Culture et politique*

Éducation et culture

Jacques Rigaud

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6 avril 2009
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Rigaud Jacques

Jacques Rigaud

Conseiller d'Etat honoraire, et vice-président de la Fondation Robert Schuman.

Culture et politique*

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I - Rapports en culture et politique en France

Les rapports entre culture et politique en France tissent une longue et belle histoire, mouvementée, non transposable, mais qui est riche d'enseignements et qui peut être une source d'inspiration.

La France s'est construite autour d'un Etat, voulu, tenu et organisé depuis près de dix siècles par la Monarchie, puis par la République dans une étonnante continuité, qui est elle-même d'essence " culturelle ". J'entends par là une indestructible communauté de références et de valeurs et un constant soutien aux œuvres de l'esprit, dans un double souci de rayonnement et d'éducation.

La France est un espace largement ouvert. Ouvert notamment aux invasions venues de partout et qui ne pouvaient guère aller plus loin, arrêtées qu'elles étaient par les mers. Celtes, gaulois, romains, francs, barbares venus des vastes horizons de l'est, normands. L'ensemble français s'est constitué peu à peu, à partir de cet " agrégat inconstitué de peuples désunis " par la volonté des quarante rois qui ont fait la France. Ce que l'on appelle ses " frontières naturelles " est une construction de l'esprit qui fut longue à se concrétiser, à travers guerres et traités ; chaque province, au-delà du " noyau dur " du centre avec l'Ile-de-France et le Val de Loire, peut dater précisément son entrée dans le royaume : la Bretagne n'est française que depuis Louis XII, au début du XVIe siècle ; Lille, la Franche-Comté, Strasbourg et, au sud, le Roussillon, n'ont été intégrés au royaume qu'au XVIIe siècle, la Lorraine et la Corse sous Louis XV, la Savoie et Nice sous Napoléon III ; l'Alsace, annexée par l'Empire allemand, n'est redevenue française qu'en 1918 et le dernier ajustement date de 1945 avec deux cantons (Tende et La Brigue dans les Alpes-Maritimes) qui étaient auparavant italiens. Seul pays à être bordé par toutes les mers de l'Europe, celle du Nord, l'Atlantique et la Méditerranée, ce que l'on appelle " l'hexagone ", forme géométrique harmonieuse, semble un miracle de la nature ; il est surtout une prouesse humaine à laquelle la France doit au-delà de ses éternelles querelles " gauloises " une unité nationale inégalée en Europe, où l'on voit un peu partout, y compris chez nos plus proches voisins, des conflits linguistiques, des revendications d'autonomie, des tendances au séparatisme. Rien de tel en France, où l'appartenance nationale n'est pas discutée, sauf en Corse, de façon chronique et marginale, par quelques-uns.

