Compte-rendu de la conférence "Les nécessaires progrès de l'Europe de la défense"

Stratégie, sécurité et défense

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23 novembre 2009

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Olivier Darrason, président de l'IHEDN

indique que la souveraineté européenne en matière technologique est un enjeu essentiel. La réorganisation de la recherche stratégique française par le biais de la fusion de l'IHEDN et le centre des hautes études sur l'armement (CHEAR) de la DGA vont permettre de mêler un pôle de réflexion géostratégique et un centre d'études sur les moyens capacitaires au service de la défense. Ces deux orientations ne peuvent être séparées et l'actualité notamment en Afghanistan nous le rappelle chaque jour. Cette réorganisation doit aller dans le sens de l'adéquation de trois impératifs : avoir des missions clairement définies par le politique, des besoins opérationnels planifiés de manière anticipée et une adaptation des moyens capacitaires. En résumé, que veut-on, comment agir, quels moyens utiliser ?

La réintégration de l'OTAN par la France était une bonne chose. Les Européens doivent être plus réactifs face à des standards et des normes très influencés par le monde anglo-saxon. L'européanisation de l'alliance ne peut se faire qu'au prix d'une certaine équité. Les Etats-Unis parlaient de partage du fardeau ; celui-ci doit également se faire dans ce sens. Ainsi, un des objectifs pourrait être de préempter entre Européens un certain nombre de niches capacitaires d'avenir afin de proposer en amont des solutions qui pourraient devenir des standards de l'alliance. Pour cela, l'UE doit parvenir à une unicité du discours, gage de sa crédibilité.

Pascale Joannin

, Directeur général de la Fondation Robert Schuman,

Nikolaos Tzifakis

, Directeur du Département de la coopération internationale à l'Institut Constantin Karamanlis pour la Démocratie et

Tomi Huhtanen

, Directeur du Centre for European Studies introduisent la conférence en indiquant que la défense est le prochain grand chantier de l'Union européenne.

Premier panel

"L'avenir de la PESD et des missions de maintien de la paix de l'UE"

Après une introduction de Tomi Huhtanen, Isabelle Lasserre, modérateur, interroge les intervenants sur le bilan de la Présidence française du conseil de l'Union européenne en matière de sécurité et de défense et de maintien de la paix. L'affirmation de l'Union lors de son intervention dans la résolution du conflit russo-géorgien est encourageante pour son avenir. Toutefois la réussite de cette intervention ne repose-t-elle pas davantage sur une volonté politique forte des 27 et des circonstances favorables ? Que doit-on attendre de l'Union à l'avenir ?

Patrice Bergamini, Directeur-adjoint du cabinet du Haut Représentant pour la PESC

L'Europe de la défense, c'est 67 000 hommes déployés depuis 2003, un seul mort et une dizaine de victimes. C'est également 23 missions déployées sur quatre continents, toute sur la base d'une résolution de l'ONU, ce qui témoigne de sa légitimité. Elle fait consensus et suscite même l'enthousiasme dans d'autres pays comme l'Afrique du Sud qui a demandé de participer à l'opération Atalante. En outre, l'Union parvient à se déployer dans des endroits où les Etats-Unis ne le peuvent pas, comme au Tchad. On imagine aisément que si un accord de paix était trouvé au Proche-Orient et qu'une force de paix était nécessaire sur place, l'Union serait l'interlocuteur privilégié. Cependant, trois chantiers essentiels doivent être relevés par l'Union.

- Le premier est d'ordre structurel. Un Etat major militaire européen opérationnel doit être mis en place. En effet, lors de la crise de Géorgie d'août 2008, l'Union n'a eu besoin que de trois semaines pour mettre en place une opération, alors que l'opération au Tchad a pris six mois avant de se déployer. Cette rapidité s'explique par l'existence d'un Etat major civil intégré alors que l'Etat major militaire ne l'est pas, ce qui ralentit les opérations.

- Le deuxième est d'ordre opérationnel. L'Europe de la défense souffre d'un déficit de communication. L'Europe de la défense doit être plus attractive et doit davantage expliquer les raisons et les modalités de ses missions. Par exemple, des missions de protection civile pourraient être envisagées. Ainsi lors d'une catastrophe naturelle, l'Union devrait être capable de pouvoir projeter des troupes rapidement afin de faire face aux conséquences de la catastrophe.

- Le troisième est d'ordre politique. Les Etats membres devraient convenir qu'ils ont le droit de refuser des missions tout comme ils ont un droit de préemption. Le Conseil devrait dire clairement oui ou non si l'Union est prête à participer à une mission. De même, l'Union doit être capable d'affirmer qu'elle est prête à se saisir d'une mission, comme c'était le cas au Liban.

Arnaud Danjean, Président de la sous-commission Sécurité et Défense au Parlement européen

Quand bien même le scepticisme sur la PESD est-il largement répandu, celle-ci reste une politique très jeune.

Une simple sous-commission est dédiée au Parlement européen à la PESD ce qui témoigne de sa faible importance dans l'Union. Et pourtant, il y a un décalage évident entre le discours de vouloir faire de l'Union un acteur majeur sur la scène internationale et les moyens mis en place. De plus, celle-ci a les mains liées par l'opinion publique qui est attachée au soft power européen, ce qui est un réel problème pour l'action de l'Union. L'enjeu sous-jacent est le but que l'on veut donner à la PESD. A force de se cantonner à des opérations civiles, la PESD risque de devenir un simple supplétif civilo-humanitaire de l'OTAN. Cette orientation est très risquée, car l'Union a vocation à intervenir, notamment là où l'OTAN ne le peut pas comme en Afrique, au Proche-Orient ou dans le Caucase du Sud. C'est donc précisément cette orientation globale civile et militaire qui rend l'Union plus légitime que d'autres organisations. L'Union doit donc continuer à développer et surtout à intégrer ses capacités civiles et militaires. Les obstacles principaux résident dans la volonté politique et budgétaire.

Général de brigade aérienne Antoine Creux, Responsable de la Division Euratlantique, Ministère français de la Défense

:

La PESD a besoin d'un nouveau souffle.

Forces de la PESD

Les 23 opérations dont six militaires à l'actif de la PESD sont sa principale force et son moteur. Elles ont gagné en ampleur, en crédibilité depuis 2003 et le spectre des missions s'est élargi. La crise de Géorgie a démontré que l'Union pouvait être réactive (déploiement le 1er octobre). Les missions ont gagné en légitimité comme en témoignent les partenariats formés avec l'Afrique ou l'ONU. L'autonomie est plus large grâce au COPS qui dirige les opérations. Tout ceci a permis de convaincre des pays à l'origine réticents tels que la Pologne qui a désormais des troupes en Afrique. Enfin, l'Union diversifie davantage ses actions : elle s'implique dans le state-building ou la réforme des institutions. Le bilan global est donc largement positif et pas assez mis en valeur.

Faiblesses de la PESD

La PESD souffre d'un déficit de financement des opérations civiles et militaires ainsi que d'un manque de planification militaire et de structure. Les forces militaires, notamment de transport sont insuffisantes et n'ont pas la capacité de soutenir une opération dans la durée. Les Groupements tactiques devaient répondre à cela. La Présidence française du conseil de l'Union européenne avait cherché à répondre à ce déficit mais le plan n'est pas maintenu dans la durée. Par ailleurs, l'engagement en Afghanistan pèse sur les autres missions qui n'ont plus suffisamment de moyens. La relation entre l'UE et l'OTAN doit être clarifiée et les Etats membres doivent régler leurs conflits à ce sujet. L'Europe doit définir ses objectifs et les écrire dans un livre blanc qui permettrait d'aller plus loin que de simples projets. La PESD a besoin d'un nouvel élan.

Général de corps aérien Patrick de Rousiers, Représentant militaire, Représentation permanente de la France auprès de l'UE

:

Il existe un appétit pour l'Europe de la défense car celle-ci fonctionne et est reconnue comme un acteur qui compte. La réaction face à la crise géorgienne et les résultats obtenus par Atalante y sont pour beaucoup.

- Vers où n'allons-nous pas ? L'Union ne va pas vers un partage territorial et thématique avec les autres organisations et Etats. Elle a montré qu'elle pouvait agir et qu'elle n'était pas simplement un supplétif civil à l'OTAN. L'Union ne va pas vers une armée européenne avec ses propres normes, ses propres unités car ce n'est ni une volonté politique ni une attente. Actuellement, l'engagement se fait pour un pays et pour la défense des valeurs communes européennes. Mais la PESD doit être expliquée aux populations, c'est pourquoi un livre blanc est nécessaire. Le processus qui mènera à ce livre blanc doit permettre d'engager de nombreux échanges avec la société civile et ainsi faire connaître la PESD.

- Trois convictions personnelles : L'avenir c'est la jeunesse. L'Erasmus militaire doit être encouragé et développé. Le collège européen de sécurité et de défense a besoin d'étoffer sa communication et son nombre d'étudiants. L'idée d'une réserve citoyenne européenne est à identifier. L'avenir c'est également le pragmatisme. La synergie entre les forces nationales doit être développée. L'avenir c'est la mutualisation des capacités. L'Agence européenne de la défense doit remplir ce rôle de plateforme logistique. La mutualisation doit aussi être trans-piliers. Malgré ces défis, la PESD est une politique jeune et a un avenir radieux devant elle.

