L'avenir du projet européen

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Thierry Chopin,  

Jean-François Jamet

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23 mai 2016
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Chopin Thierry

Thierry Chopin

Directeur des études de la Fondation Robert Schuman, professeur associé à l'Université catholique de Lille (ESPOL)

Jamet Jean-François

Jean-François Jamet

Enseigne l'économie européenne et internationale à Sciences Po.

L'avenir du projet européen

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Dans ce contexte, ce texte rappelle les facteurs qui ont soutenu jusqu'ici l'unification de l'Europe et analyse les causes et implications de leur épuisement. Il discute ensuite les conditions intellectuelles et pratiques d'un renouvellement du projet européen visant notamment à lui donner les moyens de répondre aux attentes des Européens en matière économique, de politiques de sécurité et de garantie de l'état de droit.

L'Union telle qu'elle a été construite, guidée par l'objectif de la liberté des échanges tout en limitant autant que possible les partages de souveraineté, ne peut en effet apporter la protection que les Européens attendent dans le contexte actuel. Il ne s'agit bien sûr pas d'ignorer que la construction européenne a réalisé la pacification et la réconciliation des pays européens. Ni d'oublier qu'en assurant la paix, elle a permis une prospérité sans précédent dans l'histoire du continent [2]. Mais la Pax Europaea, qui a valu à l'Union européenne le prix Nobel, n'assure pas la paix sociale face à la crise économique, la sécurité intérieure face au terrorisme ou la protection des frontières extérieures. Sans surprise, les citoyens se tournent vers les Etats, pourtant souvent affaiblis économiquement et politiquement, parce qu'ils concentrent encore l'essentiel des fonctions régaliennes et des prérogatives de sécurité. La construction européenne semble ainsi directement menacée : en tant qu'espace sans frontière interne, elle fait craindre la contagion des crises de la périphérie (géographique ou économique) vers le cœur de l'Union sans avoir les moyens suffisants d'y répondre et d'assurer une réponse collective et solidaire. La perception de cette incapacité de l'Union à défendre ses membres, à l'exception du domaine monétaire, la situe à l'opposé des modèles des autres fédérations ou confédérations, où elle fonde au contraire l'identité collective et la légitimité politique des institutions communes.

L'épuisement des facteurs d'unification traditionnels. L'Union au risque de la fragmentation ?

L'usure des récits fondateurs. La paix, le marché et après ?

Les caractéristiques de la "crise" [3] européenne actuelle sont facilement identifiables : incertitude économique, faiblesse institutionnelle et perception d'une absence de leadership politique clair, efficace et légitime, montée des forces politiques national-populistes, bouleversement au sud de la Méditerranée, accroissement du fondamentalisme religieux, multiplication des défis lancés par le nouveau désordre mondial [4], place incertaine de l'Europe dans les nouveaux rapports de force économiques et géopolitiques mondiaux. Au-delà, c'est l'usure des récits qui ont légitimité la construction européenne que met en lumière la difficulté à faire revivre une ambition politique à l'échelle de l'Union [5]. Pour comprendre cette crise européenne, il faut renouer le fil de sa construction et de ses récits fondateurs qui épuisent leurs effets.

La construction européenne a d'abord réalisé un travail de rédemption après le suicide collectif des deux guerres mondiales et de sublimation des rivalités politiques nationales par le rejet de la logique de puissance ce qui a conduit à la stabilisation et la pacification du continent. Dans ce processus d'unification, l'économie a joué le rôle majeur, particulièrement après le rejet en 1954 de la Communauté européenne de défense par la France qui l'avait pourtant initiée. L'économie a d'abord été instrumentale : dans le projet de Robert Schuman, les "solidarités de fait" créées par le marché intérieur devaient créer des intérêts économiques communs décourageant le chacun pour soi et permettant de surmonter les nationalismes. Sous le parapluie de l'OTAN, le discours européen pouvait en outre jouer sur le rôle mobilisateur de la menace soviétique et du "sens de l'histoire", celui de la réunification du continent. Cette période s'est achevée au début des années 1990 avec la "fin de l'histoire" [6] proclamée à la chute du bloc communiste.

Une deuxième période a de fait commencé légèrement avant grâce à l'initiative de Jacques Delors appuyé par François Mitterrand et Helmut Kohl. Après la paix et l'unification, l'idée était que la prospérité et la solidarité devaient guider l'adhésion des Européens au projet de la Grande Europe. Au début des années 1990, après la paix et la réconciliation, l'économie n'était plus instrumentale et est devenue le cœur du discours européen avec le marché unique - le plus grand marché mondial [7] - et l'euro comme éléments structurants.

La dynamique des visions nationales

L'intégration européenne est historiquement le produit d'une conjonction de différents facteurs d'unification interne - réconciliation, pacification, démocratisation, intégration économique - et externe - guerre froide, crise de Suez, décolonisation, chute du Mur de Berlin et fin de l'URSS, réunification de l'Allemagne - combinées à des logiques politiques nationales, chaque Etat membre étant porteur d'intérêts et d'une vision spécifique de son appartenance à la construction européenne. On connaît la phrase célèbre de Zbigniew Brzezinski : "À travers la construction européenne, la France vise la réincarnation, l'Allemagne la rédemption" [8]. De leur côté, le Royaume-Uni et les pays du Nord de l'Europe (qui dessinent une sorte de géographie de la "réserve" à l'égard de la construction européenne), visent traditionnellement l'"optimisation" de leurs intérêts nationaux dans une logique "utilitariste" de calcul "coût/avantages" [9]. De leur côté, les pays du Sud de l'Europe ainsi que les pays d'Europe centrale et orientale ont été dans une logique de "sublimation", c'est-à-dire de transformation rapide d'un état politique (dictatorial) et économique ("économie de la pénurie") dans un autre (démocratie libérale et économie de marché). En dépit de l'hétérogénéité de ces logiques politiques, l'Union européenne est le résultat du point de rencontre et du compromis négocié entre ces différentes visions. Or, depuis plusieurs années, ces visions nationales ont évolué.

L'Allemagne est-elle encore dans une logique de "rédemption" ? Certains observateurs ont dit que l'Allemagne "n'est plus européenne" [10]; ne serait-il pas plus exact de dire qu'elle s'est "normalisée" [11] ? L'Allemagne est réunifiée et, première puissance économique du continent, elle est au centre de l'Union élargie. Ces évolutions constituent un changement réel pour la dynamique de l'intégration dont il faut prendre acte. En même temps, la Chancelière allemande, Angela Merkel, tout en défendant les intérêts des contribuables allemands dans la crise de la zone euro, a admis que l'échec de l'euro serait celui de l'Europe et il y a donc encore congruence entre intérêt national et intérêt européen. En outre, si les performances économiques de l'Allemagne facilitent l'affirmation de son modèle et de ses intérêts nationaux de manière "décomplexée", la logique de "rédemption" semble encore produire des effets dans le registre diplomatique et militaire comme le montrent les hésitations puis les divergences entre le gouvernement et l'opinion publique allemandes sur l'intervention militaire en Syrie ou encore dans la gestion de la crise des réfugiés [12] ?