Cette réussite est le fruit d'une volonté politique, mais aussi culturelle. C'est au XVIe siècle qu'un édit de Villers-Cotterêts a, en 1539, imposé l'usage du français au lieu du latin dans tous les actes judiciaires et notariés, conférant ainsi au français son statut officiel de langue du royaume. Depuis le XIIIe siècle, au moins, la tradition du soutien public, et d'abord de la Couronne, aux œuvres de l'esprit s'est imposée dans la littérature, l'architecture, les arts ; et elle s'est épanouie, pour ne plus cesser à partir de François 1er, au XVIe siècle. Certes, dans toute l'Europe, les empereurs, les rois, les princes, les papes, les dignitaires ecclésiastiques, les grands ordres religieux ont passé des commandes et subventionné des artistes ; mais la particularité française, c'est ce que j'appelle " la préférence pour l'institution ", de la part des monarques. Il ne s'agissait pas d'une faveur personnelle, mais d'une décision politique, objective et durable. J'en veux pour preuve le fait que ce pays qui a connu tant de régimes politiques, de constitutions, de coups d'Etat et de révolutions, toutes les institutions actuelles créées sous l'Ancien régime et qui ont subsisté à travers les secousses de l'histoire politique sont toutes – je dis bien toutes – des institutions " culturelles ", au sens moderne de ce mot : c'est vrai du Collège de France créé par François 1er , de l'Académie française instituée par Richelieu sous Louis XIII, de trois des quatre autres Académies qui constituent actuellement l'Institut de France et qui datent du règne de Louis XIV, comme de la Comédie-Française créée en 1680 par lettres patentes du même roi et de l'Académie royale de musique, ancêtre de l'Opéra de Paris, dont l'origine est identique. Il en va de même des Manufactures de Sèvres et des Gobelins. Le musée du Louvre, créé en 1793 par la Convention, au plus fort de la tempête révolutionnaire, a été constitué à partir des collections royales de peinture et de sculpture qui ont été intégralement respectées, étant devenues par une loi " propriété de la Nation " dès octobre 1789, pour servir à l'éducation du peuple. Le vandalisme révolutionnaire s'est attaqué aux signes voyants de l'absolutisme et de la religion mais le pouvoir révolutionnaire a respecté toutes les œuvres d'art, biens de la Couronne, qui formaient désormais le patrimoine de la Nation.

Après les dures secousses de la Révolution et des guerres de l'Empire napoléonien, l'œuvre de réconciliation des " deux France ", celle de l'Ancien régime et celle de la Révolution, s'est amorcée sous Louis-Philippe, lui-même héritier des deux traditions. L'esprit du temps, dans les années 1830, avec le romantisme, Victor Hugo, la redécouverte du Moyen Age, appelait cette réconciliation de la mémoire collective. C'est alors qu'a commencé à s'édifier le " récit national ", avec de grands historiens comme Michelet et Augustin Thierry. En décidant de sauvegarder le château de Versailles et d'en faire un musée " à toutes les gloires de la France " depuis Vercingétorix, le roi Louis-Philippe a posé l'acte fondateur du concept moderne de patrimoine culturel. Son ministre Guizot, en créant l'amorce d'une administration du patrimoine monumental confiée à un grand écrivain, Prosper Mérimée, est vraiment à l'origine de ce que l'on n'appelait pas, alors, une " politique culturelle ". Ce récit national s'est enrichi et amplifié avec la consolidation de la République, après la guerre de 1870. Une politique intensive d'instruction publique, dont Jules Ferry reste le symbole le plus fort, a fait de ce récit national l'âme même de la République, mais on voit qu'à plus d'un titre, il assumait toute l'histoire de France, en mettant l'accent sur des figures emblématiques comme Jeanne d'Arc ou Henri IV, mais aussi Descartes, La Fontaine, Molière et Voltaire. C'est par là qu'en dépit de toutes les querelles politiques, la conscience nationale s'est fortifiée dans son unité profonde, comme on le vit à Verdun, au plus fort de la " Grande Guerre ", celle de 1914-1918.

Après l'affaissement qui a suivi, le désastre de 1940 et les années instables, mais créatrices, à plus d'un titre, de la IVe République, il est révélateur que, voulant restaurer l'Etat et rendre à la France son rang et sa grandeur, le général de Gaulle décida de créer un ministère chargé des affaires de la Culture et le confia à un grand écrivain : André Malraux. L'appellation de " ministère des Affaires culturelles " à laquelle fut substituée, pour des raisons futiles, celle de " ministère de la Culture " était chargée de sens ; elle ne signifiait pas que la culture était un service public dépendant exclusivement de l'Etat, comme la justice, la police ou la défense, mais qu'elle était une activité d'intérêt général et que l'Etat avait certaines responsabilités dans ces matières.

Cette création d'un ministère de plein exercice, dont on fêtera le cinquantenaire en 2009, est à la fois le signe d'un grand changement et l'aboutissement d'une longue tradition.