Débat

Quelles conséquences peut avoir l'abandon américain du bouclier antimissile en Europe centrale pour l'Europe de la défense ?

Patrick de Rousiers : Il ne s'agit pas d'un abandon mais d'une réorientation américaine. L'enjeu pour la PESD est de voir l'influence qu'aura cette réorientation sur l'établissement de capacités en Europe.

Comment se fait-il qu'en dépit du retour de la France dans l'OTAN, les discussions sur Afghanistan n'aient lieu qu'entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis ?

Antoine Creux : Les Etats-Unis représentent 60% des forces en Afghanistan, c'est donc normal qu'ils soient à la tête de la coalition. Pour autant, il n'y a pas d'ostracisme vis-à-vis de la France. Barack Obama a une véritable volonté de travailler avec les Alliés et la voix de la France est attendue ; charge à elle d'avoir des idées.

Ne devrait-on pas faire évoluer la sous-commission Sécurité et Défense en commission ?

Arnaud Danjean : La question est d'ordre politique et procédural. A court terme, il n'y a pas vocation à la faire évoluer. La sous-commission doit faire preuve d'initiatives et de crédibilité. Elle doit être plus qu'une simple tribune sur les opérations menées.

L'espace ne serait-il pas un domaine dans lequel la coopération pourrait et devrait être encouragée ?

Patrick de Rousiers : En matière de surveillance de l'espace, la coopération civilo-militaire avance : l'Agence spatiale européenne et l'Agence européenne de défense y travaillent, ce qui était encore tabou il y a à peine six ans.

Deuxième panel

"Les relations entre l'OTAN et la PESD"

Pascale ANDREANI, Ambassadeur de France auprès de l'OTAN

L'OTAN est une organisation qui précède la PESD historiquement. Le traité de Rome (1957) ne contient pour ainsi dire aucune disposition concernant la politique étrangère et de défense du fait notamment de l'échec de la CED. Les progrès dans ces domaines seront lents. De même, le véritable lancement de la PESD a lieu en 1998 lors du Sommet Franco-britannique de Saint-Malo. Les Etats européens ont par ailleurs toujours rappelé que l'OTAN avait un rôle fondamental, l'Europe de la défense devait par conséquent être bâtie en complément de celle-ci et non de façon autonome.

En se développant, l'Europe de la défense s'est dotée de mécanismes formels de coopération avec l'OTAN. Le traité de Nice (2000) a mis en place des mécanismes de coopération notamment par des réunions conjointes entre le Comité politique et de sécurité (COPS) et le conseil atlantique. En outre les entités se sont dotées d'un arrangement militaire, les accords de "Berlin plus" (1999) permettant à l'Europe d'accéder aux moyens de l'OTAN pour les opérations où l'OTAN n'est elle-même pas engagée. Ces accords n'ont ainsi fait l'objet que d'une utilisation limitée (deux fois : en 2003 lors de l'opération "CONCORDIA" en Macédoine ainsi qu'en 2004 lors de l'opération ALTHEA en Bosnie-Herzégovine).

Ces mécanismes de coopération connaissent cependant des difficultés politiques et opérationnelles. Celles-ci sont en premier lieu politiques car les sommets se formalisent par la rencontre des 28 membres de l'OTAN (dont 21 Etats membres de l'Union) et de seulement 26 des 27 membres de l'UE. La Turquie refuse toujours que Chypre prenne part aux réunions conjointes entre les deux organisations en raison, officiellement, de la non-participation de Chypre au "Partnership for Peace", et entend généraliser ce procédé à toutes les rencontres entre ces organisations. Les difficultés sont également opérationnelles. Les organisations se trouvent de plus en plus souvent ensemble sur "le même terrain". Les accords de "Berlin plus" se trouvent donc dénués d'intérêt. Il n'existe par conséquent aucun outil permettant la planification et l'organisation d'une coopération entre l'OTAN et la PESD.

Pour ces raisons politiques et opérationnelles, la coopération entre ces deux organisations est devenue vitale. L'OTAN bénéficie en outre de moyens considérables tandis que l'Union possède un savoir faire inégalé en termes de planification. Il existe certes des différences entre ces organisations, néanmoins toutes deux connaissent des problèmes capacitaires identiques et font face à l'incompréhension des opinions publiques. La situation est donc favorable à l'enrichissement de leurs relations. Si l'OTAN appréhendait le fait d'être marginalisée, et l'Union d'être instrumentalisée, les choses ont évolué positivement.

Trois pistes peuvent à cet égard permettre de bâtir une véritable coopération. En premier lieu, il existe un cadre formel de coopération maladroit, il serait ainsi bénéfique de développer un cadre informel de discussions. Il faudra pour ce faire surmonter les dissensions politiques. En deuxième lieu, il est nécessaire de répondre aux demandes de la Turquie, de clarifier sa situation dans l'Union puis enfin de renforcer les capacités d'actions des deux organisations.

En conclusion, notons que cette complémentarité sera à l'ordre du jour du "nouveau concept stratégique" de l'OTAN. Anders Fogh RASMUSSEN, Secrétaire général de l'Alliance atlantique, en a également fait une priorité, conscient que les faiblesses capacitaires sont devenues une problématique de second rang quant au développement d'une "approche globale" de gestion des crises.

Margaritis SCHINAS, Commission européenne, DG Communication, ancien député européen

La question de la coopération entre l'OTAN et l'Europe de la défense peut être comparée à celle de deux partenaires de longue date qui ont passé de bons et mauvais moments mais qui veulent formaliser leur union en étant conscient que quelque chose "cloche encore". Le moment est en effet venu pour l'OTAN et la PESD de "s'unir". La France a réintégré le commandement stratégique de l'OTAN, la nouvelle administration américaine se révèle plus proche des opinions publiques européennes et cette coopération est d'ores et déjà formalisée dans des mécanismes institutionnels.

Les raisons de la lenteur du développement de l'Europe de la défense sont connues. La première difficulté résulte d'un paradoxe européen : les 27 Etats membres disposent de 2 millions de soldats et dépensent plus de 200 milliards € pour la défense. Toutefois l'Europe de la défense tâtonne : individuellement les Etats sont performants tandis qu'ils peinent collectivement. Une gestion plus intelligente de l'enveloppe "défense" (c'est-à-dire tant du point de vue du budget que de la question du marché commun de l'armement), est nécessaire. Dans un second temps, l'Europe fait face à une autre difficulté. La Turquie exige que l'Union européenne se présente sans Chypre à l'occasion de toutes les discussions avec l'Alliance atlantique. Cette demande est fondée dans le cadre de "Berlin plus", toutefois l'Union ne doit pas accéder à cette demande illégitime.

Les difficultés dans un mariage sont nombreuses mais ne sont jamais insurmontables. Il faudra, de la part des deux rives de l'Atlantique, une volonté politique forte, accompagnée d'un effort de compréhension des intérêts de "l'autre" afin d'éviter que chacun ne présente des demandes exorbitantes qui violeraient le droit des institutions.

Véronique ROGER-LACAN, adjointe au directeur, délégation des affaires stratégiques, Ministère français de la Défense

La naissance de la PESD était marquée par le malaise de l'OTAN à son égard. Madeleine Albright, alors secrétaire d'État américain, avait ainsi développé l'expression dite des "trois D" (découplage, duplication et discrimination) afin de souligner les préoccupations de Washington à l'égard de la PESD [1]. Par ailleurs, les discours politiques des 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union ne reflétaient pas davantage une volonté de bâtir l'Europe de la défense de façon autonome.

Sémantiquement, la complémentarité évoque l'idée d'un puzzle, composé de différentes pièces ou compétences, que l'on unit lorsqu'on en a besoin. Or historiquement, ces organisations naissent toutes deux de la volonté d'intégrer l'Allemagne et l'Italie dans un projet commun afin de traiter la menace russe. En 1991 (date du "concept stratégique"), l'OTAN devient une force de gestion des crises, ce qu'est également devenue l'Europe de la défense. La manière d'aborder et de négocier les relations UE/OTAN sont donc faussées par cette idée de complémentarité. S'il existe une complémentarité, celle-ci est uniquement politique : lorsque les Etats-Unis ont besoin d'agir avec les Européens pour leurs intérêts propres ou communs, l'OTAN est le lieu de cette action, tandis que lorsque les Européens entendent agir pour leurs intérêts propres, ils agissent au sein de la PESD. De même, M. SARKOZY et Mme. MERKEL ont exprimé dans une position commune que l'OTAN et la PESD constituent "les deux faces d'une même monnaie, celle de notre sécurité". Il n'y a donc de complémentarité qu'à l'échelle nationale. Chaque Etat considérant l'OTAN et la PESD comme deux solutions éventuelles à sa propre défense nationale.

Afin de développer les relations entre l'OTAN et la PESD, deux sujets doivent être traités. Il faut penser et développer en Europe des capacités de planification autonomes, rationaliser cette planification afin de se doter de moyens et de structures propres. En second lieu, il est nécessaire de repenser l'ensemble des moyens de gestion des crises afin de permettre un déploiement plus aisé des forces européennes. Il est primordial de développer la transparence, et d'assurer un engagement collectif des uns et des autres à travailler ensemble.

