant divisé le Royaume-Uni que, dès l'annonce des résultats, des débats ont éclaté sur les suites à lui donner. A titre anecdotique, les puristes favorables au maintien fulminaient contre l'organisation même du scrutin qui allait à l'encontre du principe sacro-saint dans la démocratie parlementaire britannique de la souveraineté suprême du parlement dans lequel les référendums n'ont pas de place.

Mais ce scrutin crée un fait politique impossible à ignorer. Il faut donc mettre en application l'article 50 TUE qui prévoit que "tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union. L'État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. (...) l'Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union ". " Les traités cessent d'être applicables à l'État concerné à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification (...), sauf si le Conseil européen, en accord avec l'État membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai ".

Faute de Constitution britannique, la première question qui se pose est de savoir à qui, du gouvernement ou du parlement, il revient d'invoquer cet article puis de négocier l'accord de retrait et de définir le " cadre des relations futures ".

Quel rôle pour le Parlement ?

Du fait de sa centralité dans la démocratie britannique, la question du rôle du parlement  se pose dès la phase initiale du processus de sortie déclenchée par l'invocation de l'article 50.

Pour le gouvernement, le référendum a déjà été examiné par les députés qui se sont prononcés au printemps sur la question posée. C'est à lui seul qu'il appartiendrait maintenant de notifier la décision de sortir au Conseil Européen. Au-delà, le retrait touchant la relation liant le Royaume-Uni à des pays étrangers, le texte serait une " prérogative royale ". A ce titre, c'est aussi au gouvernement qu'il reviendrait de négocier l'accord de sortie et le processus subséquent. Cette position a été réitérée par Mme May le 2 octobre : Whitehall (le gouvernement) n'aurait pas de comptes à rendre au fur et à mesure de la négociation. La motivation politique de cette position est claire : à la veille du référendum plus des trois quarts des membres de la Chambre des Communes, soit 479 y compris 185 députés Tory sur 330, déclaraient voter pour rester dans l'Union européenne. La majorité favorable à l'Europe était plus nette encore chez les Lords. Un nouveau passage devant le parlement signifierait pour le gouvernement une marge de manœuvre sérieusement réduite : les députés exigeraient des lignes rouges, une feuille de route, des termes de référence.

Stricto sensu, la position du gouvernement peut se défendre. Néanmoins le champ des " prérogatives royales " a été restreint en 2010 et, sauf exception, les traités internationaux doivent maintenant être présentés au parlement 21 jours avant la ratification. La Chambre des Communes peut en débattre et son avis doit être suivi. Elle a potentiellement un droit de veto bien qu'elle ne l'ait jamais exercé.

Mais les juristes et les parlementaires estiment que la réforme de 2010 du champ des " prérogatives royales " n'est pas allée assez loin car elle ne permet pas de suivi du texte sur le fond au fur et à mesure de la négociation. L'un des plus éminents spécialistes de droit constitutionnel et public britannique, Derrick Wyatt, Professeur émérite à l'université d'Oxford, a fait valoir à la commission européenne de la Chambre des Lords le 6 septembre que l'ampleur du bouleversement que produirait le Brexit justifierait une révision constitutionnelle[13]. Seraient en effet affectés les droits de près de 4 millions de personnes - entre les ressortissants européens au Royaume-Uni et les Britanniques résidant dans le reste de l'Union européenne - les intérêts économiques et politiques de toute la population et le mode de gouvernement des administrations dévolues. Les relations commerciales futures avec l'Europe seront aussi indissociables des questions de politique intérieure. Les accords de libre-échange portent en effet plus sur des barrières non-tarifaires telles que l'harmonisation des normes et règles que sur des droits de douane. L'un des objectifs du suivi parlementaire pourrait être de réunir un soutien multipartite sur les positions de négociation britanniques, faute de quoi elles pourraient être sapées avant même la conclusion de l'accord. Or un tel soutien serait bien plus facile à obtenir dans le cours des négociations que face à un texte à prendre ou à laisser en fin de parcours. Parallèlement, le parlement pourrait s'assurer lors du processus que les vues de toutes les parties concernées sont bien prises en considération. Il devrait s'abstenir d'un examen tatillon mais veiller aux intérêts supérieurs du pays.

