Le malaise identitaire en Europe : comment répondre au défi lancé par le national-populisme ?

Démocratie et citoyenneté

Magali Balent

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16 mai 2011

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Magali Balent

Le malaise identitaire en Europe : comment répondre au défi lancé par le nationa...

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Introduction

Depuis quelques mois, le débat sur le multiculturalisme refait surface en Europe à la suite des déclarations successives de plusieurs dirigeants européens qui ont souligné l'échec de ce modèle de coexistence culturelle dans les sociétés européennes. Qu'il s'agisse des propos tenus par Angela Merkel, David Cameron ou Nicolas Sarkozy [1], tous évoquent la responsabilité du multiculturalisme dans le délitement social et la menace qu'il fait peser sur l'identité originelle des nations européennes. Cette accusation révèle le malaise identitaire actuel provoqué par l'évolution démographique d'un continent vieillissant sous l'effet d'une immigration qui provient désormais dans sa quasi-totalité de pays non-européens [2]. Elle traduit aussi l'intention des dirigeants européens de réinvestir un débat d'actualité qui fut trop longtemps accaparé par les seuls partis nationaux-populistes.

Ce courant politique, rassemblant les partis d'extrême-droite européenne, s'est focalisé sur la thématique identitaire depuis que l'anticommunisme a cessé d'être le noyau dur de son discours après la chute du bloc soviétique, l'obligeant à définir une idéologie de substitution et à inscrire sa rhétorique dans le mouvement international de réveil des nationalités des années 90. Désormais, les partis nationaux-populistes se veulent les ardents défenseurs des identités nationales face au "mondialisme cosmopolite" et au "grand Léviathan bruxellois" [3]. Pour affiner leur rhétorique, ils soutiennent le caractère "substantiel" de l'identité, récusant tout processus de construction identitaire, et décrivent l'individu comme enserré dans plusieurs cercles d'appartenance identitaire. Le national-populisme offre ainsi une vision charnelle des identités nationales et européenne, aux vertus prétendument protectrices, qui peut expliquer la séduction qu'exerce son discours sur une partie des citoyens inquiets des évolutions en cours et réceptifs à cette rhétorique qui valorise l'appartenance à une communauté ethnique enracinée dans une culture et un territoire communs. Face à ce discours plaidant pour une Europe identitaire et qui stigmatise la propension de l'Union européenne (UE) à l'enfanter, quel discours alternatif sur l'identité celle-ci doit-elle promouvoir ?

I- L'identité dans l'imaginaire du national-populisme

Le national-populisme se singularise par un discours sur l'imminence de l'extinction identitaire du continent européen, dont la réédition du roman de Jean Raspail, Le Camp des Saints [4], en février 2011, a révélé qu'elle était une crainte partagée. Face à cette menace, ce courant politique offre une vision de l'identité fermée aux influences étrangères et conçue comme un rempart de protection enveloppant l'individu.

1.1. De la définition de l'identité nationale selon des critères ethniques...

La "vision du monde" du national-populisme s'appuie sur une conception naturaliste de l'existence humaine qui appréhende cette dernière comme un produit de la nature et perçoit l'individu comme un être vivant appartenant à plusieurs communautés naturelles concentriques, selon le principe des affinités hiérarchiques théorisé par le nationaliste Charles Maurras [5]. Au-delà de la famille, de la commune et de la province, la nation est désignée par cette famille de pensée comme l'ultime cercle d'encadrement humain qui lui attribue une identité dont il ne pourra jamais se défaire. Nick Griffin, leader du British National Party (BNP) explique ainsi que le sentiment d'appartenance identitaire, ainsi que l'allégeance et la loyauté à la nation qu'il déclenche, sont des réflexes naturels et non pas le produit d'un apprentissage [6]. Or, dans la mesure où la nation est perçue comme une communauté d'enracinement à base ethnique, reposant sur une histoire, une culture, un territoire communs, et sur un processus de transmission héréditaire selon lequel la nation s'hérite mais ne se choisit pas, l'identité nationale est dès lors pensée comme éternelle et immuable. Par conséquent, cette identité est fragile puisque sans cesse menacée d'altération au contact des autres. Ainsi la nation demeure, pour le national-populisme, le cadre privilégié de développement des peuples qui leur garantit la sécurité et préserve leur identité en agissant comme une membrane de protection vis-à-vis de l'extérieur. C'est pourquoi selon eux la nation doit posséder tous les attributs de la souveraineté qui lui donneront les moyens de perpétuer l'indépendance et l'identité de ses membres.

En outre, la perception de la nation comme seule communauté politique légitime découle directement des conceptions naturalistes du national-populisme qui, en assimilant la nation à une construction naturelle et non pas historique, lui octroie automatiquement des droits supérieurs aux autres entités politiques, telles que l'Union européenne ou les organisations internationales, décrites comme des constructions superficielles qui n'ont aucune consistance charnelle propre à susciter l'émotion et l'adhésion populaires. Ces dernières ne sont, pour le national-populisme, que des coquilles vides sans bases affectives qui n'entretiennent aucun lien avec les territoires sur lesquels elles œuvrent et ne peuvent de ce fait déclencher un processus d'identification. Pour l'extrême droite, l'idée voltairienne selon laquelle tout être humain serait avant tout un "citoyen de l'univers", est donc une atteinte aux lois naturelles censées régir l'humanité. C'est pourquoi pour le Front national en France, " la nation est la seule communauté politique concevable, c'est-à-dire à la fois la seule à exister réellement, la seule à pouvoir exister, la seule à devoir exister " [7]. Or ne faut-il pas plutôt admettre avec Michel Foucher que " les identités sont fondamentalement des constructions ", de sorte qu'il est facile de créer des ensembles mythiques en laissant croire qu'ils sont des héritages naturels [8]?