Colonel Gert Johannes HAGEMANN, responsable PESD et chef de la cellule Politiques européennes de sécurité à la direction politique personnelle du ministre allemand de la Défense

La nécessité d'une coopération entre les organismes internationaux se ressent dans les interventions actuelles, notamment en Afghanistan. Le général Mc Crystal a ainsi déclaré qu'il faudrait former quelques 240 000 militaires et 60 000 policiers afin d'assurer la réussite du transfert d'autorité. L'UE et l'OTAN sont d'accord mais ne coopèrent ni ne se coordonnent pour autant sur le terrain. Le rôle de chacun doit être défini davantage afin d'aboutir à une véritable complémentarité. Au Kosovo, le manque de pragmatisme se fait également sentir. Faute d'accord entre les organisations, aucune coopération ne peut avoir lieu. Enfin, au large de la Somalie, l'UE et l'OTAN interviennent ("Atalanta" et "Ocean shield"). Toutefois, faute d'accord entre les deux organisations, les pirates arrêtés par les forces de l'OTAN ne peuvent être poursuivis par l'Union européenne et sont donc relâchés. Certes, les organisations échangent des informations entre elles, c'est la première pierre à l'édifice de la coopération et de la coordination, mais cela est insuffisant.

Ces exemples ne révèlent ni un problème capacitaire ni un problème budgétaire mais bien des difficultés politiques. L'approche de la gestion des crises doit être globale et organisée au plus haut niveau. Si la coopération entre ces organisations échoue, il faudra alors se poser la question de l'utilité d'une Europe de la défense, de la valeur ajoutée qu'elle est susceptible d'apporter.

Camille GRAND, Directeur de la Fondation pour la recherche stratégique

:

Les relations transatlantiques entre l'OTAN et la PESD peuvent être envisagées de différentes manières. Leur aspect politico-diplomatique met en exergue deux organisations rivales. Or cette conception semble dépassée. La concurrence entre ces deux organisations est devenue une exception, la coopération la règle. Le monde actuel est un monde dans lequel il y a trop de crises et pas assez de capacités pour y répondre. Une approche plus militaire révèlerait une inégalité entre ces deux organisations. Toutefois l'Union a développé sa politique de défense et est devenue un acteur de poids en matière militaire ; elle a su développer un modèle de régulation des crises. La relation de subordination a ainsi fait place à une relation d'égal à égal. Désormais, lorsqu'un conflit apparaît, les acteurs s'interrogent sur l'entité la plus à même de le résoudre. L'Union est désormais à placer sur le même plan que l'OTAN et l'ONU.

Les enjeux de la relation OTAN/PESD sont communs. Les défis capacitaires sont en effet les mêmes. Les opérations de l'OTAN et de la PESD ont recours aux mêmes armements, aux moyens de transports et logistiques des même Etats. En outre, le défi capacitaire ne touche pas tant le volume des capacités que les modalités de leur déploiement. Les deux entités se trouvent par ailleurs confrontées au même besoin de transparence vis-à-vis des opinions publiques. Il faut expliquer aux populations que le monde est de plus en plus instable et que l'action de l'OTAN et de l'Union sont susceptibles d'y apporter des réponses. Enfin, les deux organisations sont conscientes de l'importance de travailler ensemble.

La complémentarité se caractérise également au regard de la composition des membres des deux organismes. 21 des 28 membres de l'OTAN sont des Etats de l'Union européenne. Comment penser cette complémentarité ? Elle peut se matérialiser par la spécialisation de chaque entité pour un certain type d'activités, ce qui peut se révéler dangereux si cela doit conduire à un amoindrissement de l'ambition européenne. Cette complémentarité peut également se matérialiser par une "répartition intelligente des crises" par opposition à la "répartition des tâches". L'UE ou l'OTAN interviendraient compte tenu des spécificités des crises, des compétences et de l'envie qui sont les leurs.

Les relations OTAN/UE entrent dans une phase intéressante. Le traité de Lisbonne dotera l'Union européenne d'institutions plus stables notamment en matière de défense. Parallèlement, l'OTAN est sur le point de revoir son "concept stratégique" qu'il faudra par ailleurs mettre en œuvre au niveau de l'Union. Le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN ainsi que le renouvellement de l'administration américaine, consciente que le développement de l'UE et de la PESD est dans son propre intérêt, vont permettre d'ouvrir une nouvelle page des relations internationales. Demeure alors la question turque déjà évoquée qui est principalement politique. Une décision sur l'adhésion ou non de la Turquie devra être prise.

En conclusion, les relations UE/OTAN devront, pour se développer, laisser place à davantage d'autonomie de l'Union afin qu'elle se dote d'institutions propres. Ces relations devront en outre être clarifiées et réorganisées afin de déterminer de façon précise les méthodes de traitement des crises. Il faudra pour cela également rénover l'OTAN, en "l'européanisant". Enfin il appartiendra aux dirigeants d'obtenir l'adhésion des citoyens à ces deux organisations afin de permettre à cette relation complémentaire d'exister.

Troisième panel

Le marché commun européen de l'armement et la souveraineté européenne en matière technologique

Eric BRUNI, Sous-directeur de la coopération et du développement européen, Délégation générale pour l'armement (DGA), Ministère français de la Défense

Un marché commun européen de l'armement n'existe pas au sens strict du terme. Le simple jeu de l'offre et la demande et les conditions des marchés ordinaires ne suffisent pas à structurer le marché de la défense. En effet, dans l'armement, ce n'est pas le fabricant qui évalue les besoins du marché ; les clients, peu nombreux, sont à la fois les prescripteurs des besoins et les régulateurs des activités tandis que la durée du cycle des produits de la défense est en générale assez longue et les investissements nécessaires pour y rentrer très élevés. Toutes ces particularités limitent la capacité d'autorégulation du marché de la défense où les capacités de financement et de technologie des Etats ainsi que les alliances avec ses partenaires sont les principaux acteurs.

Pour assurer la souveraineté de l'Europe en termes de sécurité et de défense, l'Europe doit investir de façon conséquente dans des programmes de Recherche et Développement. Il faut assurer un renouveau de la participation de chaque Etat membre dans le financement de l'Europe de la défense.

Pour assurer la sécurité de l'Europe à long terme il faut construire des alliances stratégiques plutôt que bâtir des forteresses. La souveraineté de l'Europe de la défense doit passer par la coopération avec ses partenaires. Pour cela, il est nécessaire que les capacités et projets de défense de l'Europe soient crédibles afin d'assurer la confiance des autres acteurs.

L'investissement en recherche et développement est essentiel pour construire la crédibilité de l'Europe en termes de défense, il faudrait aussi rapprocher les programmes de recherche civils et militaires pour créer des synergies, relier les chercheurs des différents États membres afin de mutualiser les expertises, et il faudrait prendre conscience que les PME sont des acteurs clés dans la construction d'un marché européen de l'armement. Cependant, le plus important reste d'avoir une vraie volonté politique.

Karl von WOGAU, Secrétaire général, European Security Foundation

Le marché intérieur de l'armement n'existe pas encore en Europe. Cependant, la défense européenne enregistre déjà d'importants progrès.

Un paquet législatif sur la défense européenne est passé au Conseil et au Parlement européen. Celui-ci prévoit la libre circulation des biens de défense dans la Communauté, ainsi qu'une procédure d'appel d'offre au niveau européen. Par ailleurs, l'agence européenne de défense a été mise place. Enfin, plusieurs projets européens communs de défense ont été lancés, parmi lesquels le Plan de recherche en sécurité, la navigation par satellite Galileo ou encore le projet d'observation par satellite Copernicus (GMES).

Finalement, le projet de constitution d'un Livre Blanc européen devrait analyser les intérêts communs des Etats membres en termes d'énergie, de technologie, d'accès à l'espace, etc. Celui-ci devrait prendre en compte les 23 opérations civiles déjà développées dans le cadre de la Politique de défense commune puisque la plupart du temps, les limites des projets civils sont les mêmes que celles des projets militaires. Lors de sa présidence de l'Union européenne, la France a démontré que l'Europe est largement capable de construire des structures de commandement et dispose des capacités nécessaires pour concilier et gérer des opérations militaires et civiles. En outre, la question d'une préférence européenne pour les produits d'armement et de défense des forces européennes devrait aussi être prise en considération dans le Livre blanc.

Arturo ALFONSO-MEIRIÑO, Directeur Industrie et Marché, Agence européenne de défense (AED)

Afin que l'Europe se dote des moyens de défense nécessaires, elle doit bénéficier à la fois d'une base industrielle solide et d'un marché ouvert et compétitif de l'armement. Il y a quelques années, le marché européen n'existait pas du tout. Cependant, de multiples efforts ont désormais été faits pour constituer un marché européen de l'armement, même s'il reste beaucoup de chemin à parcourir. La constitution et le renforcement du marché européen de la défense sont des objectifs de moyen et long termes, mais, dans les deux cas, l'AED a pu établir un dialogue profond avec les principaux acteurs de ce marché, notamment avec les États membres participant à l'AED, avec l'Association européenne de la défense (ASD) et avec les associations nationales de défense qui regroupent les principaux acteurs industriels de ce domaine.

