Incertitude maximale à un mois des élections législatives britanniques

Élections en Europe

Corinne Deloy

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7 avril 2015
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Incertitude maximale à un mois des élections législatives britanniques

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Au Royaume-Uni, où le mode de scrutin (First past the post), favorable aux " grands " partis, n'a pas changé depuis quatre siècles, le système politique est extrêmement stable. Les Britanniques l'ont même plébiscité en 2011 puisque les 2/3 d'entre eux (67,87%) ont refusé par référendum de modifier ce système et de le remplacer par le vote alternatif. Conséquence du système électoral : le bipartisme domine dans le pays depuis 1935. Aucun nouveau parti n'a réussi à s'imposer depuis lors. La fragmentation est rendue impossible par un mode de scrutin qui permet à un député d'être élu même avec 30% des suffrages. Lors des dernières élections législatives du 6 mai 2010, conservateurs et travaillistes ont recueilli ensemble plus des 2/3 des suffrages (65,10%), un chiffre toutefois en recul au fil des années : 65,7% en 2005 ; 72,4% en 2001 ; 73,8% en 1997, 76,3% en 1992 et ...97% en 1951 !

Les dernières élections avaient débouché sur un hung parliament (parlement suspendu), c'est-à-dire sans réelle majorité et le Parti conservateur avait dû faire alliance, pour la première fois, avec les Libéraux-démocrates pour obtenir la majorité absolue à la chambre des Communes. Le bipartisme est donc désormais mis à mal. Les conservateurs ont ainsi tout à craindre d'une progression du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) qui les priverait de nombreuses voix et ...de plusieurs sièges. Cependant, même dans ce cas, l'UKIP ne pourrait guère remporter plus d'une dizaine de sièges (15 au mieux, seulement 5 prévus par les enquêtes d'opinion) en raison du mode de scrutin. Les Libéraux-Démocrates avaient recueilli 23% des suffrages lors du scrutin législatif du 6 mai 2010, mais obtenu 8,8% des sièges à la Chambre des Communes. La question est donc moins jusqu'où le parti de Nigel Farage peut-il aller (ou combien de députés peut-il obtenir) que de savoir â qui va profiter de la secousse qu'il représente ?

D'autres partis pourraient jouer un rôle primordial dans ce scrutin. Ainsi, le Parti national écossais (SNP), qui entend bien prendre sa " revanche " sur le référendum perdu sur l'indépendance de l'Ecosse le 18 septembre dernier, pourrait se retrouver faiseur de rois du scrutin législatif. Il pourrait en effet priver le Parti travailliste de la majorité absolue en recueillant un grand nombre de suffrages dans la région la plus septentrionale du pays (jusqu'à 50, sur 59 députés écossais présents à la Chambre des Communes) et devenir la troisième force politique de Westminster. L'opposition des travaillistes à l'indépendance de l'Ecosse et leur participation à la campagne du " non " aux côtés des conservateurs a fortement déplu à de nombreux Ecossais. L'importante concentration des nationalistes (le parti est uniquement présent en Ecosse) lui permet de ne pas souffrir du mode de scrutin.

Le Labour pourrait être obligé de s'allier avec un parti qui milite pour l'indépendance de l'Ecosse pour s'assurer une majorité gouvernementale. Le SNP a d'ores et déjà exprimé ses desiderata : réduction de l'austérité budgétaire, démarrage des travaux de la nouvelle ligne de TGV à Edimbourg plutôt qu'à Londres, démantèlement des bases nucléaires de la Royal Navy en Ecosse et contrôle intégral de la fiscalité écossaise par le parlement d'Edimbourg. Le dirigeant travailliste a bien compris le danger et promis qu'il ne formerait pas de coalition avec le SNP. De son côté, le Premier ministre David Cameron a beau jeu de répéter que " le Labour veut se faufiler à Downing Street en s'alliant avec des gens qui veulent casser notre pays ".

Enfin, les Libéraux-démocrates, opposés à l'organisation d'un référendum sur la sortie du pays de l'Union européenne promis par David Cameron en cas de victoire des conservateurs, pourraient changer leur fusil d'épaule et décider de s'allier avec les travaillistes. Le découpage électoral actuel est favorable aux travaillistes, c'est-à-dire qu'avec le même nombre de suffrages que les conservateurs, le Labour disposerait de davantage de sièges à la Chambre des Communes.