1.2. A celle de l'identité européenne.

Dans cette perspective, si la nation est appréhendée comme la seule communauté politique souveraine, elle n'est pas pour autant l'ultime cercle auquel l'individu appartient, celui-ci se rattachant à des espaces plus vastes qui recoupent les grandes aires de civilisation et contribuent à façonner son identité. Ainsi au-delà de leur ancrage national respectif, les peuples du continent appartiennent également à l'espace de la civilisation européenne et à celui de la civilisation occidentale [9]. Les propos de plusieurs partis nationaux-populistes l'attestent comme ceux de l'Union démocratique du centre (UDC), qui malgré son hostilité radicale à l'intégration de la Suisse dans l'Union européenne affirme se reconnaître dans "la culture occidentale et chrétienne qui est à la base de notre identité et de notre cohabitation" [10]. De même, lorsque le BNP britannique évoque les peuples natifs des îles britanniques, il désigne " les Anglais, les Ecossais, les Irlandais, les Gallois ainsi que les populations de descendance européenne arrivées au cours des siècles passés et qui se sont pleinement intégrées à la société britannique " [11].

Le national-populisme appréhende donc l'identité européenne en termes ethniques et non politiques ; une identité, basée sur des considérations essentialistes [12] qui serait le produit de l'unité culturelle du continent, fruit d'une longue histoire faite d'alliances et de luttes communes contre l'envahisseur extérieur [13]. Cette identité, qui repose sur l'héritage de l'Antiquité, du christianisme, de l'Humanisme et de la philosophie des Lumières, a transmis toute une série de valeurs aux Européens les distinguant du reste du monde et leur permettant d'apparaître comme une civilisation dotée de traits distinctifs. Pour le Parti du progrès en Norvège, les valeurs à promouvoir sont celles " des traditions et de l'héritage culturel de la Norvège et de l'Occident, inspirées d'une vision chrétienne et humaniste de la vie " [14]. Selon le national-populisme, c'est l'ensemble de ces valeurs qui font de l'Europe une civilisation singulière, à la croisée des chemins entre l'héritage de l'Empire d'Alexandre ouvert sur l'Orient, l'héritage de l'Empire romain, celui de la "Pax Romana" et l'héritage du Saint Empire Romain Germanique, celui de l'Occident chrétien [15]. L'homogénéité de l'identité européenne résulte ainsi, pour le national-populisme, de la concordance entre des valeurs culturelles et le territoire sur lequel elles s'enracinent. Cette "homogénéité identitaire" fait naître des liens naturels entre les nations européennes et justifie, selon le parti hongrois du Jobbik, de renforcer les relations entre des nations unies " par la culture et un héritage commun " [16].

Or cette identité culturelle ainsi définie se situe aux antipodes de l'identité politique que cherchent à promouvoir les dirigeants européens, pour lesquels l'Europe se définit d'abord par les valeurs politiques exprimées dans les traités européens, comme la liberté, la démocratie, le respect des droits de l'Homme, et qui ont vocation à unir l'ensemble des Etats qui les partagent. Tandis que cette identité politique repose sur des bases juridiques et le "patriotisme constitutionnel" défini par Jürgen Habermas [17], l'identité culturelle renvoie à une vision plus romantique de l'Europe et repose non pas sur des principes universels, mais sur des présupposés particularistes et affectifs.

Force est d'ajouter à ce stade que cette identité culturelle européenne promue par le national-populisme relève d'une vision mythifiée de l'Europe qui rassemblerait des pays unis par des siècles d'histoire et de luttes contre un ennemi commun. Pour Jean-Marie Le Pen, les noms qui ont permis à l'Europe de se constituer "c'est Marathon, Salamine, Lépante, Poitiers, Tolbiac, les champs catalauniques" [18]. Or s'il est possible en effet d'identifier des périodes d'unité européenne au cours desquelles se met en place une culture commune, comme au temps des croisades lorsque l'Occident chrétien soudé autour d'une religion et d'une langue se ligue pour délivrer les lieux saints de la domination musulmane, ou encore au temps des Lumières, période durant laquelle a émergé une Europe des lettres et des penseurs qui a contribué au rayonnement culturel du continent, il ne faut pas oublier les périodes de guerres fratricides et de morcellement. Comme le rappelle Pierre Manent, la culture a plus souvent divisé les Européens qu'elle ne les a unis. C'est le cas de la religion, placée par les anthropologues au cœur de toute culture. "Les Etats européens modernes ont été construits aussi, et peut être d'abord, pour surmonter les divisions religieuses", ajoute-t-il [19]. En outre, " les découvertes européennes de l'universel, n'ont pas été le fait d'une Europe unie, d'une Europe constituée en unité politique, mais, bien au contraire, d'une Europe divisée en nations rivales " [20]. Par ailleurs, il n'est pas sûr que cette culture européenne soit spécifique au continent, de sorte qu'il serait plus exact de parler, comme le fait Frank Pfetsch, de "culture pan-atlantique", Etats-Unis et Europe partageant les mêmes racines [21]. Finalement il apparaît, comme l'a analysé Benedict Anderson dans le cas de la nation, que toute identité repose à la fois sur des faits réels et sur un imaginaire collectif qui renforce le sentiment d'appartenance des individus et, partant, leur identité [22]. Mais quel que soit le degré d'artificialité de cette "communauté imaginée" européenne, il est clair que cette définition renonçant à faire de l'Europe une organisation basée sur une identité politique, n'est pas sans lien avec la séduction qu'exerce ce discours identitaire sur une partie de l'opinion publique européenne. L'étude de celle-ci en fournit la preuve.

II- Les citoyens de l'Union et l'enjeu identitaire.