Le marché de la défense présente de multiples spécificités et il ne peut pas être géré comme un marché ordinaire, seulement au travers de la régulation. L'importance de l'AED repose sur son rôle d'intermédiaire entre les différents acteurs du marché de la sécurité et de l'armement européen mais aussi sur la production de synergies entre ces acteurs. Son principal objectif, même dans les domaines du marché ou du commerce, est d'améliorer la capacité militaire de l'Europe et de ses soldats sur le terrain. A cet effet, l'AED repose sur deux programmes principaux.

Le premier est le Marché européen des équipements de défense, principalement géré à travers le Régime Intergouvernemental de fourniture d'équipements de défense. Il a pour objectif d'augmenter la transparence et la concurrence dans le secteur de l'armement européen à travers la gestion des achats d'équipement pour lesquelles les dispositions de l'article 296 du traité de Lisbonne sont applicables. Plus de 50% du marché européen de l'équipement relève des dispositions de cet article et n'est donc pas traité comme un marché ordinaire. Ce Régime repose sur deux codes de conduite. Le Code de conduite sur les marchés publics de la défense, dont l'adhésion volontaire a été signée par 26 ministres de la défense des États membres et qui a pour objectif principal d'assurer un traitement juste et équitable de tous les fournisseurs d'équipement de défense. Le Code de bonnes pratiques dans la chaîne d'approvisionnement représente la partie industrielle du régime. Il s'agit d'un engagement d'industrie à industrie sur le juste traitement entre partenaires industriels.

Grâce à ces outils, l'AED a publié 500 appels d'offre en matière d'armement représentant plus de 16 milliards €. Plusieurs éléments à la construction de ce marché ont été achevés, notamment en termes de compensation, ce qui assure plus de transparence et de traitement égalitaire entre les acteurs, de sécurité d'approvisionnement au travers d'un accord d'appui mutuel entre les ministres de la Défense pour aider les pays qui en auraient besoin ou encore en termes de sécurité de l'information, lié au droit contractuel en matière de défense.

En outre, il existe plusieurs programmes prêts à être mis en œuvre afin d'avancer davantage dans la matière. Par exemple, le Level Playing Field (équité des règles pour tous), qui est soutenu par la présidence suédoise, tente de donner les mêmes opportunités à tous les acteurs de participer au marché.

Le deuxième programme important mis en place par l'AED est la Base industrielle et technologique européenne de défense (EDTIB). Les gouvernements des États membres jouent un rôle prépondérant puisque la plupart du temps, ils sont les actionnaires des entreprises participant à ce marché, mais sont aussi leurs clients et leurs régulateurs. Un accord important entre les 27 ministres de la Défense a été signé. Il stipule que l'ouverture du marché et le renforcement de la base industrielle et technologique de l'armement sont des points essentiels de la politique de défense et sécurité de l'Europe.

Quand on parle de marché de l'armement il faut éviter de penser à la souveraineté européenne, il faut plutôt analyser et mettre en avant les capacités industrielles clés de l'Europe. Le marché de l'armement n'est pas le seul aspect à être développé au sein de la politique de défense de l'Europe, la coopération doit aussi prendre une part importante de ces efforts, notamment pour les programmes de Recherche et Développement.

Carmelo COSENTINO, Directeur général, Alenia Aermacchi

En 1992, le traité de Maastricht avait émis pour la première fois l'idée d'une éventuelle politique de défense commune. Parmi les outils de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) a été créé la Politique Européenne de la Sécurité et de la Défense (PESD), avec l'objectif de construire à long terme un système commun de défense au travers de la coopération transnationale des industries en matière de recherche, développement et fabrication d'armements, harmonisation des besoins opérationnels, normalisation des marchés et règles d'exportation.

Les capacités de défense et de sécurité d'un pays dépendent de la crédibilité opérationnelle de ses forces armées, ainsi que du niveau technologique, de la capacité de production et de l'autonomie que présente son industrie de défense. Dans ce nouveau cadre de coopération multinationale, il est nécessaire d'établir des programmes conjoints pour les forces armées et de proposer des nouvelles règles pour guider les acteurs industriels. Afin de développer un marché européen de l'armement il est nécessaire de renoncer totalement au protectionnisme et de se tourner vers les produits et capacités offertes par le marché qui conviendraient le mieux aux besoins européens.

L'Agence européenne de défense a publié une demande d'information sur l'"Advanced European Jet Pilot Training" (AEJPT). L'objectif est de savoir qui, parmi les entreprises des Etats contributeurs, peut offrir un système de formation complètement intégré. L'AED souhaite ainsi étudier la possibilité de mettre en place un programme d'entraînement commun en vue d'assurer que tous les pilotes militaires européens disposent des mêmes compétences et connaissances de base. Ce document demande à toutes les industries européennes de proposer, d'ici janvier 2010, tous les produits susceptibles de servir au développement de ce programme.

Pour être conforme aux objectifs de l'AED, les entreprises participantes au projet seront obligées de travailler conjointement. Ce modèle incite les entreprises à travailler ensemble de sorte à optimiser leurs capacités et partager les coûts et les risques. Il est évident que, afin de ne pas réduire à néant les efforts de l'AED, il semble nécessaire d'éviter qu'un pays participant introduise des produits non européens dans le programme, en particulier ceux à plus haute valeur ajoutée et à technologie supérieure tels que les avions ou les centres de formation au sol.

Après des années de recherche-développement et d'énormes investissements, Alenia Aermacchi a mis au point la seule génération de nouveaux avions d'entraînement avancés disponibles en Europe: le master M346, qui est considéré comme le leader mondial et répond à toutes les exigences de l'AEJPT. Le M346 pourrait devenir le noyau du "système de formation intégré" européen. Aermacchi a joué un rôle important dans ce domaine et dispose d'une expertise considérable. C'est une réalité qui devrait être prise en compte comme modèle ou comme noyau d'une entité européenne plus large dans le but de répondre aux besoins industriels et technologiques de l'Europe.

Eric TRAPPIER, Directeur général International, Dassault Aviation

Il faut construire une "Europe puissance" qui assure à la fois prospérité et sécurité. L'Europe est encore loin d'avoir un marché commun de l'armement. Ce marché devrait assurer une identité européenne avec une armée européenne. Or, dans la réalité, l'Europe emploie des produits non-européens pour satisfaire ses besoins de défense et de sécurité au lieu de porter ses propres standards dans le monde.

Le président français, Nicolas Sarkozy, a déjà mentionné l'idée d'une préférence communautaire dans le marché européen de l'armement. Il ne faut pas associer cette idée à celle du protectionnisme, mais davantage à celle de la réciprocité.

La volonté politique de construire une défense européenne et de fédérer la défense de l'Union européenne est encore trop timide. Institutionnellement, la Commission européenne n'est pas en charge des questions de défense. L'Agence européenne de défense traduit cependant une volonté de fédérer mais ses moyens sont trop faibles en comparaison avec ceux des Etats-Unis. De plus, les 27 ne fournissent pas tous le même effort. En effet, la question de l'effort budgétaire que chaque pays doit fournir reste une question sensible.

Le marché européen de la défense est loin d'être une réalité. Une Europe plus souveraine doit être recherchée. Pour ce faire, trois recommandations s'imposent. L'action au niveau national est essentielle car c'est l'effort national qui crée son industrie et ses forces de défense. Le Livre blanc de la France en constitue un bon exemple. Il faut ensuite bâtir la coopération européenne sur des projets efficaces et compétitifs. Enfin, il faut assurer le développement de technologies duales et compétitives. Il faudrait différencier les projets militaires des projets civils, car souvent, ils n'ont pas le même cycle ni le même horizon temporel.

Il faut se rappeler que la souveraineté européenne ne limite pas la souveraineté nationale des Etats européens. La sécurité européenne devrait reposer sur la coopération et non sur une forteresse, ce qui incite à créer un véritable marché européen. Souvent, c'est le marché qui encourage les initiatives politiques, et non le contraire.

Pour que la défense européenne devienne une réalité, il faut que tous les Etats membres coopèrent entre eux. Il faut éviter la règle de l'unanimité, qui est synonyme de lenteur et "d'impuissance".

Discours d'Hervé Morin, ministre français de la Défense

Nous sommes à quelques jours du vote irlandais et, espérons-le, d'une ratification du traité de Lisbonne.

Les querelles de spécialistes sur l'avenir du projet européen ont laissé des traces dans les opinions publiques. La tentation est grande de céder au scepticisme et de stigmatiser une Europe passive, simple zone de libre échange, sans volonté et sans moyens d'agir. La tentation est grande de ne voir dans la construction de l'Europe de la défense, au mieux, qu'un acte de foi, au pire, qu'une incantation rituelle ou une fantaisie coûteuse.

Ce n'est pas l'idée que je me fais du projet européen.

Je sais bien qu'ici, souvent, nos lenteurs exaspèrent. Mais ailleurs, de l'ASEAN au Mercosur, nos succès forcent l'admiration. Dans tous mes déplacements, sur tous les continents, je constate la demande d'une Europe politique forte, d'une Europe capable d'être un partenaire crédible et de faire prévaloir ses valeurs de liberté, de démocratie et de paix.

Ma conviction, c'est que seule la construction d'une Europe politique, dotée de tous les attributs de la puissance, et en premier lieu d'une politique européenne de sécurité et de défense crédible, peut permettre à notre continent de continuer à peser sur les affaires du monde.

L'Europe de la défense est peut-être un acte de foi, mais c'est un acte de foi plus que jamais nécessaire.

