Hausse des partis populistes mais relative stabilité des forces politiques aux élections européennes

Démocratie et citoyenneté

Corinne Deloy

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2 juin 2014
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Maintien de la participation

Le premier événement de ce scrutin européen est le maintien de la participation ou, serait-il plus juste de dire, l'arrêt de la chute de la participation. En effet, pour la première fois depuis 1979, date de la première élection du Parlement européen au suffrage universel direct, la participation n'a pas reculé. Celle-ci s'est élevée à 43,09%[1], soit en très légère hausse (+ 0,9 point) par rapport à 2009. Certes, les évolutions sont différentes selon les Etats membres. La participation dans les 15 plus anciens pays de l'Union s'est établie à 45,6% pour 33,6% dans les 13 plus récents. Fort logiquement, la participation électorale reste plus faible dans les Etats dont la grande majorité (tous sauf Chypre et Malte) vivent en démocratie depuis seulement 25 ans. Dans ces pays, la participation aux élections nationales est également plus faible que celle enregistrée dans les démocraties européennes plus anciennes.

On rappellera que le vote est obligatoire dans 4 Etats membres (Grèce, Chypre, Belgique et Luxembourg), même si, dans la plupart d'entre eux, les sanctions ne sont plus réellement appliquées. Ces pays représentent seulement 4% de la totalité des électeurs européens.

De nombreux Etats organisaient un autre scrutin le même jour que les élections européennes : scrutins fédéral et régional en Belgique, référendum au Danemark, élections régionales et locales dans certaines villes et Länder d'Allemagne, deuxième tour de l'élection présidentielle en Lituanie, élections locales dans certaines parties du Royaume-Uni, scrutin régional et local en Grèce, élections régionales en Italie et locales en Irlande. Ces élections contribuent souvent à accroître la participation au scrutin européen.

De façon évidente, la participation a été la plus élevée dans les Etats membres où le vote est obligatoire (90% au Luxembourg comme en Belgique). Outre ces deux pays, 12 des 15 plus anciens Etats membres ont enregistré une participation supérieure à la moyenne européenne : Malte (74,8%), Italie (60%) - ces deux pays ayant une forte tradition participative –, Grèce (58,2%) (où le vote est obligatoire), Danemark (56,4%), Irlande (51,6%), Suède (48,8%), Allemagne (47,9%), Espagne (45,9%) et Autriche (45,7%). Dans la partie de l'Europe centrale et orientale, 3 pays se sont davantage mobilisés : Lituanie (44,9%), Estonie (36,4%) et Bulgarie (32,1%). Moins de deux électeurs sur dix se sont rendus aux urnes en Slovaquie (13%) et en République tchèque (19,5%).

4 pays enregistrent une hausse significative de la participation aux élections européennes de 2014 par rapport à 2009 : Lituanie (+ 23,9 points), Grèce (+ 5,5), Allemagne (+ 4,6), et Roumanie (+ 4,4). A l'inverse, certains Etats membres se sont nettement moins mobilisés qu'il y a 5 ans : Lettonie (- 23,6 points), Chypre (- 15,5), République tchèque (- 8,7), Slovénie (- 7,4), Estonie (- 7,4), Hongrie (- 7,3), Irlande (- 7), et Slovaquie (- 6,6).

Stabilité au sein du Parlement européen

Les forces de droite ont indéniablement dominé les élections européennes des 22-25 mai 2014. Le principal parti, le Parti populaire européen (PPE), a recueilli 28,5% des suffrages et remporté 214 élus au Parlement européen, en recul toutefois de 59 sièges par rapport à 2009. L'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ALDE) a obtenu 8,5% des voix et 64 élus (- 19). A eux deux, ces partis ont rassemblé 37% des suffrages et 278 députés.

Autre groupe de droite mais eurosceptique, les Conservateurs et réformistes européens (CRÉE) ont recueilli 6,1% des voix et remporté 45 sièges (- 11).

Enfin, Europe libertés démocratie (ELD), qui rassemble plusieurs formations populistes de droite, a recueilli 5,1% des suffrages et 38 élus (+ 7).

A gauche, les Socialistes & démocrates (S&D) échouent dans leur pari de devenir la première force politique de l'Assemblée de Strasbourg. Avec 25,4% des voix, ils ont obtenu 191 sièges (- 5). La Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) a recueilli 5,9% des suffrages et remporté 45 sièges (+ 10).