Les enquêtes d'opinion réalisées par la Commission européenne dans les 27 Etats membres  permettent de vérifier que les citoyens conservent une image plutôt positive de l'Union européenne en dépit de la crise qui sévit depuis l'automne 2008 [23]. Aussi la légitimité de cet espace n'est-elle pas remise en cause, les citoyens européens demeurant conscients de ce qui les unit et des intérêts communs qu'ils partagent. 53% des personnes interrogées au printemps 2008 considèrent qu'il existe une proximité de valeurs entre les 27 Etats de l'Union européenne. De plus, 37% (contre 44% d'avis contraire) estiment que ces valeurs sont propres à l'Europe et aux Européens et ne recouvrent donc pas systématiquement celles de l'ensemble du monde occidental [24]. L'identité européenne a ainsi du sens pour une partie de l'opinion publique.

Pour autant, une autre enquête Eurobaromètre datant du printemps 2006 permet de souligner que les citoyens se sentent davantage attachés à l'Europe (63%) qu'à l'Union européenne (50%), une distinction qui laisse penser que, pour un certain nombre d'entre eux, c'est moins les institutions et les politiques européennes qui génèrent un processus d'identification, que le sentiment d'appartenance au continent européen, donc à son territoire et à sa civilisation. Cet attachement reste dans tous les cas largement inférieur à celui que les citoyens européens avouent à l'égard de la nation [25]. Il n'y a donc pas concurrence entre les différents sentiments d'appartenance des Européens, tout au plus la reconnaissance d'une double identité, nationale et européenne, le sentiment national arrivant toujours largement en tête dans l'ordre des affinités qu'ils établissent. Cette situation est le résultat d'un double processus.

2.1. Le faible pouvoir d'identification politique de l'Union européenne.

Le national-populisme perçoit depuis 1992 le projet politique européen comme une entreprise "prédatrice" qui broie les nations dans une structure fédérale sans âme. Initialement favorable au projet européen, il décrit désormais l'Union européenne comme un processus "infernal" dans lequel le "vide européen se nourrit des nations et de leurs institutions" et "aspire des siècles d'histoire, d'abbayes et de forêts, de champs défrichés et de fermes" [26]. Cette évocation du "néant" européen par opposition à la fonction jugée protectrice et nourricière du cadre national traduit le refus du national-populisme d'accorder du crédit à l'Union européenne et, par conséquent, d'admettre qu'elle puisse constituer un espace de référence identitaire au détriment des nations. La proposition récente du leader de l'UDC, Oskar Freysinger, de faire retirer le drapeau européen des bâtiments publics suisses [27] est symbolique de ce parti pris. Le faible pouvoir d'identification politique de l'Union européenne est souvent évoqué par les commentateurs, au point qu'il devient un argument récurrent pour justifier le peu d'enthousiasme des citoyens européens à l'égard de l'UE. Pour certains, ce déficit procède de l'identification de l'Union à des valeurs politiques universelles et non exclusivement européennes. Pierre Manent l'explique à travers l'exemple de la culture démocratique : "les mœurs démocratiques ne suffisent pas à définir positivement une identité de l'Europe. Si c'était le cas, tous les pays démocratiques seraient membres de droit de l'Union européenne, à commencer par le Japon et l'Australie" [28].

Mais cette faiblesse peut être plus spécifiquement liée à la difficulté qu'éprouvent les institutions communautaires et les Etats membres à faire naître une conscience européenne. Les institutions communautaires sont ainsi régulièrement dénoncées comme lointaines et abstraites, voire anti-démocratiques, expliquant le faible intérêt qu'elles suscitent. Les résultats d'un sondage Eurobaromètre réalisé quelques mois avant les élections européennes de juin 2009 le vérifient : 62% des personnes interrogées avouent ne pas connaître la date des prochaines élections européennes et 53% affirment ne pas être intéressées par elles. De fait, les Européens révèlent un faible niveau de connaissance du fonctionnement de ces institutions. A la question de savoir si les membres du Parlement sont élus directement par les citoyens, seuls 53% des Européens répondent oui, 36% croient que les députés européens siègent par nationalité et 20% que chaque Etat membre possède le même nombre de parlementaires européens [29]. Finalement, la dimension bureaucratique de l'Union européenne, à laquelle il est également reproché son caractère diplomatique, renforce l'idée dans l'imaginaire des citoyens qu'elle serait une organisation aux mains des élites, déconnectée des attentes populaires. Ce sentiment explique pourquoi l'Europe communautaire peine à déclencher un processus d'identification positive. C'est ce qu'a bien compris le national-populisme qui renforce son argumentaire anti-européen en accusant les élites européennes de complicité vis-à-vis de la mondialisation, les définissant comme des "technocrates" aux ordres du capitalisme international, dont l'objectif est de "relayer son message idéologique et politique" [30]. Afin de souligner cette soi-disant "imposture" communautaire, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a fustigé "l'Europe de Bruxelles" qu'elle accuse d'avoir usurpé "par imposture sémantique", le nom d'Europe, et dévoyé " la belle idée d'entente européenne pour y substituer un projet technocratique, totalitaire et nuisible à nos libertés " [31]. Le leader des Vrais Finlandais, Timo Soini, qui vient de remporter 19,1% des voix lors des élections législatives du 18 avril dernier en Finlande, récuse aussi l'idée d'Etat fédéral européen ou d'" Etats-Unis d'Europe ", tout en approuvant la coopération entre Etats européens [32]. Dans le discours national-populiste, l'Union européenne, depuis qu'elle s'est engagée avec le Traité de Maastricht dans un transfert accéléré des compétences nationales vers les instances fédérales, ne peut donc susciter de processus d'identification puisque sa vocation n'est plus européenne mais mondiale.