Depuis le discours de Theresa May laissant entendre que le gouvernement voudrait engager le pays vers un " hard Brexit ", les pressions redoublent : une coalition sans précédent de parlementaires conservateurs, travaillistes, libéraux-démocrates, du Scottish National Party et des verts a demandé au gouvernement un vote à la Chambre des Communes sur la position du gouvernement avant la notification officielle de la décision de quitter l'Union. La position du gouvernement a connu début octobre un premier revers. La Cour lui demande d'argumenter son assertion selon laquelle le Brexit appartiendrait au domaine des " prérogatives royales " réservé aux traités internationaux. Mme May vient de céder à la pression. Elle a consenti le 12 octobre un débat parlementaire sur la voie qu'entendait prendre le Royaume-Uni.

Quels accords ? Quelles règles ?

Le départ britannique pourrait être un processus étalé sur de longues années, voire progressif. Pas moins de cinq accords pourraient être nécessaires. L'article 50 prévoit un accord de retrait et un accord-cadre sur la relation future entre le Royaume-Uni et ses 27 anciens partenaires. Au-delà, il faudrait un traité proprement dit avec l'Union européenne et des traités de libre-échange, selon toute probabilité, avec des partenaires extérieurs. A ces quatre accords - ou série d'accords - s'ajouterait selon certains un accord intérimaire permettant d'éviter la rupture entre la situation actuelle dans l'Union et la situation subséquente. Chacun présente ses propres complications.

Accord de départ

L'accord de départ serait comme tout divorce portant sur des biens et de l'argent dur et acrimonieux. Il s'agirait d'abord de séparer les avoirs, de répartir les dettes, le budget, les droits acquis, pensions, propriétés et institutions. Il faudrait déterminer où déménageraient les institutions dont le siège est en Angleterre comme l'Agence européenne des Médicaments, ou l'Autorité européenne des Banques. Cela pourrait être réglé avant les prochaines élections au parlement européen de 2019. Il serait paradoxal d'avoir à élire à nouveau des députés britanniques à Strasbourg.

Mais la difficulté pour remplir la première condition de l'article 50 serait de rédiger " les modalités du départ en tenant compte du cadre des relations futures entre le Royaume-Uni et l'Union ". Cela n'ayant jamais été fait, personne ne sait ce que devrait recouvrir un tel " cadre " ; encore moins quel serait son statut juridique en cas de litige. A minima il faudrait une vision pour les relations subséquentes. Dans cette vision pourrait figurer le contrôle des immigrés.

Traité sur les relations subséquentes entre le Royaume-Uni et l'Europe

Theresa May a annoncé d'abord un " grand accord d'abrogation " (" Great Repeal Act ") qui, pour minimiser les ruptures, commencerait par transposer le droit européen d'application directe (sans intégration dans la législation locale) en droit britannique. Cette première tâche va de soi : le point de départ des relations futures ne saurait être que les relations actuelles. Elle laisse le soin au parlement d'examiner ensuite quelle part de cette législation conserver, amender, abroger. Cette transposition automatique épargne dans l'immédiat aux Britanniques un travail colossal : trier et arbitrer sur l'avenir des 13 000 textes sur 80 000 pages de l' " acquis communautaire ".