La France, de son côté, a longtemps soufflé le chaud et le froid. Elle a été à l'initiative de projets d'intégration ambitieux mais a aussi souvent montré de fortes réticences à ces mêmes projets [13] : Communauté européenne de défense en 1954, crise de la chaise vide en 1965, Constitution européenne en 2005 et - dernier exemple en date - gouvernement économique européen. D'une façon générale, la diplomatie française montre une préférence pour le jeu intergouvernemental. Au sein de l'opinion publique, il existe une réticence face à une démocratie européenne de type fédéral dans la mesure où celle-ci signifie la possibilité pour les "idées françaises" (politique économique interventionniste, rôle important des services publics, défiance à l'égard du libéralisme, Europe sociale, mais aussi Europe puissance) d'être mises en minorité dans le débat européen, surtout dans une Union élargie à 28 pays [14]. C'est l'une des leçons du "non" français à la "Constitution" européenne en 2005. Depuis 10 ans, la situation de la France s'est encore fragilisée sur les plans politique, économique et social, ce qui n'est pas sans impact sur la montée de l'euroscepticisme à la fois dans la classe politique mais aussi dans l'opinion publique française [15]. Dans un tel contexte, la France semble ne plus croire dans sa "réincarnation" au sein d'une Union économique libérale, fédérale et élargie dans laquelle elle ne se reconnaît plus et semble à la recherche d'un nouveau récit européen [16].

Le Royaume-Uni, tenté par un "Brexit" (British Exit), est-il encore dans une logique d'optimisation de ses intérêts nationaux au sein de l'Union [17] ? Deux tentations en apparence contradictoires risquent de grossir les rangs des partisans du "leave". La première est la tentation de l'isolationnisme. Celle-ci est alimentée par la peur de l'immigration et le souverainisme, qui pourraient être renforcés par la difficulté de trouver une solution à la crise des réfugiés en Europe, dans un contexte où la confusion est entretenue par les partisans du "Brexit" entre la libre circulation interne et l'immigration externe. La deuxième tentation est celle du libre-échange mondial et de la place financière offshore. Soutenue par le souvenir de l'empire et la bonne santé du Commonwealth, mais aussi par le désir de préserver le statut revendiqué de première place financière, elle affirme la vocation mondiale du Royaume-Uni, que les contraintes réglementaires européennes entraveraient. Les deux tentations, isolationniste et mondialiste, s'appuient au moins sur une logique plus émotionnelle et identitaire que seulement utilitaire. Et leurs contradictions ne sont qu'apparentes : de la même façon que le gouvernement vise une participation à la libre circulation des biens, services et capitaux, mais non à celle des personnes, les partisans du "leave" rêvent de faire du Royaume-Uni une "grande Suisse" ouverte aux capitaux étrangers et compétitive mais fermée à l'immigration et exempte des règles européennes indésirées. Dans le camp du "remain", les logiques émotionnelles se mélangent également à la logique des intérêts. Ses partisans jouent ainsi de la peur de l'inconnu et de la perspective d'une fragmentation du Royaume si une sortie de l'Union conduisait à l'indépendance de l'Ecosse. Le résultat du référendum est naturellement très difficile à prévoir. Une chose est sûre : un Brexit précipiterait le Royaume-Uni dans l'inconnu et dans des négociations prolongées concernant les termes de la séparation et de ses relations futures avec l'Union. Le Brexit serait aussi une mauvaise chose pour l'Union : au-delà de la perte, en termes de poids économique, politique et stratégique d'une sortie du Royaume-Uni ce serait un symbole de désunion, dans un contexte où l'Union et ses Etats ont besoin d'unité et de cohésion pour faire face aux multiples crises qui les affectent. Il ferait craindre une possible "désintégration" [18] politique d'une expérience régionale sans équivalent dans le monde et ne manquerait pas de doper les discours europhobes de certaines forces politiques nationales : aux Pays-Bas, par exemple, certains journaux populaires ont déjà posé la question d'organiser un référendum sur l'appartenance des Pays-Bas à l'UE [19]. Si le Brexit n'est pas forcément probable, il faut toutefois envisager sa possibilité et réfléchir aux différents scénarios qui pourraient découler de ces résultats [20]. C'est la condition pour surmonter l'incertitude qui pèse sur l'issue du processus.

Last but not least, la logique de "sublimation" caractérise-t-elle encore les pays du Sud de l'Europe - dans un contexte où l' Europe est perçue comme "imposant" de l'extérieur des politiques d' austérité jugées illégitimes (au Portugal, le nouveau terme de "troicado" - venant de "Troïka" - signifie "se faire avoir") et n'est plus considérée comme une solution aux dysfonctionnements politico-institutionnels tels que la corruption [21] (comme en Grèce) mais aussi à l'immigration clandestine (comme en Italie). De leur côté, quid des pays centre et est-européens dans un contexte de retour des réalités et aspirations nationalistes en Europe centrale, parfois sous la forme d'un national-populisme autoritaire et "illibéral" [22] ? Ces développements sont structurantes pour les évolutions à venir de l'Union européenne et un nouveau compromis doit être défini sur ces bases nouvelles si l'on veut consolider et renforcer l'unité des Européens face aux défis qui leur sont lancés.

L'économie ne rapproche plus nécessairement : les limites de la logique fonctionnaliste des intérêts

Si les marchés ne tablent plus sur une explosion de la zone euro, sous l'effet du double engagement des Etats et de la Banque centrale européenne, sa situation reste préoccupante. Sur le plan économique, il est clair que la crise et ses conséquences, tant économico-financières que sociales, doivent être prises très au sérieux en particulier la baisse des investissements et ses implications pour le potentiel de croissance, le chômage important notamment chez les jeunes dans certains pays, la baisse du pouvoir d'achat, l'augmentation de la pauvreté ou encore l'accroissement des inégalités. Sur le plan politique, la crise a creusé un fossé entre le nord et le sud de l'Europe [23], fossé perceptible tant sur le plan des attentes que sur celui des représentations. L'Allemagne - et avec elle les pays du Nord - attend en effet des Etats du Sud qu'ils démontrent leur capacité à renoncer à une économie sous perfusion d'endettement public et privé et qu'ils procèdent aux réformes de structure qui leur permettront de lutter contre l'évasion fiscale, la corruption et le corporatisme. De leur côté, les pays du Sud de l'Europe fragilisés par la crise de la dette espèrent la solidarité financière de leurs partenaires, solidarité qui a été effective en échange d'engagements à être plus responsables notamment dans la gestion de leurs finances publiques et des réformes à accomplir.