L'incertitude dont est porteur le scrutin du 7 mai se retrouve dans les enquêtes d'opinion : un sondage réalisé par l'institut YouGov et publié dans le Sunday Times le 29 mars dernier accorde la victoire au Parti conservateur avec 36% des suffrages. Il recueillerait 4 points de plus que son homologue travailliste tandis qu'une autre enquête réalisée à la même période par l'institut ComRes donne le résultat inverse : un succès de l'opposition de gauche avec la même avance de 4 points (36%). Enfin, le dernier sondage de l'institut Populus, réalisé à la fin du mois de mars, donne les deux principaux partis britanniques à égalité (34%). L'UKIP prendrait la 3e place du scrutin suivi par les Libéraux-Démocrates, le Parti vert et le SNP.

Selon les enquêtes d'opinion, les questions économiques, la santé et l'immigration sont les trois sujets prioritaires de ce scrutin pour les Britanniques. La campagne électorale officielle a débuté le 30 mars. Conformément à la tradition, le Premier ministre David Cameron s'est rendu à Buckingham Palace pour demander à la reine Elizabeth II l'autorisation de dissoudre le parlement.

L'Union européenne constitue également un enjeu, certes indirect, des élections législatives. David Cameron a annoncé en mai 2013 l'organisation d'un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union, espérant par ce geste couper l'herbe sous le pied des eurosceptiques. Le Premier ministre a cependant été pris à son propre piège et son geste n'a pas du tout calmé les ardeurs des opposants à l'Union européenne. Il a alors travaillé à obtenir de Bruxelles la révision des traités européens, mais l'Allemagne et la France ont refusé d'entrer dans une négociation sur ce sujet.

Les libéraux-démocrates et les travaillistes sont opposés à la tenue d'un référendum sur l'Union européenne sauf en cas - hautement improbable - de nouveaux transferts de pouvoirs de Londres vers Bruxelles.

Près des 2/3 des Britanniques (63%) se déclarent eurosceptiques selon le rapport annuel de NatCen Social Research publié le 26 mars dernier. Cependant, plus de la moitié des personnes interrogées (57%) déclarent souhaiter que leur pays reste dans l'Union européenne pour un tiers (35%) qui disent vouloir en sortir.

Le bilan de David Cameron

Au pouvoir depuis cinq ans, le Premier ministre sortant David Cameron peut s'appuyer sur des résultats indiscutables : la croissance est de retour dans le pays et la plus élevée du pays depuis 2007 (2,6% en 21014 et 3,5% prévus pour cette année) et le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis juin 2008 (5,6% en novembre 2014). A titre de comparaison, la croissance s'établissait à 1,5% en Allemagne et à 0,4% en France pour 2014. Les conservateurs ont créé 2 millions de nouveaux emplois au cours des 5 dernières années. La flexibilisation du marché du travail explique en grande partie les résultats économiques.

4,6 millions de Britanniques travaillent en tant que self employed (auto-entrepreneurs ou, selon le terme anglais, auto-employés), soit 15% de la main-d'œuvre du pays. Entre 2008 et 2014, le nombre de Britanniques possédant un emploi a augmenté de 1,1 million de personnes, dont 732 000 autoentrepreneurs. Cette tendance s'est quelque peu infléchie au cours des derniers mois, le nombre d'autoentrepreneurs stagne et a même légèrement commencé à baisser et les emplois conventionnels ont augmenté d'un demi-million en 2014. Cette même année, les salaires ont progressé de 2,1%, soit plus que l'inflation, en raison notamment de la chute des prix du pétrole. La montée de la livre (+ 18% en un an face à l'euro et + 15% face au dollar) a également pesé sur les salaires.

David Cameron n'a cependant pas rempli l'ensemble de ses objectifs de 2010. Ainsi, le déficit du pays reste élevé (5% du PIB) tout comme sa dette (80,4%) même si ces deux chiffres sont meilleurs que ceux d'il y a 5 ans. Les conservateurs ont supprimé des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires et l'emploi public est à son plus bas niveau historique au Royaume-Uni.