Au-delà, la relation future chercherait sans doute à maintenir avec l'Europe une coopération étroite dans une série de domaines où les intérêts convergent : en matière de sécurité - terrorisme, trafic de drogues, coopération policière transfrontalière, mandat d'arrêt européen. Il en va de même pour la politique extérieure, y compris les sanctions, la sécurité internationale, le développement et l'aide d'urgence. Londres voudra conserver les aides européennes à la recherche, bien que la part disproportionnée qu'en tirent ses universités et instituts fasse des jaloux. On peut prédire également des vues concordantes en matière d'environnement, de changement climatique, de politique de l'énergie, d'interconnexion des réseaux énergétiques. Une coordination doit aussi sans doute pouvoir être instituée sur les positions en matière de politique économique internationale dans les institutions de Bretton Woods et les agences onusiennes. Les Etats membres seront aussi très intéressés par la politique britannique en matière d'aides d'Etat, de concurrence, de protection des consommateurs et de droit d'établissement (la liberté de circulation s'appliquant aux personnes physiques et morales), de santé, de droit du travail. Selon les experts, il pourrait être possible de négocier tout cela en deux ans.

Le volet commercial de la relation future pourrait prendre bien plus de temps. Le plus simple serait que le Royaume-Uni reste dans l'Espace économique européen. Si finalement les positions s'assouplissant, cela paraissait envisageable, il faudrait d'abord que le Royaume-Uni négocie, après sa sortie de l'Union euroépenne, son adhésion à l'Accord européen de libre Echange (AELE - Islande, Liechtenstein, Norvège et Suisse). Une fois admis, il devrait faire acte de candidature à l'Espace économique européen (les précédents moins la Suisse). Or pour intégrer celui-ci, il doit avoir l'accord des trois membres actuels et la Norvège ne semble pas pressée de voir entrer à ses côtés un pays douze fois plus peuplé qu'elle.

S'il faut un accord ad hoc hors Espace économique européen, les spécialistes interrogés à la Chambre des Lords (cf. réf 13) doutent que celui-ci pourrait être négocié en deux ans. Sur le fond, Londres voudrait certainement un accord ambitieux, couvrant un grand nombre de domaines. Il serait difficile de détailler l'accord-cadre mentionné dans l'article 50. Pour étendre la durée de 2 ans prévue par l'article 50 il faudrait l'approbation des 27 Etat membres. L'unanimité des partenaires est aussi requise pour le traité commercial qui succèdera pour le Royaume-Uni au Traité de Lisbonne.

Accord intérimaire

Mme May exclut un accord intérimaire entre la situation actuelle et les relations définitives. Le professeur Landowski[14] a fait valoir pour le Centre for European Policy Studies (CEPS) que si l'accord sur les relations subséquentes devait être négocié après l'accord de sortie, nombre de litiges et questions resteraient en suspens et justifieraient un complexe accord intérimaire: si le Royaume-Uni restait lié à certaines parties de la législation européenne quelle part aurait-il dans sa formulation ? De quelle façon la nouvelle législation communautaire affecterait-elle les lois anciennes qui le lieraient toujours ? Comment la juridiction de la Cour de Justice de l'Union européenne serait-elle appliquée au Royaume-Uni ?

L'Ecosse et l'Irlande : des complications constitutionnelles et politiques supplémentaires

La nouvelle carte de l'archipel n'est plus celle d'un royaume uni. Imbriquée dans l'économie de la République d'Irlande dont le succès économique est lié à son entrée dans l'Union européenne, l'Ulster a largement voté pour rester (56%). Les Ecossais ont massivement soutenu le maintien (62%).

L'Ecosse a très mal pris le discours de Theresa May. Non seulement elle souhaite rester dans l'Europe, mais, avec une population vieillissante, elle a besoin de main d'œuvre qualifiée. Elle ne connait pas les accès de xénophobie de certaines villes anglaises. Une sortie de l'Espace économique européen mettrait en danger son puissant secteur financier, qui travaille en symbiose avec Londres. Son agriculture, fondée sur de petites exploitations, est très dépendante de la PAC. Ses universités et centres de recherche, de niveau international, tirent d'importantes aides de l'agenda 2020. En 2014, le gouvernement britannique avait promis aux Ecossais que le non à l'indépendance était la seule façon de se maintenir dans l'Union. L'équation est inversée. Puis il s'est engagé à accroître les prérogatives d'Edimbourg. En particulier, Westminster a conféré une " base statutaire " à son engagement de " ne pas légiférer normalement sur une affaire dévolue sans le consentement de l'autorité compétente " (selon la " convention Sewell "). Or, Theresa May a clairement dit que les entités dévolues et les " nationalistes clivants " ne pourraient pas s'opposer à la volonté exprimée par le peuple britannique.

