Le coût de l'accès à l'enseignement supérieur public et les aides aux étudiants au sein de l'Union européenne

Éducation et culture

Florence Kamette

-

20 septembre 2010

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Kamette Florence

Florence Kamette

Consultant, spécialiste de l'analyse comparée des droits étrangers.

Le coût de l'accès à l'enseignement supérieur public et les aides aux étudiants ...

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Le débat suscité en France par le projet de modification des règles de cumul de l'aide personnalisée au logement versée aux étudiants et de la demi-part fiscale dont bénéficient leurs parents, ainsi que la polémique relative aux droits complémentaires perçus par certaines universités françaises conduisent à s'interroger sur les frais de scolarité dans l'enseignement supérieur et sur le système d'aide financière au sein de l'Union européenne.

 

Cinq autres Etats membres de l'UE ont été retenus : Allemagne, Danemark, Espagne, Pays-Bas et Royaume-Uni. Ils ont été choisis pour la diversité de leur politique sociale et pour les rôles différents qu'ils confient à la famille et à la collectivité dans la prise en charge des individus. Seuls les éléments les plus caractéristiques, tant au regard des frais de scolarité que des aides financières, ont été examinés. Les cas particuliers (étudiants handicapés ou chargés de famille par exemple) n'ont pas été pris en compte, non plus que la situation dans l'enseignement privé.

 

I - En Allemagne et en Espagne, les frais de scolarité sont, comme en France, modérés, voire inexistants et les aides directes aux étudiants sont limitées

 

1) En France et en Allemagne, la quasi-gratuité de l'enseignement supérieur va de pair avec des aides financières destinées aux seuls étudiants issus des familles les plus modestes, mais certains établissements imposent des droits supplémentaires

a) En France

 

Dans le système universitaire stricto sensu, qui ne prend pas en compte les " écoles " de toute nature, il n'existe pas de frais de scolarité, mais les étudiants doivent régler des droits d'inscription, dont le montant est déterminé chaque année par arrêté ministériel. Pour 2010-2011, ces droits sont fixés à 174 € pour les étudiants en licence, à 237 € pour les étudiants en master et à 359 € pour les étudiants en doctorat. Ils constituent une ressource que les universités utilisent essentiellement pour leur fonctionnement général, une partie étant toutefois affectée, en particulier au financement de la bibliothèque universitaire [1].

 

En outre, les conseils d'administration des établissements d'enseignement supérieur peuvent imposer le paiement de droits complémentaires correspondant à des " rémunérations de services " (activités sportives et culturelles, accès illimité aux salles informatiques, etc.). Le 7 juillet 1993, le Conseil d'État a précisé que les rémunérations pour service rendu devaient correspondre à des prestations " facultatives et clairement identifiées ". Bien que ce principe ait été rappelé à diverses reprises par la jurisprudence et par l'administration, plusieurs universités  [2] exigent le paiement de tels droits : certaines omettent d'en mentionner le caractère facultatif, tandis que d'autres font ainsi payer des prestations relevant du service public. Ces droits complémentaires varient entre quelques euros et plusieurs centaines d'euros par an.

 

Le dispositif d'aide financière aux étudiants est fondé sur le principe de responsabilité des familles. Il repose principalement sur les bourses, octroyées en fonction du revenu des familles, et sur les aides au logement, attribuées directement aux intéressés en fonction de leur propre revenu. En outre, les familles des étudiants bénéficient d'une réduction d'impôts, sous la forme d'une demi-part supplémentaire.

 

Quelque 30 % des étudiants sont titulaires d'une bourse. Il existe sept échelons de bourse, chacun étant associé à un montant annuel, qui variait entre 1 445 € et 4 140 € pour 2009-2010. Les bénéficiaires de l'échelon 0 sont seulement exonérés du paiement des droits de scolarité.

b) En Allemagne

 

Jusque récemment, les universités publiques ne prélevaient pas de frais de scolarité et les étudiants ne payaient que des frais administratifs, sous forme d'une contribution semestrielle incluant en particulier les droits d'inscription destinés à l'établissement d'enseignement et la cotisation au centre local des œuvres universitaires, qui gère les services sociaux (restaurants et résidences universitaires, centres sportifs, etc.), ainsi que parfois le montant du ticket de transport, qui permet d'utiliser le réseau local de transports en commun. En général, les étudiants payent entre 200 € et 250 € : 50 € au titre des droits d'inscription, 50 à 80 € pour avoir accès aux œuvres universitaires, et 100 à 150 € pour les transports.