L'érosion du PPE ne profite donc pas ni aux forces de gauche qui, ensemble, ont totalisé 31,3% des voix, ni aux écologistes (6,9% et 52 élus, - 5). Ceux-ci ont néanmoins obtenu des résultats élevés en Suède (15,3%, + 4,3 points) et au Luxembourg (15%) -2 Etats membres où ils sont arrivés en 2e position-, en Autriche (14,5%, + 4,6 points) et en Croatie (9,4%). Au Portugal, le Mouvement de la terre (MPT) a recueilli 7,1% des suffrages.

Le recul des chrétiens-démocrates bénéficie surtout aux populistes, et notamment à ceux qui se positionnent à droite.

Les non inscrits ont obtenu 5,4% des voix et 41 députés.

Restent 60 nouveaux élus qui n'appartiennent (encore) à aucun groupe politique et qui, ensemble, ont obtenu 7,9% des suffrages.

La plupart des groupes politiques du Parlement de Strasbourg sont en recul. Seuls les extrêmes - de gauche (GUE/NGL) et de droite (ELD) - progressent, mais de quelques sièges seulement. On précisera que le nombre de sièges (751) est inférieur à celui de l'Assemblée sortante (766).

L'ensemble des forces de droite (PPE, ADLE et CRE) a obtenu 324 députés, soit loin des 376 qui constituent la majorité au Parlement européen. La gauche en a remporté seulement 236.

Source : Site internet du Parlement européen http://www.resultats-elections2014.eu/fr/

La première impression que donne le nouveau Parlement européen est la stabilité. Si l'on comptabilise l'ensemble des suffrages par pays répartis selon les partis nationaux en présence, la droite de gouvernement a recueilli en moyenne 37,8% des suffrages de l'Union européenne, soit -6,7 points par rapport à 2009.

Les populistes de droite ont obtenu 6,6% des voix, un résultat équivalent à 2009. L'ensemble des droites a atteint 44,4% des suffrages, soit - 6,7 points.

Les forces de gauche, très faibles il y a 5 ans, ont poursuivi leur recul. Avec 30,1% des voix, elles ont atteint leur plus bas résultat aux élections européennes.

Les populistes de gauche ont progressé de 1 point en 5 ans et la gauche de gouvernement baissé de 2,7 points.

La droite s'impose dans près des deux tiers des Etats membres

La droite de gouvernement a remporté la majorité absolue dans 4 Etats membres : la Pologne (70,8%), la Lettonie (68%), le Luxembourg (52,3%) et la Hongrie (51,4%).

En Pologne, Droit et justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski (32,3%) a devancé de justesse la Plateforme civique (PO) du Premier ministre Donald Tusk (31,3%).

En Lettonie, le parti au pouvoir Unité (V) a réalisé un résultat élevé (46%), les nationalistes de l'Union pour la patrie et la liberté (TB/LNNK) ont pris la 2e position avec 14% des suffrages. La droite a donc largement devancé le parti russophone du Centre de l'harmonie (SC), qui a obtenu 13% des voix.

La candidature de Jean-Claude Juncker a sans doute aidé le parti de l'ancien Premier ministre luxembourgeois, le Parti chrétien-social (PCS/CVS), qui s'est largement imposé dans le Grand-Duché où il est en progression de 6,3 points (37,6%). Les partis du gouvernement - socialistes et libéraux - sont en recul par rapport aux élections de 2009.

Enfin, en Hongrie, l'Alliance des jeunes démocrates-Union civique (FIDESZ-MPP) du Premier ministre Viktor Orban a largement gagné, moins de deux mois après sa victoire aux élections législatives (6 avril 2014), avec 51,4% des suffrages. Les forces de gauche ont pâti de leur division et ont été devancées par le parti d'extrême droite du Mouvement pour une meilleure Hongrie (JOBBIK) (14,6%).

La droite de gouvernement est en tête dans 13 autres pays.

