Budget et Fiscalité
Antoine Frérot
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Antoine Frérot
Introduction
Libérer la croissance pour mettre fin au chômage de masse qui frappe en particulier les jeunes ; œuvrer à la Renaissance industrielle de l'Europe pour redresser sa compétitivité dans le monde ; protéger et utiliser plus efficacement nos ressources pour gagner en attractivité. Ces trois objectifs sont au cœur des priorités de nos responsables politiques et des demandes des citoyens européens. S'ils sont complémentaires, ils nécessitent des arbitrages, à l'échelle de notre continent, mais également à l'échelon de nos bassins de vie.
Plus de trois Européens sur quatre vivent en zone urbaine. La huitième édition du prix de la "capitale verte de l'Europe", attribué sur la base de douze indicateurs liés à l'environnement et au climat, illustre la volonté des villes européennes de mettre en avant la qualité de leur environnement pour attirer entreprises, chercheurs ou étudiants.
Le redressement de la compétitivité européenne ne pourra être durable s'il est découplé de nos territoires tant urbains que ruraux. Le développement économique, pour être soutenable, doit prendre en compte le double impact qu'il exerce sur l'environnement : en amont les prélèvements à la source entraînent un épuisement des ressources naturelles ; en aval, les rejets dans le milieu naturel ne cessent de croître sous forme de déchets et autres pollutions.
C'est pourquoi il est nécessaire que l'Europe fasse œuvre de précurseur en faisant de l'économie circulaire et de l'efficacité dans l'utilisation des ressources un moteur de la croissance économique. La Commission européenne y a réfléchi en adoptant en juillet dernier sa communication sur l'économie circulaire.
A la raréfaction progressive de ressources vitales au fonctionnement des économies modernes, l'économie circulaire apporte des solutions pragmatiques et efficaces. En bouclant les cycles de la matière, de l'eau ou de l'énergie, cette "autre" économie permet à l'économie de croître, tout en faisant décroître les prélèvements dans la nature.
L'économie circulaire repose sur un changement de paradigme, puisque, dans celle-ci, les déchets des uns deviennent systématiquement les ressources des autres. Elle est donc une économie de la récupération et de la réutilisation, mais aussi et surtout une économie de la recréation ! Ce faisant, elle transforme en profondeur les chaînes de production ainsi que les habitudes de consommation, et découple la croissance du PIB des prélèvements effectués dans la nature.
Leader mondial de la gestion des déchets et de leur valorisation énergétique, leader mondial du recyclage des eaux usées, précurseur de l'efficacité énergétique des bâtiments, Veolia est un acteur central de cette nouvelle économie qui transforme les déchets en ressources.
Il sera nécessaire de faire preuve d'imagination et d'inventer de nouveaux modèles économiques, tant pour les villes - afin que la gestion plus efficace des ressources ne crée pas de nouvelle contrainte sur les dépenses publiques - que pour les industriels, dont la qualité et la compétitivité de l'offre doivent être préservées. L'Union européenne peut y contribuer, notamment par une approche réglementaire qui stimule l'innovation et libère les initiatives, afin de développer les ressources alternatives.
C'est le sens des douze recommandations qui suivent - issues de l'expérience de terrain de nos 190.000 salariés - à l'attention des membres élus au Parlement européen et de la nouvelle Commission européenne. Ces éléments sont en ligne avec le concept de l'Economie circulaire, qui est, selon nous, une condition incontournable du retour vers une croissance économique durable en Europe, mais qui permettra également d'améliorer le niveau de vie et de mieux protéger l'environnement pour tous.
1. La transition vers une économie sobre en carbone doit être conçue et mise en œuvre selon un double objectif d'amélioration de la sécurité et de l'indépendance énergétiques.
L'économie circulaire multiplie la productivité des ressources prélevées dans la nature : elle répond donc aux objectifs affichés par l'UE en matière d'efficacité dans l'emploi des ressources. Elle ne vise pas seulement à une utilisation optimale de l'eau et des matières premières, mais aussi des ressources énergétiques. Dans le domaine de la politique énergétique, la priorité est de renforcer la cohérence entre les objectifs couplés de lutte contre le changement climatique et de sécurité et d'indépendance énergétiques.
L'efficacité énergétique est le moyen le plus efficace de combiner décarbonation de l'économie et amélioration de la sécurité énergétique de l'Union européenne.
