L'Europe au féminin

Parité et mixité

Pascale Joannin

-

7 mars 2011

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Pascale Joannin

Directrice générale de la Fondation Robert Schuman.

L'Europe au féminin

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Introduction

La question "féminine", à savoir la place et le rôle des femmes dans la société, s'impose de plus en plus dans les débats. Chaque responsable politique, dirigeant d'entreprise, journaliste, etc. prend peu à peu conscience que la situation actuelle ne peut plus perdurer car les femmes représentent plus de la moitié de la population mondiale. Récemment, les médias économiques titraient sur les femmes – à titre d'exemples, "Women at the Top" Financial Times 17 novembre 2010, "Female Factor" International Herald Tribune  27 novembre 2010 et "le pouvoir des femmes" l'Expansion janvier 2011 - qui étudient, travaillent, consomment et, malgré les résistances qui subsistent encore, s'imposent aux sommets.

La nouvelle décennie qui s'ouvre devrait donc voir les choses évoluer. Il convient toutefois de rester très vigilantes car les choses ne vont pas malheureusement pas de soi et les tentations existent de maintenir certains freins ou "plafonds de verre". En effet, il est flagrant, par exemple, de voir qu'une des rares grandes entreprises françaises dirigée par une femme (Anne Lauvergeon chez AREVA, classée 15e sur les 50 femmes du classement du Financial Times) fasse l'objet d'intenses manœuvres orchestrées uniquement par des hommes pour la mettre dehors et, en fin de compte, lui prendre sa place.

Certes l'année 2010 a vu éclore en France notamment mais partout en Europe et dans le monde, la question de la représentation des femmes dans les conseils d'administration/de surveillance des entreprises. Partant du modèle de la Norvège qui est le seul pays à afficher un taux de féminisation supérieur à 40% dans les postes de dirigeants des entreprises, les acteurs économiques sont contraints de rattraper leur retard et d'afficher une situation bien meilleure que celle de leurs concurrents, en nommant à tour de bras des femmes dans leurs instances dirigeantes. Il était temps. Que ne l'ont-ils pas fait plus tôt ?

Dans le domaine politique, deux femmes ont été élues Premier ministre de leur pays en Europe en 2010 (Iveta Radicova en Slovaquie et Mari Kiviniemi en Finlande) portant ainsi à 3, sur 27, le nombre de femmes chefs de gouvernement dans l'UE ; elles rejoignent ainsi Angela Merkel qui n'est plus seule. Au Brésil, Dilma Rousseff a été élue présidente et Laura Chinchilla Miranda au Costa Rica. Micheline Calmy-Rey préside la Confédération helvétique en 2011. Toutefois, là encore, la vigilance s'impose car les vieux démons machistes restent vivaces. En Hongrie, malgré une victoire écrasante le 25 avril dernier, le Premier ministre Viktor Orban n'a pas désigné une seule femme ministre de plein exercice ! Idem en République tchèque après les élections des 28 et 29 mai dernier ! On a peine à y croire !

L'Europe est pourtant pour beaucoup de femmes un modèle, mais si nous n'y prêtons pas attention et nous n'y mettons pas toutes nos forces, l'étoile européenne va pâlir. Nos dirigeants seraient bien inspirés de participer volontairement au changement avant de se le faire imposer.

Car, en fin de compte, promouvoir les femmes, c'est vraiment l'un des moyens les plus efficaces de faire progresser la civilisation, de contribuer au progrès et de conforter la démocratie.

 

Les femmes dans la vie économique

 

Les femmes ont peu à peu conquis tous les secteurs professionnels partout dans le monde.

 

Elles sont de plus en plus nombreuses à travailler ; dans l'Union européenne par exemple [2], en moyenne 62,5% des femmes travaillent. Cependant, 31,2% d'entre elles travaillent à temps partiel, soit un pourcentage quatre fois plus élevé que chez les hommes. Par ailleurs, à qualification égale, les femmes restent encore trop souvent moins bien payées que les hommes (écart moyen de 17,8% dans l'Union), ce qui constitue une vraie discrimination.

 

Les femmes sont aussi plus diplômées que les hommes ; elles ont obtenu 58,9 % des diplômes des universités de l'Union européenne l'an dernier.  Bien qu'elles soient hautement qualifiées et toujours plus nombreuses sur le marché du travail, elles restent encore minoritaires dans les postes à responsabilité des entreprises et des organes politiques, notamment au plus haut niveau.

 

33% de femmes en moyenne occupent des postes à responsabilité dans l'Union. Dans les banques, une étude révèle que 5 d'entre elles connaissaient au 30 septembre 2010 un taux de féminisation proche ou supérieur à 30% [3]. La Bundesbank, la Banque centrale allemande, a désigné le 23 février dernier, pour la première fois, une femme, Sabine Lautenschläger-Peiter, pour siéger au sein de son directoire.

 

Dans les entreprises les plus importantes cotées en bourse, 12% des femmes en moyenne (26% en Suède et en Finlande) siègent dans les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises européennes et 3% seulement en sont les présidentes (13% en Bulgarie). Seule la Norvège en totalise près de 40% grâce à une loi adoptée en 2004. La France a adopté le 27 janvier dernier [4] une loi équivalente. D'autres pays pourraient suivre, comme l'Allemagne [5] ou le Royaume-Uni [6] par exemple. Même l'Union européenne [7], par la voix de Jerzy Buzek, Président du Parlement européen et Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, se pose la question.

