Union économique et monétaire
Sébastien Richard
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ENSébastien Richard
La crise chypriote : synthèse des crises traversées par ses partenaires
Régulièrement présentée comme une crise bancaire, la crise chypriote relève plutôt de la conjugaison de plusieurs facteurs propres à son modèle économique. Depuis la partition de l'île en 1974, la croissance économique locale est en effet principalement tirée par deux activités : les services financiers et le tourisme.
Une fiscalité avantageuse [1], des taux de rémunération favorables et une tradition en matière de conseil héritée de la colonisation britannique ont attiré de nombreux fonds offshore sur son territoire, favorisant dans le même temps le développement des banques locales, sans rapport avec le potentiel économique réel du pays. Les actifs détenus par les banques chypriotes représentent ainsi 7,5 fois le produit intérieur brut. L'endettement privé chypriote, qui représente près de 3 fois la richesse nationale, traduit bien cette financiarisation de l'économie locale.
Cette stratégie n'a pas été sans conséquences sur l'autre volet de l'économie chypriote : le tourisme, servi par l'ensoleillement quasi permanent de l'île. L'afflux de capitaux a favorisé le développement des infrastructures touristiques sur les côtes, dynamisant le secteur de la construction, au risque de créer les conditions d'une bulle immobilière, à l'image de celles rencontrées en Irlande et en Espagne. Comme dans ce dernier pays, il convient de noter le rôle des caisses d'épargne locales -les sociétés coopératives- dont le mode de gouvernance demeure relativement opaque.
Au-delà de l'aide à la construction, les banques chypriotes, en particulier les deux principales -Bank of Cyprus et Laiki Bank- ont dans le même temps investi de façon massive chez le voisin grec. Le déclenchement de la crise dans ce pays n'a pas bouleversé la donne. La possibilité de bénéficier de rendements élevés a renforcé cette surexposition des établissements financiers au risque grec : l'exposition à la dette publique hellénique représentait ainsi 27 milliards € avant la décote opérée de février 2012, soit 140% du PIB chypriote. 5 milliards € de titres grecs ont, notamment, été acquis en 2009 et 2010, sans d'ailleurs que la Banque centrale de Chypre n'émette d'objection. Les créances privées grecques détenues par les banques chypriotes sont estimées à 22 milliards €, soit 120% du PIB local.
Au surdimensionnement bancaire et à la bulle immobilière s'ajoute un troisième facteur négatif : l'absence de compétitivité de l'économie locale et le poids conséquent de la dépense publique. Ces deux éléments ne sont pas sans rappeler les cas portugais et grec. La dépense publique représente désormais près de la moitié du PIB contre un tiers en 1995. Les deux tiers du budget de l'État sont consacrés aux transferts sociaux et aux salaires publics. Une indexation automatique des salaires sur l'inflation rend, en outre, hypothétique toute amélioration de la compétitivité.
Une intégration européenne à géométrie variable
Chypre a adhéré à l'Union européenne en 2004. Si des réserves ont pu être exprimées à l'époque sur l'entrée d'un pays dont la souveraineté territoriale est relative en raison de l'occupation turque au nord, la stratégie financière de l'île aurait mérité un examen sans doute plus approfondi. La fiscalité attractive du territoire en a notamment fait une plaque tournante pour les fonds russes et ukrainiens, pour lesquels l'application des standards en matière de lutte contre le blanchiment d'argent demeure relative, en dépit de l'adhésion de Chypre aux conventions internationales. Ce qui vaut d'ailleurs à l'île de ne pas figurer sur la liste des paradis fiscaux établie par l'OCDE.
Le " label européen " induit par son intégration puis par l'adoption de la monnaie unique en 2008 a renforcé l'attractivité du territoire à l'égard des pays issus de l'URSS. Les investissements russes se sont ainsi élevés à plus de 78 milliards $ en 2011, soit le tiers des investissements étrangers sur l'île. Le montant des avoirs des sociétés et banques russes au sein des établissements financiers chypriotes s'élèvent à 31 milliards $. 35 000 russophones résident par ailleurs sur l'île. Les entreprises qu'ils créent sur l'île investissent ensuite en Russie, contribuant à faire de Chypre le premier pays investisseur en Russie. Un lien de dépendance économique entre l'île et la Russie s'est dans tous les cas noué.