Recommandation 1 : Les objectifs d'efficacité énergétique devraient être pleinement intégrés dans toutes les politiques nationales et européennes, à travers la réduction de la consommation d'énergie dans tous les secteurs de l'économie. Cela suppose des objectifs contraignants d'efficacité énergétique.
Le potentiel de réduction de la consommation des combustibles fossiles à travers des politiques d'efficacité énergétique est beaucoup plus important que la substitution des énergies fossiles par d'autres renouvelables. De telles politiques peuvent aussi contribuer au développement d'activités économiques nouvelles, dans les Etats membres. Ces activités se développeront localement, au sein des régions et des villes européennes, permettant ainsi de créer de nouveaux viviers d'emplois de longue durée, de stimuler la croissance et de réduire la dépendance énergétique. De fait, l'efficacité énergétique en tant que politique fondamentale et instrument stratégique n'est pas suffisamment prise en considération par les décideurs politiques nationaux et européens.
Au niveau de l'UE, un objectif contraignant de 20 % d'économie d'énergie d'ici 2020 a été établi. L'Union européenne est susceptible d'approcher cet objectif à moins de 1 %, alors que les objectifs d'émissions de CO2 [1] et d'énergies renouvelables [2] au sein de l'Union seront dépassés (des objectifs contraignants ayant été établis en 2008 dans ces domaines). Les avantages d'une approche contraignante sont tangibles et constituent un enseignement utile pour les décideurs chargés de définir les politiques publiques pour la période post-2020. En temps de crises économique et énergétique, l'efficacité énergétique, associée à la diversification des sources d'énergie, peut aider à répondre aux risques majeurs nés de la récente crise russe et ukrainienne.
Par conséquent, il me semble utile d'introduire le paramètre "efficacité énergétique" dans toutes les politiques européennes pertinentes (en particulier, dans les domaines de la concurrence, du commerce, du transport, de l'industrie et de l'innovation). Par ailleurs, les décideurs politiques européens devraient envisager la définition d'objectifs obligatoires d'efficacité énergétique aux horizons 2020 et 2030 (objectifs établis selon des indicateurs de performance énergétique spécifiques à chaque secteur, et définis en termes d'économies d'énergie primaire [3]), et de fournir des incitations juridiques et financières pour que les Etats membres respectent des objectifs décidés en amont.
La chaleur compte pour près de 50 % de la consommation totale d'énergie en Europe. Aussi une réduction significative de la consommation énergétique de l'Union européenne - en particulier des combustibles fossiles - ne sera réalisable qu'à travers une véritable politique de la chaleur au niveau de l'Union.
Recommandation 2 : Une politique destinée à accroître l'efficacité de la production de chaleur devrait constituer l'un des principaux axes de la feuille de route de l'Union européenne sur l'énergie et un élément essentiel de la politique climatique de l'UE après 2020.
Un des moyens clés pour aider l'Union européenne à atteindre ses objectifs d'efficacité énergétique est de réduire la consommation de chaleur et les émissions de gaz à effet de serre qui y sont liées. La chaleur représente près de 50 % de la consommation totale d'énergie en Europe. En outre, 70 % de l'énergie consommée par les bâtiments sont destinés au chauffage. Ces réductions peuvent être atteintes en encourageant les solutions qui produisent des résultats rapides, de grande ampleur et à un coût acceptable. Ces solutions sont pour l'essentiel les Contrats de Performance Energétique (CPE), les réseaux de chauffage urbain, la cogénération, ainsi que l'utilisation de la biomasse, des ressources géothermiques, des pompes à chaleur et de l'énergie thermique solaire.
Développer dans les bâtiments des contrats de type CPE, de longue durée, pour les services de chaleur et de climatisation est un moyen majeur pour renforcer l'efficacité énergétique. Le développement d'une industrie d'Entreprises de Services Energétiques (ESE) enclencherait une dynamique de création d'emplois. Cela encouragerait également le financement d'investissements dans les projets de performance énergétique, dans la mesure où leur rentabilité serait assurée par des engagements à long terme garantis par des spécialistes des services énergétiques.
En ce qui concerne les émissions de GES, la récupération de la chaleur provenant d'unités industrielles, de centrales électriques, de centres de données, ou même de systèmes d'épuration des eaux, - récupération qui participe de l'économie circulaire - puis sa réinjection dans les réseaux de chauffage urbain permet d'accéder à de très importantes sources d'énergie décarbonée. C'est le cas notamment pour la chaleur produite par les incinérateurs de déchets. De plus, la substitution des hydrocarbures importés par de la biomasse produite localement comme combustible pour ces unités de production de chaleur et d'électricité réduirait massivement les émissions de CO2 et diminuerait notre dépendance énergétique.