 

Car la Charte des droits fondamentaux, publié le 30 mars 2010 dans le Journal officiel de l'Union européenne, stipule dans son article 23 que " L'égalité entre les femmes et les hommes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d'emploi, de travail et de rémunération " ; elle prévoit même que " Le principe de l'égalité n'empêche pas le maintien ou l'adoption de mesures prévoyant des avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté ". Elle pourrait donc être invoquée par toute personne qui estime que l'égalité entre les femmes et les hommes n'est pas respectée.

                                

 

On semble désormais à un tournant car nombreuses sont les études qui montrent tous les avantages qu'il y a à compter davantage de femmes dans ses équipes et instances dirigeantes.

 

Ainsi, selon une étude du World Economic Forum [8], sur les 10 pays où la place des femmes est la mieux assurée et donc où l'on vit le mieux, 7 sont en Europe dont 4 Etats membres de l'UE (Finlande, Suède, Irlande et Danemark).

 

La Commission européenne, dans son rapport " Plus de femmes aux postes à responsabilité, une clé pour la stabilité et la croissance économique " [9] estime que l'économie gagnerait à ce que les femmes comme les hommes sont dûment représentés dans les postes de haut niveau et démontre qu'il existe un lien positif entre la proportion de femmes qui occupent des postes à responsabilité et les résultats des entreprises.

Enfin, l'ONU a créé, le 1er janvier dernier, une agence pour l'égalité des sexes et l'autonomisation de la femme [10], dirigée par l'ancienne présidente du Chili, Michelle Bachelet.

 

Il semblerait donc que le temps des femmes soit enfin venu.

 

Les femmes dans la vie politique

              

Dans les assemblées qui sont censées représenter l'ensemble de la population, les femmes restent encore sous-représentées : selon l'Union interparlementaire (UIP) [11] au 31 janvier 2011, sur les 45 668 membres que comptent les parlements dans le monde (chambres basses et hautes confondues), on dénombre seulement 8 674 femmes, soit une proportion de 19,2%.

L'Union européenne (24,2%) devance les Amériques (22.4%), les autres pays européens (20%), l'Afrique subsaharienne (19,3%), l'Asie (18,3%), les Etats du Pacifique (12,6%) et les pays arabes (12,5%).

Pour le nombre de femmes élues dans les Parlements, les pays européens occupent 6 des 10 premières places du classement mondial. Selon l'UIP [12] au 31 janvier 2011, sur ces 6 pays, 4 sont des Etats membres de l'Union européenne (Suède, Pays-Bas, Finlande, Belgique).

Pour le nombre de femmes qui président une des chambres du Parlement, sur les 37 femmes recensées par l'UIP [13] au 31 janvier 2011, 14 sont Européennes dont 10 issues d'Etats membres de l'Union européenne (Allemagne, Autriche, Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, République tchèque, Royaume-Uni, Roumanie), 9 représentent des Etats d'Afrique, 4 des Etats des Amériques, 6 des îles des Caraïbes et 4 des Etats d'Asie. Les femmes ne représentent que 14% des présidents de Parlement.

Depuis le 1er janvier, la moyenne des femmes au sein des Parlements de l'Union européenne s'établit à 24,22%.

 

Source : Fondation Robert Schuman ©

         

Dans les gouvernements, les femmes représentent en moyenne au 28 février dans l'Union européenne 26,07% des ministres. La Finlande est le seul pays qui compte plus de ministres femmes que de ministres hommes (55%). Deux gouvernements européens ne comprennent aucune femme : la Hongrie et la République tchèque.

8 femmes sont actuellement Premier ministre de leur pays, dont 5 en Europe - 3 dans l'UE (Allemagne, Finlande, Slovaquie), Croatie et Islande -,  1 en Australie, 1 au Bangladesh et 1 à Trinidad et Tobago.

10 femmes sont Présidentes dont 4 en Europe (Irlande, Finlande, Lituanie, Confédération helvétique), 1 en Argentine, 1 au Brésil, 1 en Inde, 1 au Libéria, 1 au Costa Rica et 1 au Kirghizistan.

 

Source : Fondation Robert Schuman © -

* N.B.: Le Premier ministre est comptabilisé mais pas les Secrétaires d'Etat.

 

Au Parlement européen dont le rôle et les pouvoirs s'accroissent notamment avec le traité de Lisbonne, les femmes y président 9 commissions et 8 délégations. 6 en sont vice-présidentes et 2 questeurs. Elles sont beaucoup plus présentes au Parlement européen (35,05%) que dans les Parlements nationaux (24,22%). 1 seul Etat membre (Malte) n'y a pas envoyé de femmes.

 

Source : Fondation Robert Schuman ©

 

Conclusion

Peu à peu les femmes investissent les instances dirigeantes politiques et économiques. Certes, cela est encore trop souvent timide et les mesures incitatives sont nécessaires pour accompagner le mouvement. Il convient de changer les mentalités et l'éducation, ce qui prend du temps. Mais si le mouvement ne s'amplifie pas de manière délibérée, il le sera par la force des choses et sous l'empire de la nécessité.  Car les femmes, diplômées et compétentes, sont prêtes à relever les défis. On aurait bien tort de se priver de leurs savoir-faire et talents.

La décennie qui commence, et cette deuxième décennie a été déterminante aux XIXe et XXe siècles, pourrait être celle de l'accès des femmes aux postes clefs de tous les secteurs d'activité, car le XXIe siècle est celui de l'avènement du pouvoir féminin.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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