Si les deux principaux partis du pays sont arrivés en tête en Allemagne et ont tous deux progressé par rapport aux précédentes élections européennes de 2009, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière Angela Merkel s'est largement imposée avec 35,3% des suffrages sur le Parti social-démocrate (SPD) (27,3%). La droite est donc sortie victorieuse en dépit de la poursuite de la déroute du Parti libéral-démocrate (FDP) (3,4%) et de la suppression du seuil de 3% qui a permis l'entrée à l'Assemblée de Strasbourg de députés de "petits" partis, y compris du Parti national-démocratique (NPD).

Même chose en Estonie où les forces de droite au pouvoir se sont imposées avec 38,2% des suffrages au total pour le Parti de la réforme (ER) et l'Union pour la patrie-Res Publica (IRL). A gauche, le Parti social-démocrate (13,6%) a progressé de 4,9 points alors que le Parti du centre (22,4%) a chuté de 3,6 points.

En Bulgarie, le parti de l'ancien Premier ministre (2009-2013) Boïko Borissov, Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), a enregistré une nette progression (30,4%, + 6,1 points). L'ensemble des partis de droite a recueilli 36,8% des suffrages pour 23,9% à la gauche. Le Parti socialiste (BSP) a certainement pâti du fait d'avoir choisi Delyan Peevski, impliqué dans plusieurs affaires financières, comme tête de liste.

Les forces de droite ont totalisé 38,8% des voix en République tchèque. Celles-ci sont cependant divisées. Le parti ANO 2011 dirigé par le ministre des Finances Andrej Babis (16,1%) devance TOP 09. Le Parti démocrate-civique (ODS) (7,6%) a poursuivi sa chute : il a perdu 17,2 points en 5 ans.

La droite a recueilli 42,3% des voix aux Pays-Bas où le parti Démocrates 66 (D 66) est arrivé en tête du scrutin (15,4%) devant le parti chrétien-démocrate (CDA). Le Parti du travail (PvdA) a obtenu 9,4% des suffrages, soit un recul de 2,6 points par rapport à 2009, et a été devancé par le parti socialiste (SP), extrême gauche, (9,6%, + 2,5 points).

En Espagne, le Parti populaire (PP) du Premier ministre Mariano Rajoy est arrivé en tête du scrutin avec 26% des suffrages. En dépit de son recul par rapport à 2009 (- 16,2 points), il est parvenu à devancer le parti socialiste (PSOE), également en nette baisse, qui a recueilli 23% des voix (-15,5 points). Le dirigeant socialiste Alfredo Rubalcaba a démissionné au lendemain des élections européennes.

A Chypre, le Rassemblement démocratique (DISY) du président de la République Nicos Anastasiades a recueilli 37,7% des voix alors que le Parti progressiste des travailleurs (AKEL) a baissé de 8 points en 5 ans (26,9%).

La Slovénie en crise (la Premier ministre Alenka Bratusek (Slovénie positive, PS) a démissionné le 5 mai dernier) a privilégié le Parti démocrate (SDS) (24,8%) tandis que les sociaux-démocrates (SD) ont perdu 10,4 points en 5 ans (8%). Le président du parti Igor Luksic a démissionné à l'issue du scrutin.

Les deux "grands" partis sont arrivés en tête en Irlande : 22% pour le Fine Gael (FG) au pouvoir comme pour le Fianna Fail (FF), tous deux cependant devancés par des candidats indépendants.

En Autriche, le Parti populaire (ÖVP) (27%) a devancé le Parti social-démocrate (SPÖ) du chancelier Walter Faymann (24,1%). Les deux partis, qui gouvernent ensemble au niveau national, sont talonnées par le Parti libéral (FPÖ), d'extrême droite, qui a recueilli 19,7%, soit + 7 points par rapport à 2009.

En Finlande, le parti du Premier ministre, Jyrki Katainen, le Rassemblement conservateur (KOK), a dominé le scrutin européen avec 22,6% des suffrages, ses partenaires gouvernementaux du Parti du centre (KESK) ont recueilli 19,7% des voix. Les forces de gauche sont en recul.

Si la Nouvelle alliance flamande (NV-A), parti populiste de Bart de Wever s'est imposée en Belgique au sein du collège néerlandophone (26,7%) progressant de 16,9 points en 5 ans, le Parti socialiste (PS) du Premier ministre Elio di Rupo a pris la première place dans le collège francophone (24,3%, - 4,8 points). Sur l'ensemble du pays, les forces de droite ont devancé celles de gauche.