Il n'est d'ailleurs pas anodin que lorsque Chypre ne peut plus accéder aux marchés financiers dans le courant de l'année 2011, en raison de la méfiance des investisseurs quant à la viabilité du système financier local, Nicosie se tourne en priorité vers Moscou, sans solliciter une intervention européenne. Un prêt de 2,5 milliards € lui a ainsi été accordé en octobre 2011 par la Russie. Cette aide bilatérale présentait politiquement un avantage, du point de vue chypriote, par rapport à une intervention européenne : elle exonérait en effet Nicosie des réformes structurelles que lui auraient demandées l'Union européenne et le Fonds monétaire international.
Reste que cette option court-termiste du gouvernement chypriote s'est heurtée à deux réalités : l'aggravation de la crise économique sur l'île, liée pour partie à l'explosion de la bulle immobilière, et la restructuration de la dette publique grecque en février 2012. Celle-ci s'est traduite par une perte de 4,2 milliards € pour le secteur bancaire, soit un quart de la richesse nationale, dont 3,8 pour les deux premières banques du pays. L'État a ainsi été conduit à recapitaliser la Laiki Bank à hauteur de 1,8 milliard € en mai 2012. L'aide accordée par la Russie a, dans le même temps, était intégralement absorbée dans le règlement des dépenses courantes de l'État.
Compte tenu de ces difficultés, les besoins de financement de Chypre sont alors estimés à 17,5 milliards €, soit l'équivalent de la richesse nationale : 10 doivent servir à la restructuration du système bancaire, 6 au refinancement d'une dette publique en constante augmentation depuis 2008 et 1,5 au paiement des dépenses courantes destinées à faire face à l'aggravation du chômage (11 % de la population active contre 3,5 % en 2009) et à la crise (récession de 3,5 % du PIB attendue en 2013 après une contraction de 2,3 % en 2012). Devant l'incapacité à trouver de nouveaux fonds dans le cadre d'accords bilatéraux avec Moscou ou Pékin, Chypre a formulé une demande d'aide auprès de l'Union européenne en juin 2012.
La lente gestation du plan de sauvetage de l'Union européenne
Il a fallu attendre neuf mois pour que la demande d'intervention débouche sur un plan concret. Deux raisons justifient un tel délai.
La première tient aux autorités chypriotes. Les exigences formulées par la troïka lors de ses missions d'évaluation de juillet et de novembre 2012 sont longtemps parues insupportables au gouvernement communiste du président Demetris Christofias, en fonction jusqu'en février 2013. La volonté des bailleurs de fonds internationaux de mettre en place un programme d'austérité supprimant indexation des salaires et treizième mois, augmentant l'âge de départ en retraite ou majorant la taxation des entreprises a conduit au veto présidentiel jusqu'en novembre 2012. L'aggravation de la crise comme l'absence de solution alternative l'a néanmoins conduit à relativiser sa position, qui reste cependant inflexible sur la question des privatisations.
La deuxième tient aux interrogations exprimées par le FMI et certains États membres européens à l'image de l'Allemagne ou des Pays-Bas sur la soutenabilité de la dette publique chypriote en cas d'octroi d'un prêt de 17 milliards €. La dette publique aurait en effet atteint 140% du PIB contre 91,2% fin 2012. À cette inquiétude légitime s'ajoute une réserve de fond sur la taille du secteur bancaire local et son adéquation aux standards européens en matière de transparence. Fort de l'expérience irlandaise, il s'agissait de ne pas faire porter uniquement sur le contribuable le coût de la recapitalisation du système bancaire. D'autant que celle-ci tend à servir les intérêts des déposants russes. La réduction du volume de l'aide et la participation des créanciers et des déposants se sont donc progressivement imposées dans les débats en dépit de l'opposition du gouvernement chypriote sur ce point. Afin de dépasser celle-ci, l'Eurogroupe a reporté au mois de mars 2013 la conclusion du plan, l'élection présidentielle des 17 et 24 février 2013 devant déboucher sur une alternance politique (le président Christofias ne se représentait pas) et l'émergence d'un gouvernement plus coopératif.
Le plan du 16 mars et le changement de dimension de la crise chypriote
Si l'intention d'impliquer les déposants dans la restructuration du secteur bancaire a pu apparaître louable, les modalités définies le 16 mars 2013 ont néanmoins conduit la crise chypriote à prendre une ampleur européenne, que le poids économique de l'île (0,2 % du PIB de l'Union européenne) semblait à première vue lui interdire.
