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La Politique européenne de voisinage à l'épreuve de la crise ukrainienne

L'UE et ses voisins orientaux

Gilles Lepesant

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6 octobre 2014
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Lepesant Gilles

Gilles Lepesant

Directeur de recherche au CNRS (Géographie-Cités). Auteur de Géographie économique de l'Europe centrale, Presses de Sciences Po, 2011

Introduction

Dès les débuts de la Politique européenne de voisinage, la Russie avait décliné l'offre européenne. L'Azerbaïdjan s'y impliqua mais sans aller jusqu'à envisager un accord d'association. L'Arménie était disposée à signer un tel accord mais la Russie joua de son contentieux avec le voisin azerbaïdjanais pour l'en dissuader. La Biélorussie n'a pas d'autre choix que de conditionner sa loyauté relative à Moscou à l'obtention de faveurs lui permettant de tenir son économie à flots. L'Ukraine a cédé aux pressions russes en renonçant à la signature de l'accord prévue à Vilnius en novembre 2013. 10 ans après la révolution orange, la société civile ukrainienne a néanmoins une nouvelle fois changé le cours de l'Histoire.

La crise ukrainienne, dont les causes sont moins en Ukraine qu'en Russie, intervient dans un contexte particulier. Sur la scène intérieure russe, la réduction des libertés publiques et un contrôle accru des médias coïncident avec l'affirmation d'un projet national conçu en opposition à l'Occident. Ce projet, défini en creux, vise moins à concevoir un modèle adapté au monde contemporain qu'à renouer avec un passé de grande puissance idéalisé en valorisant la notion de territoire et une conception ethnique de la nationalité [1]. "Pays nationaliste sans idée nationale" [2], la Russie voit ainsi logiquement dans l'attractivité exercée par l'Union européenne auprès de certaines anciennes Républiques soviétiques une stratégie délibérée d'effritement de son espace d'influence. En Europe occidentale et centrale, le contexte diffère pourtant de celui de la guerre froide. Plusieurs bases américaines ont été fermées. Les budgets militaires européens sont stables ou en baisse. Les pays perçus comme des voisins et des partenaires par l'Europe relèvent néanmoins pour Moscou de "l'étranger proche". En rejoignant des alliances, ils risqueraient de discréditer le projet d'affirmation d'une grande Russie pensée comme prolongement de l'URSS.

La crise ukrainienne invite également à s'interroger sur la politique européenne de voisinage, conçue à son origine comme une suite logique des élargissements. Les accords d'association témoignent de cette filiation en proposant aux pays partenaires de reprendre une large part de l'acquis communautaire. Pour autant, la finalité de cette politique n'est pas explicite et les financements ne sont pas comparables à ceux alloués aux pays en voie d'adhésion. Cette politique de l'élargissement light, agréée par les pays partenaires qui y voient une mesure de prévention à l'égard de la Russie, constitue néanmoins une rupture par rapport aux actions conduites jusqu'à présent. La logique de coopération devient une logique d'intégration. La Russie ne saurait ici avoir un droit de regard sur le choix de ses voisins souverains mais la crise ukrainienne invite à s'interroger sur la pertinence de ce compromis trouvé entre politique de coopération et politique d'adhésion.

1. De Vilnius à Slaviansk : chronique d'une crise

1.1. L'intégrité territoriale de l'Ukraine remise en cause

Si le recul manque pour une reconstitution précise des faits ayant rythmé la crise ukrainienne, quelques points peuvent être retenus. Une semaine avant le 3e Sommet du Partenariat oriental à Vilnius les 28 et 29 novembre 2013, l'Ukraine suspendit la préparation d'un Accord d'association négocié depuis 2007. L'argument invoqué fut la volonté de préparer un échange "d'égal à égal" avec l'Union et de "relancer les négociations économiques" avec la Russie. Dans les faits, la Russie, qui manifestait son inquiétude au sujet de cet accord depuis l'été 2013, était parvenue à ses fins : bloquer un processus de rapprochement avec l'Union européenne jugé incompatible avec l'adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière [3].

Dès l'annonce de cette décision le 21 novembre 2013, soit 10 ans mois pour mois après les débuts de la Révolution orange, des manifestants, pour la plupart étudiants et intellectuels, se rassemblèrent Place de l'indépendance (Maidan Nezalezhnosti) à Kiev. Le 30 novembre, les forces de l'ordre réprimèrent sévèrement ce rassemblement. Cette violence policière mobilisa encore davantage de manifestants, moins soucieux de défendre l'accord d'association que de désavouer un régime à leurs yeux corrompu et discrédité. Le régime répondit par une réduction des libertés publiques selon des procédés et avec une rhétorique habituellement pratiqués par le Kremlin. Les premiers manifestants tombèrent sous les balles : un Arménien puis un Biélorusse avant que d'autres, Ukrainiens, Polonais, Russes soient à leur tour tués [4]. Les négociations conduites par les ministres des Affaires étrangères français, allemand, polonais et le représentant spécial du Président russe aboutirent à un accord le 21 février 2014 entre l'opposition et Viktor Ianoukovitch. Dans la nuit qui suivit, ce dernier prit la fuite, probablement inquiet de voir les bâtiments officiels pris les uns après les autres par les manifestants sans que les forces de l'ordre semblent en mesure de protéger le régime. Constatant sa défection, le Parlement vota sa destitution et désigna, conformément à ce que prévoit la Constitution en cas de vacance du pouvoir, son président Alexandre Tourtchinov Président par intérim.

Dans la foulée, la Crimée et l'Est de l'Ukraine connurent des scénarios voisins : occupation par des hommes armés et bien préparés [5] des aéroports et des lieux de pouvoir, manifestations de rue plus ou moins spontanées, intimidation des opposants et référendums d'autonomie. Ces séquences se sont déroulées sous la pression des forces russes massées à proximité immédiate de la frontière et ont été adossées à un discours présentant les russophones comme des victimes. Dans cette logique, le 27 février, des hommes armés s'emparèrent en Crimée du siège du Parlement et du gouvernement à Simferopol ainsi que de bases militaires. À huis clos, les députés votèrent l'organisation d'un référendum sur le rattachement à la Russie, approuvé par 96,6% des votants le 16 mars [6]. Dans l'Est de l'Ukraine, l'enchaînement des faits fut similaire, les protagonistes identiques [7]. Le succès de mouvements séparatistes permettrait ici une continuité terrestre de la Russie à la Crimée, laquelle n'est reliée à ce jour à la Russie que par le détroit de Kertch. Dans cette stratégie, 3 villes ont joué un rôle clef : Donetsk, capitale du Donbass, Louhansk principale ville de la zone frontalière, et Slaviansk carrefour routier.

Comme en Crimée, l'onction populaire fut obtenue à travers un référendum prestement organisé le 11 mai et au résultat dénué d'ambiguïté (89% et 96% de voix favorables à l'indépendance des Républiques "autoproclamées et populaires" de Donetsk et de Louhansk [8]). Le 12 mai, ces Républiques demandaient le rattachement à la Russie avant de s'unir le 24 mai pour former la République de Nouvelle Russie (Novorossia) dont le souvenir est précisément exalté par V. Poutine [9]. Ces projets ainsi que la poursuite des combats ont attiré divers protagonistes (séparatistes locaux, citoyens russes, mercenaires du Caucase). Pour autant, le rapport des forces s'avère plus incertain qu'en Crimée. Sur le terrain, les violences ont concerné un vaste périmètre au sud-est de l'Ukraine mais les séparatistes ont dû lâcher prise dans les villes et les régions où les oligarques ont constitué des milices (Dniepropetrovsk, Kharkiv, Marioupol). Plus globalement, les pressions internationales ont conduit les autorités russes à infléchir leur discours.