Certes, avec la crise, des débats fondamentaux sur l'avenir de la construction européenne sont posés et un effort visant à compléter la zone euro a été accompli. Pour retrouver leur souveraineté face aux marchés, et ainsi la capacité de décider de leur avenir, les Etats européens, notamment ceux de la zone euro, ont compris qu'ils devaient consolider l'Union économique et monétaire. Des mécanismes de solidarité financière ont été mis en place et le mécanisme européen de stabilité (MES) est entré en vigueur ; des règles communes plus strictes ont été adoptées en matière budgétaire et les mécanismes de gouvernance économique ont été renforcés ("six-pack", "pacte budgétaire", "two-pack") ; et le projet d'Union bancaire a progressé, ce qui a conduit à la création d'une autorité de supervision européenne confiée à la BCE, ainsi qu'à un accord sur un mécanisme de résolution bancaire européen en attendant la création d'un système unique de garantie des dépôts des épargnants.

Pourtant, il existe encore des désaccords entre les Etats en matière d'union économique, financière et budgétaire, notamment sur l'ingérence européenne dans les décisions nationales et sur l'opportunité d'une solidarité accrue (par exemple un dispositif de soutien commun crédible pour le Fonds de résolution unique des crises bancaires, un système unique de garantie des dépôts ou un budget de la zone euro prenant la forme d'une capacité d'investissement ou d'une assurance-chômage communes). En outre, la contestation de la légitimité des décisions européennes exige de progresser sur le chantier de l'Union politique, qui n'avance que très lentement [24]. Or, dans le climat politique actuel, marqué par la montée des populismes ainsi que des partis extrémistes antieuropéens, la plupart des chefs d'Etat et de gouvernement jugent qu'un tel contexte est défavorable politiquement à une réforme ambitieuse de l'Union et de la zone euro considérée comme politiquement risquée.

Surtout, si les risques de fragmentation ont pu être surmontés au sein de la zone euro, il n'est pas certain que l'économie puisse continuer à jouer le rôle unificateur qui a été le sien depuis les débuts de la construction européenne. Cette logique s'est en effet brisée sur la crise financière et économique et ses conséquences sociales. Au-delà, la crise de la zone euro a mis en évidence les divergences économiques et politiques profondes apparues au cours des dernières années entre les Etats membres, notamment entre l'Allemagne et la France. L'une des leçons de la crise grecque, et de la menace d'un "Grexit", c'est que l'économie ne rapproche plus nécessairement mais peut diviser et est devenue un espace d'expression de rapports de force politique nationaux. La dynamique de l'intégration économique, si elle est nécessaire, ne s'accompagne plus nécessairement d'un accroissement de la coopération entre les Etats et l'interdépendance économique, soulignée par la crise, s'accompagne aujourd'hui d'un retour des logiques de rapports de force et des passions nationalistes remettant en cause les logiques de concurrence et de compétition à l'échelle européenne comme à l'échelle mondiale, au point que la question se pose de savoir si l'équation libérale selon laquelle le "doux commerce" est un "facteur de paix" est toujours valide [25]. Comme l'a dit Pierre Hassner, la mondialisation "tend à se muer en mondialisation de la défiance et de l'hostilité" [26].

Défi populiste et risque de divisions nationales

La montée en puissance électorale des populismes comme des extrêmes droites nationalistes constitue un fait politique de première importance [27], même si cela ne doit pas nécessairement conduire à surestimer leur impact sur les équilibres politiques à l'échelle de l'Union, pour le moment [28]. La diffusion des discours portés par ces forces politiques et l'effritement des principes fondamentaux au cœur de l'idée européenne qui en découlent convergent vers un risque réel de repli national au sein des Etats membres de l'UE. En dépit de leur diversité, ces forces politiques populistes ou/et extrémistes diffusent toutes un discours anti-européen qui pèse sur les termes de l'agenda politique et du débat public dans maints Etats membres notamment en Autriche, en France, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Hongrie, ou encore dans les pays du Nord de l'Europe. Certains pays semblent dans une certaine mesure protégés par le souvenir des régimes autoritaires. Si l'Europe du Sud connaît une moindre dynamique de l'extrême droite, cela s'explique sans doute par le fait qu'elle a connu des expériences dictatoriales créant dans l'électorat des verrous pour le développement des forces autoritaires ; le phénomène de mémoire politique est ainsi à prendre en compte. Néanmoins, plusieurs exemples (Grèce par exemple) semblent montrer que cette mémoire n'est pas une garantie suffisante.

Dans ce contexte, d'un côté, les souverainistes de tendance nationaliste développent une vision défensive et fermée des sociétés nationales européennes et prônent la fermeture des frontières à l'immigration et la limitation de la liberté de circulation ; de l'autre, les antilibéraux estiment que la construction européenne se fait selon une logique économique "néo-libérale" qui démantèle les systèmes sociaux nationaux et doit donc être combattue à ce titre ; enfin, certains courants rassemblent les deux précédents dans ce qui a pu être appelé le "souverainisme de gauche" [29]. La montée en puissance électorale des populismes - de gauche et de droite - comme des extrêmes droites nationalistes présente un risque réel de renationalisation de la politique européenne. Au-delà du développement des formes de national-populisme [30], cette "renationalisation" peut prendre des formes très diverses et avoir un impact variable sur l'Union européenne : volonté des organes de décision nationaux de contrôler les décisions prises au niveau européen, dont la légitimité démocratique est contestée, en Allemagne par exemple ; volonté de certains Etats membres - à commencer par le Royaume-Uni - de redéfinir les termes de leur relation avec l'Union européenne ; développement enfin des mouvements sécessionnistes au sein même de tel ou tel Etat membre (Catalogne, Ecosse, etc.).

Par ailleurs, les crises à répétition qui ont affecté les Européens depuis 5 ans ont des répercussions considérables sur les rapports entre les Etats membres : relation franco-allemande ; clivage nord-sud ; question du statut du Royaume-Uni ; fracture est-ouest sur la crise des réfugiés [31]. Après les attentats terroristes à Paris et à Bruxelles, ces événements peuvent soit unir soit diviser. La solidarité et l'unité doivent l'emporter mais il est à craindre que ces nouvelles tragédies accentuent encore davantage non seulement les divisions au sein des sociétés nationales mais aussi entre les Etats européens. La présence de djihadistes dans les groupes de demandeurs d'asile affecte ainsi le débat sur l'immigration. Entre les pays de première ligne qui sont accusés (notamment la Grèce) et les pays d'Europe centrale qui dénoncent le danger des sociétés multiculturelles, l'espace est rempli d'embuches. La question des politiques de sécurité n'est pas en reste non plus : les défaillances des services de sécurité des uns et des autres sont pointées du doigt (la Belgique est au cœur des critiques). En somme, le retour sur le glacis national avec la frontière comme seule protection légitime risque de gagner encore du terrain. Dans ce contexte, la méfiance mutuelle ne peut que s'accroître et l'espace Schengen est soumis à une pression sans précédent avec le retour des contrôles aux frontières nationales et la construction de murs et clôtures de sécurité entre les Etats [32]. Lorsque ce type d'événements se produit dans des sociétés "en bonne santé", il est difficile de s'en remettre ; dans des sociétés fragilisées par des crises successives, c'est encore bien plus compliqué.