- Nécessaire parce que les risques et les menaces auxquels nous sommes confrontés collectivement, le long de cet arc de crise qui s'étend désormais de la Mauritanie à l'Afghanistan, appellent des réponses à l'échelle européenne ;

- Nécessaire aussi parce que la crise doit encourager les Européens à dépenser mieux, et donc à mettre davantage leurs moyens en commun.

1. Pour avancer dans la construction de l'Europe de la défense, nous avons aujourd'hui trois raisons.

D'abord, la France a repris toute sa place au sein de l'OTAN. Grâce à la décision du Président de la République, les choses sont claires. Nos engagements au sein de l'Union européenne et dans l'Alliance atlantique sont complémentaires. Le projet européen peut enfin continuer à avancer, sans querelles byzantines, sans être suspecté en permanence de fragiliser le lien transatlantique.

Davantage de France dans l'OTAN, c'est aussi davantage d'Europe dans l'OTAN. C'est donc une relation plus équilibrée entre Alliés européens et Américains au sein de l'Alliance Atlantique.

C'est la première raison.

Deuxième raison : en moins de dix ans, la Politique Européenne de Sécurité et de Défense est devenue une réalité sur le terrain.

Depuis 2002, grâce à l'engagement constant de notre pays, dans les Balkans, en Afrique, en Asie, au Proche- Orient, dans le Caucase ou dans l'Océan Indien, plus de 20 opérations civiles et militaires ont été déployées. En moins de 10 ans, 67 000 femmes et hommes venus de toute l'Union européenne ont été déployés au service de la paix et de la sécurité internationale.

L'Europe de la défense n'est plus une vision française, mais bien celle de tous les Européens :

- Des Britanniques commandent l'opération Atalante ;

- Des Irlandais ont commandé l'opération EUFOR au Tchad-RCA ;

- Des Polonais ont apporté une forte contribution à cette opération en Afrique ;

- Un général suédois présidera dans quelques semaines le Comité militaire de l'UE...

Tous tirent de cette responsabilité partagée une légitime fierté.

Enfin, troisième raison, le savoir-faire européen, c'est une capacité unique de réponse globale face à une crise

: militaire, bien sûr, mais aussi économique, financière, diplomatique et humanitaire

Avec 49 milliards d'euros consacrés à l'aide extérieure pour la période 2007-2013 et un budget PESC qui avoisinera les 5 milliards d'euros, l'Union européenne dispose d'une force de frappe considérable pour appuyer sa diplomatie et ses efforts militaires par ce qu'il est convenu d'appeler le "soft power". Pour paraphraser un auteur qui eut son heure de gloire, l'Europe de la défense, c'est Mars et Vénus.

Au Tchad-RCA, l'intervention européenne nous a permis pour la première fois d'associer aux moyens militaires de l'EUFOR les moyens de la Commission européenne pour assister les réfugiés, réinstaller les populations déplacées et réhabiliter les infrastructures d'accueil.

La mission EULEX, au Kosovo, a montré la capacité de l'Union européenne à prendre la relève des Nations Unies et à accompagner la mise en place de l'ensemble 7 des institutions nécessaires au fonctionnement de ce nouvel Etat.

En Somalie, nous voyons bien que combattre la piraterie implique aussi que soit rétablie l'autorité du gouvernement légal sur son territoire. C'est un engagement qui suppose l'effort de tous. Ce sera l'un des mes objectifs pour la réunion des ministres de la défense de l'Union européenne, à Göteborg.

La Somalie est un cas d'école. Pour la première fois, les Européens ont accepté de se mobiliser pour une opération qui ne relève pas du traditionnel maintien de la paix. Lutter contre la piraterie qui menace nos navires et finance le terrorisme, c'est bien assurer la protection de nos concitoyens. Les Européens ont des intérêts de sécurité communs. Ils peuvent et doivent les défendre ensemble.

L'opération Atalante, fruit d'une initiative franco-espagnole est un succès :

- En un an, les forces européennes sont intervenues dans 200 attaques de piraterie contre des navires marchands, ce qui a permis d'arrêter 68 pirates.

- Elles ont escorté plus de 40 bateaux du Programme alimentaire mondial, permettant ainsi de livrer 277000 tonnes de nourriture à la Somalie et de nourrir plus de 1,5 million de Somaliens chaque jour.

Le Traité de Lisbonne, qui je l'espère sera bientôt ratifié, consacre cette vocation de l'Union à défendre ses intérêts communs, à travers le devoir d'assistance mutuelle (art 42) et la clause de solidarité (art 222). C'est un pas symbolique et important, pour une Union européenne qui, il y a moins de 20 ans, rappelez vous de Maastricht, ne savait pas si la défense faisait partie de son être ou de son développement.

2. Pour faire avancer l'Europe de la défense, nous avons cinq grands chantiers à mener de front.

Le premier

, c'est celui du renforcement de nos capacités militaires.

Pendant la Présidence Française, les membres de l'Union européenne se sont engagés à renforcer leurs capacités pour être en mesure de mener des missions et des opérations de plus en plus ambitieuses.

Plusieurs projets concrets ont été lancés. Il faut désormais les faire aboutir :

- Dans le domaine de la projection de forces, nous avons créé une flotte multinationale de transport aérien stratégique, constitué un groupe aéronaval européen et modernisé la flotte d'hélicoptères européens.

- En matière de protection, nous avons lancé un programme de déminage maritime, ainsi que la création d'un réseau de surveillance maritime.

- Dans le domaine du renseignement, nous développons ensemble une nouvelle génération de satellites d'observation, avec le programme MUSIS.

Deuxième chantier

: l'emploi et le commandement de nos moyens militaires.

Avec le Corps européen, l'EUROFOR ou plus récemment les groupements tactiques de 1500 hommes, nous avons créé des Etats-majors de forces européens, des forces multinationales.

Il n'est pas acceptable que ces forces armées formées, équipées, entraînées, financées, constituées d'officiers et de soldats motivés, restent le plus souvent l'arme au pied dans leur caserne.

Pour commander les opérations de l'Union, je reste persuadé qu'une capacité européenne de planification et de commandement des opérations reste nécessaire. Comment voulez-vous pouvoir réagir rapidement s'il faut construire de toutes pièces, à chaque opération, un état-major européen ? Pour le démonter sitôt l'opération achevée ! La mise en place de cette capacité a longtemps été hypothéquée par les craintes liées à a position française au sein de l'OTAN. Ce débat est désormais derrière nous. Les Américains n'y sont plus opposés. Nous devons aller de l'avant. Il nous reste à convaincre les Britanniques, qui demeurent les plus réticents.

Il nous faut également avancer sur la question d'un financement plus solidaire des opérations, permettant un juste partage des coûts et une décision d'action plus rapide.

Notre troisième chantier

, c'est encourager l'émergence d'une véritable culture européenne commune.

C'est dans cet esprit que j'ai lancé sous notre Présidence le projet d'ERASMUS militaire. Plusieurs centaines de jeunes officiers européens en bénéficieront chaque année.

Nous devons aussi explorer des pistes de formation communes avec nos partenaires, qu'il s'agisse de l'entraînement à la mer ou de l'entraînement de nos pilotes. Je pense notamment au site de Cazaux, qui a tous les atouts pour devenir un pôle européen majeur de formation des pilotes de chasse.

L'arrivée prochaine de l'A 400 M dans nos Armées doit nous permettre également de mettre en place des formations communes avec nos partenaires, comme nous l'avons fait autour de l'hélicoptère "Tigre".

Notre quatrième chantier

, c'est l'édification de l'Europe de l'armement. L'Europe de la défense ne se fera pas sans une base industrielle et technologique solide et compétitive. C'est une nécessité stratégique. C'est aussi une exigence économique, si nous voulons préserver les compétences industrielles européennes.

La réunion que j'ai présidée au Castellet, le 24 juillet dernier, a permis de relancer le programme A 400 M. Elle me confirme dans la conviction que l'Europe de l'armement ne peut pas se priver d'un engagement fort des gouvernements.

- Nous devons continuer à favoriser l'ouverture des marchés nationaux. Les directives que nous avons fait adopter sous PFUE sur les marchés publics et les transferts intra-communautaires sont une première étape dans cette voie. (grand marché)

- Nous devons surtout identifier de nouveaux programmes en coopération susceptibles de favoriser les alliances industrielles et les 14 regroupements d'activités au niveau européen. C'est pourquoi nous devons utiliser davantage la commande publique pour favoriser la mise en place de leaders européens, dans le domaine naval comme dans celui des armements terrestres.

- Nous devons réserver un pourcentage de nos dépenses de recherche et technologie à ces programmes européens et ne pas avoir peur des dépendances mutuelles.

Nous comptons sur l'Agence européenne de défense pour mener à bien les programmes que nous lui avons confiés sous la PFUE, qu'il s'agisse de MUSIS, des hélicoptères lourds, des drones ou de la surveillance maritime.

En novembre dernier, nous avons lancé le rapprochement entre l'AED et l'OCCAr. Il permettra de renforcer la cohérence entre la conception et la conduite de ces programmes en coopération.

Enfin, dernier défi à relever

: celui du leadership européen en matière de défense.

Le Traité de Lisbonne doit nous permettre d'améliorer la conduite des affaires étrangères de l'Union, avec une présidence stable du Conseil européen, capable de donner l'impulsion et de garantir la continuité des travaux.