L'Union européenne a réagi en organisant 3 phases de sanctions, la 3ème (la seule portant sur des secteurs économiques et non sur des personnes ou des programmes de coopération) n'étant envisagée qu'en cas de dégradation continue de la situation. Celle-ci étant avérée, l'Union a fini par voter des sanctions frappant notamment le secteur bancaire russe en septembre 2014. Moins médiatisée, la réaction de l'Union en matière de politique énergétique n'est pas anodine dans une perspective de moyen-terme. Lors du Conseil européen de mars 2014, les 28 États membres ont en effet accéléré les efforts engagés pour renforcer la sécurité énergétique de l'Union, réduire sa dépendance énergétique et développer les projets d'interconnexion grâce aux moyens prévus dans le cadre du Mécanisme d'interconnexion en Europe (MIE).

Au-delà des pressions américaines et européennes, la Russie a pu mesurer les effets de son intégration dans la mondialisation en période de crise. Contrairement à l'URSS, la Russie contemporaine est à la fois partie intégrante de l'économie mondiale et très dépendante des flux financiers internationaux. Si la Banque centrale russe évaluait les sorties de capitaux à 63,7 milliards $ au 1er trimestre 2014, le Président de la Banque centrale européenne évoqua le chiffre de 222 milliards $ [10]. En somme, les sorties de capitaux auraient été similaires à celles observées en 2008. Une crise prolongée pourrait ainsi affecter sensiblement les réserves russes, accélérer l'inflation tout en provoquant la récession, un scénario susceptible de froisser une opinion publique temporairement grisée par la "reconquête" de la Crimée. Les pressions politiques des Européens, des Américains, l'abstention de la Chine au Conseil de sécurité de l'ONU associées aux conséquences économiques indirectes de la rhétorique occidentale ont ainsi pu encourager Moscou à adopter un discours plus conciliant, sans que le soutien fourni aux séparatistes cesse pour autant [11].

1.2. Ambitions et des limites du projet eurasiatique russe

À la veille de l'annexion de la Crimée, quelles étaient les motivations du pouvoir russe ? En l'absence de recul, seules des hypothèses peuvent être formulées. Après le départ de V. Ianoukovitch, le choix ukrainien de nommer ministre de la Défense un amiral membre du Parti d'extrême-droite Svoboda et connu pour avoir entravé l'usage de la base de Sébastopol lors du conflit géorgien a pu inquiéter Moscou. Certes, l'accord sur la mise à disposition de la base signé en 1997 avait été prolongé en 2010 (pour une période allant jusqu'en 2042). Néanmoins, la perte éventuelle de ce point d'appui affecterait la marine russe qui dispose de peu d'alternatives pour préserver une influence en mer Noire et pour assurer une présence permanente en mer Méditerranée. À l'inverse de Sébastopol, le port russe de Novorossiysk n'est en effet pas un port en eaux profondes et le site ne présente pas les avantages des installations implantées en Crimée [12].

D'autres facteurs ont pu jouer dans la stratégie russe : jeux d'influence au Kremlin, crainte d'un précédent ukrainien susceptible d'enclencher d'autres soulèvements à l'instar des révolutions de couleur des années 2004-2005 sans oublier les arguments invoqués officiellement par V. Poutine. Celui-ci a ainsi mentionné un sentiment d'humiliation, le non-respect du droit international au Kosovo ou en Irak, le manquement à la parole donnée concernant l'élargissement de l'OTAN. Enfin, les dirigeants russes ont pu retenir du coup de force mené à l'été 2008 en Géorgie qu'envahir un État voisin au mépris du droit international ne leur valait pas nécessairement l'opprobre de la communauté internationale. L'hypothèse d'une initiative improvisée est improbable dans la mesure où dès septembre 2013, à Yalta, M. Glazyev (conseiller de Poutine) expliquait que la conséquence d'une signature de l'accord d'association par l'Ukraine pourrait être la remise en cause de l'État ukrainien [13].

Plus généralement, les initiatives russes relèvent d'un projet national adossé à un discours de victimisation (nostalgie d'une Union soviétique démembrée, intérêts russes menacés par les élargissements de l'Union européenne et de l'OTAN) auquel répond une thérapie : exaltation de la grandeur russe, promotion des valeurs russes face à un Occident décadent et reconstitution de l'espace soviétique par la coopération économique ou par la déstabilisation. Dans ce projet, l'histoire est mobilisée. La période soviétique est idéalisée. Les initiatives prises sont inscrites dans le prolongement de la victoire héroïque contre le fascisme. Les frontières de l'État voisin sont jugées artificielles (argument récurrent des stratégies révisionnistes) par opposition à des territoires anciens, dont celui de la Nouvelle Russie, qui renvoie à une Russie en expansion. Forgé par quelques idéologues et promu par des médias de moins en moins indépendants, ce projet s'appuie en outre sur une modernisation de l'armée qui absorbe chaque année 20% de la dépense publique et 4% du PIB (2% environ dans le cas de la France et du Royaume-Uni) [14]. Tant la Géorgie que la Moldavie et l'Ukraine auront connu au cours des années passées les différents instruments de mise en œuvre de ce projet par le Kremlin : distribution de passeports russes, embargos sur les produits les plus sensibles, soutiens à l'organisation de referendums (en Géorgie, en Gagaouzie, en Crimée, dans le Donbass), hausses du prix du gaz et remise en cause de l'intégrité territoriale des pays récalcitrants. Le conflit ukrainien peut en outre empêcher tout rapprochement de l'Ukraine avec l'OTAN, réactualiser des tensions entre Européens ou entre Européens et Américains, préserver voire accélérer le projet d'union eurasienne.

Ce dernier a connu des avancées. L'Union douanière établie le 1er janvier 2010 par la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan et l'Espace économique commun en vigueur depuis le 1er janvier 2012 ont été les premières étapes vers une Union eurasienne prévue pour le 1er janvier 2015 et agréée officiellement en mai 2014. Le paradoxe est qu'entre les Républiques soviétiques, les liens commerciaux tendent en réalité à se déliter et que l'Union européenne s'impose peu à peu comme un client majeur.

Source : Institut national de statistiques d'Ukraine

Sur le plan politique, la Biélorussie comme le Kazakhstan ont tenu au cours de la crise à marquer leur différence. En Biélorussie, si l'opinion publique a semblé séduite par l'éventualité d'un rattachement à la Russie [15], A. Loukachenko s'est distingué de la ligne du Kremlin. Il a refusé de reconnaître les indépendances de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, a reconnu le gouvernement intérimaire ukrainien, s'est désolidarisé des appels de la Russie en faveur d'une fédéralisation de l'Ukraine et a exalté lors de son allocation annuelle devant les membres du Parlement le 22 avril 2014 l'indépendance du pays et l'importance de la langue biélorusse pour l'identité nationale. Avant de signer l'accord sur l'Union douanière le 29 mai, il a obtenu une réduction de moitié des recettes douanières dues à la Russie au titre des produits pétroliers exportés et un prêt de 2 millions $ qui permettra de relever le montant des réserves affectées par une situation économique déclinante et de réduire, pour un temps, les risques sociaux d'une inflation en hausse. Dans le même temps, des signaux d'ouverture sont adressés à l'Europe et le pays s'emploie à attirer des investisseurs étrangers (il est classé 63ème par la Banque mondiale pour le climat des affaires, l'Ukraine 112ème).