La croissance retrouvée masque également une hausse des inégalités. L'Organisation pour la coopération et le développement en Europe (OCDE) a d'ailleurs récemment mis en avant ses inquiétudes quant aux effets négatifs des inégalités sociales dans le pays (et quant au faible niveau de productivité du travail) tout en accordant un satisfecit aux réformes engagées par David Cameron. L'OCDE a suggéré au gouvernement de relancer les investissements dans les infrastructures mais également dans l'éducation et la recherche et développement(R&D) pour favoriser une hausse de productivité.

Le chancelier de l'Echiquier (ministre de l'Economie) George Osborne a qualifié le Royaume-Uni de comeback country. Il a affirmé que la richesse du pays dépasserait dans 15 ans celle de l'Allemagne. George Osborne promet également l'équilibre budgétaire pour les années 2020-2021. Il prévoit de faire baisser les dépenses publiques à 36% du PIB, soit juste au-dessus de leur niveau de 1957-1958 (35,8%) et de 1999-2000 (35,9%). Les économies devraient être réparties en trois temps : la sécurité sociale devra économiser 13 milliards £ ; les différents ministères, 13 milliards et la lutte contre l'évasion fiscale devrait rapporter 5 milliards £. Les conservateurs promettent toutefois de maintenir le budget de la santé et les investissements dans l'éducation. Le chancelier de l'Echiquier a cependant réduit fin mars le niveau de baisse des finances publiques prévu pour les prochaines années, privant ainsi l'opposition travailliste d'un de ses arguments de campagne selon lequel les tories voulaient réduire l'Etat à ce qu'il était dans les années 1930.

Les conservateurs souhaitent également baisser les impôts. Ils promettent que, d'une part, les personnes percevant un revenu inférieur à 12 500 £ seront exonérées d'impôt sur le revenu (une mesure qui devrait alléger les taxes de 27 millions de personnes) et que, d'autre part, la tranche d'imposition la plus élevée (40%), actuellement fixée à 41 900 £, sera relevée à 50 000 £. Les cotisations sociales payées par les employeurs seront également réduites.

George Osborne veut également encourager le travail des jeunes de 18 à 21 ans en simplifiant les démarches pour l'emploi. Il prévoit l'investissement de 8 milliards £ dans les écoles, l'apprentissage et le recrutement de professeurs. Enfin, les conservateurs entendent poursuivre leur politique de contrôle de l'aide sociale : aucun ménage bénéficiant des allocations chômage ne pourra percevoir des prestations supérieures au revenu moyen d'un ménage occupant un emploi. Le gouvernement a annoncé sa volonté de ramener le seuil maximal de prestations sociales par an et par foyer de 26 000 à 23 000 £.

Etrangement toutefois, son bilan socioéconomique et l'amélioration de la conjoncture ne profitent que peu à David Cameron. Conscient de ce fait, le gouvernement a décidé le 18 mars dernier de quelques cadeaux en amont des élections ; augmentation en octobre prochain du salaire minimum de 3%, (il atteindra 6,70 £, soit 9,40 €), la hausse la plus importante depuis 2008. Le salaire minimum des jeunes va passer à 3,87 £ (pour ceux âgés de 16 à 17 ans) et à 5,30 £ pour ceux âgés de 18 à 20 ans. Les apprentis bénéficieront d'une hausse de salaire de 20% (3,30 £/h). " Il y a 5 ans quand je suis entré par cette porte, des millions de gens étaient au chômage, les familles n'avaient pas de sécurité économique et on s'inquiétait que le pays ne puisse pas payer sa dette. Le Royaume-Uni était au bord du gouffre. 5 ans plus tard, grâce à notre plan économique à long terme et aux décisions difficiles que nous avons prises, nous avons le taux d'emploi le plus haut de notre histoire et le niveau de vie progresse. Le Royaume-Uni s'est redressé " a souligné David Cameron lors de sa visite à la reine Elizabeth II le 30 mars. " Dans 38 jours, le Premier ministre qui franchira cette porte sera moi ou Ed Miliband. A vous de choisir entre une économie en croissance et le chaos " a t-il ajouté.