C'est ainsi le projet d'unification européenne qui est menacé : si les leaders européens ne mettent pas en œuvre les réformes qui lui permettront de remédier à ses défaillances actuelles, l'ouverture européenne laissera la place au repli national. Or il y a peu de chance que ce repli apporte plus de solutions que de nouveaux problèmes. En particulier, la renationalisation ne saurait apporter en elle-même la solution à des phénomènes qui dépassent les nations : elle n'arrêterait pas l'afflux des migrants, elle ne répondrait pas aux fragilités économiques, elle ne rendrait pas la politique plus éthique, elle ne mettrait pas un terme aux menaces terroristes. Ce qui est en jeu est bien plus de déterminer le contenu des politiques à mener et les lignes de fractures sur ce point traversent les débats nationaux. Enfin, le repli national, ne remédierait en rien aux désaccords européens, au contraire. L'acrimonie à l'égard de "Bruxelles" se transformerait en rancœur à l'égard des Etats européens voisins, qui reprendraient le rôle de bouc-émissaires qu'ils avaient avant la construction européenne et qui resurgit déjà périodiquement. Revenir à une Europe nationale serait renouer le fil d'une histoire de divisions politiques que la construction européenne n'a pas fait disparaître mais qu'elle a su entourer de garde-fous.

Relancer le chantier de l'Europe unie

Le statu quo : un choix illusoire. La paralysie de la "gouvernance" européenne

Devant les divergences politiques, le choix du statu quo consolidé peut paraître tentant dans une perspective court-termiste, les obstacles paraissant trop nombreux pour dépasser le plateau auquel l'Union européenne est parvenue depuis un peu plus de 20 ans et Maastricht, avec le marché intérieur et l'euro comme derniers grands projets structurants. Les raisons de cette difficulté à envisager un projet politique renouvelé de moyen-long terme pour l'Europe sont désormais bien identifiées [33] : déficit de leadership européen, renforcement de l'intergouvernementalisme [34], tendance au repli sur l'Etat dans le double contexte d'une concurrence internationale accrue et d'une crise inédite depuis la Grande Dépression et, fondamentalement, menace pour une Europe vieillissante de s'immobiliser dans un "état stationnaire". Dans un tel contexte, il serait tentant de relâcher l'effort et il s'agirait au mieux de consolider l'Union sur la base de laquelle elle est parvenue.

Pourtant, ce serait une erreur et le statu quo n'est pas une option viable à long terme [35]. S'il est un acquis des crises à répétition que les Européens ont eu à affronter, c'est que la "gouvernance" européenne a montré ses limites à la fois du point de vue de son efficacité et de sa légitimité. Le décalage entre le mode de fonctionnement actuel des institutions européennes et les exigences des crises est de plus en plus évident. Le temps des négociations diplomatiques est trop lent et le sentiment s'est progressivement développé que l'Europe était toujours en retard d'une crise. En outre, ce mode de fonctionnement est fortement anxiogène : l'issue des négociations est toujours incertaine, les positions des différents gouvernements semblent régulièrement soumises aux calendriers électoraux, les décisions prises par les gouvernements peuvent ensuite être remises en cause au niveau national - surtout dans un contexte où de nombreux gouvernements sont très fragilisés politiquement dans leurs pays –. L'incertitude qui en résulte accroît la perception du risque par les citoyens. En dernier lieu, le "management de crise" actuel, qui donne notamment la primauté au Conseil européen, pose un problème de lisibilité et de légitimité pour les citoyens européens en l'absence de véritable débat démocratique européen débouchant sur un mandat politique commun irréductible à la juxtaposition de 28 mandats politiques nationaux. Comme le souligne Benoît Coeuré, "la raison d'être de [l'approche intergouvernementale] est certes de permettre que chaque État puisse souscrire aux décisions communes. Mais l'expérience montre qu'elle n'assure pas leur appropriation au niveau national. En outre, elle n'empêche pas une polarisation du débat au niveau européen et la tentation des postures nationalistes" [36]. Enfin, cette approche n'est pas même satisfaisante dans une perspective nationale dès lors que les gouvernants ne peuvent s'engager dans le débat démocratique interne sur une politique européenne qu'il serait capable de mettre en œuvre une fois élus, puisque la décision sera en définitive le résultat d'une négociation diplomatique avec les autres chefs d'Etat et de gouvernement.

Tout ceci a un coût politique et économique. Les partis populistes et extrémistes progressent en Europe, dénoncent les faiblesses de la démocratie, notamment au niveau européen, et rejettent le système politique et économique actuel. Tout ceci conduit in fine au sentiment général que le statu quo est de plus en plus difficile à tenir et qu'il ne pourra donc être maintenu longtemps.

Faire revivre l'ambition européenne

5 ans après le début de la crise, l'Union européenne doit certes renforcer sa cohésion interne, et poursuivre notamment l'intégration de la zone euro. C'est d'ailleurs ce que préconise le rapport, "Compléter l'Union économique et monétaire européenne", préparé par Jean-Claude Juncker en étroite collaboration avec les présidents du Conseil européen, de l'Eurogroupe, de la BCE et du Parlement européen. Ce rapport reconnaît que, pour que la zone euro fasse plus que "survivre" et qu'elle "prospère", il est nécessaire de partager la souveraineté des Européens au sein d'institutions communes reposant sur des mécanismes de légitimité et de responsabilité politiques suffisamment forts. Si cet objectif est nécessaire, il est possible de douter que la nécessité du renforcement de l'UEM suffise à engendrer l'intégration politique dont les Européens ont besoin. On peut en effet penser que c'est plutôt l'inverse qui s'applique. L'euro fut d'abord un choix politique ; la volonté politique de préserver ce bien commun et les institutions communes (en particulier la BCE, mais aussi le mécanisme européen de stabilité) a permis d'éviter l'éclatement de la zone euro. Et derrière cette volonté politique et ces institutions communes, il y a un soutien fort de l'opinion publique à l'euro : plus de deux tiers (69%) des Européens soutiennent l'euro, un quart seulement y est défavorable (25%), 6 % ne se prononçant pas [37]. Le ressort de ce soutien est pour partie économique (la protection contre le risque de change, par exemple) mais il est aussi géopolitique : l'euro est le symbole le plus concret d'une Europe unie. Il est ainsi devenu un élément constitutif de l'identité européenne et reflète le partage d'intérêts communs dans le jeu global.

Si l'on suit cette logique, alors la redéfinition d'un projet politique européen de long terme est urgente. La montée en puissance des courants populistes radicaux, voire extrémistes, eurosceptiques et europhobes, à droite comme à gauche, met en lumière une crise de la démocratie libérale européenne tant du point de vue économique que politique [38]. La dérégulation a été associée au désastre de la crise financière et aux scandales fiscaux (Luxleaks par exemple). En outre, le libéralisme politique est de plus en plus perçu comme synonyme d'impuissance face notamment à d'autres modèles qui sont proposés dans le monde : fascination mêlée d'angoisse pour le modèle chinois ; attirance pour le régime russe au sein de la gauche et de la droite radicales. Cette crise du libéralisme européen se traduit ainsi par une crise politique dont la renaissance des populismes et des extrémismes dans maints Etats européens constitue un symptôme suffisamment clair.