Un Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité/vice-président de la Commission sera gage de cohérence de l'action extérieure de l'UE, aujourd'hui handicapée par un découpage entre action intergouvernementale et communautaire.

Dans la mise en place de ce leadership européen, les ministres de la défense doivent aussi avoir toute leur place. Aujourd'hui, la PESD ne peut plus être pilotée avec des ministres de la défense qui se voient pour solde de tout compte, deux fois par semestre, à échéances fixes, dont une réunion informelle - donc en principe non décisionnelle...

CSP

*

Mesdames, Messieurs,

L'Europe est forte quand elle prend l'initiative, comme en Géorgie en juillet 2008.

Prendre l'initiative toujours et encore, faire preuve d'audace et d'imagination, tel est le défi que nous devons relever ensemble.

Discours de Pierre Lellouche,

Secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes

Je suis heureux et honoré d'être parmi vous aujourd'hui pour conclure ce colloque sur "les nécessaires progrès de l'Europe de la défense", ouvert ce matin par mon ami Hervé Morin, Ministre de la Défense.

Beaucoup d'entre vous dans cette salle connaissent mon tropisme pour les questions de défense et de géopolitique depuis de longues années.

Vous ne serez pas surpris que le thème de la défense figure désormais au coeur des attributions du Secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, du moins tel que je conçois ce poste, en accord avec le Président de la République, le Premier ministre et mes collègues Bernard Kouchner et Hervé Morin. Pour marquer cet intérêt, j'ai voulu nommer un conseiller militaire au sein de mon cabinet.

La capacité de l'Europe à exister sur la scène internationale passe aussi – voire surtout – par la relance de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense. Elle est pour moi un axe stratégique du projet européen pour les années à venir.

En faisant de la défense européenne un des mes grands axes d'action, j'ai conscience de m'inscrire totalement dans la vision ambitieuse et volontariste du Président de la République.

1. Le contexte

Nous sommes aujourd'hui, en cette fin d'année 2009, à un tournant décisif : nous allons changer d'époque. Le 21ème siècle commence aujourd'hui. Le 20ème siècle s'était achevé un peu avant l'heure, en 1989, avec la Chute du Mur de Berlin dont nous célébrerons, dans quelques semaines, le 20ème anniversaire, avec l'écroulement du système communiste en Europe centrale et orientale, puis la disparition de l'URSS elle-même en 1991.

Les 20 années qui nous séparent de 1989 ont été, effectivement, des années de transition, qui ont vu, immense succès, la réunification dans la paix de l'Allemagne et de l'ensemble du continent. Qui aurait pu prévoir, il y a seulement 20 ans, que l'Union soviétique s'effondrerait sans un coup de feu, et que les anciens satellites de ce que l'on nommait à l'époque le "glacis soviétique" nous rejoindraient au sein de la famille européenne, pour être aujourd'hui nos partenaires et nos alliés au sein de l'Union européenne et de l'Alliance atlantique ?

Cette réunification du continent est aujourd'hui quasiment achevée, après les élargissements de 2004 et de 2007, même si le travail de stabilisation des Balkans reste à parfaire.

Une nouvelle ère s'ouvre donc aujourd'hui. La question que, nous autres Européens, devons nous poser est de savoir si nous serons simplement spectateurs de l'histoire du 21ème siècle, ou si nous voulons en être les co-bâtisseurs.

Cette question, l'Amérique nous la pose : à la fin du mois de juillet dernier, à Washington, le Président Obama, alors qu'il recevait plus de 150 dirigeants chinois venus assister à la 1ère réunion du dialogue économique et stratégique entre les deux pays, a qualifié la relation bilatérale avec la Chine de "peut-être la plus importante au monde" et prédit que le 21ème siècle serait sino-américain. Serions-nous donc condamnés à passer après cette courte transition que j'évoquais, du condominium soviéto-américain qui a marqué toute la seconde moitié du 20ème siècle, au fameux G-2 sino-américain que l'on nous annonce pour le 21ème siècle ?

Cette question, la crise nous la pose également. Elle nous oblige à regarder la réalité en face, à "penser fort" et sans tabou, à sortir du politiquement correct. La hiérarchie des puissances, comme l'a dit justement le Président de la République, ne sera pas la même à la sortie de la crise. Certains pôles de puissance se sont affaiblis, d'autres se sont affirmés – au premier rang desquels l'Europe. Les règles du jeu international vont elles aussi évoluer, comme en témoigne aujourd'hui même le sommet de Pittsburgh.

Ne nous laissons donc pas inhiber lorsqu'il s'agit, par exemple, de défendre le respect des normes sociales et environnementales qui doivent être envisagées sur un pied d'égalité avec les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce.

Je mesure, bien sûr, à quel point tout cela peut paraître surprenant tant l'euro-scepticisme est grand. Il est vrai que jusqu'à une date récente, l'Europe ne nous avait pas habitués à la voir prendre à bras le corps les grands problèmes du monde, toute concentrée qu'elle était sur ses problèmes institutionnels, quand elle ne se préoccupait pas de légiférer, de manière parfois étrange, sur le hamster alsacien ou le vin rosé ... Rongée par l'euro-scepticisme, l'Europe, qui s'était divisée sur l'Irak, a toujours, 10 ans après les objectifs de forces proclamés à Helsinki, une politique de défense qui reste faible (une fraction de l'effort de défense des Etats-Unis d'Amérique). Quant aux opinions publiques, elles sont dans une proportion importante détournées de l'idée européenne. Je vais vous faire une confidence : quand je me rase le matin, pour reprendre une expression désormais célèbre, je pense naturellement aux 60 % d'électeurs français et allemands qui ne sont pas allés voter aux élections de juin dernier, 60 % c'est-à-dire 50 % d'abstentionnistes en plus par rapport à il y a 30 ans lors des premières élections au Parlement européen.

Et pourtant, plusieurs développements récents doivent nous amener à regarder l'avenir avec espoir et volonté.

La crise, qui doit aussi être vue comme une opportunité, oblige l'Europe à regarder autre chose que ses institutions, à regarder le nouveau monde en face, en un mot à agir et ce faisant, à redonner à ses 500 millions de citoyens l'envie d'un grand projet commun.

Nous allons pouvoir, dans ce nouveau contexte, refaire de la politique en Europe et nous concentrer sur les sujets qui préoccupent nos concitoyens et qui ont une incidence directe sur leur vie quotidienne: la sortie de crise ; l'énergie ; l'environnement et le climat ; l'immigration et bien sûr, la sécurité et la défense.

Mesdames et Messieurs,

Je vous le dirai d'emblée : mon discours sur ce dernier sujet sera celui de la vérité. Comme le disait le général de Gaulle : "il ne suffit pas de dire Europe, Europe en sautant comme un cabri !". Je vous propose de regarder la réalité en face, sans se masquer ni les succès, ni les insuffisances, ni les difficultés de l'entreprise.

2. Les progrès de l'Europe de la Défense

Quelle est la situation de l'Europe de la Défense en cette fin 2009 ?

Premier constat : les institutions fonctionnent.

La Politique européenne de sécurité et de défense, née à Helsinki en 1999, un an après Saint-Malo - et qui deviendra bientôt, avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la Politique de sécurité et de défense commune - est entrain de revenir au coeur de l'agenda politique de l'Union européenne. Après une Présidence française qui a donné un nouvel élan à l'Europe de la Défense, la future Présidence espagnole a d'ores et déjà annoncé sa volonté de continuer sur cette voie dès janvier prochain.

Je le constate chaque semaine au cours de mes entretiens dans les différentes capitales européennes : d'autres pays, instruits par l'Histoire récente, s'en rapprochent. Je pense entre autres au Royaume-Uni, mais aussi à la Pologne.

Nous avons la "boîte à outils" : comité politique et de sécurité, comité militaire, centre de situation, état-major de l'Union européenne, agence européenne de défense.

Grâce aux progrès accomplis pendant la Présidence française, l'Union européenne a renforcé sa capacité de planification avec la création (prévue cette année) de la direction de planification stratégique civile et militaire (Crisis Management Planning Directorate). Elle est la seule organisation à disposer d'une structure civilo-militaire de ce type.

J'insiste, cette création n'est pas encore entrée dans les faits; il me paraît indispensable que le CMPD soit fonctionnel au premier jour de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne. L'Europe sera alors la seule organisation à disposer d'une structure civilo-militaire de ce type.

En deuxième lieu le bilan n'est pas négligeable en terme d'actions.

En 10 ans, quelques 23 opérations civiles et militaires ont été menées dans les Balkans, en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie, dans l'océan indien.

En 10 ans, ce sont 67 000 Européens, hommes et femmes, qui ont été engagés dans ces 23 opérations civiles et militaires souvent lointaines.

L'Union européenne est aujourd'hui la seule organisation qui ait à sa disposition une panoplie d'outils, économiques, diplomatiques et militaires, qu'elle peut utiliser de manière combinée dans la résolution des crises. Moi qui ai beaucoup travaillé, notamment, sur l'Afghanistan, je peux vous dire à quel point cette combinaison de moyens est essentielle.

L'Europe de la Défense, je l'ai souvent constaté, progresse souvent bien plus grâce aux opérations que par les réformes institutionnelles.