Le Kazakhstan, qui abrite une forte population russophone concentrée dans le nord du pays, a volontiers adhéré au projet d'Union douanière (à l'origine conçu par le Président kazakh Noursultan Nazarbaiev) perçu comme un moyen d'accéder plus aisément au marché russe et d'éviter une dépendance excessive à l'égard de la Chine. Depuis, l'Union eurasienne a perdu de son attrait pour le Kazakhstan. Le déficit commercial s'est aggravé avec la Russie, le nombre des entreprises russes enregistrées au Kazakhstan s'est accru de 82% entre 2011 et 2012 [16] et la Commission de la Communauté eurasiatique s'avère composée pour l'essentiel de Russes. Les projets de partage de souveraineté (avec la création de parlement supranational) ont été dénoncés et les critiques sur les bénéfices inégaux de l'accord se sont intensifiées. Au final, l'approche kazakhe semble être de poser les limites d'une intégration régionale avec la Russie sans pour autant la dénoncer, compte tenu des craintes à l'égard de la Chine et de l'éventail des mesures de rétorsion auxquelles pourrait recourir la Russie. Dans le même temps, la construction d'un État-nation kazakh est accélérée grâce à l'exaltation du patriotisme, au passage de l'alphabet cyrillique à l'alphabet latin d'ici à une quinzaine d'années et à une modernisation de l'administration d'État.

Dans l'Extrême-Orient, la Russie peut compter sur plusieurs partenaires asiatiques pour exporter son gaz et atténuer sa dépendance à l'égard du marché européen, l'aboutissement des négociations sur des livraisons de gaz à la Chine fut ainsi bienvenu [17]. Pour autant, les approvisionnements énergétiques vers l'est dépendent d'un réseau nettement moins développé que celui reliant la Russie à l'Europe et hérité en partie de la période soviétique. En 2014 seul un oléoduc est en fonctionnement et un premier gazoduc est en construction (Power of Siberia). En outre, présenter la Chine comme un partenaire alternatif à l'Europe est difficile pour la Russie tant l'influence chinoise croissante en Asie centrale préoccupe Moscou.

2. Le territoire ukrainien : combien de divisions ?

2.1. Des fractures territoriales surestimées ?

Un paysage électoral polarisé ajouté à une géographie linguistique distinguant un Est russophone d'un Ouest ukrainophone ont nourri la représentation d'un pays divisé et ont servi d'arguments aux mouvements séparatistes soutenus par le pouvoir russe. Le pays est pourtant moins divisé qu'il n'y paraît et, tout comme l'ouest, l'est de l'Ukraine est un espace hétérogène. En témoignent les deux territoires au cœur de la crise : la Crimée et le Donbass.

En Crimée, le pouvoir russe a recouru à 2 arguments pour justifier l'annexion de cette région : la menace que ferait peser le nouveau pouvoir sur la population russophone et , l'appartenance historique de cette région à la Russie. "Dans l'esprit et le cœur des gens, la Crimée a toujours été une partie inséparable de la Russie. Cette conviction empreinte de vérité et de justice a été transmise de génération en génération quels que soient les changements dramatiques survenus dans notre pays au cours du XXème siècle" a ainsi expliqué V. Poutine [18]. À supposer que les territoires politico-administratifs doivent épouser les limites ethniques et historiques, ce 2e argument n'est guère plus convaincant que le premier. Sur les 20 groupes ethniques qui ont joué un rôle dans l'histoire de la Crimée, Iaroslav Lebedynsky constate en effet que les Grecs y ont résidé durant 23 siècles, les Goths et les Aluns 14 siècles, les Tatars 7 siècles, les Slaves 2 siècles et les Russes n'y sont majoritaires que depuis la moitié du XIXème siècle (avec une majorité relative jusqu'en 1944) [19]. En outre, la Crimée où le peuplement russe est concentré au sud de la péninsule a bénéficié depuis l'indépendance de l'Ukraine du statut de République autonome (le port de Sébastopol jouit également d'un statut particulier).

Depuis l'annexion entérinée en mars 2014, la Russie a reproduit la stratégie observée en Ossétie et en Abkhazie consistant à rapidement imposer sur le terrain lois et institutions nouvelles. À terme, les défis ne manquent pas. Si l'annexion permet en théorie à la Russie d'accéder à d'importantes réserves d'hydrocarbures au large des côtes de Crimée (gisement gazier de Skifska), la région figure parmi l'une des plus déprimées d'Ukraine (son PIB était de 19 500 UAH/hab. en 2012 contre 28 500 pour la moyenne de l'Ukraine [20]) et dépend des régions voisines pour son approvisionnement en eau et en électricité. Les Tatars de Crimée qui représentent 14% de la population sont pour la plupart hostiles à l'annexion du territoire par la Russie. Après avoir revendiqué durant un demi-siècle leur retour dans leur patrie (dont ils furent déportés sur ordre de Staline en 1944), ils retrouvent sans enthousiasme la tutelle russe. Si les relations avec le pouvoir ukrainien furent parfois sources de frustration, l'idée prévaut que seul un cadre démocratique permet le respect les droits des minorités. Sur place, la politique des autorités s'inscrit dans une longue tradition consistant à diviser la communauté. Des postes sont ainsi accordés à certains membres de celle-ci, le peuple tatar a été réhabilité par V. Poutine (une réhabilitation déjà prononcée en 1967) mais les institutions représentatives sont ignorées [21]. L'ancien chef de l'Assemblée des Tatars de Crimée (Mustafa Dzhemilev) est interdit de séjour en Russie (et donc en Crimée [22]) et son successeur déplore des pressions psychologiques exercées pour des motifs religieux ou politiques.

Dans leur dialogue critique avec le nouveau pouvoir, qui sont les alliés des Tatars ? La Turquie a condamné la décision russe d'interdire l'accès de la Crimée à Mustafa Dzhemilev et l'a décoré le 15 avril de la plus haute distinction turque. Néanmoins, les enjeux énergétiques en mer Noire et le dossier syrien invitent Ankara à éviter toute tension avec Moscou. Le 3 juin, M. Dzhemilev obtenait de la part des autorités polonaises le Prix Walesa à Varsovie au cours d'une cérémonie à laquelle assistait le Secrétaire d'État américain John Kerry ainsi que le Président ukrainien Petro Porochenko. Les Tatars de Russie ont été reçus par le V. Poutine mais leur rôle de médiateur est contesté par le successeur de Mustafa Dzhemilev, M. Tchoubarov. Au final, le risque est que les autorités de Crimée continuent de harceler les populations tatares et finissent par contraindre celles-ci, soit à la violence, soit à l'exil. En mai 2014, le Haut-Commissariat aux réfugiés estimait que 10 000 personnes étaient déplacées en Ukraine, la plupart étant des Tatars de Crimée. Les familles déplacées rejoignent le centre de l'Ukraine (45%) ou l'ouest du pays (26%), plus rarement d'autres pays [23].

Comme en Crimée, la population russophone est majoritaire dans le Donbass et cette région a en 2004, comme la Crimée à plusieurs reprises, menacé de faire sécession. Néanmoins, l'identité de ce territoire est spécifique, certes empreinte d'une hostilité manifeste à l'égard de Kiev, mais pas nécessairement prorusse pour autant. Le bassin charbonnier y a été développé depuis la fin du XIXème siècle et son exploitation a engendré une urbanisation quasiment continue entre les villes de Donetsk et de Lougansk, avec pour débouché le port de Marioupol. L'afflux d'une main d'œuvre d'origine diverse persuadée d'avoir par ses efforts initié le développement industriel de la région ajouté à l'absence de tout contrôle étatique sur la région jusqu'au début du XXème siècle ont marqué les représentations sociales. Une identité régionale spécifique a émergé, renforcée par le prestige que conféra à l'époque soviétique la spécialisation de la région dans l'industrie minière et sidérurgique. Avant l'heure de la collectivisation, la région avait expérimenté une indépendance éphémère (République de Donetsk-Kryvyï Rih, février 1918-février 1919), dénoncée par Lénine et initiée par Artem Segeyev dont la rue principale de la ville de Donetsk porte encore le nom. Si l'identité régionale spécifique du Donbass est indéniable, les sondages indiquent qu'une majorité de la population récuse néanmoins l'idée d'une indépendance ou d'une annexion par la Russie de la région [24].