Alors que la loi-cadre fédérale sur l'enseignement supérieur [3] excluait les frais de scolarité, à l'occasion de sa révision en 2002, plusieurs Länder dirigés par la CDU, à l'époque dans l'opposition, ont saisi la Cour constitutionnelle fédérale, car ils estimaient que la loi fédérale empiétait sur leurs compétences. La Cour constitutionnelle leur ayant donné raison le 26 janvier 2005, plusieurs Länder, parmi lesquels le Bade-Wurtemberg, la Bavière et la Rhénanie du Nord-Westphalie, ont institué des frais de scolarité, dont le montant s'établit le plus souvent à 500 € par semestre.

 

Le régime d'aides repose sur le principe de la responsabilité des familles : les parents perçoivent pour leurs enfants à charge âgés de moins de 25 ans des allocations familiales, dont le montant mensuel varie entre 184 € et 215 €, en fonction du rang de l'enfant. En outre, les parents d'étudiants âgés de moins de 25 ans bénéficient d'une déduction fiscale.

 

Néanmoins, les enfants issus des familles les plus modestes peuvent bénéficier d'une aide financière au titre de la loi fédérale sur l'encouragement individuel à la formation, qui prévoit notamment l'octroi de bourses et de prêts sans intérêts aux étudiants. En général, l'aide se partage par moitié entre la bourse et le prêt, le remboursement de ce dernier devant en principe commencer cinq ans après la fin des études et s'achever dans un délai maximum de vingt ans. Actuellement, environ 25 % des étudiants bénéficient de ce régime, et le montant mensuel moyen qu'ils reçoivent s'élève à 398 €.

 

Comme le dispositif est insuffisant pour résoudre les difficultés de la plupart des étudiants, le gouvernement fédéral a institué en 2001 des prêts d'études avantageux (taux d'intérêt variable : taux Euribor 6 mois + 1%, soit actuellement un peu plus de 2%). Accessibles à partir du cinquième semestre, ces prêts sont accordés aux étudiants sous la forme de versements mensuels – au plus 24 – de 100, 200 ou 300 €. Leur octroi n'est pas lié à la situation financière des intéressés ni à celle des parents. Le remboursement, en principe 120 € par mois, ne commence que quatre ans après le premier versement.

 

2) En Espagne, les droits d'inscription sont modérés et les aides directes aux étudiants limitées

 

Ce sont les ministères de l'éducation des communautés autonomes qui établissent les droits d'inscription dans les universités. Ils le font dans le cadre des limites déterminées par le gouvernement national sur proposition de la Conférence générale de la politique universitaire  [4] (CGPU). Ainsi, pour 2010-2011, la CGPU a proposé une augmentation des droits comprise entre 1,5 % et 5,5 %. Actuellement, les droits d'inscription varient entre 500 et 1 000 € par an. Ils dépendent de l'établissement et du niveau d'études ainsi que du nombre d'unités de valeur choisi.

Les aides directes aux étudiants, qui sont souvent des bourses, sont attribuées sur critères sociaux. Outre les bourses du ministère national de l'éducation, il existe des bourses attribuées par les communautés autonomes.

 

Les bourses nationales générales se composent de plusieurs éléments : la bourse de base (3 500 €  [5] pour les étudiants de premier cycle) ; l'aide au déplacement, dont le montant varie entre 192 et 937 € selon la distance séparant l'université du foyer familial ; l'aide au logement lorsque l'étudiant est obligé de quitter sa famille (2 556 €, assortis le cas échéant d'un complément lorsque les études ont lieu dans une grande ville), etc. Chacun des éléments est octroyé selon des critères spécifiques.

 

En cas d'études dans une communauté autonome différente de celle où la famille réside, une bourse de mobilité est versée. Son montant annuel varie entre 1 592 € et 6 056 €. Elle peut se cumuler avec la bourse de base, mais pas avec les autres éléments de la bourse générale.

 

Quant aux bourses des communautés autonomes, leur réglementation n'est pas uniforme : compatibles ou non avec les bourses nationales, elles les complètent ou s'y substituent selon les cas.

