L'Union européenne et la lutte contre le terrorisme

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Philippe Delivet

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29 mars 2016
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Delivet Philippe

Philippe Delivet

Maître de conférences à Sciences Po Paris, Chargé d'enseignement à l'Université Paris II et au CELSA-Paris Sorbonne. Il est l'auteur des Politiques de l'Union européenne, La Documentation Française, 2013.

L'Union européenne et la lutte contre le terrorisme

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Le terrorisme constitue aujourd'hui une menace permanente et diffuse pour l'Union européenne. Entre 2009 et 2013, 1 010 attentats – avortés, déjoués ou réussis – ont été recensés dans les États membres. Ils ont causé la mort de 38 personnes. En 2013, selon l'Office européen de police Europol (European Police Office), 152 attaques terroristes ont eu lieu dans cinq États membres, la majorité en France (63), en Espagne (33) et au Royaume-Uni (35). Depuis 2011, on observe une augmentation continue des arrestations pour des faits de terrorisme ayant une motivation religieuse.

La radicalisation religieuse a joué un rôle évident dans au moins deux attaques, en 2013, au Royaume-Uni et en France [3]. Plusieurs affaires ont mis en évidence la menace venant d'individus auto-radicalisés, auto-organisés et auto-financés. La menace liée à la radicalisation religieuse s'est malheureusement concrétisée au début 2015 dans les attaques commises à Paris et à Copenhague, ainsi que dans les attentats déjoués en Belgique.

L'Union européenne est par ailleurs confrontée au phénomène des combattants quittant l'Europe pour mener la guerre sainte (jihad) en différents lieux, en particulier en Syrie. On estime qu'entre 3 500 et 5 000 citoyens de l'Union auraient quitté leur pays pour devenir des combattants étrangers après le déclenchement de la guerre et des violences en Syrie, en Irak et en Libye. Ils peuvent constituer une menace sérieuse pour la sécurité à leur retour sur le territoire de l'Union. En août 2014, le Conseil européen a identifié la gravité de cette menace. Comme l'a souligné la déclaration conjointe des participants à la réunion européenne et internationale, organisée le 11 janvier 2015 à Paris, l'Union est confrontée à une menace terroriste multiforme qui vise directement ses valeurs.

1. Une affirmation progressive de l'utilité d'une réponse européenne

L'Europe avait déjà dû faire face dans les années 1970 à une menace terroriste d'extrême gauche. Le terrorisme a ainsi été à l'origine de la première forme de coopération en matière de justice et d'affaires intérieures dans le cadre du groupe TREVI[4]. Cette coopération intergouvernementale a préfiguré la création du troisième pilier – lui-même intergouvernemental – par le traité de Maastricht à côté du premier pilier communautaire et du deuxième pilier consacré à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) [5].

Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, en partie planifiés depuis le sol européen, ont joué un rôle de puissant accélérateur, avec l'adoption d'un plan d'action, dès le 21 septembre, par un Conseil européen extraordinaire. L'Europe a par la suite elle-même été durement frappée avec les attentats de Madrid en 2004 et de Londres en 2005. À la suite des attentats terroristes commis à Madrid le 11 mars 2004, le Conseil européen a décidé la création du poste de coordinateur de la lutte contre le terrorisme [6]. En décembre 2005, le Conseil a adopté la stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre le terrorisme. Cette stratégie a retenu quatre axes principaux : la prévention, la protection, la poursuite et la réaction. La stratégie a reconnu, pour ces différents domaines, l'importance de la coopération avec les pays tiers et les institutions internationales. Sur ces bases, une série d'initiatives ont été prises de nature législative ou opérationnelle.

2. Une série de mesures marquant une mobilisation européenne effective

L'Union européenne s'est dotée d'une définition commune du terrorisme en 2002 [7]. Cette définition commune a été assortie de peines d'emprisonnement harmonisées. Elle a constitué une avancée majeure. Auparavant, seuls cinq États membres (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Italie) étaient dotés d'une législation spécifique sur le terrorisme.

2.1 Des procédures plus efficaces

Le mandat d'arrêt européen a été établi en 2002 [8]. Il est opérationnel dans les États membres depuis le 1er janvier 2007. Dans le cadre de l'ancienne procédure d'extradition, les affaires traitées duraient souvent plus d'un an. Il faut désormais compter en moyenne autour de seize jours pour remettre une personne recherchée qui consent à la remise à un État tiers et quarante-huit jours à défaut de consentement. Cette procédure peut s'avérer très efficace en matière de terrorisme [9].