 

Enfin, la difficulté du projet politique européen à faire naître une conscience européenne peut également être reliée à cette notion de "citoyenneté européenne imparfaite", voire "inachevée", au point que certains mettent en cause la réalité vécue d'une "Europe des citoyens" qui n'existerait qu'à travers les enquêtes Eurobaromètre [33]. Créée par le Traité de Maastricht en 1992, la citoyenneté européenne est dès l'origine conçue comme " une citoyenneté de complément ", qui selon le traité sur l'Union européenne " s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas " [34]. Ainsi, sans revenir sur la question des valeurs politiques sur lesquelles s'appuie la citoyenneté européenne, force est de reconnaître qu'elle n'a pour le moment d'existence que formelle et demeure encore faiblement ancrée dans les consciences individuelles. En outre, "le droit cosmopolitique" qui définirait, selon Jean-Marc Ferry, la citoyenneté européenne en accordant aux citoyens d'Europe des droits transversaux, ne saurait pour le moment dissoudre le lien consubstantiel entre nation et citoyenneté [35]. Enfin, il manque à la citoyenneté européenne un attribut essentiel, selon Marie de Cazals, celui de conférer la nationalité. "Le référent national" reste pour le moment incontournable car " la reconnaissance identitaire qu'il procure est sans doute la base la plus ferme sur laquelle un pouvoir politique peut s'appuyer " [36]. Pour autant, n'est-ce pas ici minorer les valeurs énoncées dans les traités fondateurs ainsi que les réalisations européennes qui constituent autant de marqueurs identitaires ? L'euro n'est-il pas une des plus concrètes réalisations du projet communautaire, tout comme le drapeau européen qui trône aux côtés des drapeaux nationaux sur les bâtiments publics et demeure le symbole européen le mieux connu des citoyens (95%) [37] ?

 

2.2. La prééminence de l'identité nationale.

Pourtant les sondages d'opinion sont unanimes : l'attachement à la nation reste largement dominant dans l'opinion publique et l'identité nationale arrive en tête dans l'ordre des affinités établis par les citoyens devant l'identité européenne. Outre qu'il se nourrit de la difficulté de l'Union à faire émerger un "nous" communautaire, cet attachement préférentiel résulte également de la nature même de la plupart des Etats européens qui se sont construits dès l'origine sur une alliance entre nation et démocratie, celle-ci ayant pu émerger en s'appuyant sur le corps national, de sorte que " le régime démocratique moderne est inséparable de la forme nationale " [38]. Pierre Manent explique par ce biais la méfiance et l'appréhension provoquée par la construction européenne, " étrangère à la vie des peuples européens " et la séduction forte exercée par le concept d'" Europe-civilisation " au détriment de celui d'" Europe-corps politique ", perçu comme moins contraignant et plus familier [39]. C'est ainsi notamment, mais pas exclusivement, qu'il est possible d'expliquer, par l'histoire, la persistance des réflexes nationaux en Europe et la difficile émergence d'un espace public européen. L'intégration des Etats membres depuis 61 ans et la thèse du " paradigme cosmopolitique " selon laquelle l'Union serait la réponse appropriée aux phénomènes de mondialisation économique [40], n'ont pas fait disparaître ce que Sigmund Freud appelait ce " narcissisme des petites différences " [41]. Divers exemples attestent de cette persistance, comme l'organisation de l'élection des députés européens dans un cadre strictement national, contribuant à faire du peuple européen la somme des électorats nationaux, la reconnaissance de 23 langues officielles dans l'Union, ou le refus des Etats de renoncer à leur Commissaire. Pour Ivo Gabara et Lorenzo Consoli qui ont étudié le fonctionnement interne de la Commission européenne et fait émerger l'idée d'une "fragmentation des cultures" en son sein, ces réflexes nationaux seraient en train de se renforcer à mesure que "l'idéal européen" forgé au sortir de la Seconde Guerre mondiale et "les horreurs de la guerre" s'atténuent dans la mémoire collective et individuelle [42].

   

L'attachement préférentiel au cadre national s'explique aussi par le fait que pour les Etats européens qui se sont construits sur une base nationale [43], la nation demeure cette "communauté des passions, des représentations et des intérêts" [44] dont découlent sa cohésion et sa force de mobilisation. Cet attachement s'enracine dans les composants de la nation, à savoir un territoire, des souvenirs historiques rassembleurs, une culture et des valeurs politiques partagées. Là réside l'une des forces du national-populisme qui a compris qu'il était nécessaire de partager des souvenirs et une culture en commun pour faire naître une conscience collective. Son insistance à décrire la nation comme une composante naturelle et vivante pour mieux l'opposer, en forçant le trait, à une Union européenne soi-disant artificielle sans âme et sans histoire, s'ancre dans cette démarche. Le BNP, par exemple, fonde l'intégralité de son programme sur "la préservation de notre culture, héritage et identité", ajoutant que "notre tempérament national et nos institutions coutumières sont un héritage précieux qui reflètent nos origines et sont l'expression de notre sang" [45]. Ainsi s'explique également la poussée des Vrais Finlandais dans un pays qui ne compte pourtant que 3% d'étrangers, mais dont le leader a su séduire une partie de l'électorat en défendant la "finlandité" et l'homogénéité de la culture nationale, stigmatisant notamment les 10 000 réfugiés somaliens pour leur incapacité à s'intégrer et la menace qu'ils représenteraient pour la culture finnoise.

Dans ces conditions, si le national-populisme admet l'existence d'une identité européenne commune aux peuples du continent, celle-ci n'est qu'une transposition à une échelle plus vaste de la conception nationale de l'identité. Elle la prolonge mais ne la concurrence pas. Cette identité européenne est dès lors neutralisée, n'octroyant aucune légitimité politique à l'espace qui s'en revendique et, partant, aucun pouvoir souverain. Dans l'esprit du national-populisme, il s'agit plutôt d'une identité "stratégique" destinée à justifier l'alliance des Etats européens pour défendre leurs intérêts communs vis-à-vis du reste du monde et conçue comme un bouclier protecteur des identités nationales qu'elle rassemble. Il n'y a donc, pour lui, aucune contradiction dans son approche entre sa défense de l'exclusivité du cadre national et de son identité d'un côté, et de l'existence d'une identité européenne de l'autre. Comment l'Union européenne peut-elle se défendre face à cette attaque ciblée et déconstruire la conception identitaire du national-populisme ? Sa crédibilité passe-t-elle par la définition d'une identité spécifique ? 