Ainsi, en sus des politiques d'efficacité énergétique qui se concentrent principalement sur l'isolation thermique des bâtiments, des actions fortes sur la production et la distribution de chaleur et de froid restent à définir. Par conséquent, je propose que les contrats de performance énergétique et les réseaux de chauffage et de refroidissement urbains soient intégrés au cœur des politiques énergétique et climatique de l'Union. En particulier, les réseaux de chauffage urbain, conçus pour permettre l'exploitation la plus efficace et la plus étendue des sources locales d'énergies renouvelables, devraient être promus comme une priorité.
Les réseaux de chauffage urbain ont une qualité essentielle : la flexibilité de leur alimentation en énergie. Ils peuvent servir l'objectif d'augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de l'Union, en facilitant une mise en œuvre rapide et à large échelle des solutions de substitution aux hydrocarbures importés.
Recommandation 3 : L'utilisation de sources d'énergie renouvelable, de chaleur résiduelle et de technologies de production combinée de chaleur et d'électricité dans les réseaux de chauffage urbain devrait être encouragée.
La biomasse est déjà la source principale d'énergie renouvelable en Europe, mais elle est loin d'avoir atteint son plein potentiel, alors même qu'étant produite et consommée localement, elle est un des maillons essentiels d'une économie circulaire dans le domaine de l'énergie. En tant que substitut aux combustibles fossiles, la biomasse permet de réduire significativement les émissions de CO2 et protège les utilisateurs des fluctuations de prix inhérentes aux marchés du pétrole et du gaz. Les déchets de bois sont également une source potentielle majeure de combustible et une reforestation raisonnée contribue encore davantage au captage du CO2. L'utilisation des Combustibles Solides de Récupération (CSR) dont le potentiel est évalué à plusieurs dizaines de millions de tonnes en Europe et qui proviennent essentiellement de la biomasse serait un atout majeur.
Les réseaux de chauffage urbain contribuent à l'utilisation la plus efficace de cette ressource naturelle ainsi que des autres sources renouvelables de chaleur. Plus de 125 millions de citoyens européens (25% de la population de l'Union) vivent dans des régions où l'énergie géothermique peut être exploitée de façon durable et connectée aux réseaux de chaleurs urbains. En outre, un réseau de chaleur urbain peut être alimenté avec d'autres sources d'énergie renouvelables intermittentes (en particulier, l'électricité produite à partir de l'énergie solaire et éolienne en cas de surcapacité). De plus, la chaleur résiduelle produite par les centrales électriques et les installations industrielles, les centres de données et les systèmes d'épuration peut être récupérée pour alimenter les réseaux de chauffage urbain. Ils peuvent être utilisés comme installations de stockage pour la chaleur produite à partir de ces différentes sources, ce qui peut leur conférer à terme un rôle majeur pour stabiliser les réseaux électrique en cas de surproduction d'électricité d'origine éolienne ou photovoltaïque.
Selon la feuille de route détaillée et quantifiée élaborée par EuroHeat & Power [4], 50% de la population de l'Union pourraient être couverts par les réseaux de chauffage urbain en 2050, en utilisant un mix énergétique provenant à 25% de combustibles fossiles (contre 75% actuellement), 33% de pompes à chaleur de grande capacité, 17% de biomasse et 25% répartis entres les sources de chaleur géothermiques et thermiques solaires, l'énergie recyclée à partir de l'incinération de déchets et des installations industrielles. Une telle transition permettrait de générer 100 milliards € par an d'économies dans les dépenses en énergie primaire.
L'énergie produite à partir de la combustion de la biomasse, des CSR et des déchets peut être utilisée dans des centrales à cogénération produisant à la fois de l'électricité et de la chaleur, ceci de façon modulable. Ces installations sont souvent deux fois plus efficaces que les centrales électriques conventionnelles. La cogénération permet de réduire les coûts et les émissions de CO2, d'assurer une fourniture indépendante d'électricité et de limiter l'exposition aux fluctuations des prix de l'électricité. Exploiter le potentiel économique identifié de la cogénération en Europe - estimé à 110-120 GW supplémentaires - contribuerait grandement à l'atteinte des objectifs stratégiques de l'Union en matière d'énergie et de climat, tout en soutenant la création d'emplois et servant de moteur pour la compétitivité industrielle.