L'Union a pris une série d'initiatives pour lutter contre le financement du terrorisme. Une stratégie de lutte contre le financement du terrorisme a été adoptée en 2004 et révisée en 2008. Le nouveau " paquet anti-blanchiment " permet ainsi d'assurer une traçabilité complète des transferts de fonds, à destination ou en provenance de l'Union [10]. Celle-ci a par ailleurs conclu avec les États-Unis un programme de surveillance du financement du terrorisme (Terrorism Finance Tracking Programme, TFTP) qui est entré en vigueur en août 2010.

La suppression des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen doit se combiner avec des " mesures compensatoires " portant notamment sur des règles communes pour le franchissement et le contrôle des personnes aux frontières externes [11]. Le " code frontières Schengen ", issu d'un règlement du 15 mars 2006 [12], retient le principe de l'absence de contrôle des personnes aux frontières intérieures. Toutefois, dans certains cas, en particulier de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure, comme celle résultant d'une attaque terroriste, un rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures est possible pour une durée limitée.

Opérationnel depuis 1995, le système d'information Schengen (SIS) permet aux autorités compétentes (policiers, gendarmes, douaniers, autorités judiciaires) de disposer en temps réel des informations introduites dans le système par l'un des États membres grâce à une procédure d'interrogation automatisée. Le SIS intègre désormais de nouvelles fonctionnalités telles que les données biométriques – empreintes digitales et photographies – ou de nouveaux types de signalements – concernant des aéronefs, des embarcations, des conteneurs ou des moyens de paiement volés. Un projet de " frontières intelligentes " pourrait permettre, en utilisant les nouvelles technologies, de renforcer les procédures de vérification aux frontières pour les étrangers qui se rendent dans l'Union.

2.2 Le renforcement de la coopération policière

La coopération policière s'est développée. L'Office européen de police Europol (European Police Office) a mis en place des outils qui fournissent aux services répressifs des États membres des renseignements sur les phénomènes criminels. La lutte contre le terrorisme est une priorité permanente de cette agence européenne. Les services répressifs – et Europol – peuvent par ailleurs accéder à la base de données sur les demandeurs d'asile Eurodac [13], aux fins de lutte contre le terrorisme et autres infractions pénales graves [14]. Le traité de Prüm du 27 mai 2005, intégré dans le cadre des traités en 2008, permet aux services répressifs d'avoir accès aux bases de données contenant des informations liées à l'ADN, aux empreintes digitales et aux immatriculations de véhicules. Les conditions d'accès au système d'information sur les visas (VIS) pour des raisons de sécurité ont été fixées en 2008 [15]. Le Conseil a établi, en décembre 2001, une liste des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et faisant l'objet de mesures restrictives. En 2006 ont été définies les conditions de conservation des données relatives au trafic des communications électroniques [16].

L'Union européenne a parallèlement pris des mesures destinées à assurer la sécurité des explosifs et à renforcer la protection des infrastructures critiques (routes, chemins de fer, réseaux d'électricité et centrales électriques). En outre, un plan d'action dans le domaine NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique) a été adopté en 2009.

2.3 La coopération judiciaire

La coopération judiciaire s'est développée à travers l'Unité de coopération judiciaire Eurojust (European Union's Judicial Cooperation Unit), créée en 2002. Eurojust est saisie de dossiers en matière de terrorisme. Quarante et une réunions de coordination ont été organisées à Eurojust entre 2006 et 2014. Les équipes communes d'enquête et le réseau judiciaire en matière pénale peuvent par ailleurs être des instruments très utiles pour les affaires de terrorisme. La convention européenne d'entraide judiciaire pénale du 29 mai 2000 a posé le principe de relations directes entre les autorités judiciaires des pays membres sans l'intermédiaire des autorités centrales. Le système ECRIS (European Criminal Records Information System) permet de connecter les casiers judiciaires facilitant ainsi les échanges d'informations sur les condamnations entre les États membres [17].

L'Union européenne a adopté des mesures destinées à assurer la sécurité des transports. L'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) est opérationnelle depuis septembre 2003. Des normes communes ont été établies notamment pour la formation des équipages et le contrôle des bagages.