La force de la démocratie libérale est néanmoins d'être un régime par nature ouvert sur ses propres lacunes et ses propres insuffisances. Face à la crise de légitimité démocratique, il s'agit, de manière fondamentale, de produire une vision commune de l'avenir de la construction européenne afin de combler le déficit de sens qui l'affecte : une communauté de citoyens ne vit pas uniquement de droit, d'économie ou de régulation ; elle vit aussi et surtout de sentiment d'appartenance à une communauté politique comme espace de choix. Face à la crise économique, les tenants de la "société ouverte" doivent reconnaître que la recherche d'égalité et de solidarité (ayant conduit au socialisme) ou la demande de protection économique et sociale dans un monde ouvert aux échanges constituent des exigences humaines fondamentales comme le montre le succès du livre de Thomas Piketty sur les inégalités [39] et sont tout aussi légitimes que les aspirations à la liberté. Face à la crise des réfugiés, l'accueil des personnes fuyant des pays en guerre constitue un impératif moral et un droit fondamental ; dans le même temps, la recherche de sécurité doit être tout autant prise en compte. L'histoire du siècle précédent montre que ne pas prendre au sérieux ces exigences et ces aspirations exprimées par les citoyens c'est prendre le risque qu'elles le soient par des forces politiques radicales [40], aujourd'hui anti-européennes.

Partant de ce constat, il apparaît nécessaire de refonder le libéralisme européen avec pour objectif cardinal la protection des citoyens contre les excès ou les insuffisances des systèmes politiques et économiques. Et celle-ci doit s'appuyer sur la reconnaissance critique des limites des principes d'organisation de nos sociétés, en particulier l'Etat et le marché, la liberté et la sécurité. Autrement dit, il s'agit de rejeter la croyance idéologique dans l'identité présumée de l'un de ces principes avec l'intérêt général.

Sur le plan économique, le libéralisme européen doit ainsi signifier la reconnaissance des limites à la fois du marché et de l'Etat. Il est clair qu'il n'est pas possible d'accorder une confiance aveugle au marché, qui peut être autoréférentiel (il vaut mieux avoir tort avec les autres qu'avoir raison seul), à courte vue et connaître des ajustements brutaux. L'intervention publique peut être justifiée par les externalités, l'asymétrie d'information, la nécessité de compenser les inégalités de départ pour des raisons de justice sociale ou la définition nécessaire des règles du jeu d'institutions comme les marchés financiers, la monnaie, la concurrence en vue d'en garantir la continuité. En même temps, il convient de reconnaître que l'intervention publique n'est pas omnisciente et omnipotente et qu'elle ne permet pas de refléter les préférences (et incitations) individuelles aussi efficacement qu'un système de prix décentralisé. Elle peut elle aussi être exposée à des risques, comme dans leurs formes extrêmes le clientélisme politique, la capture des régulateurs par les groupes d'intérêt, le népotisme, la corruption. Ces risques ont alimenté dans de nombreux pays européens la critique des élites et favorisé la montée des populismes.

De façon similaire, il s'agit sur le plan politique de reconnaître les limites respectives des exigences de sécurité, de liberté ou d'identité. Chacune est légitime jusqu'à un certain point. Mais vouloir une sécurité absolue, vouloir la disparition de l'incertitude ou du risque est éminemment dangereux pour la liberté, car la liberté implique une certaine indétermination, qui n'est pas compatible avec un contrôle total de l'action des citoyens. L'exigence de sécurité ne peut donc jamais être une exigence absolue, car elle conduirait alors à une société fermée et autoritaire. Inversement, la liberté n'est pas possible dans les faits sans ce degré minimal de la sécurité qu'est la sûreté, c'est-à-dire le fait de ne pas voir son intégrité physique mise en danger ou soumise à l'arbitraire du bon vouloir d'autrui, et sans une protection sociale, au moins minimale. Pour résumer, en reformulant le premier principe de la justice sociale de Rawls [41] de la façon suivante, on pourrait dire que l'objectif de nos sociétés devrait être la recherche de la plus grande sécurité et liberté des personnes compatible avec un ensemble étendu de libertés fondamentales et de garantie de sécurité minimales protégées constitutionnellement. Ce principe justifie l'intervention publique dans le cadre de missions régaliennes visant à protéger les libertés publiques et, en leur nom, la sécurité, qu'il s'agisse de la sécurité intérieure ou extérieure.

Or si l'Union européenne dispose d'un certain nombre d'instruments pour assurer le bon fonctionnement des marchés (notamment au travers de ses prérogatives en matière de concurrence, de réglementation du marché intérieur ou en matière monétaire), force est aussi de reconnaître ses faiblesses dans plusieurs domaines dits régaliens. En particulier, sa capacité à contribuer à la stabilisation des cycles économiques dans le domaine budgétaire, ou encore son rôle dans le maintien de la sécurité et de l'état de droit (par exemple la lutte contre la corruption, l'anti-terrorisme, la défense ou la protection des frontières de l'union) sont très limités. Les institutions européennes se sont ainsi trouvées fort dépourvues face à la crise économique et à la demande d'un renforcement de l'état de droit et des politiques de sécurité. Il n'est dès lors pas étonnant que de nombreux partis protestataires soient aussi critiques vis-à-vis de l'action européenne qu'ils ne le sont vis-à-vis des politiques nationales.

Les développements qui précèdent dessinent en creux les contours d'un projet européen visant à mieux assurer la protection des citoyens. Par exemple, le terrorisme étant une menace transnationale lancée aux Européens, les Etats membres devraient mutualiser leurs moyens dans le cadre d'une coopération accrue en matière de police et de renseignement, en matière de justice et aussi en matière de défense en relançant l'Europe stratégique [42]. Dans cette perspective, les propositions récentes visant à renforcer Frontex sont un bon exemple des mesures nécessaires à prendre et à mettre en œuvre [43] : développer une gestion intégrée des frontières couvrant un champ d'acteurs plus large (garde-côtes et douanes) ; et favoriser le passage à un système - non plus au service des Etats lorsqu'ils veulent bien la solliciter mais au service de l'Union et du bon fonctionnement de l'espace Schengen - capable d'intervenir sans l'assentiment préalable de l'Etat concerné aux frontières de l'Union. Un autre exemple concret pour assurer une lutte commune contre le terrorisme, mais aussi la corruption et d'autres formes de crimes, consisterait à créer un parquet (un juge d'instruction) européen. C'est d'ores et déjà possible dans le cadre des présents traités (article 86) qui prévoient en outre la possibilité qu'une avant-garde d'Etats prenne l'initiative si d'autres y sont dans un premier temps réticents. Ce type d'initiatives permettrait de remédier au sentiment de maints citoyens que l'Europe est un "espace" ouvert qui n'est pas protégé.