Enfin, les Croates ont accordé la majorité à l'opposition de droite emmenée par l'Union démocratique (HDZ) (41,4%).

La gauche de gouvernement a devancé la droite dans 7 Etats membres

Le Parti démocrate (PD) du président du Conseil italien Matteo Renzi a réussi son pari en recueillant 40,8% des suffrages, loin devant l'inclassable Mouvement cinq étoiles (M5s) de Beppe Grillo (21,1%). Matteo Renzi, l'un des rares gouvernants européens à avoir fait une campagne pro-européenne, devient ainsi le leader de la gauche au sein de l'Union.

Le Parti socialiste (PS) s'est imposé au Portugal (31,4%) devant l'alliance des deux partis de la coalition gouvernementale du Premier ministre Pedro Passos Coehlo (Parti social-démocrate - PSD– et Parti populaire - PP –) (27,7%).

Le Parti travailliste (PL) du Premier ministre Joseph Muscat est devenu la première formation au pouvoir à remporter des élections européennes dans l'archipel maltais. Il a recueilli 53,3% des suffrages devant le Parti nationaliste (PN) (40%).

Même situation en Lituanie où le Parti social-démocrate (LSP) du chef du gouvernement Algirdas Butkevicius est arrivé - de justesse - en tête avec 17,3% des voix. Une performance alors que Dalia Grybauskaite a été réélue le même jour présidente de la République.

Le Parti social-démocrate (PSD) a remporté une large victoire en Roumanie avec 37,6% des suffrages. Les forces de droite - Parti national-libéral (PNL) et Parti démocrate-libéral (PD-L) - ont recueilli 27,2%, soit -17 points par rapport à 2009.

A quatre mois des élections législatives qui se tiendront le 14 septembre, le Parti social-démocrate (SAP) est arrivé en tête en Suède (24,4%). Les forces de droite sont en recul, probablement en raison d'une certaine usure du pouvoir (elles gouvernent le pays depuis 2006). Le Rassemblement modéré (M) du Premier ministre Fredrick Reinfeldt a perdu 3,5 points en 5 ans.

Si Direction-Démocratie sociale (SMER-SD) du Premier ministre Robert Fico est arrivé en tête en Slovaquie, le parti de gauche est toutefois en nette baisse par rapport à 2009 (24,1%, - 7,6 points). Les forces de droite sont divisées mais, ensemble, ont obtenu 41,7% des voix.

Hausse des populistes

Si la poussée des populistes aux élections européennes est indéniable, notamment dans certains Etats membres, elle reste cependant mesurée à l'échelle de l'ensemble de l'Europe. Les populistes de gauche ont progressé (+ 0,7 point) au niveau de l'Union par rapport à 2009 et réalisé leur résultat le plus élevé à des élections européennes, ceux de droite ont stagné (6,6%). La progression des populistes, réelle mais relativement faible au niveau de l'Union, est surtout très importante au sein de certains pays.

Populistes de droite et de gauche se retrouvent sur la critique des élites considérées comme incompétentes, corrompues et sourdes aux problèmes des populations, la remise en cause de la pluralité, de la représentation et des corps intermédiaires, la valorisation de la dimension nationale (ou régionale en Italie, en Belgique ou en Espagne) et l'hostilité à l'égard de l'Union européenne comme, plus largement, de la mondialisation dont Bruxelles est pour eux un vecteur. Si le populisme d'extrême gauche concentre ses attaques sur la politique socioéconomique de Bruxelles, celui de droite est davantage axé sur le refus de l'immigration, y compris lorsque celle-ci est issue de pays de l'Union, notamment d'Europe centrale et orientale et, plus précisément, de la Roumanie et de la Bulgarie.

Au total, les populistes de droite ont obtenu des élus dans 13 pays, soit juste en dessous de la moitié des Etats membres de l'Union. Ces forces ont recueilli plus de 20% des suffrages dans 3 pays où elles sont arrivées en tête du scrutin (Royaume-Uni, Danemark et France).

Avec 26,6% des suffrages, le Parti du peuple danois (DF) a devancé le Parti social-démocrate (SD) de la Premier ministre Helle Thorning-Schmidt (19,1%). La question de l'Etat providence, et notamment des avantages sociaux dont bénéficient les citoyens (non Danois), a été au cœur de la campagne dans le pays, ce qui in fine a profité au parti de Pia Kjærsgaard. Le DF, favorable au rétablissement des contrôles aux frontières, réclame une dérogation pour que le Parlement danois puisse décider seul des conditions d'attribution des aides sociales.