Pour prendre effet et produire les résultats attendus, ces objectifs doivent être accompagnés de politiques publiques adéquates : les installations alimentées avec des sources d'énergies renouvelables ou recyclées ont encore besoin d'un soutien financier des autorités publiques afin de compenser des coûts d'investissements habituellement élevés. En temps de "pauvreté énergétique", les politiques publiques menées par les Etats membres devraient encourager les utilisateurs à se connecter aux réseaux de chauffage urbain et décourager les déconnexions. Enfin, des mécanismes réglementaires doivent être mis en place afin d'éviter les subventions croisées qui maintiennent artificiellement les tarifs d'électricité à des niveaux peu élevés au détriment des prix de la chaleur.
Les acteurs du marché ont besoin d'un prix du carbone stable et approprié pour déclencher le cercle vertueux qui consiste à réduire la consommation des combustibles fossiles et favoriser le recours aux combustibles provenant de sources renouvelables et des déchets, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Recommandation 4 : Le système d'échange d'émissions de l'Union européenne doit être réformé de telle sorte que le prix du carbone qui en résulte fournisse des incitations économiques suffisantes pour accélérer les investissements dans l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables.
Le principe même de tarification du carbone est primordial comme le soulignent les conclusions du dernier rapport du Groupe d'experts des Nations unies sur le changement climatique (GIEC) [5].
Toutefois, à la lumière des difficultés rencontrées par le système d'échanges d'émissions de quotas d'émission de l'Union (SEQE), il est crucial de mettre en œuvre d'autres instruments qui réduiront sa volatilité et garantiront que les entreprises européennes reçoivent les incitations et disposent des capacités nécessaires pour s'engager dans des investissements sobres en carbone.
Enfin, dans les programmes de politiques énergétiques existants et nouvellement créés, le prix du carbone devrait s'appliquer au plus grand nombre de secteurs, y compris l'agriculture et les transports, pour éviter une discrimination entre les opérateurs devant porter le fardeau des réductions de GES et ceux qui en sont exemptés. De la même manière, dans le secteur énergétique (celui le plus fortement affecté par les augmentations des prix du carbone), toute discrimination fondée sur la taille et le volume de la consommation et de la production d'énergie devrait être supprimée, afin d'éviter des distorsions de concurrence entre les acteurs du marché du carbone.
2. Le traitement et la valorisation des déchets sous forme de matières premières secondaires doivent être un pilier des nouveaux modèles économiques, des modèles plus durables et qui stimulent la croissance économique.
La valorisation des déchets est au cœur du concept de l'économie circulaire et doit devenir un des piliers principaux de la renaissance industrielle au sein de l'UE. Le secteur des déchets peut et devrait contribuer à l'augmentation de l'efficacité dans l'utilisation des ressources dans l'économie, pour autant que des mesures de politique publique appropriées soient mises en œuvre. Cette approche est cohérente avec l'initiative phare de l'Union "Pour une Europe efficace dans l'utilisation des ressources" lancée en 2011, dans le cadre de la Stratégie Europe 2020. L'initiative soutient la transition vers une économie efficace dans l'utilisation des ressources et sobre en carbone pour parvenir à une croissance durable [6].
L'Union européenne souffre d'une répartition inégale des installations de traitement et de valorisation des déchets entre les Etats membres.
Recommandation 5 : Des mesures de planification et d'incitation devraient être prises pour corriger les déséquilibres dans la répartition des infrastructures de valorisation des déchets au sein de l'Union européenne, particulièrement dans les zones où les déchets sont éliminés plutôt que valorisés. Plus généralement, la valorisation et la réutilisation des ressources devraient être soutenues par des incitations fiscales prenant en considération leur impact positif sur les externalités.
La répartition des infrastructures de récupération des déchets au sein de l'Union est très inégale. Pour les zones qui ne sont que peu ou pas équipées, plus encore que les objectifs chiffrés avancés dans le "Paquet Economie circulaire" publié le 2 juillet 2014, les principaux leviers et facteurs de réussite des changements proposés en matière de politiques de déchets devront s'appuyer sur des mesures d'incitations et de soutien appropriées. Cette distribution inégale s'observe également pour les installations d'élimination des déchets, telles les décharges ; certaines d'entre elles sont équipées d'unités efficaces de récupération du biogaz, alors que d'autres ne le sont pas, laissant s'échapper dans l'atmosphère des quantités importantes de méthane (un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2).