III- Quelle identité européenne promouvoir ?

La difficulté de l'Union européenne à faire naître une identité collective vient de ce qu'elle peine à se définir et à clarifier ses objectifs depuis que la fin de la Guerre froide l'a privée d'un ennemi commun - l'URSS - contre lequel elle avait bâti sa destinée. Depuis lors, le projet européen semble avoir perdu de son uniformité et de sa capacité à offrir aux populations européennes la garantie d'un avenir commun, message que l'élargissement de l'Union vient brouiller davantage. Pour recréer une communauté de destin, l'Union européenne doit impérativement délimiter l'espace sur lequel elle s'étend et assumer avec plus de conviction les valeurs culturelles et politiques qui fondent sa cohésion, par opposition à celles qui lui sont étrangères. Elle doit défendre sa propre vision de l'identité en soulignant que celle-ci est nécessairement un produit de l'histoire et le fruit d'une construction, pour mieux relativiser la notion d'"identité éternelle et immuable" soutenue par les nationaux-populistes.

3.1. Définir les contours du territoire européen.

Selon Régis Debray qui signe un essai sur l'Eloge des frontières, un peuple se définit comme " une population, plus des contours et des conteurs ", martelant qu'il est impossible pour une population de se surpasser sans se délimiter. Ainsi l'Europe " a [selon lui] manqué prendre forme " car " elle n'ose savoir et encore moins déclarer où elle commence et où elle finit " [46]. Ce jugement sévère illustre le dilemme posé par la question des frontières extérieures de l'Union européenne qui empoisonne les débats actuels sur l'évolution du projet communautaire et freine le processus de construction identitaire qui ne peut se passer de référence à un territoire précis [47]. Or, depuis que les pays d'Europe centrale et orientale ont rejoint la famille européenne, bientôt suivis par ceux de l'ex-Yougoslavie, conformément aux souhaits des Pères fondateurs de l'Europe, la politique d'élargissement s'est soldée par une constante fuite en avant des dirigeants européens, à travers l'ouverture et la poursuite des négociations sur l'adhésion de la Turquie, et celles qui s'ouvriront peut-être demain sur l'adhésion de pays comme l'Ukraine ou la Moldavie. En effet, le droit européen est ambigu à cet égard, le Traité sur l'Union européenne stipulant que "tout Etat européen peut demander à devenir membre de l'Union", sans pour autant définir ce qu'est un Etat européen [48]. Ce flou institutionnel nourrit la rhétorique des partis nationaux-populistes et contribue à affaiblir le projet européen, qui ne peut ainsi s'inscrire dans un territoire puisque les frontières externes sont sans cesse repoussées. En outre, cette extension illimitée du territoire européen contient un effet pernicieux, comme le souligne Pierre Manent, car "plus l'Union européenne comporte de nations, plus celles qui attendent à la porte ressentent leur exclusion comme une offense insupportable" [49].

Il est donc important de relancer ce débat "interdit" sur les limites de l'Union européenne, pour redonner du sens aux notions de territoire européen et de frontières. Et en premier lieu de fixer celle qui sépare les Etats membres et ceux ayant vocation à rejoindre l'Union d'un côté, et de l'autre les pays avec lesquels des partenariats multiformes sont à envisager comme alternative à l'adhésion. La référence à un continent aux frontières "naturelles" peut offrir un premier critère pour fixer cette limite. En effet, l'Europe n'est pas un continent aux frontières extensives mais plutôt un espace délimité géographiquement au Sud par la mer Méditerranée et à l'Est par l'Oural, ce qui exclut d'emblée la Turquie dont 3% du territoire se situe en Europe et dont la capitale, Ankara, se trouve sur le continent asiatique. L'identité géographique ne peut pour autant suffire pour faire de l'Europe une véritable communauté politique. Car une telle communauté ne peut se constituer sans un  projet "transcendant" reposant sur des valeurs culturelles et politiques assumées.

3.2. Recréer un imaginaire européen et assumer ses fondements identitaires sans nier le construit de l'identité et de l'ethnie.

L'Union européenne gagnerait à assumer davantage ses racines pour éviter d'apparaître comme un microcosme ou le creuset d'une multiplicité de cultures et de religions. A cet égard, il faut reconnaître que les propos du Président Jacques Chirac, en 2003, soutenant que "les racines de l'Europe sont autant musulmanes que chrétiennes", ou encore son refus l'année suivante au nom de la laïcité de voir figurer la référence aux racines chrétiennes de l'Europe dans le préambule de la Constitution européenne, ont participé au brouillage des repères collectifs dont le national-populisme a su s'emparer pour construire sa rhétorique anti-européenne. Il est ainsi urgent de réaffirmer quelles sont les racines propres de l'Europe et d'assumer ce que l'actuel ministre français des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, nomme "l'Europe des clochers", en valorisant cette Europe qui trouve sa source dans "l'hellénisme, la romanité et surtout le christianisme" [50]. Ce rappel, qui doit participer à la redéfinition des contours de l'identité européenne pour en faire une identité singulière, ne peut cependant s'affranchir des valeurs définies par le Traité sur l'Union européenne qui fut élaboré par une Convention démocratique [51].

Il convient également de relativiser la conception nationale-populiste de l'identité européenne perçue comme un héritage, en rappelant qu'elle est toujours une construction de l'Histoire. En effet, l'identité est aussi le résultat d'" une construction jalonnée de stratégies politiques portées par les élites, de rapports à l'histoire et à la mémoire, de perceptions des citoyens façonnées à l'école ". Or cette construction de l'identité renvoie à des processus d'identification à une communauté de droit, (" l'identité-citoyenneté "), offrant à l'identité européenne un contenu qui ne peut être exclusivement historique et culturel. En outre, la "quête d'européanité", si elle est conduite de manière excessive, risque d'aboutir à un processus de construction par opposition, (" l'identité-altérité "), qui ouvre la voie aux discours et aux réactions xénophobes [52].