Au Danemark, les élections européennes sont traditionnellement favorables aux mouvements eurosceptiques (Mouvement du peuple contre l'Union européenne, F mod EU). Ce parti a obtenu 8,1% des voix mais les eurosceptiques semblent avoir préféré voter en faveur d'un parti hostile à l'Union mais plus solidement installé au cœur de la vie politique nationale. Enfin, les déboires de l'ancien Premier ministre (2009-2011) Lars Lokke Rasmussen (Parti libéral, V), accusé de dépenses somptuaires n'a certainement pas aidé la droite. Selon une enquête d'opinion post-électorale, les 2/3 des suffrages gagnés par les populistes le 25 mai viennent du Parti libéral.

Situation identique au Royaume-Uni où les populistes du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP), qui a centré sa campagne électorale sur le refus des immigrés issus de la partie orientale de l'Union, et notamment de Roumanie et de Bulgarie, a remporté 26,7% des suffrages, soit +10,6 points par rapport à 2009. Le Royaume-Uni a été l'un des rares Etats à avoir autorisé la libre circulation des citoyens des 10 nouveaux Etats membres en 2004, un choix dont le pays, alors en pleine croissance, a largement profité. Beaucoup de Britanniques sont désormais hostiles à la venue d'Européens issus de l'Est qu'ils considèrent comme de redoutables concurrents sur le marché du travail et qu'ils accusent de vouloir profiter des avantages sociaux du royaume.

Au Royaume-Uni, le Parti conservateur du Premier ministre David Cameron (23,3%) a été devancé, de justesse, par le Parti travailliste (24,7%). C'est la première fois depuis 1918 qu'un scrutin national est remporté par un autre parti que les Tories ou les travaillistes.

En France, le principal parti de droite, l'Union pour un mouvement populaire (UMP) (20,7%), a été devancé par le Front national (FN), qui a recueilli 24,9% des suffrages, soit +18,6 points par rapport à 2009. Le résultat du FN de Marine Le Pen apparaît autant, voire davantage, comme un effondrement des partis de gouvernement (Parti socialiste notamment) que comme un succès du FN. Il met cependant à jour une véritable défiance des Français à l'égard de la classe politique et une progression des inquiétudes quant à l'avenir du pays.

Les populistes ont obtenu plus de 10% des voix dans 5 autres (19,7% en Autriche, 14,6% en Hongrie, 13,2% aux Pays-Bas, 12,9% en Finlande et 11% en Pologne) et moins de 10% des suffrages en Suède (9,7%), en Grèce (9,3%), en Belgique (6,9%), en Italie (6,1%), en Bulgarie (5,9%) et en Slovénie (4%).

Les populistes de gauche ont obtenu des sièges dans 10 pays. Ils ont remporté 32,7% en Grèce (Coalition de la gauche radicale - SYRIZA - et Parti communiste - KKE). Le parti d'Alexis Tsipras, qui a mené campagne contre la politique d'austérité, a devancé Nouvelle Démocratie (ND) du Premier ministre Antonis Samaras (22,7%). La gauche de gouvernement du parti Elia (L'Olivier) a recueilli seulement 8%.

Les populistes de gauche ont recueilli plus de 10% des voix en Espagne (17,8%) avec la liste Podemos (Nous pouvons) qui reprend le programme des Indignés et condamne les mesures anti-austérité, et Izquierda unida (IU), au Portugal (17,1%), en Irlande (17%) et en République tchèque (10,9%). Ils ont obtenu 9,6% aux Pays-Bas, 7,4% en Allemagne, 6,3% en France, 6,3% en Suède et 5,7% au Luxembourg.

Pour ce scrutin, comme d'ailleurs pour les précédents du même type, le vote protestataire est indéniablement plus souvent un vote de droite que de gauche

La progression des populistes est plus importante en Europe occidentale, soit dans les 15 plus anciens Etats membres, qu'à l'Est du continent où ces partis sont tous en recul (le Mouvement pour une meilleure Hongrie réalise un résultat comparable à celui obtenu il y a 5 ans). Certains, comme Ataka (A) en Bulgarie, le Parti de la grande Roumanie (PRM) ou le Parti national slovaque (SNS), n'ont obtenu aucun élu.