Le personnage reste cependant perçu comme le représentant de l'aristocratie britannique. Son refus d'accepter un débat en tête-à-tête avec le dirigeant travailliste Ed Miliband a été moqué par une partie des journalistes. Les chaînes de télévision BBC, ITV, Channel 4 et Sky 2 souhaitaient en effet organiser 3 émissions préélectorales rassemblant les 7 leaders politiques des partis les plus importants et, une semaine avant les élections, un dernier entre David Cameron et Ed Miliband, que le Premier ministre a refusé. Les débats préélectoraux télévisés ne constituent pas une tradition britannique. Les premiers ont été organisés dans le pays lors du précédent scrutin de mai 2010. Ils avaient rassemblé 22 millions de téléspectateurs.

David Cameron a toutefois débattu de manière indirecte avec Ed Miliband le 26 mars (le journaliste Jeremy Paxman a mené des entretiens consécutifs avec les deux hommes qui ont également été interrogés par des électeurs). Le chef du gouvernement sortant semble avoir pris l'avantage : 54% des téléspectateurs l'ont désigné vainqueur pour 46 % qui ont trouvé Ed Miliband plus convaincant. Le 2 avril, un débat télévisé a réuni les 7 représentants des principaux partis politiques pendant près de 2 heures autour des questions concernant la gestion du déficit public, le système de santé publique, l'immigration et les jeunes. Une première enquête d'opinion réalisée à l'issue de l'émission a accordé la " victoire " au dirigeant travailliste Ed Miliband ; une 2e place à Nicola Sturgeon et une 3e à David Cameron et Nigel Farage.

A la fin du mois de mars, le chef du gouvernement sortant a surpris en annonçant qu'il ne briguerait pas de 3e mandat s'il est réélu le 7 mai prochain et en prenant le risque d'ouvrir dès à présent une guerre de succession au sein de son parti. Il a même été jusqu'à citer les noms de 3 personnes qui, selon lui, pourraient lui succéder à la tête des tories : la ministre de l'Intérieur Theresa May, le chancelier de l'Echiquier George Osborne et le maire de Londres, Boris Johnson.

David Cameron a en partie échoué sur un point, l'immigration. Il avait promis de diviser par deux le solde migratoire (immigration moins émigration) et de ramener le nombre d'entrées annuelles sous la barre des 100 000 personnes. Ce chiffre s'est cependant accru pour atteindre 243 000 personnes en 2014. La moitié d'entre elles viennent de l'Union européenne, et notamment de la Bulgarie et de la Roumanie ; une immigration sur laquelle le gouvernement ne peut donc intervenir.

Le quotidien The Guardian a publié le 6 mars dernier une étude réalisée par l'université d'Oxford qui montre que le nombre d'immigrants avait augmenté de 500 000 personnes au cours des 3 dernières années. Selon le rapport, les 2/3 des personnes entrées au Royaume-Uni entre 2011 et 2014 sont nées dans d'autres Etats membres de l'Union européenne. David Cameron promet de réduire le nombre d'immigrés supplémentaires à " quelques dizaines de milliers ".

Les partis politiques sont unanimes à souhaiter une réduction de l'immigration (les travaillistes sont ainsi partisans d'une limitation durant deux ans de l'accès aux prestations sociales pour les nouveaux arrivants), même si chacune d'entre elles est consciente que le pays a besoin d'immigrants.

Des travaillistes qui peinent à s'imposer

Le Parti travailliste se présente aux suffrages des Britanniques avec le slogan suivant : Un meilleur projet, un meilleur avenir. Il est pourtant difficile de différencier le projet travailliste de celui défendu par les conservateurs. Le Labour promet sans doute davantage d'égalité sociale par une plus forte taxation des plus riches et plaide pour des coupes dans les dépenses sociales moins drastiques et davantage échelonnées dans le temps. Dépourvu d'un projet alternatif, il ne dispute cependant aux tories que la méthode ou la péréquation.

La réduction de l'écart entre gauche et droite entraîne une personnalisation de la vie politique. Malheureusement, celle-ci ne profite guère plus à Ed Miliband, considéré comme moins crédible au niveau économique que son principal rival et insuffisamment charismatique. Selon une récente enquête d'opinion, seul un cinquième des Britanniques estiment qu'il ferait un bon Premier ministre (20%).