 

De plus, les universités peuvent dispenser de frais d'inscription certains étudiants (les handicapés ou les ressortissants de pays relevant de programmes de coopération par exemple). Enfin, plusieurs catégories d'étudiants ne paient pas ces frais, en particulier les enfants des familles nombreuses [6].

 

II - Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, les frais de scolarité sont élevés, mais assortis d'aides financières importantes

 

1) Les Pays-Bas ont mis en place un important dispositif d'aide qui favorise l'indépendance financière des étudiants

 

La loi sur l'enseignement supérieur fixe le montant des droits d'inscription à l'université et prévoit qu'ils sont réévalués chaque année en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation. Pour 2010-2011, ils s'établissent à 1 672 €.

 

Défini par la loi de 2000 sur le financement des études, le dispositif d'aides est géré par une agence du ministère de l'éducation. Il comprend plusieurs éléments, car l'aide accordée est destinée à couvrir l'ensemble des dépenses auxquelles les étudiants font face.

 

Tous les étudiants, quels que soient les revenus de leurs parents, bénéficient d'une bourse de base forfaitaire. Pour le second semestre de 2010, cette bourse s'établit à 95,61 € ou 266,23 € par mois selon que les étudiants vivent ou non chez leurs parents. Le dispositif est limité à une durée d'études considérée comme " normale ", c'est-à-dire quatre ans. Néanmoins, les intéressés peuvent obtenir une prolongation s'ils continuent leurs études. Cette bourse est transformée en prêt, qui doit être remboursé, lorsque le bénéficiaire n'obtient pas de diplôme dans les dix ans suivant le début de ses études, cette durée de dix ans permettant de ne pas pénaliser les étudiants qui travaillent à temps partiel.

 

Une bourse complémentaire est attribuée sur critères sociaux. Son montant varie avec les revenus des parents. Pour le second semestre de 2010, son maximum mensuel s'élève à 221,00 € ou 240,92 € selon que les étudiants vivent ou non chez leurs parents. En général, cette bourse prend la forme d'un prêt, qui doit être remboursé.

 

Tous les étudiants disposent aussi d'une carte qui leur permet d'emprunter gratuitement les transports en commun soit pendant le week-end soit pendant les autres jours. Ce sont eux qui choisissent la carte qu'ils souhaitent. La carte de transports donne droit à une réduction de 40 % dans les périodes où elle ne donne pas droit à la gratuité. Elle doit être remboursée lorsque le bénéficiaire n'obtient pas de diplôme dans les dix ans qui suivent le début de ses études.

 

Le ministère de l'éducation a également mis en place un système de prêts d'études. Ces prêts sont accordés à tous les étudiants qui le demandent, indépendamment des revenus des parents. Leur taux d'intérêt est actuellement de 2,39 %. L'intéressé détermine quelle somme il emprunte. La période de remboursement, en principe quinze ans, commence deux ans après la fin des études. Actuellement, la moitié des étudiants bénéficient d'un tel prêt et perçoivent à ce titre quelque 400 € par mois. Un étudiant qui, dès la première année d'études, emprunte 320 € par mois doit ainsi 15 360 € (intérêts non compris) à l'issue d'un cursus de quatre ans. Une étude du Nibud [7] publiée début 2010 montre que la dette moyenne des étudiants au début de 2009 s'élevait à 12 523 € (intérêts compris). Les auteurs soulignaient le caractère préoccupant de la dette croissante des étudiants.

 

Depuis 2007-2008, le dispositif d'aides est complété par un prêt d'études complémentaire, destiné exclusivement au financement des droits d'inscription, le montant mensuel versé à ce titre ne pouvant excéder le douzième des droits d'inscription, soit 139,33 € actuellement. Ce prêt doit être demandé (et remboursé) directement aux établissements d'enseignement. Son octroi est indépendant de la situation financière des parents. Le remboursement s'effectue dans les mêmes conditions que celui du prêt d'études principal.

 

2) Au Royaume-Uni, les aides financières destinées aux étudiants prennent avant tout la forme de prêts

 

L'introduction des droits d'inscription dans l'enseignement supérieur est récente : elle date de 1998-1999. La participation financière des étudiants a alors été fixée à 1 000 £ (soit environ 1 200 € au 6 septembre 2010), tandis que les bourses étaient remplacées par des prêts. Les droits d'inscription ont beaucoup augmenté depuis leur institution. Ils sont déterminés par les établissements dans la limite d'un plafond fixé par le gouvernement et qui s'élève à 3 290 £ pour 2010-2011.