Etre unis face aux défis externes

Cette dimension politique doit aussi être traitée sur le plan externe qui est trop souvent et abusivement déconnectée des impératifs de cohésion interne. Renouveler le projet européen suppose de répondre aux questions suivantes : "Quels sont les objectifs collectifs de l'Europe ? Quels sont les biens publics qui requièrent une action commune ? Bien sûr, cette réflexion dépasse le seul champ économique, elle couvre aussi des facteurs essentiels de la puissance, comme la technologie, l'énergie ou encore la politique étrangère et de sécurité. Les investissements publics dans ces biens communs sont d'ailleurs centralisés dans les fédérations. Dans l'Union européenne, nous en sommes loin. Pourtant, nous faisons face aux mêmes défis internationaux" [44]. Une union politique entre Etats implique un accord sur la question de la guerre et de la paix et, in fine, un degré minimum d'unité en matière de politique étrangère, au moins entre les Etats qui comptent dans ces domaines. L'exercice en commun des compétences des Etats membres en matière de politique étrangère constitue le nœud central de tout processus d'union politique. Surmonter les divisions entre les Etats membres doit conduire à relancer le débat sur une véritable union politique, ce qui doit conduire à poser la question de nouvelles formes d'exercice en commun de prérogatives régaliennes.

Depuis plusieurs siècles, la puissance est associée à la souveraineté étatique. Elle résulte de trois leviers de souveraineté : la diplomatie, la défense et la police. La diplomatie et la guerre sont l'affaire par excellence de l'Etat, le cœur de la souveraineté, l'expression du fonctionnement "westphalien" des relations internationales. Comme le montrent les interventions militaires de la France en Syrie et en Afrique, les tensions entre la Russie et la Turquie, ou encore les évolutions de la politique iranienne, la grille d'analyse westphalienne n'a pas perdu sa pertinence ; pour autant, dans un monde globalisé, la puissance des Etats européens semble s'éroder et le besoin d'unité pour influencer et préserver leurs intérêts est plus que jamais indispensable [45].

Or le concept de souveraineté est problématique dans les affaires européennes : l'Union n'est pas un Etat et les compétences respectives des Etats et des autres échelons administratifs font l'objet de conflits de répartition. Dans ce contexte, la définition des missions de l'Union est peu claire pour le citoyen qui peut se demander comment s'exercent ses droits politiques dans un système fortement marqué par la composante bureaucratico-diplomatique. En outre, s'il est un domaine où les Européens s'accordent pour donner un rôle à l'Etat, ce sont les missions régaliennes (décision budgétaire, politique étrangère, défense, immigration, police, protection de la sécurité, indépendance énergétique). Or, l'UE s'est construite dans le refus de confier à l'Union les missions régaliennes (dès 1954, la France refuse avec le rejet de la Communauté européenne de défense, la constitution d'une défense européenne) en raison de la protection par les Etats de leur souveraineté. L'Union s'est dès lors consacrée à des missions de redistribution (PAC, politique de cohésion) qui génèrent des conflits d'appropriation. Or dans le monde globalisé, il semblerait logique que l'UE dispose d'instruments régaliens. C'est en réalité la condition de la constitution d'une identité européenne et d'une union politique.

Qu'il s'agisse en effet du terrorisme islamiste-radical, des changements politiques au Maghreb et au Proche-Orient, des tensions récurrentes avec la Russie, notamment à propos de l'Ukraine, ou des conséquences de la puissance désormais "relative" des Etats-Unis, les Européens font face à une dégradation accélérée des conditions de leur sécurité collective. Par ailleurs, la régulation des flux migratoires, la lutte contre le réchauffement climatique, le renforcement de la sécurité des approvisionnements énergétiques et la lutte contre les inégalités et la pauvreté sont tous également des enjeux internationaux dans lesquels l'action européenne s'articule avec les défis de la globalisation. La construction européenne a trouvé son sens pendant un demi-siècle dans l'intégration économique et l'introversion. Il importe désormais de lui apporter un prolongement politique et externe pour les prochaines décennies, afin d'engager Etats membres et citoyens dans de nouvelles entreprises communes. L'Union doit se tourner vers un monde qui change rapidement et s'adapter aux rapports de force politiques mondiaux en mutation [46]. Cela suppose que l'Union opère un changement de perspective quant à la place qu'elle occupe dans la mondialisation tant sur le plan économique que stratégique. Trop souvent, l'Union européenne ne pense pas en termes stratégiques et s'interdit par là même d'avoir en tant que telle une influence plus grande sur la scène internationale en se cantonnant à une approche technique souvent utile, parfois efficace mais rarement décisive. Elle est habituée à la délibération du "forum" des pays membres entre lesquels les rapports de forces ont été pacifiés par l'appartenance à l'Union ; elle doit désormais savoir défendre ses valeurs et ses intérêts dans l'"arène" [47] des rapports de forces internationaux. Les défis qui sont aujourd'hui lancés aux Européens sont immenses d'autant que les ingrédients qui ont contribué à leur paix et à leur prospérité sont remis en question. Pour être à la fois concrète et durable, la "relance" de la construction de l'Europe unie a besoin de s'inscrire dans un horizon politique clair qui permette de donner son contenu à un discours renouvelé et in fine du sens au projet européen.

Pour l'Union européenne, "la dimension la plus décisive est sans doute d'essence vitale : c'est son dynamisme intérieur, sa faculté de s'adapter sans se trahir, d'innover tout en consentant à s'ouvrir, de dialoguer et de coopérer avec les autres sans perdre son identité (...). Mais ce qui lui manque aujourd'hui, c'est d'une part l'élan vital, la confiance en soi, l'ambition, et d'autre part la conscience de son unité. Si ailleurs les passions se déchaînent, les Européens, eux, sont très peu passionnés, en tout cas par leur entreprise commune. Les passions existent au niveau des nations, mais elles tendent souvent à être défensives et négatives. C'est une ambition européenne qu'il faut créer ou faire revivre" [48].

***

Compte tenu du partage de l'exercice en commun de prérogatives régaliennes que ce projet politique implique, le débat sur la dimension politique de l'Union doit être relancé. En effet, si les crises qui affectent les Européens doivent conduire à poser la question de la forme de leur union politique, la poursuite de l'intégration de l'Europe ne peut se contenter en effet d'avancer à marche forcée, sous le seul empire de la nécessité. Un tel projet doit se faire avec un dessein préalable et avec une légitimation politique suffisante. Si nous voulons redonner du sens à la politique européenne, il faut alors remédier sans tarder à cette absence de colonne vertébrale et oser débattre publiquement du contenu à donner aux orientations à venir du projet européen.

Ce débat doit mettre en regard de manière claire trois choix.

D'abord, celui défendu par ceux tentés par le retour à l' "Europe d'avant" et le repli national. Un tel scénario pourrait paraître tentant pour de nombreux citoyens qui formulent une attente légitime de protection dès lors qu'il donne le sentiment de retrouver un sentiment de souveraineté dans les choix régaliens et de sécurité dans le cadre politique jugé le plus "naturel" et le plus protecteur : l'Etat national. Pourtant, cette option est extraordinairement risquée, à la fois économiquement et politiquement, avec la perspective d'une Europe fragmentée, divisée et affaiblie.