La réalité ethnique des nations, et à plus forte raison de l'Europe, mise en avant par le national-populisme est également contestable. Selon Thierry Ménissier, l'ethnicité est davantage "une projection" dans le passé et le futur, destinée à légitimer un projet politique national et le résultat d'une "construction intellectuelle" [53]. En outre, l'ethnie peut conduire à fragiliser l'Etat-nation, dans la mesure où elle s'épanouit davantage dans un cadre infranational et conduit à valoriser une Europe des régions, au détriment de l'Europe des nations. Finalement, force est d'admettre que la perception de l'identité européenne proposée par le national-populisme comme prolongement de l'identité nationale à base ethnique, est réductrice, voire trompeuse.

   

En définitive, la définition d'une identité collective européenne impose de revenir aux sources de l'idéal européen tel que défini par l'un des Pères fondateurs de l'Europe, Robert Schuman, qui le décrivait comme un projet démocratique d'origine chrétienne puisque c'est "le christianisme [qui] a enseigné l'égalité de nature de tous les hommes, enfants d'un même Dieu, rachetés par le même christ" [54]. Ce projet chrétien impose d'emblée une stricte séparation des pouvoirs, distinguant clairement "le domaine de César et celui de Dieu" [55], au point de considérer que l'intrusion de la religion dans l'espace public est contraire au projet européen d'origine. C'est en assumant et en imposant ces spécificités historiques qui la distinguent des autres espaces géopolitiques, mais encore en valorisant son projet civique, que l'Europe pourra retrouver sa crédibilité politique et faire naître une conscience commune. Pour autant, cette identité européenne fédérée autour d'un imaginaire collectif ne doit pas apparaître comme une menace pour l'existence des identités nationales qu'elle rassemble. Là encore, il s'agit de renouer avec le projet européen initial formulé par Robert Schuman qui entendait dépasser la nation "non pour la diminuer et l'absorber, mais pour lui conférer un champ d'action plus large et plus élevé" [56]. Ce recentrage permettra de renouer avec les aspirations des Européens qui restent attachés à la nation et à l'identité qu'elle procure, et qui adhèrent au projet européen dans la mesure où celui-ci leur apparaît comme protecteur et source de réalisations concrètes dans un monde où désormais la taille influe sur la puissance. L'Union européenne doit donc valoriser ses succès sur la scène internationale et s'impliquer davantage dans l'action extérieure. Elle doit se penser en puissance capable de résoudre les grandes questions internationales et le faire savoir [57]. L'affirmation de cette complémentarité conduira à affaiblir la rhétorique national-populiste qui stigmatise le projet communautaire en l'accusant de creuser le tombeau des identités nationales.

Conclusion

L'avenir de l'identité se pose avec acuité en Europe et les sondages récents montrent combien il préoccupe l'opinion publique [58]. Cette crainte d'une mise en question de l'identité dans le contexte d'ouverture des frontières fait le lit du national-populisme européen. Celui-ci se saisit d'une inquiétude perceptible dans l'opinion publique, à laquelle il tente de répondre en proposant de recréer de la certitude par la promotion d'une identité nationale qui assimile la communauté nationale à un "Ethnos", écartant ceux qui n'appartiennent pas à cette communauté héritée ou qu'ils considèrent comme incapable de s'y fondre.

Face à l'offensive nationale-populiste qui flatte les réflexes de repli identitaire et l'attitude des citoyens européens qui prennent davantage conscience de ce qui les unit lorsqu'ils perçoivent un danger extérieur, les dirigeants européens gagneraient à adopter une attitude plus ferme de défense des valeurs culturelles et politiques européennes rappelées dans les traités fondateurs, pour ainsi raviver la fierté des peuples d'Europe et amorcer la construction d'un sentiment d'appartenance. Le malaise identitaire ambiant doit convaincre l'Union européenne de l'urgence à valoriser ses valeurs et son action pour faire émerger une conscience européenne.