Pour la Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, cela bouleverse les termes de l'acceptation écossaise du résultat du vote de 2014 contre l'indépendance. Elle vient d'annoncer qu'en cas de " hard Brexit " elle demanderait un nouveau référendum. Or il y a deux ans, 45% des Ecossais avaient voté pour la sécession. En juin, 62% ont opté pour l'Union européenne. Avec un " hard Brexit " hors de l'Espace économique européen, Theresa May s'aliènerait les milieux économiques écossais qui avaient contribué à faire gagner le non à l'indépendance en 2014.

En cas d'indépendance écossaise se profile le déclassement du statut de puissance mondiale du Royaume-Uni. L'Ecosse ne voudrait pas conserver chez elle les installations de Coulport et Faslane qui abritent la dissuasion nucléaire britannique. L'opinion y est très défavorable. Même en se maintenant dans l'OTAN, elle ne saurait être contrainte d'accepter - du moins à titre définitif - cette force chez elle que l'Angleterre devrait rapatrier. Or un tel déménagement serait extrêmement onéreux. Il serait problématique sur le plan politique car la population anglaise, bien plus dense et très sensible aux questions environnementales, ne l'accepterait pas. Son bien-fondé stratégique divise la classe politique. Il serait impossible de maintenir sur la durée requise, estimée à une vingtaine d'années, le consensus politique indispensable et déjà fragile. Outre le tiers de son territoire et toute influence en Europe, le Royaume-Uni perdrait son statut international.

Dans l'hypothèse où, pressé par Westminster et les milieux d'affaires de la City, le gouvernement britannique décidait finalement de se maintenir dans l'Espace économique européen, d'autres complications, de nature juridique et constitutionnelle, apparaîtraient avec les entités dévolues. Avec l'accord de retrait un travail complexe serait à effectuer. La Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH), comme la législation européenne, sont incorporées directement dans les statuts de dévolution de l'Ecosse, du Pays de Galles et de l'Irlande du Nord. Le Scotland Act de 1998, qui fonde la dévolution écossaise, prévoit que tout acte législatif du parlement écossais qui serait incompatible avec la législation européenne ou les droits de la Convention européenne des Droits de l'Homme " n'est pas légal ". Des clauses similaires existent pour le Pays de Galles et l'Irlande du Nord. En conséquence quand le Royaume-Uni abrogera ses lois d'adhésion à la CEDH (1998) ou à la Communauté économique européenne (1972), il faudra qu'il ait auparavant amendé les législations sur la dévolution.

En outre, celles des compétences communautaires rapatriées par la " Grande Loi d'Abrogation " (" Great Repeal Act ") qui ont été " dévolues " à l'Ecosse, l'Irlande du Nord ou au Pays de Galles, devront être à leur tour réattribuées à Edimbourg, Belfast et Cardiff. Tel est le cas notamment de la PAC, de la politique commune de pêche (PCP), de la politique sociale, de l'aide à la recherche, des directives en matière d'énergie, d'environnement et de développement durable, toutes politiques qui - à l'exception notable de la PCP dont l'Ecosse se débarrasserait volontiers - importent beaucoup au gouvernement d'Edimbourg. Déjà les lignes de partage floues entre questions " réservées " et " dévolues " laissaient la place avant le Brexit à des arguties juridiques interminables...

Rien de tout cela ne serait simple, en particulier dans un contexte politique " bilatéral " dégradé. Tout acte de Westminster affectant une affaire dévolue requiert le consentement du parlement provincial concerné.

En d'autres termes, même un soft Brexit qui verrait le Royaume-Uni rester dans l'Espace économique européen, serait susceptible de mener pendant toute la période du processus le pays au bord de la crise constitutionnelle.