Regardez ce qui s'est passé il y a dix ans dans les Balkans et la prise de conscience qui a permis la naissance de la PESD.

En Géorgie, il y a un an, l'engagement du Président de la République a permis de lancer une opération purement européenne, la seule possible dans ces circonstances.

Dans le golfe d'Aden et dans l'océan indien, l'opération Atalante, première opération navale de l'Union, est une réussite, alors que l'opération Ocean Shield de l'OTAN a des difficultés pour mobiliser plus de deux bâtiments. L'Europe joue un rôle majeur en assurant la libre circulation dans cette zone vitale pour nos approvisionnements.

Le nouveau SACEUR, l'amiral Stavridis, l'a bien compris, qui parle désormais d'opérations de l'Otan qui seraient en complément d'Atalante.

Lorsque la volonté existe, lorsque l'Europe est dirigée, la PESD avance.

Ce sont les opérations qui tirent l'Europe de la Défense vers le haut. C'est en travaillant ensemble que nos armées améliorent leur interopérabilité et leurs capacités et développent une doctrine commune. En agissant ensemble, les Etats-membres cristallisent peu à peu leurs intérêts communs de sécurité et tout cela va dans le bon sens.

Ces opérations donnent une lisibilité à l'Europe sur la scène internationale et une pertinence à sa politique étrangère.

L'opération EULEX au Kosovo, la plus importante opération civile de l'Union, fait un travail remarquable pour contribuer à bâtir un État de droit dans cette partie de l'Europe où est née la défense européenne.

Ceci posé, il faut rester lucide sur le chemin qui reste à parcourir en matière de défense européenne.

3. Les lacunes de la défense européenne doivent être regardées avec lucidité et courage

- D'abord, les budgets ne sont pas à la hauteur des enjeux.

L'addition des budgets de défense des 27 États-membres de l'Union européenne, dont le PIB cumulé est pourtant supérieur à celui des Etats-Unis, représente à peine la moitié du budget du Pentagone. Et au sein de l'Union, la situation est très hétérogène : la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne représentent les 2/3 de l'effort de défense total alors que la France et le Royaume-Uni à eux deux "pèsent" 40 % de l'effort de défense des 27.

Avec la crise, la relance de l'Europe de la Défense par le levier budgétaire peut sembler illusoire à certains. Je constate cependant qu'en France l'effort budgétaire décidé par le gouvernement n'est pas remis en cause et que le plan de relance bénéfice aussi à la Défense.

- Il est indispensable de renforcer nos capacités militaires.

Le différentiel avec les Etats-Unis, que j'évoquais à l'instant s'agissant des budgets de défense, est encore plus frappant lorsque l'on regarde les capacités, et en particulier les capacités de projection sur des théâtres extérieurs, où l'Union européenne dans son ensemble est capable d'aligner à peine 10 % des capacités militaires américaines.

Comme le disait le Président de la République devant nos Ambassadeurs le mois dernier : "L'Europe doit renforcer ses capacités militaires parce que l'Europe n'est pas une immense Croix Rouge !", l'Europe, en effet, "n'est pas une immense ONG".

- Or il n'y a pas de capacités sans programmes d'armement :

Et la situation, sur ce plan, est là-aussi peu réjouissante.

- Alors que les États-Unis investissent trois fois plus que l'Union européenne dans les dépenses d'équipement et cinq fois plus dans la recherche,

- l'Europe éparpille ses moyens en développant 3 programmes d'avions de combat, 6 programmes de sous-marins, une vingtaine de programmes de blindés, au lieu de concentrer ses efforts.

Mesdames et Messieurs, disons-nous les choses : sans programmes de coopération, il n'y aura plus d'industrie de défense en Europe ; et sans industrie européenne d'armement autonome, il n'y aura pas d'Europe de la défense.

J'ai rencontré récemment les industriels de défense français : la vérité c'est qu'il n'y a plus aujourd'hui de grands projets en coopération, pourtant indispensables à la constitution et au maintien d'une base industrielle et technologique de défense européenne

.

Nous sommes loin des années 70-80 qui ont vu naître les programmes du TRANSALL, du JAGUAR, des missiles HOT et MILAN et lancer les projets comme l'avion de transport A 400 M, les hélicoptères NH 90 ou TIGRE.

- Sur le plan des opérations, le bilan est encore limité :

Je vous ai dit que nous avions beaucoup progressé depuis Saint-Malo.

C'est vrai, mais beaucoup reste encore à faire. Nous sommes encore bien loin des objectifs de forces initiaux annoncés à Helsinki d'une force de projection de 60 000 hommes !

La réalité, c'est que les opérations actuellement menées par l'Union européenne sont le plus souvent à dominante civile et de faible ampleur au regard du discours et des ambitions affichées.

L'Union européenne n'a conduit que six opérations militaires en l'espace d'une dizaine d'années. Et souvenez-vous des difficultés que nous avons eues pour lancer par exemple l'opération EUFOR TCHAD ! Aujourd'hui, 6 500 hommes et femmes des 27 États membres sont engagés dans des opérations européennes, dont la moitié dans des opérations proprement militaires : ALTHEA en Bosnie et ATALANTE au large de la Somalie.

A la même date, comme vous le savez, la France, à elle seule, a pas moins de 9.700 soldats engagés dans une dizaine d'opérations extérieures...

Or l'Europe est un acteur international qui doit faire valoir ses intérêts propres et prendre ses responsabilités. L'Europe doit encore s'imposer.

Je pense en particulier à l'Afghanistan, où l'Europe apparaît divisée avec ses deux représentations : une pour le Conseil et une autre pour la Commission. Les moyens financiers, pourtant très importants, de la Commission sont dépensés sans visibilité, ni cohérence avec les Etats engagés sur le terrain, faute d'un pilotage politique au niveau de l'Union. De même nos contingents européens ont des règles d'engagement différentes et une coopération très limitée entre eux.

Je pense aussi à l'Afrique, où l'Europe a des responsabilités et des intérêts propres.

J'irai bientôt à Djibouti pour mobiliser nos partenaires européens. L'Europe doit s'engager dans la formation des forces de sécurité somaliennes à côté de nos soldats à Djibouti pour renforcer un gouvernement somalien fragile. L'opération Atalante ne pourra pas durer éternellement et chacun sait bien que la solution, à terme, est à terre. L'enjeu, c'est la prolifération du terrorisme dans la corne de l'Afrique.

Aussi l'Europe doit-elle s'engager sans tarder dans la formation des gardes-côtes de la région qui puissent assurer la liberté de circulation dans l'océan indien.

Les opérations permettent à l'Europe d'exercer concrètement ses responsabilités d'acteur international à part entière. On doit pouvoir agir ensemble quand nos intérêts sont communs sans compter sur d'autres.

- Enfin, dernière lacune, la coordination entre l'Union européenne et l'OTAN demeure insuffisante.

L'Union européenne et l'Alliance atlantique se côtoient à Bruxelles, mais ne travaillent pas suffisamment ensemble.

Or, vous le savez, 21 pays de l'Alliance atlantique sur 28 sont des États membres de l'Union européenne. La coordination dans les opérations, là où les deux organisations sont engagées côte à côte, laisse encore à désirer, en dépit des possibilités ouvertes par les accords dits "Berlin +".

La réalité, c'est que l'Union européenne ne s'est appuyée que deux fois, à ce jour, sur les moyens de l'Alliance, pour les opérations CONCORDIA dans l'ancienne république yougoslave de Macédoine et ALTHEA en Bosnie-Herzégovine. Il lui manque encore une capacité efficace de planification et de gestion des crises.

4. Quelles perspectives ?

Il faut avancer.

Pour cela, il faudra une participation forte du Royaume-Uni et de l'Allemagne, mais aussi de l'Espagne, qui va assurer la prochaine Présidence de l'Union, de la Pologne, de la Grèce et de tous les États-membres qui le souhaitent et qui le peuvent. C'est le message que je porte lors de mes visites en Europe. Mais pour faire avancer l'Europe avec nos partenaires, il faut changer de discours.

Nous devons d'abord lever les hypothèques et renforcer le lien UE-OTAN Notre retour plein et entier dans les structures de l'Alliance a levé les ambiguïtés d'hier. Vous savez à quel point j'ai oeuvré en ce sens et j'ai soutenu le Président de la République. Plus personne ne peut plus aujourd'hui nous faire le mauvais procès de vouloir faire la défense européenne contre l'OTAN. Je le constate à chacun de mes déplacements en Europe : cette hypothèque est désormais levée, ouvrant la voie à l'engagement européen de plusieurs partenaires importants, notamment en Europe centrale. Comme l'a rappelé le Président la République "la France dans l'OTAN, c'est une Europe plus forte dans l'Alliance". Et quand on renforce la défense européenne, on renforce également l'OTAN.

L'Union européenne et l'OTAN sont complémentaires. Elles ne doivent pas être opposées parce que les capacités européennes contribuent à celles de l'OTAN et vice-versa. Il faut en finir avec ces débats idéologiques des deux côtés de l'Atlantique et faire preuve de pragmatisme. Nous avons tous besoin d'alliés qui soient forts.