La défaite subie par les travaillistes en 2010 n'a pas été suffisamment importante pour que ceux-ci refondent leur offre électorale.

Le Labour, qui a lancé sa campagne le 27 mars du haut de la tour ArcelorMittal Orbit, emblème des Jeux Olympiques d'été de 2012 à Londres, promet une hausse du salaire minimum (de 6,50 £ à 8 £) et de diviser par deux le nombre des petits salaires. Il veut rétablir à 50% la tranche la plus élevée de l'impôt sur le revenu. En revanche, il souhaite réduire le taux d'imposition des entreprises. Les travaillistes souhaitent la fin des contrats zéro heure (dispositif qui permet à un employeur de recruter un employé en contrat à durée indéterminée sans avoir à lui garantir un seuil minimum d'heure travaillées, et donc de salaire), promettent de doubler le nombre d'accédants à la propriété et veulent permettre à un plus grand nombre de jeunes d'avoir accès à l'apprentissage. Ils mettent l'accent sur les industries vertes et souhaitent doubler le million d'emplois existant dans ce secteur.

Le parti d'Ed Miliband promet également d'augmenter les allocations familiales et de moderniser le système de santé en embauchant 36 000 personnes (aides-soignants, médecins et infirmiers). Le coût de ces mesures est évalué à 3 milliards £ que les travaillistes pensent financer par une taxe sur les biens immobiliers, appelée mansion tax (taxe sur les châteaux), qui, selon eux, rapportait plus de 2,4 milliards € ; une autre sur l'industrie du tabac et enfin par la lutte contre la fraude fiscale. Le Labour se veut le défenseur du système de soins britannique, gratuit et universel, le National Health Service (NHS), étant une institution très populaire au Royaume-Uni.

Pour Ed Balls, qui devrait devenir chancelier de l'Echiquier en cas de victoire de l'opposition le 7 mai prochain, les travailleurs britanniques ne ressentent pas les effets positifs de la croissance. Il affirme que les salaires réels ont chuté de 16 000 £ (2 140 €) depuis 2010. Ed Miliband reproche au gouvernement conservateur de ne s'intéresser qu'à une poignée de Britanniques quand le Labour s'adresse à l'ensemble d'entre eux.

Enfin, le dirigeant travailliste s'appuie sur les craintes des entrepreneurs et des financiers quant aux effets d'un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sur la situation économique du pays. " Rien ne peut être pire que de jouer avec la place du Royaume-Uni au sein de l'Union. C'est une recette pour deux années d'incertitudes, pendant lesquels les investissements étrangers vont fuir. Cela menace de bloquer le marché européen aux petites et grandes entreprises. Notre pays n'a pas d'avenir en menaçant de partir. Il faut réformer l'Union de l'intérieur " a t-il souligné le 30 mars devant un parterre de patrons.

Les autres partis

Le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) a lancé sa campagne électorale le 12 février.

Initialement créée le 3 septembre 1993 par Nigel Farage, ancien membre du Parti conservateur, avec des membres de la Ligue antifédéraliste fondée par Alan Sked en novembre 1991 pour lutter contre la signature par Londres du traité de Maastricht aux élections législatives de 1992 et longtemps positionnée sur un seul enjeu, l'Union européenne, l'UKIP est désormais un parti comme les autres présent sur tous les enjeux.

Le parti veut mettre fin à l'immigration de masse ; il souhaite faire passer le nombre d'immigrés de 300 000, selon ses calculs, à 50 000 par an et interdire que les immigrants puissent bénéficier des aides sociales avant d'avoir payé des impôts durant 5 ans.

L'UKIP avait fait sensation lors des élections européennes du 22 mai 2014, en arrivant en tête du scrutin avec 26,77% des suffrages et en remportant 24 des 73 sièges britanniques à l'Assemblée de Strasbourg. Les travaillistes avaient recueilli 24,74% des voix (20 sièges) et légèrement devancé les conservateurs, qui avaient obtenu 23,31% des suffrages et 19 sièges.