Dans une étude récente commandée par la Commission européenne [7], l'assistance financière de l'Union en faveur des grands projets d'infrastructure dans le secteur de la gestion des déchets pour la période 2007-2013 est évaluée à plus de 6 milliards €. La même étude, qui se fonde sur différents scenarios de croissance, établit que pour la période 2014 - 2020, les besoins en nouvelles infrastructures requises pour se conformer aux directives relatives aux déchets sont de l'ordre de 10 à 14 milliards €.
Les opérateurs comme Veolia sont prêts à s'impliquer dans de tels projets, dans l'hypothèse où les règles de planification et les contraintes relatives aux nouvelles installations de traitement et de valorisation seraient améliorées. A cet égard, la Commission pourrait aider le secteur industriel à mieux identifier quelles incitations (financières ou non financières) - par exemple des fonds européens non dépensés - pourraient être utilisées pour débloquer les investissements en faveur d'installations de valorisation dans les zones de l'UE faiblement équipées. De telles incitations, visant les nouvelles installations de traitement et de recyclage des déchets, devraient être modulées en fonction du nombre d'emplois nets créés et de quantité de chaleur auparavant inexploitée et désormais récupérée, tant dans les installations d'incinération existantes que dans les installations de traitement des combustibles solides de récupération (CSR).
Les objectifs de la politique européenne en matière de déchets se concentrent principalement sur les déchets municipaux, au détriment d'autres flux de déchets riches en ressources.
Recommandation 6 : Les objectifs européens de gestion des déchets devraient être étendus aux déchets commerciaux et industriels non dangereux.
En outre, pour favoriser la récupération des déchets, les normes industrielles devraient être fixées par type de produit, imposant une teneur minimale en matière recyclée. Cela s'appliquerait dans un premier temps aux marchés publics, qui pourraient intégrer ces critères.
Dans le cas de la directive-cadre sur les déchets et de la directive sur les décharges qui couvrent toutes les catégories de déchets, les objectifs figurant à la fois dans la législation actuelle et dans les propositions de modifications, s'appliquent uniquement aux déchets municipaux (complétés par les déchets de construction et de démolition mentionnés par la directive-cadre) : or ceux-ci ne constituent qu'un tiers des flux de déchets. L'essentiel des flux de déchets d'origine commerciale ou industrielle est donc presque complètement négligé par ces textes. Ces déchets représentent pourtant une source significative d'énergie et de matériaux récupérables, souvent de meilleure qualité que les déchets municipaux. Par conséquent, une extension du champ d'application des objectifs à tous les déchets commerciaux et industriels non dangereux améliorerait l'impact de ces deux directives.
Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de définir une voie économiquement acceptable, qui permette d'exploiter pleinement tous les types de déchets récupérables. Une telle transition vers des modèles économiques plus efficaces en ressources est l'une des réponses à la menace grandissante résultant de la volatilité des prix des matières premières et leur rareté croissante. Pour prendre l'exemple du pétrole et du gaz, avec l'exception des années 1970, les prix (en termes réels) étaient stables ou ont baissé au cours du 20e siècle, puis on quasiment triplé entre 2000 et 2012. Dans le cas de l'indice des prix des métaux, comme pour la plupart des autres produits, il a chuté (en termes réels) au cours du XX e siècle, puis a également triplé entre 2000 et 2012 [8].
Toutes ces variations ont un impact considérable sur la capacité du secteur industriel à anticiper son activité, à planifier ses investissements et à construire des modèles économiques stables [9].
L'analyse comparative des politiques de l'Union européenne en matière de gestion des déchets est en partie biaisée par les différences entre les méthodologies utilisées pour évaluer la récupération des déchets.
Recommandation 7 : Les statistiques communes en matière de déchets devraient être harmonisées et une définition homogène des "déchets résiduels" devrait être établie au niveau de l'UE, afin de programmer la baisse du volume de ces déchets.
L'Union européenne doit rendre les performances comparables, en mettant en place des définitions communes des catégories de déchets, et en produisant des statistiques uniformisées. Il est particulièrement important d'assurer que les Etats membres utilisent une définition commune de "déchets résiduels" (déchets non valorisés), afin d'organiser et de piloter correctement leur diminution. A la place des méthodes actuellement utilisées, une méthode unique devrait être imposée au niveau de l'Union pour établir et rapporter les statistiques sur les déchets et pour évaluer le taux de recyclage de ceux-ci dans chaque Etat membre.