2.4 Dimension extérieure et politique de prévention

La dimension extérieure joue un rôle essentiel dans la lutte contre le terrorisme. L'Union conclut avec les pays tiers des clauses et des accords de coopération. Elle mène également des projets d'aide et de renforcement des capacités avec des pays stratégiques. La coopération avec les États-Unis a, dans ce cadre, une place majeure. L'Union européenne a conclu avec ce pays des accords de coopération dans différents domaines : financement du terrorisme, transports et frontières, entraide judiciaire et extradition. La coopération des autorités américaines avec les agences Europol et Eurojust s'est également développée. Un accord a été conclu sur le transfert de données relatives aux passagers des vols aériens (données PNR, Passenger Name Record). D'autres accords PNR ont été passés avec le Canada et l'Australie. La France est elle-même par ailleurs très engagée hors de ses frontières, à travers les opérations extérieures (" Opex ") pour combattre la menace terroriste. Ce qui pose aussi la question du soutien et de la réponse collective de l'Union européenne [18].

La prévention de la radicalisation et de l'extrémisme violent est un autre axe important. En 2011, la Commission européenne a établi le réseau de sensibilisation à la radicalisation qui regroupe les acteurs qui travaillent dans les secteurs sociaux, de la santé, dans des associations de victimes ou qui représentent des autorités locales, des diasporas, des forces de police de proximité, les administrations pénitentiaires. Ce réseau permet l'échange de bonnes pratiques et développe une action en direction de personnes – par exemple dans les prisons et sur les campus – qui pourraient se laisser entraîner vers des dérives extrémistes et violentes.

3. Une action européenne encore très imparfaite

Toutefois, cette mobilisation européenne a souffert de plusieurs faiblesses. Tout d'abord, la structure en piliers, qui a prévalu jusqu'au traité de Lisbonne (2007), a freiné l'affirmation d'une approche globale pourtant nécessaire. La règle de l'unanimité au Conseil, qui régissait les deuxième et troisième piliers, a aussi constitué un obstacle à une coopération efficace dans la lutte contre le terrorisme. Les instruments juridiques (conventions, décisions-cadre...) du troisième pilier étaient eux-mêmes mal adaptés. Le rôle limité de la Cour de justice était par ailleurs un obstacle à une bonne sécurité juridique.

Ensuite, l'action européenne n'est pas assez opérationnelle. La coopération policière et judiciaire à travers Europol et Eurojust n'a pas pleinement utilisé tout le potentiel de ces agences. Si Europol a exercé une mission d'appui non négligeable aux États membres pour faciliter l'échange d'informations, son rôle opérationnel est resté limité, avec une faible participation aux équipes communes d'enquête. Dans les affaires de terrorisme, les services enquêteurs sont souvent enclins à privilégier les contacts directs avec leurs homologues d'autres États membres. Eurojust comme Europol ne sont pas systématiquement destinataires de renseignements concernant les procédures en cours et les condamnations prononcées dans les États membres dans les affaires de terrorisme.

Enfin, la lutte contre le terrorisme au niveau européen a été confrontée à la recherche d'un équilibre difficile entre répression et respect des principes de l'État de droit. L'accord passé avec les États-Unis pour le transfert des données des passagers des vols aériens (PNR) a été critiqué en raison de trop faibles garanties sur la protection des données. Des critiques comparables ont été émises sur l'utilisation par les États-Unis de données personnelles provenant de l'Union européenne détenues par la société d'échanges de messages financiers SWIFT aux fins de lutte contre le terrorisme [19]. La directive du 15 mars 2006 qui avait prévu la conservation des données téléphoniques par les opérateurs a, en définitive, été déclarée invalide par la Cour de justice de l'Union européenne [20]. Les allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens ont également suscité de vives polémiques [21].