L'UKIP, qui compte 40 000 membres, a récemment réduit ses ambitions en matière de nombre de sièges au Parlement même si Nigel Farage a affirmé qu'il obtiendrait plus que les 2 ou 3 députés supplémentaires que lui promettent les enquêtes d'opinion. " Nous sommes un parti qui espère obtenir une bonne représentation cette année mais qui attend surtout 2020 pour faire peut-être une entrée massive à la Chambre des Communes " a-t-il déclaré.

L'UKIP, eurosceptique, a évoqué la possibilité d'un soutien au cas par cas à un gouvernement conservateur. " Je chercherai à conclure un accord dans lequel nous soutiendrions des votes cruciaux comme celui sur le budget mais en contrepartie de critères très spécifiques sur un référendum sur l'Union européenne. Les termes de mon accord avec les tories seraient très précis et très simples. Je veux un référendum équitable organisé en 2015 " a indiqué Nigel Farage. Equitable signifie pour lui que seuls seraient autorisés à voter les détenteurs d'un passeport britannique, que les dépenses de campagne seraient limitées et que les électeurs devraient répondre à la question suivante : " Souhaitez-vous vivre dans une démocratie libre, indépendante et souveraine ? ".

" Le simple fait de discuter avec Nigel Farage d'un accord entre lui et nous lui donne de la crédibilité alors qu'il ne possède aucune crédibilité " a répondu George Osborne à une question qui lui était posée sur un rapprochement éventuel entre les deux partis.

Nigel Farage a annoncé qu'il démissionnerait s'il n'était pas élu dans la circonscription de South Thanet Sud (Kent) où il se présente et où il sera confronté à Al Murray, l'un des humoristes les plus populaires du pays, également animateur d'émissions de télévision et de radio. L'UKIP a dû récemment exclure la députée européenne Janice Atkison, qui se présentait dans une circonscription du Kent pour les élections législatives du 7 mai. Par ailleurs, un de ses candidats a quitté le parti eurosceptique dénonçant le racisme qui règne en son sein.

Les Libéraux-Démocrates, en nette perte de vitesse, s'accrochent au bilan du gouvernement pour justifier leur maintien dans la coalition emmenée par les conservateurs. " Le fait d'avoir participé au premier gouvernement de coalition a été controversé et nous avons dû prendre des décisions impopulaires " a déclaré leur dirigeant le vice-Premier ministre Nick Clegg.

Les lib-dems se battent pour conserver un pays uni et affirme défendre l'intérêt général tandis que chacun des deux " grands " partis a tendance à se positionner aux extrêmes. Nick Clegg s'est déclaré opposé à la poursuite des coupes budgétaires que prônent les conservateurs tout comme à l'emprunt auquel veulent recourir les travaillistes.

Les Lib-Dems doivent parvenir à conserver une trentaine de sièges pour espérer se maintenir au gouvernement.

Conduit par Natalie Bennett, le Parti vert d'Angleterre et du pays de Galles (G) est en hausse dans les enquêtes d'opinion mais devrait rencontrer des difficultés à augmenter son nombre de députés. Le parti écologiste, populaire auprès de la classe moyenne, a vu son nombre d'adhérents doubler au cours des 3 derniers mois pour compter 51 000 membres, soit plus que les Lib-dems .

Le système politique britannique

Le Parlement britannique comprend deux Chambres : la Chambre des Communes et la Chambre des Lords. Les députés de la Chambre des Communes sont élus pour 5 ans. Longtemps, la durée de la législature n'a pas été fixée et le Premier ministre pouvait décider à tout moment de convoquer ses compatriotes aux urnes. Depuis 2011 et le Fixed-term Parliaments Act, les élections législatives ont lieu le premier jeudi de mai de la quatrième année qui suit le précédent scrutin. La Chambre des communes est automatiquement dissoute 25 jours avant cette date (cette année le 30 mars).

Pour les élections législatives, le Royaume Uni est divisé en 650 circonscriptions (constituencies) : 529 en Angleterre, 59 en Ecosse, 40 au pays de Galles et 18 en Irlande du Nord. Le Parliamentary Voting System and Constituencies Act de 2011 prévoyait un redécoupage électoral et la baisse du nombre de députés de 650 à 600. La loi ayant été amendée en 2013, le redécoupage des circonscriptions n'interviendra qu'en 2018.