La volonté du nouveau gouvernement chypriote conduit par Nicos Anastasiades de préserver les intérêts russes et la volonté de l'Eurogroupe et du FMI de limiter le montant de l'aide européenne a débouché sur une solution pour partie contraire au droit communautaire. Le plan prévoyait en effet une taxation progressive de l'ensemble des dépôts bancaires : 6,75 % en dessous de 100 000 €, et 9,9 % au delà. Les dépôts inférieurs à 100 000 € représentent 30 des 68 milliards € de liquidités actuellement détenues par les banques. De telles dispositions devaient rapporter près de 5,8 milliards € aux autorités chypriotes. A cette somme venait s'ajouter une aide internationale de 10 milliards € conditionnée à la mise en place de réformes structurelles et à la tenue d'un audit du système bancaire en vue d'y évaluer l'impact du blanchiment d'argent.
L'instauration d'un prélèvement sur les dépôts inférieurs à 100 000 € a déclenché la colère de la population chypriote. Cette réaction est en partie légitime tant cette taxe contredit en effet la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts (SGD) de 1994, révisée en 2009 [2] qui garantit tous les dépôts sans exception jusqu'à 100 000 €. Au-delà, un placement est considéré comme risqué. La Commission entend d'ailleurs renforcer ce système par l'intermédiaire d'un projet de modification de la directive SGD mais aussi un projet de directive sur la résolution des crises bancaires présenté en juin 2012. Quand bien même l'Eurogroupe soulignait la spécificité de la situation chypriote pour justifier une telle disposition, il y avait contradiction avec l'un des principaux engagements pris par l'Union européenne au moment du déclenchement de la crise économique et financière en 2009. Ce qui ne pouvait manquer de créer les conditions d'un effet de panique pour les petits épargnants au sein des pays de la zone euro qui rencontrent un certain nombre de difficultés. La décision du parlement chypriote de ne pas voter cette disposition comme le soin pris par l'Eurogroupe de revenir sur sa position dès le 18 mars 2013 ont néanmoins limité ce risque d'affolement et de retraits massifs aux guichets (bank run) dans toute l'Europe.
Il n'en demeure pas moins que la singularité de cette démarche et son rejet légitime par le Parlement chypriote a contribué à faire des ultimes négociations entourant ce cinquième plan d'assistance financière un nouveau test pour la solidité de la zone euro, alors même que la situation ne s'y prêtait pas initialement. Au risque de générer une nouvelle vision caricaturale de l'action européenne à l'image de la présentation qui a été faite du rôle de la Banque centrale européenne. Celle-ci avait annoncé sa volonté de ne plus alimenter les banques chypriotes en liquidités d'urgence, faute d'accord sur la recapitalisation du système bancaire. Qualifiée hâtivement de blocus monétaire, cette décision reposait pourtant sur un postulat logique : les liquidités d'urgence ne peuvent être attribuées qu'à des banques solvables, ce que n'étaient plus en l'espèce les établissements financiers chypriotes.
Les contours du plan de sauvetage chypriote
Le principe d'une participation du secteur privé à la restructuration des banques est néanmoins maintenu dans le nouveau dispositif. La solution avancée au début des négociations par le FMI à savoir une participation accrue des créanciers des deux premières banques du pays, soit les plus en difficulté, a été retenue.
Le plan acte en premier lieu la faillite de la banque Laiki, la deuxième du pays. Elle est ainsi scindée en deux, une bad bank étant créée pour gérer les actifs considérés comme toxiques mais aussi les dépôts supérieurs à 100 000 €. Un prélèvement de 40% devrait être opéré sur ces dépôts. Les prêts non risqués et les dépôts de moins de 100 000 € sont transférés à la Bank of Cyprus, premier établissement du pays. Celle-ci récupère en outre les dettes de la Laiki Bank contractées auprès de la Banque centrale européenne et estimées à 9 milliards €. Un prélèvement sur les dépôts supérieurs à 100 000 € a également été décidé et devrait atteindre 37,5% des montants ; 22,5% de ces montants sont par ailleurs gelés. Les déposants recevront, en contrepartie, des parts de capital de la banque. La résolution de la banque Laiki et les prélèvements opérés au sein de la Bank of Cyprus devrait permettre de dégager près de 6 milliards €, destinés notamment à recapitaliser la banque. Ce mécanisme de renflouement interne des banques (bail-in) permet dans le même temps une réduction de moitié du secteur bancaire local. L'accord prévoit la mise en place d'un dispositif de contrôle des mouvements de capitaux en vue d'éviter tout bank run.