 

Pour couvrir ces droits, les étudiants peuvent bénéficier d'un prêt, plafonné à 3 290 £. Tous les étudiants peuvent, quels que soient les revenus de leurs parents, obtenir 72 % de cette somme, les 28 % restants étant attribués sous conditions de ressources.

Un autre prêt, destiné à couvrir les autres dépenses liées à la vie étudiante, est attribué sans conditions de ressources. Son montant, forfaitaire, dépend du lieu d'études et de la façon dont l'intéressé se loge (dans sa famille ou non). En 2009-2010, il variait entre 2 763 £ et 4 998 £.

 

Les étudiants issus de familles modestes peuvent bénéficier d'une augmentation de quelque 39 % de ce second prêt et, de surcroît, obtenir une bourse. Le montant maximum de celle-ci, réservé aux étudiants dont les parents ont des revenus annuels inférieurs à 25 000 £, s'établit à 2 906 £. Les bénéficiaires commencent à rembourser leurs prêts à l'issue de leurs études lorsque leurs revenus annuels dépassent 15 000 £.

 

III - Au Danemark, l'enseignement supérieur est gratuit et tous les étudiants ont la possibilité d'être financièrement indépendants

 

Bien que l'enseignement supérieur soit gratuit [8], tous les étudiants âgés d'au moins 20 ans [9] perçoivent une allocation mensuelle de 2 677 couronnes (soit environ 360 € au 6 septembre 2010) ou 5 384 couronnes selon qu'ils vivent ou non chez leurs parents. Ils peuvent bénéficier de cette disposition pendant six ans.

 

Tous les titulaires de cette allocation peuvent obtenir un prêt d'études, grâce auquel une somme mensuelle de 2 755 couronnes leur est attribuée.

 

A l'issue de la période de perception de l'allocation d'études, un prêt de fin d'études permet d'obtenir 7 105 couronnes par mois.

 

Le remboursement des prêts d'études commence le 1er janvier de la deuxième année suivant la fin du cursus.

 

***

 

Les divers dispositifs publics d'aide financière aux étudiants peuvent être ainsi récapitulés :

 

Source : OCDE (Regards sur l'éducation 2009, chiffres de 2006)

 

L'analyse comparative fait donc apparaître une césure entre les pays qui ne subordonnent pas l'aide financière aux étudiants aux revenus des parents et qui privilégient ainsi l'indépendance financière des jeunes (Danemark, Pays-Bas et Royaume-Uni), et ceux qui, s'appuyant sur la solidarité familiale (Allemagne, Espagne et France), attribuent l'aide en fonction de critères sociaux. Elle montre aussi une tendance générale à l'augmentation de la participation financière demandée aux étudiants et au remplacement des bourses par des prêts.


[1] L'arrêté du 4 août 2010 fixant les taux des droits de scolarité dans les établissements d'enseignement supérieur précise que les parts affectées respectivement au service commun de documentation et au fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes, fixées par le conseil d'administration, ne peuvent être inférieures à 31 € et 15 €.
[2] D'après le syndicat étudiant UNEF, 28 en 2010, 29 en 2009 et 32 en 2008.
[3] Pour l'enseignement supérieur, la Loi fondamentale limite la compétence de la Fédération à l'établissement des principes généraux.
[4] Chargée de la coordination de la politique universitaire, la CGPU, présidée par le ministre national de l'éducation, réunit les responsables de l'enseignement supérieur des différentes communautés autonomes ainsi que cinq personnes désignées par le ministre.
[5] Les chiffres indiqués sont les montants annuels pour 2010-2011. Il existe des dispositions spécifiques pour les communautés autonomes insulaires.
[6] C'est-à-dire les familles de plus de quatre enfants. Pour les familles de trois et quatre enfants, les droits d'inscription sont réduits de 50 %.
[7] Le Nibud (Nationaal Instituut voor Budgetvoorlichting) est une fondation de droit privé qui informe les consommateurs en matière financière.
[8] Un débat a commencé à se développer sur ce sujet, certains plaidant pour la participation financière des usagers.
[9] Le barème est différent pour les jeunes âgés de 18 ou 19 ans.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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