Bien que comptant une majorité de russophones, l'est du pays a en effet apporté depuis l'indépendance son soutien à des responsables politiques favorables au maintien de leur région dans le giron de l'État ukrainien. Représentatif du clan voisin de Dniepropetrovsk, L. Koutchma s'imposa dans la région et put compter sur son appui pour remporter l'élection présidentielle (en 1994). Par la suite, V. Ianoukovitch, issu du Donbass, devint la personnalité la plus populaire de la région et accéda à la Présidence. Le départ précipité de ce dernier a été d'autant plus difficile à admettre qu'il incarnait la région même si sa popularité s'effritait ces dernières années en raison de la crise d'adaptation de cette "enclave soviétique industrielle" [25]. Les réductions d'emploi, la large audience des médias russes, la conviction d'être le moteur économique du pays et d'être par conséquent légitime pour le diriger ont constitué un terreau fertile pour les projets séparatistes dans le Donbass.

Après le départ de V. Ianoukovitch, le gouvernement ukrainien a tenté de consolider son contrôle de l'est en nommant gouverneurs les oligarques implantés dans les régions concernées. La reprise en main a réussi dans les régions où les gouverneurs ont constitué leur propre milice. Elle a échoué dans le Donbass où l'oligarque R. Akhmetov a dans un premier temps esquissé une voie médiane afin de ménager ses intérêts en Russie et en Crimée et a décliné le poste de gouverneur que les autorités lui proposaient [26]. Après avoir appelé au calme sans prendre parti, l'oligarque a fini par dénoncer le "génocide du Donbass" et a appelé "ses" employés (environ 300 000 personnes) à manifester, sans succès probant. En revanche, à Dniepropetrovsk, Kolomoisky s'est appuyé sur sa milice richement équipée pour écarter les séparatistes et se forger l'image d'un dirigeant épargnant à sa population les affres de la guerre. À Kharkiv, l'ancien maire de la ville, Gennady Kernes, suivit une ligne similaire (avant d'être grièvement blessé par des inconnus) et la région n'a été que brièvement le théâtre d'affrontements autour des institutions publiques.

2.2. La fédéralisation : solution ou fragmentation ?

Prônée par V. Poutine (qui promeut en revanche pour son pays la "verticale du pouvoir") et par plusieurs responsables occidentaux, la fédéralisation de l'Ukraine a été présentée comme un moyen de sortir de la crise. Les sondages disponibles n'attestent pas que cette option soit souhaitée par la population puisque le maintien de l'État unitaire est privilégié par plus de 70% des sondés [27]. Le sud-est du pays est l'unique région où le maintien de l'État unitaire n'est pas soutenu par une large majorité. Le scénario séparatiste n'est pas pour autant prisé dans le Donbass puisque l'indépendance comme le rattachement à la Russie recueillent moins de 30% des avis.

En outre, le terme de fédéralisation reste à préciser. Une décentralisation se concrétisant notamment par l'élection des gouverneurs, par une transparence des flux financiers entre les régions et le centre, et par une clarification des compétences contribuerait probablement à la modernisation des institutions du pays. À l'heure où les doublons entre administrations sont légion et où la centralisation annihile les efforts de certaines élites locales, une décentralisation se justifierait et le gouvernement a proposé un projet allant dans ce sens en avril 2014. En revanche, confiner l'État central à quelques compétences essentielles risquerait d'alimenter les tendances sécessionnistes, d'institutionnaliser le contrôle de certaines régions par quelques groupes ou individus et de compliquer la mise en place d'un État de droit et d'une nation fondée sur le partage d'un modèle inclusif.

Sur le plan économique, le rapport de forces est plus complexe qu'il n'y paraît. En 2013, les régions de Donetsk, Louhansk et Kharkiv comptaient pour 21,5 % du PNB et 30% de la production industrielle ukrainienne. La région représentait 28% des exportations de biens et 11% des importations. Leur contribution au budget central représentait 1,3% du PNB [28]. Pour autant, le secteur privé a au cours des années passées très peu investi dans l'outil de production si bien que les régions industrielles, à ce jour dotées d'un niveau de vie et de salaires supérieurs à la moyenne nationale, sont devenues très dépendantes du soutien direct et indirect apporté au secteur des industries lourdes. Certaines villes de l'ouest et du centre (à commencer par Kiev) attirent de nouvelles activités et diversifient leur tissu économique de sorte que le déséquilibre entre le sud-est et le reste du pays, pour avéré qu'il soit, doit être relativisé.

Dans ce débat sur la fédéralisation de l'Ukraine, la question linguistique est un sujet clef. Les cartes distinguant russe et ukrainien sont sujettes à caution dans la mesure où une large partie de la population est bilingue et n'éprouve aucune discrimination tant la politique d'ukrainisation a été modérée au cours des années passées. En intervenant directement dans la crise, les autorités russes ont dramatisé l'hostilité qui anime une minorité de la population, principalement russe, nostalgique de l'URSS et excédée par la situation économique et sociale. Elles ont joué pour cela de l'ambiguïté entre Russes et russophones mais l'est du pays n'a de manière générale manifesté aucune adhésion populaire aux projets séparatistes. Au fond, l'intervention russe a réactivé la question de la cohésion de l'Ukraine à un moment où elle était de moins en moins mise en doute par les populations russophones.

Ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe ne s'imposait pas à l'Ukraine. Contrairement à certains États européens, dont la France, elle s'y est résolue néanmoins en 2003 [29], probablement pour contenir davantage que pour satisfaire les demandes des russophones et de leurs relais en Russie. Dans le cadre de la mise en œuvre de cette Charte, le régime adopta en 2012 une loi octroyant aux langues minoritaires le statut de langue régionale dans les territoires où les russophones représentent plus de 10% de la population, soit dans 13 des 27 subdivisions administratives, dont Kiev. L'Ukraine s'est ainsi trouvée dans une situation l'obligeant à protéger et à encourager le russe, qui est officiellement une langue minoritaire mais, dans les faits, largement majoritaire à l'échelle de certaines régions. Fin février, dans le contexte de la contestation du régime, les opposants à cette loi parvinrent à obtenir de la Rada (Parlement) le vote d'une nouvelle loi abolissant la précédente. Face aux oppositions du Conseil de l'Europe et de la Russie, cette nouvelle loi fut suspendue sans même avoir été appliquée mais en termes de communication, le mal était fait. Le nouveau pouvoir ukrainien était non seulement composé en partie de membres de l'extrême-droite, ancré dans le centre et l'ouest du pays mais également hostile aux droits des minorités linguistiques inscrits dans un document du Conseil de l'Europe (que ni la Russie, ni 11 États-membres de l'Union européenne [30] ne se sont aventurés à ratifier...).

2.3. L'élection présidentielle du 25 mai : vers le rétablissement de l'État de droit ?

Paradoxalement, rarement la géographie électorale de l'Ukraine n'aura été aussi peu polarisée qu'à l'heure où l'intégrité territoriale du pays est remise en cause. Vainqueur du scrutin, Petro Porochenko n'a ainsi obtenu moins de 40% des voix que dans 4 des 28 oblasts.