L'accord reprend, en outre, les contours du premier plan d'aide signé une semaine plus tôt : augmentation des taux d'imposition sur les sociétés de 10 à 12,5% et des plus values de 10 à 22%, évaluation des risques de blanchiment d'argent au sein du système bancaire local, privatisation des entreprises publiques de transport, d'électricité et des télécoms, augmentation de la TVA (17 à 19%), report de l'âge légal de départ à la retraite de 65 ans à 67,5 ans d'ici à 2018, gel des pensions des fonctionnaires et suppression de 4 500 postes dans le secteur public. Ces dispositions devraient permettre à Chypre de parvenir à un excédent budgétaire de 4 % d'ici à 2018. Le mémorandum d'accord entre l'Union européenne, le FMI et Chypre devrait être signé dans le courant du mois d'avril. Le montant de l'aide de l'Union européenne et du FMI accordée en contrepartie, s'élève à 10 milliards €, avec un taux d'intérêt établi à 2,5%. Cette aide doit permettre à la dette publique de rester soutenable (100% du PIB à l'horizon 2020).
L'accord invite dans le même temps les autorités chypriotes à renégocier les conditions du prêt octroyé par Moscou en octobre 2011. Son taux d'intérêt et sa maturité devraient ainsi être amendés.
Quel modèle économique pour Chypre ?
Le modèle économique du pays est dorénavant largement remis en question par le plan de sauvetage. L'attractivité du territoire pour les sociétés financières étrangères devrait, en effet, être freinée par l'instauration du prélèvement sur les dépôts de plus de 100 000 €, mais aussi l'augmentation de l'imposition des sociétés et des plus-values. La fuite des capitaux observée lors des ultimes négociations sur le plan d'aide a d'ores et déjà été estimée à 5 milliards €. Il convient, à cet égard, d'observer la position des Russes, dont la Bank of Cyprus est l'établissement bancaire privilégié. Nonobstant les pertes enregistrées, le plan européen garantit in fine la viabilité du secteur bancaire chypriote et le prémunit d'une faillite globale.
Le tourisme pourrait également être fragilisé par un désintérêt russe pour le pays. La vitalité du secteur a tenu lors des saisons estivales 2011 et 2012 à la présence des touristes russes. Ces interrogations interviennent alors que la concurrence de la Grèce, d'Israël ou de la Turquie se fait de plus en plus vive. Ces pays bénéficient d'une desserte aérienne plus développée et moins coûteuse alors que les équipements hôteliers chypriotes semblent moins modernes.
La découverte d'un réservoir de gaz naturel au large des côtes chypriotes a souvent été avancée par les autorités locales comme une solution à la crise que traversait le pays, une garantie à apporter dans le cadre de la négociation d'une aide internationale. Le plan du 25 mars n'en tient, en tout état de cause, pas compte. L'exploitation commerciale ne devrait en effet pas intervenir, au mieux, avant 2019. Des problèmes sur la propriété de ces réserves commencent, par ailleurs, à se faire jour avec la Turquie. Le chemin semble long avant la conversion de l'économie chypriote au modèle norvégien.
Il convient, en outre, de ne pas mésestimer les conséquences sociales des restructurations bancaires. La résolution de la Laiki Bank signifie la suppression de 8 000 emplois, soit 1% de la population locale. Les 11 000 emplois de la Bank of Cyprus ne semblent pas garantis au terme de la restructuration annoncée de l'établissement. Ces menaces sur l'emploi s'inscrivent dans un contexte morose, marqué par une croissance continue du chômage depuis le début de la décennie et qui pourrait ainsi atteindre 15% de la population active en 2014.
De telles difficultés économiques ne seront pas sans incidence sur le PIB local, déjà amené mécaniquement à décroître avec la réduction de la taille du secteur bancaire. La question de la soutenabilité de la dette publique chypriote, qui est conduite à augmenter, reste donc entière. La tâche s'annonce donc ardue pour le gouvernement du président Nicos Anastasiadies, en place depuis le 1er mars dernier et en partie décrédibilisé par l'accord du 16 mars. Son ministre de l'économie, Michalis Sarris, a d'ailleurs démissionné le 3 avril 2013, alors qu'une commission d'enquête vient d'être mise en place pour déterminer les origines de la crise.