Les régimes existants de responsabilité étendue du producteur (REP) peuvent conduire à des distorsions de concurrence.
Recommandation 8 : Des lignes directrices européennes communes pour la responsabilité étendue du producteur doivent être spécifiées.
Au cours des dernières décennies, une grande variété des régimes de REP est apparue au sein de l'Union. Afin d'assurer une concurrence équitable et une meilleure efficacité de ces régimes, ils devraient tous fonctionner selon un socle de principes communs. Ainsi, un cadre clair et stable pour la REP devrait être défini sous la forme de lignes directrices européennes, particulièrement pour la gouvernance, la rentabilité, le pilotage et la mise en œuvre. Ces lignes directrices devraient imposer que les contributions financières aux régimes de REP prennent en compte des critères d'écoconception des produits qui sont mis sur le marché, tels que la modularité, la durabilité, la capacité à être réutilisé et à être recyclé.
3. Plus que jamais, la politique de l'Union européenne dans le domaine de l'eau doit reposer sur des faits étayés, d'une part pour protéger nos ressources en eau et d'autre part pour assurer les investissements nécessaires à la pérennité et la performance de nos infrastructures, véritables garanties de la mise en œuvre du droit à l'eau et à l'assainissement.
Au cours des dernières années, l'Union européenne a été le champ de bataille de débats idéologiques relatifs à la gouvernance du secteur de l'eau. D'un côté, l'eau potable a été exclue de la directive sur les contrats de concession, afin de décharger certains acteurs de ce secteur des exigences de transparence imposées par la directive. D'un autre côté, la toute première initiative citoyenne européenne a été organisée pour renforcer le droit humain à l'eau en Europe - ce sur quoi tous les acteurs s'accordent - mais en ajoutant à ce noble objectif l'exigence que les services liés à l'eau soient exclus des règles du marché intérieur. Malheureusement, ces débats ont créé plus de confusion que de clarté. Ils sont susceptibles de ralentir l'approfondissement de la politique européenne dans le domaine de l'eau, pourtant un élément phare de l' "acquis communautaire". Ayant à l'esprit la diversité des approches et des stratégies du monde de l'eau, l'Union européenne doit plus que jamais poursuivre ses efforts pour établir un ensemble de politiques publiques fondées sur des faits concrets et quantifiés.
La qualité des eaux de surface en Europe doit être constamment supervisée et améliorée.
Recommandation 9 : La protection des ressources en eau contre la pollution et les prélèvements excessifs doit être accélérée à travers la définition et la mise en œuvre d'outils réglementaires adaptés au niveau de l'Union européenne.
Bien que la qualité des eaux de surface se soit globalement améliorée au cours des dernières années, l'objectif initial de la directive cadre sur l'eau d'un bon état écologique des eaux européennes ne sera atteint ni en 2015, ni en 2020. Globalement, l'état des nappes phréatiques ne s'est pas amélioré ; il s'est même dégradé dans de nombreuses régions. De nouvelles molécules, inventées par les industries pharmaceutiques et cosmétiques, continuent à apparaître sur le marché, générant de nouveaux risques pour la santé humaine et la nature, une fois relâchées dans l'environnement. De nouvelles industries, fondées sur les nanotechnologies font naître aussi de nouvelles menaces, leur impact sur la santé et l'environnement n'ayant pas encore été évalué en profondeur. Des actions fermes doivent être entreprises afin d'améliorer la situation et d'atténuer ces risques.
La pleine application des règlementations existantes dans le domaine de l'eau et une meilleure coordination des législations connexes doit constituer une priorité pour l'Union européenne. Elle doit également promouvoir le traitement à la source des substances particulièrement dangereuses, renforcer la coopération et le dialogue avec les consommateurs, avec les industries utilisant ou produisant des produits polluants, et avec les organisations de gestion de l'eau. Il faut, enfin, davantage recourir aux systèmes collectifs d'évacuation et de traitement des eaux usées.
Les eaux usées constituent une ressource insuffisamment exploitée et récupérée : une gestion optimale de ces ressources, de même que des boues d'épuration, peut aider l'Europe à gagner en efficacité dans l'emploi des ressources, et favoriserait ainsi l'économie circulaire, y compris dans sa dimension d'efficacité énergétique.