[1] Différents quotidiens ont fait état de ces propos tenus entre octobre 2010 et février 2011. Voir notamment : "Angela Merkel admet l'échec du multiculturalisme allemand", Le Figaro, 17 octobre 2010. http://www.lefigaro.fr/international/2010/10/17/01003-20101017ARTFIG00129-angela-merkel-admet-l-echec-du-multiculturalisme-allemand.php ; "David Cameron : l'Europe doit se réveiller contre l'extrémisme islamiste", Le monde, 5 février 2011, http://www.lemonde.fr/europe/article/2011/02/05/david-cameron-l-europe-doit-se-reveiller-contre-l-extremisme-islamiste_1475497_3214.html ; "Sarkozy : le multiculturalisme, un échec", Le Figaro, 10 février 2011, http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2011/02/10/97001-20110210FILWWW00731-sarkozy-le-multiculturalisme-un-echec.php
[2] Voir à ce sujet J-C Victor, V. Raison et F. Tétard, Le dessous des cartes 2. Atlas d'un monde qui change, Paris, Tallandier, 2007. L'Europe y apparait comme le premier continent d'immigration, accueillant chaque année 1,4 millions de personnes (contre 0,9 millions pour l'Amérique du Nord).
[3] Propos de Jean-Marie Le Pen prononcés lors d'une conférence de presse en février 2005, http://frontnational.com
[4] J. Raspail, Le Camp des Saints, Paris, Robert Laffont, 2011 [1ère édition 1973]. L'auteur y raconte l'invasion du continent européen par des masses immigrées provenant du Tiers monde attirées par ses richesses, et annonce la disparition de l'identité originelle du continent.
[5] C. Maurras, Mes idées politiques, Paris, Fayard, 1937, pp. 257-258.
[6] Manifeste 2010 du BNP : http://communications.bnp.org.uk/ge2010manifesto.pdf (p.21).
[7] A. Bihr, "La nation dans le discours du Front national", in Le crépuscule des Etats-nations, Lausanne, Page Deux, 2000, p. 131.
[8] M. Foucher, "Pour une géopolitique des identités en Europe", Comprendre, n°1, 2000, p. 350.
[9] Le terme de "civilisation" désigne pour le national-populisme un ensemble d'individus partageant une même culture, fruit d'une histoire commune. Appliquée à l'Europe et à l'Occident, le terme peut apparaître comme réducteur dans la mesure où il est aisé de distinguer, à l'intérieur de ces entités, des "sous-cultures" distinctes. Lucien Febvre parle à ce sujet d'une "communauté de civilisation" européenne résultant de la fusion au Moyen-Age d'éléments nordiques et méditerranéens. L. Febvre, L'Europe. Genèse d'une civilisation, Paris, Perrin, 1999.
[10] Programme politique de l'UDC http://www.svp.ch/display.cfm/id/101397 (p. 120).
[11] Manifeste 2010 du BNP, op.cit., p. 21.
[12] L'identité européenne est au cœur d'un débat politique opposant deux courants de pensée: tandis que l'école essentialiste met en avant le substrat ethnique et culturel de toute identité, l'école constructiviste valorise davantage, dans la construction identitaire, la culture politique et les intérêts partagés. Voir à ce sujet F. Cerutti et S. Lucarelli (ed.), The search for a European Identity. Values, policies and legitimacy of the European Union, Londres, Routledge, 2008.
[13] Pour le national-populisme, le territoire de l'Union européenne recoupe l'aire d'expansion du christianisme au Moyen-Age. Pour une présentation plus précise du contenu de l'identité européenne telle que la perçoivent les partis d'extrême droite, voir M. Balent, "L'Union européenne face au défi de l'extrémisme identitaire", Questions d'Europe n° 177, Fondation Robert Schuman, juillet 2010 : http://www.robert-schuman.eu/fr/doc/questions-d-europe/qe-177-fr.pdf
[14] Programme du Parti du progrès en Norvège : http://www.frp.no/no/Andre_sprak/Franais/Principes/
[15] J-M. Le Pen, "L'Europe sera impériale ou ne sera pas", Europe. Discours et interventions, Paris, Groupe des droites européennes, 1990, p. 123.
[16] Programme du Jobbik : http://jobbik.com/en_pol_foreign.html
[17] Voir à ce sujet J. Habermas, "Citoyenneté et identité nationale. Réflexions sur l'avenir de l'Europe", in J. Lenoble et N. Dewandre, L'Europe au soir du siècle. Identité et démocratie, Paris, Esprit, 1992. Voir aussi J. Habermas, Après l'Etat-nation : une nouvelle constellation politique, Paris, Fayard, 2000.
[18] J-M. Le Pen, "L'identité européenne", Europe. Discours et interventions, Paris, Groupe des droites européennes, 1990, p. 144. A travers les combats fondateurs de l'identité européenne évoqués par celui qui fut pendant près de 40 ans le Président du FN, il est assez facile de reconnaître que le "musulman" (à travers la figure du Perse, de l'Ottoman ou du Maure), demeure pour lui l'ennemi principal contre lequel la communauté européenne s'est constituée.
[19] P. Manent, "L'Europe et l'avenir de la nation", Cours familier de philosophie politique, Paris, Gallimard, 2001, p. 110.
[20] Ibid., p. 111.
[21] F. Pfetsch, "La problématique de l'identité européenne", in G-F. Dumont, Les racines de l'identité européenne, Paris, Economica, 1999, p. 270. Notons que cet argument est relativisé par Bruno Tertrais qui met en avant "des divergences profondes" entre Européens et Américains concernant notamment le rapport à la religion, à la violence, les attentes vis-à-vis de l'Etat, ou encore la conduite des affaires du monde. Voir B. Tertrais, Europe/Etats-Unis : valeurs communes ou divorce culturel ?, Note de la Fondation Robert Schuman, 2006.
[22] B. Anderson, L'imaginaire national. Réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 2002 [1ère éd : 1983]. Pour l'auteur, les nations sont des communautés imaginées et naturalisées à l'époque moderne sous le coup de l'unification linguistique des Etats et des historiens qui ont construit une histoire généalogique de la nation et imposé la vision d'une nation incréée et immortelle.
[23] Voir à ce sujet, M. Balent, "Les opinions publiques européennes face à la crise : quel impact pour l'Union européenne ?", in T. Chopin et M. Foucher (dir.), L'Etat de de l'Union 2011. Rapport Schuman sur l'Europe, 2011, Editions lignes des repères, pp. 41-47.
[24] Eurobaromètre Standard 69. Enquête réalisée entre le 25 mars et le 4 mai 2008 auprès de 27 161 personnes de 15 ans et plus dans l'Union européenne. http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb69/eb69_values_fr.pdf (pp. 6 et 10). Précisons à ce stade que les valeurs communes identifiées comme les plus importantes par les citoyens interrogés ne sont pas celles qui prévalent pour le national-populisme européen. Il s'agit en effet de la paix (45%), des droits de l'Homme (42%), et du respect de la vie humaine (41%).