L'Eurogroupe au révélateur chypriote
L'un des principaux enseignements de la crise tient aux insuffisances constatées dans le fonctionnement de l'Eurogroupe. Aux errements du gouvernement chypriote navigant entre défense des intérêts russes et protection des petits épargnants a répondu une forme d'hésitation coupable de la part de l'Eurogroupe, et notamment de son nouveau président, Jeroen Dijsselbloem. L'Eurogroupe n'a pas assumé le plan du 16 mars tout en martelant la nécessité pour Chypre de trouver un financement propre de 5,8 milliards €, avant que ce chiffre ne finisse par disparaître de l'accord du 25 mars. La question même de la spécificité des mesures adoptées, leur caractère exceptionnel et circonscrit au cas chypriote, qui semblaient faire consensus, a même volé en éclats lorsque le président de l'Eurogroupe a jugé que ce dispositif pouvait finalement servir de modèle en vue de résoudre d'autres crises avant de revenir sur ses propos et d'être contredit par la Commission européenne et la Banque centrale européenne. Il apparaît plus que jamais indispensable pour la zone euro de se doter d'une gouvernance stable capable de prendre des décisions cohérentes et audibles et qui engage la responsabilité de ceux qui les prennent. En tout état de cause, la crise chypriote a souligné que le débat en cours sur le renforcement du volet institutionnel de l'Union économique et monétaire n'avait, pour l'heure, pas abouti.
Plus largement, il convient de s'interroger sur la nouveauté que constitue le prélèvement opéré sur les dépôts de plus de 100 000 € sur les comptes de la Bank of Cyprus et de la Laiki Bank. Un tel exemple pourrait conduire à l'avenir les grands déposants à saupoudrer leurs dépôts au sein de plusieurs banques, au risque d'affaiblir les grands établissements européens. En outre, le projet de système de garantie des dépôts européens, considéré comme un des piliers du projet d'Union bancaire semble fragilisé par la solution apportée au problème bancaire chypriote. Il convient de noter que les difficultés de la banque italienne Monte dei Paschi di Siena semblent avoir été renforcées après l'annonce du plan du 25 mars. La crise chypriote n'a, à ce titre, pas permis de donner un coup d'accélérateur en faveur de l'Union bancaire comme les crises grecque, irlandaise et portugaise avaient dynamisé les projets de renforcement de l'Union économique et monétaire.
Conclusion
Révélateur d'une inadéquation de son modèle économique à la réalité financière, la crise qui touche Chypre a débouché sur un plan d'aide européenne qui lui impose un changement en profondeur de ses structures économiques et sociales. L'île entre dans une nouvelle période de son histoire et doit mettre en œuvre une alternative économique, difficile pour l'heure à évaluer. La rente gazière présentée comme le remède à tous les maux du système financier reste encore lointaine. L'heure est peut-être venue pour le gouvernement d'envisager une relance du processus de réunification. Celui-ci avait échoué en 2004. Cette réconciliation politique ne serait pas anodine au plan économique. Une étude indépendante publiée en 2009 soulignait que la réunification pourrait contribuer à faire croître le PIB de 3% pendant 5 ans, créant 33 000 emplois.
En ce qui concerne l'Union économique et monétaire, la crise chypriote vient de montrer que son fonctionnement reste encore fragile. Considérée comme une crise mineure, elle a mis en lumière de nouveau les limites de la gouvernance européenne, au risque d'ajouter de l'incertitude à la crise actuelle. La réponse à la crise financière qui frappe la zone euro passe donc aussi par la mise en place d'institutions capables de tempérer l'irrationalité des marchés. L'Eurogroupe n'a pas, à l'occasion de la crise chypriote, été celle-là.
[1] Le taux de l'impôt sur les sociétés était de 4,5 % jusqu'à l'adhésion de Chypre à l'Union européenne en 2004, date à laquelle il a été porté à 10 %. Les plus-values de cession mobilières et les dividendes sont, par ailleurs, faiblement fiscalisés voire exonérés.
[2] http://ec.europa.eu/internal_market/
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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