Autres faits inédits : l'élection dès le 1er tour de Petro Porochenko avec 54,7% des voix ainsi que la faiblesse du score obtenu par le candidat du Parti des Régions (d'où était issu le président sortant). La principale candidate d'opposition, Ioulia Timochenko, a obtenu moins de 13% des voix tandis que tous les autres candidats ont obtenu moins de 10% des voix. Présentée par certains médias russes et occidentaux comme la force majeure à l'œuvre au cours de la crise, l'extrême-droite n'a guère mobilisé l'électorat. Le représentant de Svoboda a obtenu 1,1% des suffrages, celui de Secteur droit 0,7%. Il est encore trop tôt pour voir dans cette élection la première étape vers une consolidation de l'État de droit. Le scrutin a en effet illustré l'un des maux de la démocratie ukrainienne, à savoir une étroite interconnexion entre les intérêts privés de quelques hommes d'affaires et les intérêts publics, les deux principaux candidats étant des oligarques. Les élections législatives du 26 octobre et la composition du prochain gouvernement renseigneront davantage sur la capacité des élites à se renouveler.

3. Une politique européenne de voisinage coupable et affaiblie ?

3.1. L'échec de l'Ukraine à forger un modèle de développement performant

Si quelques réformes ont été conduites au cours des dernières années, l'économie ukrainienne demeure confrontée à une corruption généralisée et souffre d'investissements insuffisants dans la diversification et la modernisation de l'économie. Une récession de 5% est probable pour 2014 et l'inflation devrait progresser en raison de la dépréciation de la monnaie et de la hausse des tarifs du gaz entérinée dans le cadre du plan d'aide du FMI (17 milliards $) [31]. La diversification économique constitue le premier défi pour un pays qui s'est spécialisé dans l'industrie sidérurgique et dont la croissance est en grande partie corrélée aux cours mondiaux de l'acier. Grâce à une intégration verticale des entreprises permettant à la plupart de celles-ci de disposer de leurs propres mines de charbon et de leurs gisements de minerai de fer, grâce à des coûts salariaux peu élevés, un coût de l'énergie compétitif et la fenêtre sur la mer Noire, ce secteur a pu bénéficier de la forte demande des pays émergents. La croissance a aussi reposé sur l'agriculture mais les rendements conséquents du secteur céréalier ont occulté une modernisation encore inachevée des filières agro-alimentaires. Résultat : l'Ukraine est le 2ème exportateur mondial de céréales mais ne vend quasiment aucun produit laitier ou carné à l'UE.

Le conflit avec la Russie est d'autant plus dommageable que les économies des deux pays sont étroitement liées. La Russie compte pour un quart des exportations ukrainiennes (10% du PNB ukrainien) et achète notamment des métaux et des machines. 30% des importations proviennent de Russie. 12% des actifs bancaires sont la propriété d'institutions bancaires russes. Les investissements russes comptent pour 2,4% du PNB ukrainien (sans parler des flux transitant par Chypre) et en 2013, le pays percevait 4,3 milliards $ de devises de la part des expatriés installés en Russie (sur un total de 6,5 milliards) [32].

Dans le domaine énergétique, l'Ukraine dépend certes partiellement de la Russie mais la tendance à l'œuvre depuis plusieurs années est celle d'une déconstruction des liens entre les deux pays. En 1999, 100% des exportations russes de gaz transitaient par l'Ukraine. 15 ans tard, grâce aux gazoducs Yamal, Blue Stream et Nord Stream, ce chiffre est passé à 59% et pourrait être inférieur à 50% si le gazoduc South Stream était mis en service [33]. Pour autant, l'Ukraine s'est également employée à rechercher d'autres voies d'approvisionnement. Durant la présidence de V. Ianoukovitch, un premier gazoduc connecté à l'Europe a ainsi servi, non plus à exporter, mais à importer du gaz et d'autres flux (flux rebours) peuvent ou pourront prochainement provenir de Pologne, Hongrie, Slovaquie et Roumanie. En outre, la chute de la consommation ukrainienne sur fond de désindustrialisation a provoqué une forte baisse des importations en provenance de Russie. Au-delà de cette remise en cause latente des interdépendances entre les 2 pays, c'est la restructuration du modèle énergétique de l'Ukraine qui est en jeu, lequel est à ce jour l'un des moins efficients au monde.

Si la Russie a, depuis plusieurs années, assumé une partie du coût de ce modèle en contrepartie de concessions politiques, la crise risque de mettre un terme définitif au régime de faveur que Kiev a pu jusque-là obtenir de Moscou. À terme, les institutions internationales et l'Union européenne pourraient devoir prendre en partie à leur charge la modernisation du secteur, les dettes dues par l'Ukraine voire les risques d'impayés (dans le cas des flux rebours). Sur le plan industriel, un gaz russe plus cher risque en outre d'affecter la compétitivité de l'industrie lourde ukrainienne, l'un des principaux atouts économiques du pays [34].

3.2. Une offre européenne adaptée ?

De tous les accords d'association signés par l'Union européenne, aucun n'est aussi ambitieux que celui négocié avec l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie. L'accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) qui est le cœur de cet accord d'association couvre la plupart des secteurs économiques et sociaux. L'accord avec l'Ukraine est le seul à inclure le champ des services. Dans un texte long de plus de 1000 pages, comprenant un préambule, 7 chapitres, 3 annexes, 3 protocoles, l'Ukraine s'engage à réduire ses droits de douane et à reprendre une large partie de l'acquis communautaire. En somme, l'association proposée à l'Ukraine est la dernière étape avant l'Espace Économique Européen qui lie l'Union européenne à l'Islande, au Liechtenstein et à la Norvège. De son côté, l'Union s'engage à ouvrir davantage ses marchés, une perspective qui a été précipitée au cours des premières semaines de la crise [35].

Les accords d'association convenus entre l'Union européenne et ses voisins présentent l'intérêt d'étendre les normes de l'Union, lesquelles sont le véritable obstacle à l'intensification et à la diversification des échanges. Les droits de douane sont en effet peu significatifs de part et d'autre. Ce sont les normes techniques et sanitaires qui bloquent l'entrée des biens sur le marché de l'Union si bien qu'une harmonisation en la matière peut en théorie bénéficier à toutes les parties prenantes. Ces accords peuvent en outre encourager les élites des pays partenaires à penser à moyen et long terme et à inscrire les réformes dans un cadre européen. La philosophie de la politique d'élargissement est ainsi adoptée vis-à-vis du voisinage mais dépourvue d'éléments clefs tels qu'une assistance financière significative, un calendrier et une promesse explicite d'adhésion. Pour une majorité d'États membres, préjuger d'autres élargissements serait en effet irresponsable. Pour d'autres, seule une perspective explicite d'adhésion créerait les conditions d'une transformation profonde des systèmes au voisinage oriental [36].

À moyen-terme, le doute subsiste sur les bénéfices de l'accord d'association sur l'Ukraine. Hormis le volet commercial de l'accord, les autres composantes sont conditionnées à une ratification par tous les Parlements concernés. En outre, certaines dispositions prévoient des périodes transitoires pouvant durer une décennie. Il convient donc de ne pas escompter d'effets positifs immédiats sauf si l'Ukraine parvient à mettre en œuvre une stratégie d'accompagnement et perçoit l'accord d'association comme un levier pour la modernisation du pays sur le long terme. Il reste que l'inquiétude manifestée par la Russie à l'idée que l'Ukraine signe cet accord peut surprendre. Certes, ce dernier n'est pas compatible avec l'union douanière d'inspiration russe mais il n'anticipe pas pour autant une adhésion imminente. En outre, il risquerait de discréditer l'ambition européenne des autorités ukrainiennes si celles-ci ne parvenaient pas à le mettre en œuvre convenablement. Deux hypothèses, non contradictoires, peuvent ici être envisagées. Soit les autorités russes ont surestimé les effets de l'accord d'association UE-Ukraine (après avoir sous-estimé la portée de l'élargissement de 2004-2007), soit elles ont saisi l'opportunité fournie par l'Europe à travers cet accord ambitieux pour mettre à exécution un projet de démembrement de l'Ukraine.