Ceci étant, il faut aussi rénover l'OTAN. L'Alliance atlantique a été créée pour dissuader le Pacte de Varsovie : c'était l'époque des vingt divisions "de choc" soviétique massée en Allemagne de l'Est, et des scénarios d'escalade quasi-instantanée vers l'apocalypse nucléaire. Cette époque est désormais révolue, et l'OTAN a rempli son contrat en préservant la paix sur notre continent. Mais pour conduire les opérations d'aujourd'hui, l'OTAN doit se réformer encore davantage. Le constat fait en Afghanistan est clair. Nous avons besoin d'une OTAN renouvelée pour les crises du XXI siècle. Je veux espérer que la définition d'un nouveau concept stratégique pour l'Alliance sera l'occasion d'une cure d'amaigrissement bureaucratique et d'un changement de culture : l'OTAN a t elle vraiment besoin des 2700 officiers dans son QG de Kaboul ? Ces personnels ne seraient ils pas plus utiles sur le terrain ?

La rénovation de l'OTAN doit être l'occasion de faire progresser l'Europe de la Défense. Une Europe de la Défense forte c'est une OTAN forte. Nous voulons les deux.

Là encore, je veux croire que le nouveau concept stratégique de l'Alliance devra refléter la nouvelle complémentarité des deux organisations. L'un des enjeux est de trouver les moyens d'un soutien mutuel en opérations, y compris dans le domaine civilo-militaire, sans s'arrêter aux blocages institutionnels actuels et sans répartition rigide des tâches.

La rénovation de l'Alliance, avec le rôle central assigné au Commandement Suprême Allié pour la Transformation (SAC-T) dans cette rénovation, constitue une opportunité que nous devons, nous Européens, saisir ensemble avec nos alliés américains. J'ai d'ailleurs reçu le Général ABRIAL dès avant qu'il ne soit nommé à la tête d'AC-T et rencontré également la semaine dernière le nouveau SACEUR, l'Amiral STAVRIDIS. J'ai pu constater, dans mes conversations avec eux, une grande convergence de vues.

Cette année sera décisive. C'est une chance pour l'Europe de la Défense.

La Présidence française de l'Union a fixé des pistes que nous devons poursuivre.

Plutôt que de se focaliser sur les institutions, il faut désormais agir sur les capacités. On ne gagne pas la guerre avec des comités.

Sans citer toutes les avancées de la Présidence française de l'Union, il s'agit surtout de :

1/ rechercher des synergies entre capacités militaires et civiles

, en lançant des projets concrets et utiles, comme la mutualisation des fonctions de soutien des opérations.

2/ mettre en oeuvre dans les faits le niveau d'ambition retenu par les chefs d'Etat et de Gouvernement en décembre 2008

: être capables, entre autres, de déployer 60 000 hommes en 60 jours en cas d'opération majeure et avoir la capacité à planifier et conduire simultanément deux opérations importantes de stabilisation et de reconstruction avec une composante civile pendant 2 ans.

3/ d'employer effectivement en opérations les GT 1500 comme force d'entrée en premier.

4/ de donner corps à la base industrielle et technologique et au marché européen des équipements de défense.

Cela implique de soutenir l'Agence Européenne de Défense : il faut, certes, lui donner du temps. Cinq ans après sa création, la faiblesse des budgets des programmes de l'Agence illustre surtout l'absence de volonté politique des États.

Cela ne remet pas en cause la nécessité d'un marché de l'armement à l'échelle européenne, la réflexion sur les besoins capacitaires communs et la conduite en coopération de programmes de Recherche et Développement.

Cela implique aussi de relancer plus largement la coopération industrielle en Europe : la coopération, cela veut dire mettre en synergie les meilleures compétences pour mieux équiper nos armées. Cela veut dire à l'inverse, que nous devons résister au mauvais réflexe qui consiste, sous prétexte de programmes en coopération, à favoriser des stratégies nationales d'acquisition de nouvelles compétences selon une logique de juste retour, au détriment de la tenue des délais et des coûts.

Cela implique enfin, de réfléchir à la manière de favoriser le marché communautaire pour l'industrie de défense.

Le marché d'armement pris globalement est aujourd'hui avant tout américain : 120 milliards de dollars d'équipement dans un marché unique aux Etats-Unis alors que le marché européen représente 50 milliards d'euros plus ou moins émiettés entre 27 pays.

Nous avons besoin de règlements qui favorisent nos entreprises au sein de l'Union européenne par rapport aux entreprises d'Outre-atlantique ou d'ailleurs.

Nous avons déjà avancé cette année avec l'approbation du "paquet défense". Mais ne devons-nous pas poursuivre ces efforts et envisager en particulier que les dépenses de défense puissent bénéficier de financements communautaires en particulier pour la recherche et le développement ? Il faut ouvrir le débat sur la mutualisation de certaines dépenses liées à la sécurité commune dans le cadre des futures perspectives financières de l'Union.

Nous devons aussi préparer l'Europe à assumer davantage ses responsabilités : L'engagement américain sur le continent européen ne cesse de se réduire depuis la fin de la Guerre froide - la récente décision

de la nouvelle administration américaine de renoncer à l'installation en Pologne et en République tchèque des bases américaines prévues dans le cadre du "bouclier anti-missiles" n'en étant que la dernière illustration. Cette tendance doit renforcer chez les Européens la volonté de combler leurs lacunes capacitaires, mais aussi de mieux coordonner leur vision stratégique. Certains pays de l'est de l'Europe - et je pense en particulier à la Pologne - en ont déjà fait part publiquement.

Il faut aussi réfléchir à une contribution européenne opérationnelle à la non-prolifération nucléaire, bactériologique et chimique, à la protection contre les conséquences possibles de programmes comme celui que développe l'Iran.

La nouvelle évaluation américaine de la menace iranienne est proche de la notre. Elle souligne que c'est bien la sécurité de l'Europe qui est en cause. Dans ce contexte, il importe aussi de travailler à un système d'alerte précoce commun.

Il faut, enfin, comme l'a proposé le Président de la République à Cherbourg en mars 2008, "engager avec ceux des partenaires européens qui le souhaiteraient, un dialogue ouvert sur le rôle de la dissuasion et sa contribution à notre sécurité commune".

Plus généralement, le moment est venu, selon moi, d'aborder l'ensemble de ces questions de front à travers ce qui pourrait être un "Livre blanc sur la sécurité de l'Europe" : nos citoyens attendent de l'Europe qu'elle les protège face aux menaces, aux crises, à la prolifération et au terrorisme, mais aussi face aux pandémies et aux risques naturels.

Au moment où nous avons l'espoir de voir se mettre en place les institutions prévues par le Traité de Lisbonne, le moment est venu pour l'Europe de se soucier, enfin, de ce qui préoccupe ses habitants.

Dernière perspective à plus court terme : le traité de Lisbonne. Il donnera à l'Europe la cohérence dont elle manque aujourd'hui pour agir.

Avec le Traité de Lisbonne, l'Europe verra sa capacité de décision et d'action facilitée. C'est l'enjeu des jours à venir et en particulier du référendum irlandais.

De nouvelles institutions seront créées : un Président du Conseil européen stable et, surtout, un Haut Représentant de l'Union pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité, qui sera à la tête du Service Européen pour l'Action Extérieure, principale novation du traité.

Cette force de frappe diplomatique nouvelle sera le plus grand service diplomatique au monde. En la coordonnant avec l'aide au développement et les questions de sécurité, elle constituera un moyen essentiel pour affirmer l'existence de l'Europe sur la scène mondiale.

Nous travaillons d'ores et déjà, au Quai d'Orsay, à définir la nature, le périmètre et les missions de ce nouveau service, en étroite liaison avec nos partenaires. Nous examinerons, à l'issue du vote irlandais, les modalités de sa mise en oeuvre.

Il faut éviter un nouveau mécano institutionnel sans réelle plus-value décisionnelle. La France est résolument ambitieuse : ces institutions doivent permettre de faire avancer dans les faits l'Europe de la Défense. Car à quoi bon une diplomatie sans bras armé ?

Mesdames et Messieurs,

Vous l'avez compris la question fondamentale pour l'avenir de l'Europe de la Défense et de l'Europe en général est celle de la volonté politique.

Les leviers sont identifiés. Il faut maintenant une volonté politique forte et partagée. Car quand l'Europe veut, elle peut.

Regardez ce que l'Europe a permis de faire ces derniers mois ! Loin d'être remises en question par la crise, l'Union européenne et la zone euro se sont imposées comme un acteur marquant et un leader du système économique et financier mondial. La même chose vaut sur le climat.

La France entend jouer un rôle moteur pour, sur ce troisième volet qu'est la sécurité, construire une Europe capable d'assurer où elle le veut et quand elle veut ses responsabilités sur la scène internationale. Les mois qui viennent, c'est ma conviction, seront déterminants. La volonté existe du côté de la France. Nous espérons qu'elle sera entendue par ses principaux partenaires.


[1] La notion de "découplage" exprimait l'inquiétude de voir l'UE prendre des décisions politiques en matière de sécurité et de défense hors de l'enceinte de l'OTAN. Avec le concept de "duplication", les États-Unis ont signifié leur souhait d'éviter que l'UE développe ses propres moyens de défense, c'est-à-dire des structures de commandement opérationnelles à l'organisation des forces et à l'équipement militaire. Les États-Unis ont enfin exprimé leur rejet de toute "discrimination" de l'UE à l'encontre des État membres de l'OTAN qui n'étaient pas membres de l'UE

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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