Les récents événements d'Ukraine ont probablement renforcés les partis de gouvernement dans cette partie de l'Europe où les manœuvres militaires russes inquiètent les populations et où la menace venue de Moscou est ressentie plus fortement qu'ailleurs. La chose est particulièrement visible en Lettonie voire en Pologne. La Plateforme civique (PO) du Premier ministre polonais Donald Tusk s'est lui-même présenté comme le défenseur des intérêts ukrainiens en Europe et le garant de la sécurité en Pologne, son slogan de campagne était "Une Pologne forte dans une Europe sûre".

Les populistes ont enregistré une baisse en Belgique, où la Nouvelle Alliance flamande (NV-A) a continué de siphonner les voix du Vlaams Belang (VB), et aux Pays-Bas où le Parti de la liberté (PVV) de Geert Wilders a perdu 3,7 points par rapport à 2009. Une partie des électeurs du PVV ne semblent pas avoir compris l'alliance de son dirigeant avec le FN.

L'explication habituelle de la hausse du populisme par la crise économique est sans doute juste en ce qui concerne les forces d'extrême gauche, qui ont réalisé leurs résultats les plus élevés dans 3 pays qui ont été contraints de recourir à l'aide financière internationale (Grèce, Portugal et Irlande) et en Espagne. A l'exception de la France, les populistes de droite ont remporté la majorité de leurs suffrages dans des Etats du Nord de l'Union (Royaume-Uni, Danemark, Autriche, Finlande, Pays-Bas, Suède) qui connaissent de faibles taux de chômage et une situation économique relativement satisfaisante. Les électeurs de ces pays ont sans doute exprimé par leur vote leurs inquiétudes pour l'avenir de leur mode de vie, de leurs valeurs, dans un monde de plus en plus globalisé.

Une partie des populistes de droite, emmenés par la dirigeante du FN, Marine Le Pen, ont émis le désir de former un groupe au Parlement européen. Pour ce faire, ils devront, avant le 1er juillet prochain, rassembler un minimum de 25 députés qui doivent impérativement être issus d'au moins un quart des Etats membres (soit 7 pays). La 1ère condition est d'ores et déjà remplie puisque le FN a obtenu à lui seul 24 élus. La 2e condition sera plus difficile à réaliser.

Réalité du vote sanction

Les élections européennes sont organisées à des moments différents du cycle électoral national dans chacun des Etats membres. Scrutin intermédiaire et souvent considéré comme de second rang, elles donnent souvent lieu à l'expression du mécontentement d'une partie des électeurs et sont utilisées parfois par ces derniers pour sanctionner le gouvernement en place. En 2009, les électeurs avaient sanctionné le pouvoir en place dans 10 des 27 Etats membres. En 2014, les électeurs ont fait de même dans 12 Etats membres.

Le vote sanction a été particulièrement fort en France où le Parti socialiste (PS) du président de la République François Hollande a obtenu le plus faible résultat de son histoire à un scrutin national (13,9%), en Bulgarie, au Portugal, au Royaume-Uni, en Slovénie et en Suède, et de façon moindre au Danemark et en Grèce.

Enfin, les élections européennes ont permis à divers partis d'envoyer des élus à Strasbourg - régionalistes ou positionnées sur un seul enjeu comme le Parti des animaux (PvdD) aux Pays-Bas ou l'Initiative féministe (FI) en Suède) - et à de nouveaux partis de faire leur entrée au Parlement européen. Ainsi, le Mouvement cinq étoiles (M5s) de Beppe Grillo (21,1%), qui emprunte aux registres des populistes de gauche et de droite et demeure à ce jour politiquement inclassable, a obtenu 17 sièges ou l'Alternative pour l'Allemagne (AFD) de Bernd Lucke, favorable à la suppression de l'euro et à l'abandon de toute aide financière aux pays de la zone euro qui ne font pas d'effort pour gérer leurs finances publiques, qui en a obtenu 7.


[1] Tous les résultats donnés dans ce texte sont issus du site internet du Parlement européen : http://www.resultats-elections2014.eu/fr/election-results-2014.html

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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