Ensuite, celui du statu quo qui consiste, dans le meilleur des cas, à consolider l'Union sous l'effet des différents chocs qui l'affectent mais sans réforme d'ensemble du système. Comme nous l'avons montré, ce serait une erreur, le statu quo n'étant pas une option viable à long terme et il serait donc illusoire de se contenter de consolider nos acquis. L'histoire montre que, dans un contexte de crise, un système politique peut finir par disparaître par peur de se réformer.

Enfin, celui des partisans d'une Union d'Etats nationaux ouverte au monde : face au malaise de beaucoup d'Européens, un projet intellectuel et politique de long terme est nécessaire pour l'Europe du XXIe siècle si l'on ne veut pas que nos sociétés se ferment au monde moderne ; ce projet doit être celui de reconstruire un modèle politique, économique et social proprement européen - conciliant liberté, solidarité, valeurs sources d'identité commune, sécurité et influence internationale - afin de le rendre "compétitif" dans la concurrence mondiale des modèles de civilisation et d'organisation politique et économique.


[1] : Ce texte est la version longue d'un article à paraître dans la revue Commentaire. Les points de vue exprimés dans ce texte sont strictement ceux des auteurs.
[2] : Voir Thierry Chopin, "L'Europe doit savoir défendre ses valeurs et ses intérêts communs", Telos, 9 mai 2016 : "Les travaux d'histoire économique montrent que jusqu'au XVIIIe siècle le revenu par habitant stagnait en Europe. A la suite des révolutions industrielles, il a augmenté d'environ 1% par an en moyenne entre 1820 et 1912, mais la richesse ainsi créée a été largement détruite par les deux guerres mondiales. Dans les soixante années qui ont suivi la déclaration Schuman du 9 mai 1950, le revenu moyen par habitant a été multiplié par plus de quatre en France et dans le reste de l'Europe. Et le patrimoine privé représente désormais en France près de six fois le revenu national, contre seulement près de deux fois en 1950".
[3] : Hannah Arendt définit la notion de "crise" comme une situation sans précédent, introduisant une rupture avec un passé qui ne fournirait plus les ressources pour penser le présent et s'orienter dans l'avenir, in Between Past and Future (1954) ; traduction française, La crise de la culture, Paris, Gallimard, 1972 ; de son côté Gramsci définissait ainsi la crise : "cet interrègne où meurt le vieil ordre alors que le nouveau ne parvient pas encore à naitre" ; et il ajoutait : "et dans cet interrègne naissent les monstres" in Quaderni dal carcere (quaderno 3), édition critique de l'Institut Gramsci, Turin, 1975, p. 311.
[4] : Voir Gérard Araud, "Le monde à la recherche d'un ordre", Esprit, août-septembre 2014.
[5] : Thierry Chopin, Jean-François Jamet, Christian Lequesne, L'Europe d'après, Paris, Lignes de repères, 2012.
[6] : Cf. Francis Fukuyama, The End of History and the Last Man (1992) ; trad. Française, La fin de l'histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 1992.
[7] : Dans un contexte de retour des discours de repli sur soi, il n'est pas inutile de rappeler que l'Union européenne reste le principal acteur de la mondialisation : elle est la première économie mondiale (17% du PIB mesuré en parité de pouvoir d'achat, à égalité avec la Chine, et 16% pour les Etats-Unis) et le principal acteur des échanges commerciaux comme des flux d'investissements. Dotée de bonnes infrastructures et de systèmes d'éducation solides, l'Union européenne reste en effet le premier bénéficiaire des investissements directs étrangers dans le monde. De surcroît, la zone euro dispose d'une monnaie internationale crédible : l'euro constitue la deuxième monnaie de réserve dans le monde.
[8] : Zbigniew Brzezinski, The Grand Chessboard: American Primacy and its Geostrategic Imperatives (1997), trad. française, Le grand échiquier. L'Amérique et le reste du monde, Paris, Hachette, 1997, p. 91. Cf. également Michel Foucher, La République européenne, Paris, Belin, 2000, pp. 66-68.
[9] : Voir Juan Diez Medrano, Framing Europe: Attitudes to European Integration in Germany, Spain and the United Kingdom, Princeton, Princeton University Press, 2003 et Yves Bertoncini et Thierry Chopin, Politique européenne. Etats, pouvoirs et citoyens de l'UE, Paris, Presses de Sciences Po-Dalloz, 2010, pp. 66-78.
[10] : Voir par exemple Wolfgang Proissl, "Why Germany fell out of love with Europe?", Bruegel Essay, 2010.
[11] : Cf. Simon Bulmer, Germany in Europe: from "tamed power" to normalized power", International Affairs, 86/5, 2010, pp. 1051-1073 ; voir aussi Pierre Hassner, "L'Allemagne est-elle un pays normal ?", in Commentaire, n°129, printemps 2010, pp. 119-123.
[12] : Sur le registre plus spécifiquement militaire, voir Christian Lequesne, "L'Allemagne et la puissance en Europe", in Revue d'Allemagne et des pays de langue allemande, vol. 47, n° 1, 2015, pp. 5-13.
[13] : Cf. Thierry Chopin, France-Europe : le bal des hypocrites, Paris, Editions Saint-Simon, 2008.
[14] : Voir Christian Lequesne, La France dans la nouvelle Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 2008.
[15] : Les enquêtes Eurobaromètre montrent qu'en 1973, 1 Français sur 20 estimait que l'appartenance du pays à la CEE était une mauvaise chose ; en 2010, le ratio était d'1 sur 4. En outre, depuis 2008, la crise économique a accentué l'euroscepticisme au sein de la population : la défiance en France vis-à-vis de l'Union européenne s'est accrue de 23 points entre 2007 et 2013.
[16] : Olivier Rozenberg, "La France à la recherche d'un nouveau récit européen", Question d'Europe, n°345, Fondation Robert Schuman, février 2015.
[17] : Cf . Pauline Schnapper, Le Royaume-Uni doit-il sortir de l'Union européenne ?, Paris, La documentation française, 2014, partie 4. Voir aussi Andrew Gamble, "Better Off Out?" Britain and Europe", Political Quarterly, vol. 83, n°2, 2012.
[18] : Douglas Webber, "How likely is it that the European Union will disintegrate? A critical analysis of competing theoretical perspectives", European Journal of International Relations, 20(2), 2014, pp. 341-365; et D. Webber, European Disintegration? The European Union in Crisis, Basingstoke: Palgrave Macmillan, à paraître en 2017.
[19] : Servaas van der Laan, 'Krijgtook Nederland zijn eigen EU-referendum ?', Elsevier, 23 February 2016, http://www.elsevier.nl.