L'équation irlandaise n'est pas moins délicate. L'Irlande du Nord a voté à 55% en faveur du maintien dans l'Union européenne. Les Nord-Irlandais sont les premiers bénéficiaires des fonds structurels européens au Royaume-Uni. Leur économie est totalement intégrée à celle de la République d'Irlande dont le décollage économique est lié à son adhésion à l'Union européenne. L'intégration économique de l'Ulster avec le sud joue un rôle stabilisateur. Enfin, les accords du Vendredi Saint (" Belfast Agreement "), référence en matière de résolution des conflits, qui ont pu mettre un terme aux troubles en Ulster, sont intimement liés à l'Union européenne. Des obligations en lien avec elle sont assignées aux trois partenaires que sont le Royaume-Uni, la République d'Irlande et l'Irlande du Nord. Les deux parties de l'île recourent largement au mandat d'arrêt européen qui a permis une simplification très notable des procédures. Il serait difficile de revenir à des accords d'extradition bilatéraux qui pourraient donner lieu à de longs contentieux. Alors que la communauté catholique a voté majoritairement pour rester dans l'Union européenne pendant que les protestants se sont prononcés pour la quitter, un processus de sortie douloureux qui compliquerait les relations avec la République d'Irlande rétablirait une frontière et toucherait différemment les intérêts des uns et des autres, et serait susceptible de déséquilibrer le fragile statu quo communautaire.

Un " soft Brexit " ?

On ne saurait reprocher à Theresa May, fille de pasteur qui prend ses distances avec son prédécesseur et son entourage issus de la classe sociale la plus aisée, d'être attentive d'abord aux préoccupations des classes défavorisées qui ont exprimé leurs frustrations par leur vote. Le référendum du 23 juin - qui reste atypique par rapport à une population britannique qui reconnait sur le long terme les bienfaits économiques pour leur pays de l'Union européenne - signale le malaise d'une société à deux vitesses où les disparités sociales sont les plus grandes de toute l'Europe occidentale.

Mais elle s'est placée sur une trajectoire de collision avec le parlement, les milieux d'affaires, une bonne partie de son propre parti, l'Ecosse et l'Irlande du Nord, sans parler de tous ses partenaires économiques, qu'ils soient européens ou autres. La hausse des prix, la suspension des investissements commencent à être ressentis dans toute la société.

Comme le résume l'ancien Chancelier de l'Echiquier George Osborne, " il y a une majorité pour le Brexit, pas pour un hard Brexit " hors du marché unique européen. Le parlement, les milieux économiques, les " nations " dévolues (Ecosse et Irlande du Nord) ont les moyens d'imposer des concessions pour préserver l'économie. Un sondage a indiqué en septembre que depuis le vote l'espoir des Britanniques de faire baisser l'immigration aurait diminué.

Il reste qu'une solution à la norvégienne serait humiliante pour le Royaume-Uni. S'il sortait pour revenir quelques années plus tard - le statut des pays de l'Espace économique européen a été conçu dans une perspective d'adhésion - il perdrait au moins certains de ses opt-outs. S'il se ravisait après avoir invoqué l'article 50 et notifié son intention de partir, il y a fort à parier aussi qu'il ne reviendrait pas dans les mêmes conditions. Alors, finalement, pourquoi partir ?

La seule façon pour le gouvernement de faire admettre un tel revirement aux Brexiteers et de réformer un consensus dans un pays divisé comme jamais serait de donner tous les gages pour trouver une voie qui satisfasse leurs revendications. Un exercice de politique intérieure risqué qui peut aussi se solder par une perte d'influence de Londres.

L'exercice de limitation des dommages qui incombe à Londres peut aussi devenir une démonstration par l'absurde des bienfaits de l'Union. Il vaudrait mieux qu'en répondant aussi aux attentes les plus pressantes de tous ses citoyens, Britanniques comme continentaux, telles que l'immigration, la croissance, le terrorisme ou la lutte contre le réchauffement climatique, Bruxelles s'engage aussi de son côté dans une démonstration positive.

Annexe

Directeur de la publication : Pascale Joannin

"Hard ou Soft Brexit " ?

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