L'offre européenne a-t-elle pour autant inutilement provoqué Moscou ? En "forçant" l'Ukraine à choisir entre l'est et l'ouest, l'Europe a-t-elle sa part de responsabilité dans la crise ? Au-delà du fait que l'Ukraine est un État souverain, il convient de préciser qu'aux origines de la politique de voisinage, l'offre européenne concernait également la Russie qui la déclina, lui préférant un partenariat stratégique. Reposant sur quatre espaces communs (un espace économique, un espace commun de liberté, de sécurité et de justice, un espace commun de sécurité extérieure et un espace commun de recherche, d'éducation et de la culture), ce partenariat n'a guère produit de résultat convaincant et les contentieux euro-russes se sont multipliés, notamment dans le secteur de l'énergie. Par ailleurs, l'Union douanière inspirée par la Russie date de 2009 et est donc postérieure à l'ouverture des négociations sur la signature d'un ALECA (en 2007). Si les deux types de partenariat sont incompatibles sur le plan technique, il convient de préciser que l'Union douanière limite nettement les possibilités pour les parties contractantes de signer des accords commerciaux avec des pays-tiers.

L'argument selon lequel la politique de voisinage n'aurait pas suffisamment tenu compte des perceptions de sécurité de la Russie rejoint la critique récurrente à l'encontre d'une Politique peu politisée [37]. La politique de voisinage se serait limitée à un processus technocratique, sans la nécessaire sensibilité géopolitique. Sur ce point, la responsabilité (éventuelle) incombe moins à la Commission qu'aux États membres qui ont précisément mis sur pied le SEAE [38] pour donner une impulsion diplomatique à l'action extérieure de l'Union. En outre, l'argument trouve ses limites dans l'Union pour la Méditerranée qui résulta d'une volonté de certains États membres de politiquer l'action de la Commission avec, pour résultat, une série de blocages que le dialogue technique permettait de contourner. Dépolitiser les relations, au risque de laisser de côté les conflits ouverts ou latents, au sud comme à l'est, constitue davantage une force qu'une faiblesse de la politique de voisinage. Par sa gestion de la crise, V. Poutine l'a repolitisé, conformément à une vision selon laquelle le jeu sur le continent européen est à somme nulle. Pourtant, la Russie ne perdrait pas nécessairement à voir l'Ukraine s'européaniser davantage. Les élargissements de 2004 et de 2007 ne lui ont pas fermé les marchés européens. Elle figure parmi les principaux partenaires de plusieurs pays d'Europe, ces derniers exportent toujours davantage vers elle, elle investit massivement dans la région et elle a su perpétuer ou nouer des liens privilégiés avec les milieux dirigeants et les partis politiques de certains États membres.

La principale faiblesse de la politique de voisinage n'est donc pas de marginaliser la Russie. Elle serait plutôt d'avoir les ambitions de la politique d'élargissement sans en avoir les moyens et sans que les États partenaires aient les capacités qu'avaient les pays candidats. L'identité nationale n'est pas formulée dans les mêmes termes, la relation avec la Russie n'est pas identique, la question de l'État se pose en des termes différents.

Inspirée de la politique d'élargissement, la politique de voisinage a pourtant, avec des moyens budgétaires limités, des ambitions similaires à celles d'une stratégie d'adhésion puisque les signataires s'engagent à reprendre 80% de l'acquis communautaire. Cette approche s'explique par son "pêché originel" : avoir été pensée dans la foulée des élargissements par des haut-fonctionnaires européens rompus à l'art de préparer des États candidats à rejoindre l'Union européenne. Elle reflète également les pressions exercées par certains États membres géographiquement proches de la Russie (Suède, États baltes, Pologne) qui voient dans leur position de limes une faille dans leur système de sécurité. Dans le cas de la Pologne, s'ajoute un attachement aux kresy, ces territoires autrefois polonais qui ne doit pas faire oublier les appréhensions à l'égard de la concurrence des produits agricoles ukrainiens ou encore la perception mitigée qu'a la population polonaise de l'histoire des relations avec l'Ukraine [39]. L'approche européenne s'explique en outre par les attentes des pays voisins, soucieux de signer avec l'Union européenne tout accord leur permettant de moderniser l'économie et de tenir à distance une Russie nostalgique de l'URSS. Enfin, elle tient à la logique administrative de la Commission qui veut que chaque Direction générale soit impliquée et soucieuse de verser à l'accord un nombre important de directives. Les accords qui ont émergé de ce processus sont ambitieux mais pas nécessairement adaptés aux pays voisins.

À titre d'exemple, le souci légitime d'éviter tout dumping social de la part des pays partenaires a conduit l'Europe à inclure dans les accords une partie de ses normes sociales dont certaines ne s'appliquent pas aux États membres bénéficiant de clauses d' "opt-out" ! De même, plusieurs directives nécessaires au bon fonctionnement du marché intérieur ont été intégrées aux accords sans que l'on perçoive comment elles pourraient être reprises et mises en œuvre dans des délais raisonnables. Or, le principe de conditionnalité ne vaut que très partiellement puisque les pays voisins ne sont pas engagés dans un processus d'adhésion et les sanctionner s'avère difficile sur les plans juridique et politique. En cas de succès des pays du voisinage, rien ne dit que dans le contexte de ses défis internes (montée du populisme, déséquilibres budgétaires, adhésion promise aux Balkans occidentaux, contentieux entre la Commission et certains États membres comme la Roumanie et la Bulgarie) l'Union manifestera une forte appétence pour de nouveaux élargissements. L'ambition des accords proposés aux États voisins contraste ainsi avec l'absence de finalité explicite.

Le montant et les modalités de l'assistance financière contrastent également avec l'ambition affichée. À l'inverse des accords signés, cette assistance relève en effet, non pas d'une logique d'adhésion mais d'une logique de coopération.

Premièrement, elle est limitée. De 1991 à 2013, l'Ukraine a perçu environ 130 millions €/an. En mars 2014, une assistance européenne de 11 milliards € a été décidée et le FMI a alloué 17 milliards €. Néanmoins, la part des prêts est ici élevée, y compris pour l'aide strictement européenne. L'assistance de 11 milliards inclut en effet 3 prêts de la BERD (5 milliards), de la BEI (jusqu'à 3 milliards) et de l'Union européenne (1,6 milliard), l'aide de la BEI et de la BERD étant par ailleurs soumise à condition. La dotation européenne se limite donc à 1,4 milliard dont 200 millions pour 2014 puis entre 130 et 200 millions par an jusqu'en 2020 [42]. Au final, la dotation pour l'Ukraine comme pour l'ensemble des partenaires de la politique de voisinage ne sera en prix constants que légèrement supérieure à celle accordée entre 2007 et 2013. A titre de comparaison, la Pologne a perçu de 2007 et 2012 9 milliards €/an en moyenne [41]. Si l'écart entre ces chiffres est appréciable, il convient de préciser que la Pologne bénéficie d'un traitement différent du fait de sa qualité d'État membre qui la rend éligible aux politiques communautaires (fonds structurels et PAC notamment). En outre, les capacités d'absorption de l'Ukraine demeurent limitées et l'importance de la corruption (le pays est classé 144ème sur 177 par Transparency international) invite à la prudence.