4. L'urgence de réponses opérationnelles renforcées

4.1 Une approche globale

Face au défi d'une menace terroriste désormais permanente et diffuse, la déclaration du 11 janvier 2015 a retenu le principe d'une action qui continuera à s'inscrire dans une approche globale. La déclaration des membres du Conseil européen du 12 février 2015 a défini trois priorités : assurer la sécurité des citoyens en utilisant mieux et en étoffant les instruments existants, prévenir la radicalisation et protéger les valeurs de l'Union, coopérer avec les partenaires de l'Union à l'échelon international. L'Agenda européen pour la sécurité 2015-2020, présenté par la Commission européenne le 28 avril 2015, place aussi la lutte contre le terrorisme et la radicalisation au cœur de la nouvelle stratégie. Les parlements se sont aussi mobilisés. Une réunion sur la lutte contre le terrorisme avec les représentants des assemblées de plusieurs États européens s'est tenue le 30 mars au Sénat à l'initiative du président Gérard Larcher et de Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Une déclaration conjointe rappelant les principes fondamentaux et les actions prioritaires en matière de lutte contre le terrorisme au niveau européen a été adoptée. La déclaration commune, adoptée après les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016, par les ministres européens de la justice et de l'intérieur réaffirme un certain nombre de priorités dans le renforcement de la capacité collective de l'Union européenne à lutter contre le terrorisme. Elle appelle notamment à l'adoption de la directive PNR, ainsi qu'à l'alimentation systématique, l'utilisation cohérente et l'interopérabilité des bases de données européennes et internationales dans le domaine de la sécurité, des déplacements et des migrations.

L'Union européenne devra mieux prendre en compte dans la définition du terrorisme le phénomène des nationaux qui partent combattre à l'étranger. Elle pourra s'appuyer sur la résolution 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les " combattants étrangers ", qui les définit comme ayant le dessein de " commettre, d'organiser ou de préparer des actes de terrorisme, ou afin d'y participer ou de dispenser ou recevoir un entraînement au terrorisme, notamment à l'occasion d'un conflit armé [...] ". Le cadre juridique européen doit également être adapté pour faciliter la surveillance, les poursuites et les mises en cause de ces " combattants étrangers ". Une proposition de directive du 3 décembre 2015 devrait permettre d'incriminer la tentative de recrutement et entraînement, le voyage à l'étranger dans le but de participer aux activités d'un groupe terroriste et le financement de diverses infractions terroristes.

4.2 Des améliorations à consolider

La coopération policière et judiciaire peut désormais s'appuyer sur le cadre juridique plus propice établi par le traité de Lisbonne. Celui-ci a procédé à une rationalisation qui se traduit par le remplacement des instruments juridiques propres à l'ex-troisième pilier par des actes communautaires classiques (règlements et directives) et par un renforcement des pouvoirs de contrôle de la Cour de justice. La procédure législative ordinaire – et donc la règle de la majorité qualifiée au Conseil – s'applique désormais à la coopération judiciaire pénale. Le traité prévoit le renforcement d'Eurojust (art. 85 TFUE) et permet la création d'un Parquet européen dont les compétences pourront être étendues à la lutte contre la criminalité grave transfrontière (art. 86 TFUE).

Le traité de Lisbonne a aussi posé les bases d'une coopération policière opérationnelle (art. 87 TFUE). Il permet, sur décision du Conseil (statuant à l'unanimité), l'intervention des autorités de police ou de douanes d'un État membre sur le territoire d'un autre État membre (art. 89 TFUE). Il officialise le Comité permanent de sécurité intérieure (COSI) chargé de renforcer la coopération opérationnelle et la coordination (art. 71 TFUE). Le traité encourage par ailleurs la coopération entre les États membres (art. 73 et 74 TFUE) et donne une base juridique pour des mesures destinées à combattre le financement du terrorisme (art. 75 TFUE). Introduite par le traité de Lisbonne (art. 222 TFUE), la clause de solidarité prévoit la possibilité pour l'Union et ses États membres de porter assistance à un autre État membre victime d'une attaque terroriste. Après les attentats du 13 novembre 2015, la France a préféré invoquer la clause de défense mutuelle qui prévoit qu' " au cas où un Etat membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres Etats membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir " (art. 42§7 TUE).

Au-delà, les États membres doivent mieux exploiter le potentiel d'Europol et d'Eurojust, en leur transférant de façon plus systématique les informations pertinentes et en reconnaissant la contribution que ces deux agences peuvent apporter dans le cadre des équipes communes d'enquête. Les connexions entre certains flux migratoires et la criminalité doivent être identifiées. Pour cela, Europol doit travailler avec Frontex, l'agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne. La réforme d'Europol, adoptée en novembre 2015, permettra à l'agence de créer plus facilement des unités spécialisées pour réagir aux menaces émergentes notamment terroristes. La réforme du système européen d'information sur les casiers judiciaires (ECRIS), proposée par la Commission européenne en janvier 2016, devrait faciliter l'échange d'informations relatives aux casiers judiciaires concernant des ressortissants de pays tiers condamnés dans les Etats membres.