[25] Eurobaromètre Standard 65. Enquête réalisée entre le 27 mars et le 1er mai 2006 auprès de 25 193 personnes de 15 ans et plus. http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb65/eb65_fr.pdf (p. 72).
[26] J-C. Martinez, "Maastricht, le désespoir et la prière", Présent, 22 mai 1992.
[27] "Oskar Freysinger ne veut plus du drapeau européen sur les bâtiments publics", La Tribune de Genève, 17 février 2011, http://www.tdg.ch/suppression-drapeau-europeen-oskar-freysinger-trompe-cible-2011-02-17
[28] P. Manent, "L'Europe et l'avenir de la nation", Cours familier de philosophie politique, op.cit., p. 109.
[29] "Les Européens en 2009", Eurobaromètre spécial 308. Enquête réalisée entre le 16 janvier et le 22 février dans 31 pays européens. http://www.europarl.fr/ressource/static/files/Eurobarometre/EB71_Elections_Synthese_analytique_FR.pdf
[30] J. Roberto, "Bruxelles arrose ses clients aux frais des contribuables nationaux", National Hebdo, 2 novembre 1999.
[31] Discours d'investiture de Marine Le Pen, Congrès du FN à Tours, 16 janvier 2011, http://www.frontnational.com/?p=6295#more-6295 (pp. 5-6).
[32] Voir à ce sujet l'étude de Corinne Deloy pour la Fondation Robert Schuman : "Elections législatives en Finlande- 17 avril 2011", http://www.robert-schuman.eu/doc/oee/oee-686-fr.pdf
[33] Voir à ce sujet les termes du débat in Ph. Aldrin, "L'Union européenne face à l'opinion. Construction et usages politiques de l'opinion comme problème communautaire", Savoir/Agir, n°7, mars 2009.
[34] M. de Cazals, "Citoyenneté européenne, droits politiques et démocratie", Le Banquet. Revue du CERAP, n°22, septembre 2005, p. 351. Ce sont les termes exacts figurant dans l'article 9, Titre I, du Traité constitutif sur l'Union européenne. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2008:115:0013:0045:FR:PDF
[35] In J. Lacroix, La pensée française à l'épreuve de l'Europe, Paris, Grasset, 2008, p. 81.
[36] M. de Cazals, "Citoyenneté européenne, droits politiques et démocratie", op.cit., p. 356-357.
[37] Eurobaromètre 67, juin 2007, http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb67/eb_67_first_fr.pdf
[38] P. Manent, "L'Europe et l'avenir de la nation ", op.cit., p. 102.
[39] Ibid., p. 106.
[40] Voir à ce sujet l'ouvrage de Justine Lacroix, La pensée française à l'épreuve de l'Europe, op.cit., p. 62. Pour l'auteur, cette légitimité politique de l'Europe justifie de découpler l'idée nationale de l'idée démocratique au motif que l'origine du républicanisme moderne n'est pas tant la nation que "toute structure politique qui permet aux individus de survivre en liberté et de poursuivre des projets seuls, ou en communauté", p. 63.
[41] Cette expression a été utilisée par Sigmund Freud en 1929 dans son ouvrage Malaise dans la civilisation, Paris, Payot.
[42] I. Gabara et L. Consoli, "Europe : le retour des caractères nationaux", Limes, n°2, 1997, p. 25.
[43] Rappelons à ce stade que cette construction étatique sur une base nationale ne concerne pas tous les pays européens, écartant notamment l'Allemagne, ou la Belgique.
[44] J. Baechler, "Dépérissement de la nation ?", in Contrepoints et commentaires, Paris, Calmann-Lévy, 1996, p. 479.
[45] Programme politique 2010 du BNP, op.cit., pp. 44-46.
[46] R. Debray, Eloge des frontières, Paris, Gallimard, 2010, pp. 63-64. L'auteur reprend ici la thèse de Michel Foucher exposée en 2007 dans son ouvrage, L'obsession des frontières, Paris, Perrin.
[47] Cette thèse s'oppose à celle qui définit l'espace européen comme une "humanité" (Edmund Husserl) ou un "monde nouveau" (Gérard Mairet), irréductible aux conditions historiques et géographiques de sa naissance. Voir J. Lacroix, La pensée française à l'épreuve de l'Europe, op.cit., pp. 78-82.
[48] Voir l'article 49 du Traité sur l'Union européenne (TUE) : http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/dat/12002M/htm/C_2002325FR.000501.html . La seule condition requise pour être candidat à l'UE est d'être un pays européen qui respecte l'article 6, paragraphe 1 du traité, qui stipule que "l'Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'État de droit, principes qui sont communs aux États membres".
[49] P. Manent, "L'Europe et l'avenir de la nation", op.cit., p. 114.
[50] L. Wauquiez, "Assumons l'Europe des clochers !", Le Figaro, 7 février 2011, p. 18.
[51] Voir par exemple le préambule du TUE qui évoque "l'attachement aux principes de la liberté, de la démocratie et le respect des droits de l'homme, des libertés fondamentales et de l'Etat de droit". Le préambule précise aussi vouloir "approfondir la solidarité entre les peuples dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leurs traditions" et œuvrer pour la "dignité de l'homme". http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/dat/12002M/htm/C_2002325FR.000501.html
[52] In Y. Bertoncini et T. Chopin, Politique européenne. Etats, pouvoirs et citoyens de l'Union européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 2010, pp. 85-88.
[53] T. Ménissier, "Identités ethniques et politiques dans la construction de l'Union européenne. Quelle identité civique à l'ère du postnational ?", op.cit., pp. 85-86.
[54] R. Schuman, Pour l'Europe, Nagel, 2010, p. 45.
[55] Ibid., p. 48.
[56] Ibid., p. 24.
[57] Sur ces sujets, voir les écrits de Jean-Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman, disponibles sur son site http://www.jd-giuliani.eu/index.php. Sur le concept d' "Europe puissance", voir par exemple son article sur "l'Europe en marche" paru en avril 2011 http://www.robert-schuman.eu/fr/doc/actualites/ouestfrance-18042011.pdf.
[58] Voir par exemple le sondage IFOP sur "les Français et les révolutions dans les pays arabes" paru le 27 février 2011 dans Ouest-France. Il met en avant que la menace migratoire constitue pour une large majorité de Français (81%) la principale conséquence des révolutions avant les avancées économiques et sociales (69%) ou démocratiques (65%). http://www.ifop.com/media/poll/1414-1-study_file.pdf

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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