Recommandation 10 : En plus d'assurer la conformité avec les règlementations existantes, l'Union européenne devrait se concentrer sur des mesures supplémentaires qui stimuleront une meilleure utilisation des eaux usées et des boues d'épuration.
Les mesures suivantes doivent être prises pour garantir une utilisation optimale des ressources en eaux usées : favoriser le recyclage de l'eau par des normes qui protègent contre les risques pour la santé et pour l'environnement, soutenir la réutilisation des boues d'épuration, y compris en épandage agricole, et aider à structurer des mécanismes de marché pour les produits élaborés.
Un instrument au niveau de l'Union devrait viser à établir des standards de qualité minimums, scientifiquement fondés, sécurisant la réutilisation de l'eau après traitement, en particulier pour l'irrigation agricole, secteur qui utilise près de 70% de l'eau prélevée [10]. De tels standards, juridiquement contraignants, favoriseraient l'adhésion de l'opinion publique à ces solutions novatrices sobres en eau : en effet, en recyclant les eaux usées, on change une nuisance en ressources, on multiplie la productivité du mètre cube d'eau emprunté à la nature, on diminue les prélèvements dans les ressources d'eau douce. Cela contribuerait également à uniformiser les règles du jeu pour les produits alimentaires, qu'ils soient importés ou produits localement. La recharge artificielle des nappes phréatiques devrait également être traitée dans ces standards.
Bien que nouvellement protégé dans le cadre des droits de l'Homme, l'accès à l'eau potable et à l'assainissement ne va pas toujours de soi, même en Europe. Des investissements majeurs dans les infrastructures d'eau et d'assainissement sont nécessaires pour que ce droit devienne réalité.
Recommandation 11 : La mise en œuvre du principe de récupération durable des coûts, tel que spécifiée dans la directive cadre sur l'eau, devrait, d'une part, garantir un meilleur accès à l'eau et à l'assainissement, et d'autre part, aider à combler l'écart entre les besoins d'amélioration des infrastructures et les niveaux d'investissements correspondants.
Selon l'Organisation mondiale de la santé, 19 millions de personnes n'ont pas accès à une source d'eau potable protégée de manière adéquate, et environ 100 millions de personnes n'ont toujours pas accès à l'eau courante à la maison en Europe (le Caucase étant compris [11]). La responsabilité de fournir aux citoyens un accès à de l'eau potable, incombe aux autorités publiques compétentes, quelle que soit la nature (publique ou privée) de l'opérateur auquel elles font appel pour effectuer cette mission.
Une part majeure du coût de la fourniture en eau est liée à la manière dont l'infrastructure nécessaire à la fourniture du service est entretenue, rénovée et étendue. Cette infrastructure comprend des installations visibles (les usines de production d'eau potable et les installations de traitement des eaux usées) et des équipements enterrés (les réseaux de distribution d'eau potable et les réseaux d'épuration). En moyenne, les réseaux représentent 75% des coûts de maintenance, mais leur nature invisible n'incite pas toujours à assurer une maintenance suffisante. Les besoins d'investissements sont considérables, en particulier en Europe centrale et orientale (200 milliards € nécessaire pour procéder aux investissements requis pour la mise en conformité de ces pays avec les directives européennes [12]), mais aussi en Europe de l'ouest (90 milliards € sont nécessaires au cours des 5 prochaines années pour réhabiliter les infrastructures d'eau).
Prenant en considération ces énormes besoins en investissement, l'expansion et la modernisation des infrastructures d'eau existantes nécessitent des instruments financiers adéquats. Le recours à de tels mécanismes de financement découle de la mise en œuvre du principe de recouvrement durable des coûts, tel que spécifiée dans l'article 9 de la directive cadre sur l'eau [13] ; ils doivent être disponibles pour tous les opérateurs, quelle que soit leur nature. Ces investissements sont d'autant plus urgents dans les Etats membres où une proportion importante des citoyens n'est pas capable de supporter de nouvelles augmentations des prix de l'eau.
La fourniture des services d'eau est, par sa nature, une activité locale. Même si cela rend difficile les comparaisons des services entre les différents pays et régions, il est nécessaire que les acteurs et les parties prenantes disposent d'un socle de données construites de façon homogène.
Recommandation 12 : Un socle d'indicateurs de performance ouverts et accessible à tous doit être défini pour garantir la transparence des services d'eau.