La mise en place d'un système européen de dossiers de données des passagers de vols aériens (PNR) est en discussion depuis 2011. Un tel système européen serait seul de nature à assurer une coordination efficace entre les PNR nationaux dans le respect des garanties indispensables pour la protection des données personnelles. Il permettrait aux services répressifs d'identifier des suspects dont les modalités de voyage sont inhabituelles et de surveiller a posteriori des itinéraires, déplacements et contacts d'individus suspectés d'être impliqués dans des activités terroristes. Après les attentats de Paris et de Copenhague, le Conseil et le Parlement européen se sont engagés à accélérer leurs travaux afin de parvenir à un accord avant la fin de 2015. La Cour de justice doit par ailleurs rendre un avis sur la conformité aux traités du projet d'accord entre l'Union européenne et le Canada.

Le phénomène des combattants étrangers rend indispensables des contrôles approfondis quasi systématiques de ressortissants des pays membres de l'espace Schengen lorsqu'ils entrent et sortent de cet espace. Dans leur déclaration du 12 février 2015, les membres du Conseil européen ont exprimé le souhait que le cadre Schengen existant soit pleinement exploité afin de renforcer et de moderniser le contrôle aux frontières extérieures. Ils ont manifesté leur accord pour des contrôles systématiques et coordonnés de personnes jouissant de la liberté de circulation, fondés sur des indicateurs de risque communs. Une modification ciblée du code frontières Schengen devrait par ailleurs permettre des contrôles permanents. Les dispositifs d'identification, tel le système d'information Schengen (SIS), devraient être utilisés de façon plus systématique à cette fin. Les moyens de l'agence européenne Frontex doivent être renforcés. Le Conseil européen a aussi affirmé sa volonté de dialoguer davantage avec les pays tiers. Le sommet de la Valette qui a réuni, les 11 et 12 novembre 2015, des représentants de l'Union européenne et de pays tiers a permis de souligner le lien entre développement et sécurité. La prévention de la migration irrégulière et le renforcement de la coopération en matière de réintégration sont aussi des instruments de la lutte contre le terrorisme.

Une proposition de règlement du 23 janvier 2016 tend à créer une agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes à partir de Frontex. Un bureau spécifique serait chargé des retours afin d'aider les Etats sur le plan opérationnel. Une proposition de règlement du 23 janvier 2016 tend à obliger les Etats membres à effectuer des vérifications systématiques sur les personnes jouissant de la libre circulation en vertu du droit de l'Union, lorsqu'elles franchissent la frontière extérieure. En outre, un document de voyage européen serait destiné à faciliter le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (proposition de règlement du 15 décembre 2015). Un modèle de sécurité renforcé pour les visas permettra aux Etats membres d'établir une nouvelle vignette visa selon un modèle uniforme qui préviendrait les fraudes (proposition de règlement du 26 juin 2015).

Le plan d'action de la Commission européenne du 2 février 2016 tend à mieux lutter contre le financement du terrorisme à partir de trois grands axes : le contrôle des plates-formes d'échange de monnaies virtuelles sur internet ; la fin de tout anonymat pour les cartes prépayées ; la mise en place d'une coopération efficace entre les cellules de renseignement financier. Ces mesures entrent dans le cadre de révision de la directive anti-blanchiment.

La Commission européenne a aussi proposé un ensemble de mesures pour rendre plus difficile l'acquisition d'armes à feu, améliorer la traçabilité des armes détenues légalement, renforcer la coopération entre les Etats membres et garantir que les armes à feu neutralisées sont rendues inopérantes (proposition de directive du 18 novembre 2015). Elle a présenté, le 18 novembre 2015, un plan d'action pour accroître l'efficacité de la lutte contre le marché noir des armes et des explosifs. En outre, un nouveau règlement, adopté définitivement à cette même date, définit des critères communs sur la façon dont les Etats membres doivent neutraliser les armes afin de les rendre inopérantes.

L'Union européenne doit lutter contre la propagande jihadiste sur Internet. À cette fin, il convient de responsabiliser les acteurs privés de l'Internet et de mieux les impliquer dans la lutte contre le terrorisme. L'Agenda pour la sécurité 2015-2020 retient plusieurs pistes. La création d'un centre européen de lutte contre le terrorisme, qui est intervenue le 25 janvier 2016, devrait permettre à Europol de soutenir l'action des autorités répressives nationales contre les combattants terroristes étrangers, le financement du terrorisme ainsi que les contenus extrémistes violents en ligne et le trafic illicite d'armes à feu. L'Union européenne devra aussi finaliser des mesures destinées à assurer un niveau commun élevé de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union [22]. La Commission entend créer par ailleurs un centre d'excellence chargé de centraliser et de diffuser l'expertise dans le domaine de la lutte contre la radicalisation en s'appuyant sur le réseau de sensibilisation à la radicalisation institué en 2011.