Le vote a lieu au scrutin uninominal majoritaire à un tour. Baptisé First past the post (le premier qui arrive au poteau) en référence au langage des courses hippiques, ce système privilégie le candidat arrivé en tête du scrutin, que celui-ci ait recueilli 80% ou 30% des suffrages. Ainsi, lors des dernières élections du 6 mai 2010, le Parti conservateur a recueilli 36,1% des voix mais obtenu 47,23% des sièges à la Chambre des Communes. Ce système est fatal aux " petits " partis qui ne peuvent espérer obtenir un siège que si leurs suffrages sont géographiquement concentrés, ce qui explique que les partis régionalistes (écossais, gallois ou irlandais) sont ceux qui parviennent le plus aisément à obtenir quelques députés.

Toute personne âgée de 18 ans peut être candidate au scrutin à l'exception des membres du clergé des églises d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande et de l'église catholique romaine, de certains hauts fonctionnaires, des soldats, des policiers de carrière, des juges et officiers judiciaires et enfin des ambassadeurs.

Les listes de candidats doivent être soutenues par au moins 10 électeurs. Elles doivent verser une caution de 500 £ (690 €) qui leur sera remboursée si elles recueillent au moins 5% des suffrages exprimés dans la circonscription.

Les élections législatives du 7 mai prochain sont les premières pour lesquelles il est possible de s'inscrire en ligne.

Actuellement, 12 partis politiques sont représentés à la Chambre des Communes :

– le Parti conservateur (Conservative), parti d'opposition créé au XIXe siècle et dirigé depuis décembre 2005 par le Premier ministre sortant David Cameron, compte 307 députés ;

– le Parti travailliste (Labour), fondé en 1900 et dirigé par Ed Miliband, possède 258 sièges ;

– les Libéraux-démocrates (LibDem), créés en 1988, membres du gouvernement sortant et dirigés par le vice-Premier ministre Nick Clegg, comptent 57 députés ;

– le Parti démocratique d'Ulster (DUP), parti protestant unioniste, favorable au maintien de l'Irlande dans le Royaume-Uni, emmené par Peter Robinson, possède 8 sièges ;

– le Parti national écossais (SNP), parti indépendantiste dirigé par Nicola Sturgeon, compte 6 députés ;

– Sinn Fein (SF), parti républicain et nationaliste irlandais conduit par Dawn Doyle, possède 5 sièges ;

– le Plaid Cymru (PC), parti régionaliste gallois dirigé par Leanne Wood, compte 3 députés ;

– le Parti travailliste et social-démocrate (SDLP), parti catholique d'Irlande du Nord emmené par Alastair McDonnell, possède 3 sièges ;

– le Parti vert d'Angleterre et du Pays de Galles (G), parti écologiste conduit par Natalie Bennett, compte 1 député ;

– le Parti Alliance d'Irlande du Nord, parti centriste dirigé par David Ford, possède 1 siège.

Une député indépendante siège également à la Chambre des Communes.

L'UKIP a remporté son premier siège de député en octobre 2014 grâce à la victoire de Douglas Carswell, ancien membre du parti conservateur qui a rejoint le parti de Nigel Farage à l'élection partielle de la circonscription de Clacton-on-Sea (Essex). Un mois plus tard, le scénario s'est répété et l'ex-Tory Mark Reckless a été élu député de la circonscription de Rochester and Strood (Kent).

Source : BBC

Deuxième Chambre du parlement britannique, la Chambre des Lords compte actuellement 760 membres (le chiffre est variable). Elle est composée de pairs à vie (life peers) ou de personnes anoblies pour services rendus à la nation - anciens élus de la Chambre des Communes, ex-hauts fonctionnaires, juges, industriels - ; de Lords héréditaires (les Lords héréditaires ont été supprimés par la réforme de 1999 mais 92 d'entre eux (choisis par leurs collègues et les groupes de la Chambre des Lords) ont été maintenus dans leurs fonctions à titre provisoire) et de 26 évêques de l'église anglicane. Chaque parti politique a le droit, chaque année, de proposer le nom de personnalités qu'il souhaite élever au rang de pairs à vie.

Les Lords ne peuvent bloquer le vote d'une loi proposée par le gouvernement ou la Chambre des Communes mais simplement le retarder, ce qu'ils ne font toutefois que très rarement.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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