Un changement, car depuis le XIXe siècle les questions culturelles relevaient d'un simple secrétariat d'Etat rattaché au ministère de l'Instruction publique, puis de l'Education nationale, administration modeste placée en fait sous la dépendance de l'Académie des Beaux-Arts.

Un aboutissement, car dans l'esprit du général de Gaulle, lui-même imprégné de littérature et d'histoire, il s'agissait de reconnaître officiellement, au niveau des structures gouvernementales, que les questions de culture, les " affaires culturelles ", devaient avoir une place éminente dans un Etat restauré.

Cette promotion de la culture dans l'Etat, et la politique culturelle qui s'en est suivie, n'ont jamais été remises en cause depuis 1958, en dépit des alternances politiques qui ont fait se succéder des gouvernements de droite et de gauche et des ministres dont le style, les priorités ont pu varier, mais dont l'action a globalement respecté cette continuité d'une politique culturelle, synthèse d'une tradition monarchique et républicaine dans un Etat unitaire et intégrateur.

En ce début d'un nouveau siècle, deux points sont à souligner :

d'une part, ce rôle culturel de l'Etat n'est pas contesté dans son principe et fait l'objet d'un véritable consensus politique et moral. Pour autant, ce rôle est loin d'être exclusif ; l'Etat s'il assume un service public de la culture, n'a aucun monopole et la vie culturelle française est de plus en plus multipolaire, en raison de l'implication croissante des collectivités territoriales (villes, départements, régions) et du fait du rôle de plus en plus important, en termes d'initiative culturelle, de la société civile (marché et industries culturelles, mécénat d'entreprise, associations et fondations) d'autre part, cette politique culturelle tient compte des mutations du monde contemporain, qu'il s'agisse de l'immigration qui conduit à souligner le rôle intégrateur du modèle culturel national tout en tenant compte des diversités culturelles, mais en refusant le " multiculturalisme ", ou du rayonnement de la culture française dans le monde, dans un esprit d'échange et de mise en œuvre de la diversité culturelle, dont la France s'est faite le champion, dans le monde et en Europe.

II - Rapports entre culture et politique en Europe.

La construction de l'Europe, amorcée dans les années 1950, a d'abord été un processus économique (le " pool " charbon-acier, puis le Marché commun) au service d'une volonté politique, qui consistait à mettre un terme définitif aux affrontements guerriers qui ont déchiré l'Europe à travers les siècles. Il faut ici rendre hommage aux visionnaires comme Robert Schuman, dont cet institut porte le nom, mais aussi à Winston Churchill, à Jean Monnet, à Konrad Adenauer, qui ont voulu avec ardeur cette Europe nouvelle, quelques années seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, rien, strictement rien, n'aurait été possible sur le plan politique et économique si n'avait pas préexisté depuis le Haut Moyen Age une Europe de la culture. On ne le dit pas suffisamment ; on l'oublie même, tant on est obsédé par l'Europe institutionnelle, par la gestion technocratique de l'Union, par l'approche diplomatique des problèmes, et plus encore par la pression médiatique qui exclut systématiquement, avec la complicité du personnel politique, la dimension du temps long, de la longue durée. L'Europe de la culture préexiste à toutes les autres.

Je ne vais pas vous présenter une vision idéalisée, irénique de cette Europe de la culture. Elle n'a pas été un chemin de roses ; elle s'est inscrite dans l'histoire des peuples à coup de guerres, de conquêtes, d'annexions, de massacres, de luttes religieuses, mais elle a doté les peuples d'Europe d'une histoire commune, génératrice d'une mémoire, d'un patrimoine, d'un corps de valeurs.