Deuxièmement, cette assistance est gérée non pas par la Direction générale Élargissement, mais par la DG Devco en charge de l'aide au développement [41]. Or, dans une logique d'élargissement, l'assistance s'apparente à la constitution de programmes ambitieux peu à peu gérés par les États partenaires en vue de les préparer à gérer les fonds européens. La culture administrative de la DG DEVCO est différente, fondée sur des programmes de coopération conçus en fonction des priorités agréées et des capacités de l'État bénéficiaire. Résultat : les ambitions élevées entérinées dans les accords d'association contrastent avec une assistance modeste centrée sur quelques priorités dans un cadre financier agréé pour 7 ans avant la crise ukrainienne.

Finalement, le fait que la politique de voisinage soit calquée sur la politique d'élargissement dans sa méthodologie et sur la politique d'aide au développement pour ce qui concerne son volet financier n'est pas anodin. En filigrane de cet aspect administratif, se pose en effet la question de la finalité de la politique de voisinage à laquelle le nouveau Commissaire européen en charge du dossier (Johannes Hahn) sera confronté. Quels sont les objectifs de cette politique ? Compte tenu des modalités de l'assistance et de l'absence de finalité doit-elle s'apparenter à une extension à marche forcée du marché intérieur ou s'appuyer sur un nombre limité d'actions hiérarchisées adaptées à chaque État partenaire ? L'Europe doit-elle s'en tenir à une seule politique de voisinage ou aller plus loin dans la différenciation esquissée à travers le distinguo établi entre le partenariat oriental et le processus euro-méditerranéen ? Un cadre commun crée une stimulation entre pays partenaires mais suscite des frustrations à l'est comme au sud, d'autant plus vaines que dans la réalité la relation avec l'Union européenne est individualisée. Quelle que soit l'issue de la crise ukrainienne, l'Europe pourra difficilement échapper à une clarification sur ces différents points afin d'améliorer le compromis incarné par les accords d'association entre les logiques de coopération et d'intégration.

Conclusion

Le recul manque pour dresser un bilan - fût-il provisoire - de la crise ukrainienne. Si l'offre européenne à Kiev ne saurait être interprétée comme une stratégie de refoulement de la Russie, elle a néanmoins fourni un prétexte aux autorités russes sans qu'on puisse à ce jour préjuger de ses effets positifs. En septembre 2014, les autorités russes peuvent se satisfaire d'une annexion de la Crimée qui exclut ou du moins retarde tout nouveau reflux russe de l'espace de la mer Noire. Elles conservent également une capacité de nuisance avérée sur l'image et la stabilité de l'Ukraine grâce aux initiatives conduites dans le Donbass. L'objectif initial de bloquer le rapprochement de l'Ukraine avec l'Union européenne est, lui, manqué. Rarement l'Ukraine n'aura suscité depuis son indépendance autant d'empathie et de soutien de la part des États membres. Le pays a signé l'accord d'association et a vu son accès au marché européen précipité. La Moldavie et la Géorgie ont suivi. L'Ukraine a annoncé sa sortie de la CEI [43] et la mise en place d'un régime de visas avec la Russie.

Au sein de l'Union, la politique européenne commune de l'énergie a progressé et les différentes options permettant de réduire la dépendance à l'égard du gaz russe (valorisation du gaz de schiste, développement des terminaux de GNL, renforcement des interconnexions entre États-membres) sont revalorisées. Les Tatars de Crimée qui provoquaient des sentiments mitigés parmi les Ukrainiens suscitent désormais l'empathie de ces derniers et ont été notamment accueillis avec chaleur par le maire de Lviv. Sur le Maïdan, la société civile ukrainienne s'est convaincue de son existence et de sa différence avec la société russe au point qu'on ne peut écarter qu'à terme cette crise fournisse aux Ukrainiens ce point d'appui dont toute nation a besoin pour se consolider. L'interventionnisme russe a remis en cause l'intégrité territoriale de l'Ukraine. Il pourrait être une étape majeure dans le processus de construction nationale de ce pays.

À l'est du pays, une partie des russophones voit dans la propagande russe et dans la crise la confirmation de leur défiance à l'égard des "fascistes" au pouvoir à Kiev mais aucun mouvement d'envergure ne s'est propagé en faveur d'un éclatement de l'Ukraine. Avant la montée en puissance de l'intervention russe directe (avérée par plusieurs sources indépendantes depuis l'été 2014), les séparatistes perdaient du terrain face aux forces ukrainiennes. En Europe, la représentation d'une Russie puissance occupante a été ressuscitée par la crise et la Pologne est parvenue à obtenir sur son sol la présence de soldats américains. L'économie russe connait en 2014 une croissance sensiblement revue à la baisse, sans parler du coût qu'il lui faudra assumer pour transformer la Crimée déshéritée en contre-modèle par rapport aux régions ukrainiennes voisines. Qu'il devienne une partie intégrante de la Russie ou un conflit de basse intensité destiné à entretenir l'instabilité en Ukraine, le Donbass risque de se muer durablement en zone de non-droit et d'instabilité à la frontière russe. Au vu de ces "coûts", la question reste de savoir si les autorités russes entendent poursuivre le projet énoncé par V. Poutine. Dans l'affirmative, l'exaltation de la Novorossia préparerait une déstabilisation du sud de l'Ukraine jusqu'à la Transnistrie. La menace d'une remise en cause de l'État ukrainien brandie en septembre 2013 comme conséquence d'une signature par l'Ukraine d'un accord d'association avec l'Union européenne serait dans ce cas mise à exécution. Dans la mesure où cette crise intervient deux décennies après que l'Ukraine a renoncé au troisième arsenal nucléaire mondial en contrepartie de garanties de sécurité, fournies entre autres par certains pays occidentaux, l'issue de la crise ukrainienne dépasse largement le cadre de l'Europe centrale et orientale.

Bibliographie

Arel Dominique, "Orange Ukraine Chooses the West, But Without the East,", in Ingmar Bredies, Valentin Yakushik, and Andreas Umland (Dir.): Aspects of the Orange Revolution, The Context and Dynamics of the 2004 Ukrainian Presidential Elections, (Soviet and Post-Soviet Politics and Society 63), Stuttgart and Hannover: ibidem-Verlag,, 2007, Vol. III.

Armandon Emmanuelle, La Crimée entre Russie et Ukraine, Un conflit qui n'a pas eu lieu, Emile Bruylant, janvier 2013

Delcour Laure, Shaping the Post-Soviet Space? EU Policies and Approaches to Region-Building, Ashgate, 2011

Goujon Alexandra, Révolutions politiques et identitaires en Ukraine et en Biélorussie (1988-2008), Belin, 2009.

Lannon Erwan (dir.), The European Neighbourhood Policy's Challenges / Les défis de la politique européenne de voisinage, Bruxelles, Peter Lang, 2012.

Lepesant Gilles Dir., L'Ukraine dans la nouvelle Europe, CNRS Editions, 2004

de Tinguy Anne, "Représentations du monde dans l'espace postsoviétique", Anatoli - De l'Adriatique à la Caspienne - Territoires, politique, sociétés (nouvelle série des CEMOTI), CNRS Editions, 2011, n°2.