[1] : Ce texte est paru initialement dans la revue Questions internationales, dans le cadre d'une livraison thématique consacrée aux " Nouveaux espaces du jihadisme. Menaces et réactions ", n°75, La documentation française, Septembre-octobre 2015. Nous remercions vivement la Documentation française de son aimable autorisation à reproduire ce texte.
[2] : TFUE : traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
[3] : Assassinat d'un soldat britannique, le 22 mai 2013, à Woolwich, Londres ; attaque au couteau contre un soldat français, le 25 mai 2013, dans le quartier de La Défense à Paris.
[4] : Acronyme de " Terrorisme, radicalisme, extrémisme, violence internationale ", le groupe TREVI a été constitué le 1er juillet 1975, dans un cadre informel. Il réunissait les ministres de l'Intérieur et de la Justice des neuf États membres de la Communauté économique européenne (CEE) ainsi que ceux des États associés.
[5] : Voir Guillaume Renaudineau, " L'Union européenne face au terrorisme ", Questions internationales, n° 8, juillet-août 2004, p. 58-63.
[6] : En septembre 2007, Gilles de Kerchove a été nommé dans cette fonction.
[7] : Décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, modifiée par la décision-cadre 2008/919/JAI du 28 novembre 2008 qui a créé trois nouvelles infractions liées au terrorisme, à savoir la " provocation publique à commettre une infraction terroriste ", le " recrutement pour le terrorisme " et l'" entraînement pour le terrorisme ".
[8] : Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres.
[9] : C'est grâce à un mandat d'arrêt européen que l'individu ayant assassiné quatre personnes au Musée juif de Belgique en 2014 a été remis par la justice française aux autorités belges en moins de six semaines.
[10] : Directive du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et règlement du Parlement européen et du Conseil sur les informations accompagnant les virements de fonds. Ce " 4e paquet anti-blanchiment " a été entériné par le Conseil pour les Affaires économiques et financières (ECOFIN) le 27 janvier 2015.
[11] : Voir Philippe Delivet, " Schengen, trente après : bilan, réalités, défis ", Question d'Europe, n° 361, Fondation Robert Schuman, Paris, 15 juin 2015.
[12] : Règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (dit " Code frontières Schengen ").
[13] : Le système Eurodac permet aux pays de l'Union européenne de participer à l'identification des demandeurs d'asile et de personnes ayant été appréhendées dans le contexte d'un franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'Union.
[14] : Règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
[15] : Décision 2008/615/JAI du Conseil du 23 juin 2008 relative à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière.
[16] : Directive 2006/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications, et modifiant la directive 2002/58/CE.
[17] : Il a par exemple permis l'échange d'informations sur les deux frères impliqués dans l'attaque contre le journal Charlie Hebdo.
[18] : La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) intègre en principe la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers sur leur territoire.
[19] : Résolution du Parlement européen du 17 septembre 2009 sur l'accord international envisagé pour mettre à la disposition du ministère des Finances américain des données de messagerie financière afin de prévenir et de combattre le terrorisme et le financement du terrorisme ; résolution du Parlement européen du 23 octobre 2013 sur la suspension de l'accord TFTP sur le programme de surveillance du financement du terrorisme (Terrorism Finance Tracking Programme) du fait de la surveillance exercée par l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA).
[20] : La Cour a considéré que la directive comportait une ingérence d'une vaste ampleur et d'une gravité particulière dans les droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel sans que cette ingérence soit limitée au strict nécessaire (arrêt du 8 avril 2014 C-293/12 et C-594/12 Digital Rights Ireland et Seitlinger e.a.).
[21] : Dans une résolution du 11 septembre 2012, le Parlement européen a notamment souligné que les personnes suspectées de terrorisme ne doivent pas faire l'objet de procédures spéciales et rappelé que toute personne doit être en mesure de bénéficier de toutes les garanties prévues par le principe de procès équitable tel que défini à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
[22] : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union, et sur la stratégie européenne de cybersécurité : un cyberespace ouvert, sûr et sécurisé (JOIN(2013) 1 final).

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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