[20] : Thierry Chopin, Jean-François Jamet, "David Cameron's European Dilemma", Project Syndicate, 18 January 2013 ; T. Chopin "Two Europes", in Europe in search of a new Settlement. EU-UK Relations and the Politics of Integration, Policy Network, London, 2013. Jean-Claude Piris, "Brexit ou Britin : fait-il vraiment plus froid dehors ?", Question d'Europe, n°355, Fondation Robert Schuman, octobre 2015.
[21] : Voir les travaux de Ignacio Sanchez-Cuenca, "The Political Basis of Support for European Integration", in European Union Politics, 1 (2), 2000; pp. 147-171. L'argument est le suivant : il y aurait une corrélation positive entre le degré de corruption dans un pays donné et le taux de soutien de l'opinion publique à l'appartenance à l'UE (plus le pays est perçu comme étant corrompu, plus les citoyens soutiennent l'appartenance à l'UE).
[22] : Voir Jacques Rupnik, "La Pologne illibérale", Centre de Recherches Internationales (CERI) de Sciences Po, 18 février 2016. L'expression de "démocratie illibérale" est empruntée à Fareed Zakaria, "The Rise of Illiberal Democracy" Foreign Affairs 76:6, 1997.
[23] : Les crises des cinq dernières années ont favorisé le développement de tensions et de clivages dangereux entre les peuples d'Europe eux-mêmes, notamment quand ils conduisent à des divisions par exemple nord-sud dans le cas de la crise de la zone euro, avec la (ré) apparition de préjugés et de stéréotypes parfois scandaleux.
[24] : Cf. Sylvie Goulard et Mario Monti, De la démocratie en Europe. Voir plus loin, Paris, Flammarion, 2012.
[25] : Voir Philippe Martin, Thierry Mayer, Mathias Thoering, "La mondialisation est-elle un facteur de paix ?", in Daniel Cohen et Philippe Askenazy (dir.), 27 questions d'économie contemporaine, Paris, Albin Michel, 2008, pp. 89-123.
[26] : Pierre Hassner, La revanche des passions. Métamorphoses de la violence et crises du politique, Paris, Fayard, 2015, introduction.
[27] : Cécile Leconte, Understanding Euroscepticism, Palgrave, Macmillan, 2010.
[28] : Voir Nathalie Brack, "Radical and Populist Eurosceptic Parties at the 2014 European Elections: A Storm in a Teacup?", The Polish Quarterly of International Affairs, n°2, 2015, pp. 7-17.
[29] : Dominique Reynié, Le vertige social-nationaliste, Paris, La Table Ronde, 2005. Voir aussi Daphne Halikiopoulou, Kyriani Nanou, Sofia Vasilopoulou, "The paradox of nationalism: the common denominator of radical right and radical left Euroscepticism", European Journal of Political Research, 51, 2012, pp. 504-539 et D. Halikiopoulou "Radical left-wing Euroscepticism in the 2014 elections: a cross-European comparison", in Is Europe afraid of Europe? An Assessment of the result of the 2014 European Elections, Wilfried Martens Centre for European Studies / Karamanlis Foundation, Brussels / Athens, 2014.
[30] : Cf. Pascal Perrineau (dir.), Les croisés de la société fermée. L'Europe des extrêmes droites, La Tour d'Aigues, Editions de l'Aube, 2001. L'expression "société ouverte" est empruntée à Karl Popper, La société ouverte et ses ennemis (1945) ; trad. française, Paris, Le Seuil, 1979.
[31] : Cf. Jacques Rupnik, "L'Europe du Centre-Est à la lumière de la crise des migrants", Telos, 28 septembre 2015 ; et Lukas Macek, "Crise des réfugiés : une nouvelle fracture "Est-Ouest" en Europe ?", Entretien d'Europe, n°88, Fondation Robert Schuman, 26 octobre 2015.
[32] : Yves Pascouau, "L'espace Schengen face aux crises : la tentation des frontières", in T. Chopin et M. Foucher (dir.), Rapport Schuman sur l'Europe. L'état de l'Union 2016, Paris, Lignes de repères, 2016.
[33] : Cf. Christian Lequesne, "L'Union européenne après le traité de Lisbonne : diagnostic d'une crise", in Questions internationales, n°45, La documentation française, septembre-octobre 2010.
[34] : Voir Chris Bickerton (ed.) The New Intergovernmentalism: States and Supranational Institutions in the Post-Maastricht Era, Oxford, Oxford University Press, 2015.
[35] : Cf. Thierry Chopin et Jean-François Jamet, "L'Europe face à la crise : quels scénarios ? Eclatement, statu quo ou poursuite de l'intégration" Questions d'Europe, Fondation Robert Schuman, n°219, novembre 2011.
[36] : Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, "Tirer les bonnes leçons de la crise pour la zone euro", discours au Ministère des Affaires étrangères, lors de la conférence des Ambassadeurs, Paris, 27 août 2015.
[37] : Eurobaromètre Standard 83, mai 2015. Question QA18.1.
[38] : On se reportera sur ce point aux différentes contributions publiées dans la revue Commentaire à ce sujet : Abram N. Shulsky, "La démocratie libérale : victorieuse et assaillie", n°148, hiver 2014-2015 ; dossier sur "Le libéralisme politique. Victoire ou défaite ?", n°142, été 2013 ; Pierre Manent, "La crise du libéralisme", n° 141, printemps 2013 ; Thierry Chopin et Jean-François Jamet, "L'Europe libérale en question", n°134, été 2011.
[39] : Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Paris, Le Seuil, 2013.
[40] : Voir Pierre Hassner, "L'Europe et le spectre des nationalismes", Esprit, octobre 1991 ; repris dans La violence et la paix, Paris, Le Seuil, 1995 ; Jan-Werner Müller, Contesting Democracy: Political Ideas in Twentieth Century Europe, New Haven, Yale University Press, 2011.
[41] : John Rawls, A Therory of Justice, The Belknap Press of Harvard University Press, 1971; trad. Française, Théorie de la Justice, Paris, Le Seuil, 1987, p. 91.
[42] : Nicole Gnesotto, Faut-il enterrer la défense européenne ?, Paris, La documentation française, 2014 et du même auteur L'Europe a-t-elle un avenir stratégique ?, Paris, Armand Colin, 2011.
[43] : Fabrice Leggeri, "Comment l'Union européenne peut-elle gérer la crise migratoire en Méditerranée ?", in Rapport Schuman sur l'Europe. L'état de l'Union 2016, op. cit.
[44] : Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, "Tirer les bonnes leçons de la crise pour la zone euro", op. cit.
[45] : Voir Maxime Lefebvre, La politique étrangère européenne, Paris, PUF, 2016.
[46] : Voir Laurent Cohen-Tanugi, Quand l'Europe s'éveillera, Paris, Grasset, 2011.
[47] : Cf. Michel Foucher, "Le système européen dans le monde et le monde réel en Europe. Une double mise à l'épreuve", in Rapport Schuman sur l'Europe. L'état de l'Union 2016, op. cit. ; du même auteur L'Europe et l'avenir du monde, Paris, Odile Jacob, 2009.
[48] : Pierre Hassner, "Préface", in P. Esper (et. alii), Un monde sans Europe ?, Paris, Fayard / Conseil économique de la Défense, 2011, pp. 29-30.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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