La consultation sur la qualité de l'eau potable dans l'Union, qui a donné le coup d'envoi à un débat sur le "benchmarking" des services d'eau en mars dernier, constitue une tentative de réponse de la Commission à l'initiative citoyenne européenne Right2Water. Ce terme de "benchmarking" est habituellement utilisé dans des initiatives reposant sur le volontariat et la confidentialité. Or il apparaît nécessaire de développer des indicateurs de performance visant à fournir aux citoyens européens des données sur la qualité de leur eau potable et sur la performance des services d'eau dont ils bénéficient. Cette transparence constitue un élément fondamental de l'accessibilité au droit à l'eau et à l'assainissement.
Des systèmes d'indicateurs de performance devraient être établis dans les Etats membres où ils n'existent pas. Ils devraient être harmonisés de manière à garantir un niveau minimum de comparabilité entre les services d'eau. Plus important encore, ces systèmes devraient être rendus complètement accessibles et ouverts au public, comme c'est le cas au Royaume-Uni et en France, pour permettre aux utilisateurs d'eau et aux citoyens d'obtenir de meilleures performances de la part de leurs fournisseurs d'eau. La mise en œuvre de ces nouvelles mesures nécessite que tous les opérateurs de services d'eau potable et d'eaux usées, ainsi que les autorités publiques de l'eau, quelle que soit leur nature, publient obligatoirement ces indicateurs dont la disponibilité et la précision devraient être régulièrement auditées.
[1] Pour l'année 2020, selon les projections, les niveaux d'émission seront de 24.5% au-dessous des niveaux de 1990.
[2] Voir : http://keepontrack.eu/contents/publicationseutrackingroadmap/roadmap_finalversion3.pdf
[3]
[4] http://www.euroheat.org/Heat-Roadmap-Europe-165.aspx
[5] Le prix du carbone est considéré comme étant l'instrument le plus efficace pour l'atténuation du changement climatique. Voir "Climate change 2014 : Mitigation of Climate change", http://www.ipcc.ch/report/ar5/wg3/
[6] L'initiative phare pour une Europe efficace en ressources fournit un cadre à long terme pour les actions dans de nombreux domaines politiques, appuyant les calendriers politiques pour le changement climatique, l'énergie, les transports, l'industrie, les matières premières, l'agriculture, la pêche, la biodiversité et le développement régional. L'objectif est d'améliorer la sécurité pour les investissements et l'innovation et d'assurer que toutes les politiques pertinentes prennent en compte l'efficacité de la ressource de façon équilibrée. Source : http://ec.europa.eu/resource-efficient-europe/
[7] "Funding needs for the waste sector", étude menée pour le compte de la DG Environnement, par Milieu Ltd, publiée le 2 février 2011.
[8] BP Statistical Review of World Energy Workbook et http://www.indexmundi.com/fr/matieres-premieres/?marchandise=indice-des-prix-des-metaux&mois=360
[9] "Funding needs for the waste sector", Les besoins de financement du secteur des déchets –étude réalisée pour la DG ENvironnement, par Milieu Ltd, 2 février 2011.
[10] L'ampleur et l'importance de l'irrigation est significativement plus élevée dans le sud des États membres, mais loin d'être négligeable dans la plupart des États membres du nord. Dans le sud, l'irrigation représente plus de 60 % de la consommation d'eau dans la plupart des pays, alors que dans les États membres du nord, elle varie de presque zéro dans quelques pays à plus de 30 % dans d'autres. Source : http://ec.europa.eu/environment/agriculture/pdf/irrigation.pdfhttp://www.lenntech.fr/applications/irrigation/irrigation/eau-irrigation.htm-#ixzz3BimTXCZl
[11] Source : http://www.euro.who.int/en/health-topics/environment-and-health/water-and-sanitation/water-and-sanitation
[12] "Building New Europe's Infrastructure* - Public Private Partnerships in Central and Eastern Europe" : http://pwc.blogs.com/files/building-new-europe39s-infrastructure---full-publication.pdf
[13]"Les États membres tiennent compte du principe de la récupération des coûts des services liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources, eu égard à l'analyse économique effectuée conformément à l'annexe III et conformément, en particulier, au principe du pollueur-payeur". Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Voir : http://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:5c835afb-2ec6-4577-bdf8 756d3d694eeb.0001.02/DOC_1&format=PDF
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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