Annexe :


[1] Michel Foucher, "Le soft-power russe", Entretien à Le Un, 16 avril 2014.
[2] Lev Goudkov, Negativnaia identitchnost' [L'identité négative], Moscou, Novoe Literatournoe Obozrenie, 2004, et Abortnaia demokratiia [La démocratie avortée] ; Moscou, Rosspen, 2011. Cité par M. Mendras, "Vingt ans après, la Russie et la quête de puissance" Commentaire, N°136, Hiver 2011-2012.
[3] Le 17 décembre 2013, Viktor Ianoukovitch obtenait en contrepartie de la part de Moscou un prêt de 15 milliards USD et une réduction de 30% du prix du gaz russe.
[4] Au final, une centaine de manifestants ont été tués, une centaine a disparu sans que toutes les circonstances de ces décès et de ces disparitions soient à ce jour éclaircies.
[5] La présence de soldats russes en Crimée a été confirmée par le Président russe.
[6] Le 18 mars, le président russe Vladimir Poutine signait le traité rattachant Sébastopol et la Crimée à la Russie.
[7] C'est le cas notamment d'Igor Strelkov, commandant militaire dans la République de Donetsk après avoir été actif en Crimée.
[8] Le 2 février 2014, la Gagaouzie organisait un référendum au cours duquel plus de 97% des votants approuvèrent une intégration à l'Union douanière initiée par la Russie.
[9] "Selon la terminologie utilisée à l'époque tsariste, l'Ukraine c'est "la nouvelle Russie", c'est-à-dire Kharkov, Louhansk, Donetsk, Kherson, Nikolaïev, Odessa. Ces régions ne faisaient pas partie de l'Ukraine à l'époque des tsars, elles furent données à Kiev par le gouvernement soviétique dans les années 1920. Pourquoi l'ont-ils fait ? Dieu seul le sait.", Le Monde, 18.04.2014.
[10] "ECB: capital flight from Russia has hit $220bn", Business & Money, http://business-money.org/ecb-capital-flight-from-russia-has-hit-220bn
[11] Plusieurs négociations ont été ouvertes. L'une d'elles porte sur les livraisons de gaz et associe la Russie, l'Ukraine, l'UE. Une autre négociation portant sur la résolution du conflit a été entamée début juin entre l'OSCE, l'Ambassadeur russe en Ukraine et cette dernière qui a soumis un plan de paix le 12 juin. Néanmoins, en juin 2014, les affrontements se poursuivaient autour de plusieurs localités du Donbass.
[12] Isabelle Facon, "l'annexion de la Crimée : quel intérêt stratégique pour la Russie ?", Colloque : La Crimée, destin d'une péninsule, INALCO, 2 juin 2014.
[13] "Ukraine's EU trade deal will be catastrophic, says Russia", The Guardian, 22 septembre 2013.
[14] "Russia's military modernisation, Putin's new model army, Money and reform have given Russia armed forces it can use", The Economist, 24 mai 2014.
[15] D'après un sondage conduit par NISEPI, un centre de recherche biélorusse, les personnes souhaitant voir leur pays intégrer la Russie est passé de décembre 2013 à mars 2014 de 23.9% à 29,3%.
[16] Aleksandra Jarosiewicz, "Kazakhstan's attitude towards integration with Russia: less love, more fear", OSW Commentary, 26.05.2014.
[17] En mai 2014, la CNPC (China National Petroleum Corp) signa un accord prévoyant l'achat sur 30 ans de 38 milliards de mètres cube de gaz à compter de 2018.
[18] Address by President of the Russian Federation, 18 mars 2014, http://eng.kremlin.ru/news/6889.
[19] Iaroslav Lebedynsky : "Vingt peuples, vingt-sept siècles : une histoire ethnique de la Crimée", colloque : La Crimée, destin d'une péninsule, INALCO, 2 juin 2014.
[20] Institut national de statistiques d'Ukraine.
[21] Elles n'étaient pas non plus considérées comme des interlocutrices par le Président Ianoukovitch.
[22] Le 3 mai, ce dernier se vit empêcher de franchir la frontière entre l'Ukraine et la Crimée près d'Armyansk.
[23] http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/search?page=search&docid=537b5877c&query=Tatars
[24] À la question : "que pensez-vous d'une indépendance de votre région et de son rattachement à un autre pays ?", 18,2% des sondés dans le Donbass disent approuver l'idée tandis que 56,3% la désapprouvent. Dans les autres régions, plus de 80% des personnes interrogées ne souhaitent pas cette éventualité. In : sondage représentatif du Centre Kustcheriv pour l'initiative démocratique organisé entre les 16 et 30 mars 2014. In : http://dif.org.ua/ua/polls/2014_polls/ chi-vlastivi-ukraincjam-nastroi-separatizmu_-.htm>. Un autre sondage fournit des données légèrement différentes. À la question "Souhaitez-vous que votre région se sépare de l'Ukraine et rejoigne la Russie ?", 30,3% des sondés répondent "oui" dans la région de Louhansk, 27,5% dans la région de Donetsk. Le non obtient plus de 50% des opinions dans les deux cas. Sondage réalisé par le KIIS (Institut international de sociologie de Kiev) entre les 8 et 16 avril 2014. In : http://www.kiis. com.ua/?lang=rus&cat=reports&id=302&page=2>
[25] V. Lapkin et V. Pantin, "Assimilation and Democratic Institutions and Values by the Ukrainian and Russian Mases", Russian Social Science Review 47, n°3 (2006), p. 10-11.
[26] En revanche, R. Akhmetov constitua une milice dans la ville portuaire de Marioupol et les séparatistes ne purent s'y implanter.
[27] Sondage réalisé par l'Institut international de sociologie de Kiev entre les 8 et 13 mai 2014. Le pourcentage maximal en faveur d'un État fédéral est observé dans le Donbass (43,8%). Dans la région Khakiv, 57,9% des sondés se disent attachés à un État unitaire. Dans les autres régions, ce chiffre oscille entre 71% et 92,1%. In :
[28] IMF Country Report No. 14/106.
[29] L'Ukraine a signé́ la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires le 2 mai 1996. Le Parlement ukrainien l'a ratifiée le 15 mai 2003. Le 25 décembre 2006, les autorités ukrainiennes ont publié́ la Charte au Journal officiel de l'Ukraine
[30] 11 États-membres n'avaient le 11.06.2014 pas ratifié la Charte. http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ChercheSig.asp?NT=148&CM=8&DF=&CL=FRE
[31] IMF Country Report No. 14/106.
[32] Id.
[33] Ukraine Analysen, n°132, avril 2014. Edité par la Forschungsstelle Osteuropa an der Universität Bremen und Deutsche Gesellschaft für Osteuropakunde.
[34] En avril 2014, la Russie a augmenté ses tarifs vis-à-vis de l'Ukraine de 81 %, les portant à 485 dollars pour 1000 mètres cubes.
[35] Au titre de mesures de soutien à l'Ukraine, l'UE a en effet entériné l'ouverture immédiate du marché européen (octroi des préférences autonomes) pour la plupart des biens sans attendre les étapes prévues dans l'Accord. La Crimée ne bénéficiera pas de l'ouverture du marché européen.
[36] Die Welt, 31.05.2014
[37] L'argument est notamment développé par Stefan Lehne, Time to Reset the European Neighborhood Policy, Carnegie Foundation Paper, 4 février 2014.
[38] Service européen d'action extérieure.
[39] Dans le classement dressé par l'Institut CBOS sur la popularité respective des pays dans l'opinion publique polonaise, l'Ukraine figurait à la 22ème place en 2014 avec 33% des sondés exprimant leur "antipathie" pour les Ukrainiens. In CBOS report, février 2014.
[40] Le soutien de la Commission européenne à l'Ukraine, Memo 14-159, Commission européenne, 2014.
[41] Cette somme représente le solde entre les montants versés à l'UE et les montants perçus. Le décompte est le suivant : 5,1milliards en 2007, 4,4 milliards en 2008, 6,3 milliards en 2009, 8,4 milliards en 2010, 11 milliards en 2011, 15,7 milliards en 2012.
[42] Dans le nouveau collège des Commissaires présenté en septembre 2014, l'Unité en charge de la politique de voisinage à la DG DEVCO est transférée à la DG Élargissement.
[43] Communauté des États Indépendants. Cette annonce pourrait ne pas être suivie d'effets en raison des enjeux politiques (l'Ukraine est co-fondatrice de l'organisation et tient à préserver ses liens avec certains autres États-membres) et techniques.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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