Considérez d'abord que cette Europe de la culture est antérieure aux Etats, et spécialement aux Etats-nations dont la création est relativement récente. Les empires, comme l'empire carolingien, et plus encore le Saint Empire romain germanique, ou des structures comme la Hanse, ont été des modes d'organisation politique bien antérieurs aux Etats-nations. Les grands ordres religieux, les premières universités comme celles de Bologne, de Vienne ou la Sorbonne, les grandes foires commerciales ignoraient frontières et nationalités. Des entreprises communes telles que les Croisades ou les grands pèlerinages comme Compostelle ont contribué à donner à la chrétienté européenne une conscience commune.

Il y a plus : des grands courants, notamment en architecture, ont tissé une véritable géographie culturelle de l'Europe, à l'égal des grands plissements de son sol, comme le plissement hercynien et le plissement alpin qui ont structuré sa géographie physique. Le " plissement " roman, celui du gothique, puis celui du baroque ont marqué toute l'Europe, du Portugal à la Finlande, de l'Irlande à la Hongrie, mais avec des caractéristiques, des nuances variables d'un pays à l'autre. Le gothique de Westminster n'est pas celui de Chartres ou de Notre-Dame de Paris ; celui de la cathédrale de Séville diffère de celui d'Uppsala. Et que dire du baroque qui n'est pas le même à Rome et à Prague ? Cependant, ces différences de style ne sauraient faire oublier une forte unité d'inspiration. On pourrait en dire autant de courants intellectuels et artistiques qui ont marqué toute l'Europe, comme l'humanisme de la Renaissance, le Siècle des Lumières, puis le romantisme et, plus près de nous, le surréalisme. Il y a actuellement, à Paris, au Centre Pompidou, une exposition sur la peinture futuriste des années 20 du dernier siècle qui, parti d'Italie, a prospéré en France, en Angleterre, en Allemagne et jusqu'en Russie. " L'unité dans la diversité ", qui est la maxime de l'Union européenne, est le principe même de l'Europe de la culture depuis plus d'un millénaire. Et, à la base de tout, il y a évidemment ces racines communes, orientales, grecques et romaines, d'ordre religieux, philosophique et linguistique que l'on aurait dû reconnaître avec plus d'éclat dans les actes constitutifs de la présente Union.

Il faudrait aussi parler des constants échanges entre les cultures. La culture française ne serait pas ce qu'elle est, dans ce qu'elle a de meilleur, sans l'influence italienne, notamment entre le XIVe et le XVIe siècles, mais aussi au XVIIe où fut créée l'Académie de France à Rome destinée à la formation des peintres, sculpteurs, puis des musiciens français et qui est installée depuis Napoléon à la villa Médicis. Les Pays-Bas ont été espagnols, l'Aquitaine a été anglaise. La philosophie française est, comme notre école historique, profondément imprégnée d'influence allemande. Si j'avais pu donner une ouverture musicale à cet exposé, j'aurais sûrement choisi les concerti grossi de Vivaldi transcrits pour orgue par Jean-Sébastien Bach. Et ces croisements sont au moins aussi importants dans le domaine des sciences, de Galilée à Pasteur et de Newton à Curie.

Il existe dans la pensée, dans la littérature, dans les arts des différentes cultures d'Europe des maîtres qui, de leur vivant et depuis, sont des références pour toute l'Europe. Pour ne parler que des plus anciens, c'est le cas de Machiavel, de Léonard de Vinci, d'Erasme, de Montaigne, de Descartes, de Newton, de Locke, de Voltaire, de Goethe, et avant eux de François d'Assise et de Thomas d'Aquin. Eux-mêmes, par leurs voyages et leurs correspondances, et leurs œuvres, traduites dans les différentes langues, ont littéralement irrigué toute l'Europe. Cela s'est fait naturellement, dans un continent sans frontières et où ce que nous appelons de nos jours " liberté d'établissement " allait en quelque sorte de soi, sans directives ni passeports. Je ne dis pas que l'Europe des Etats a tué l'Europe de la culture, mais dans de nombreux cas, elle l'a empêchée, ralentie ou contredite.

Ainsi, à travers les siècles, les différentes cultures du continent, et la culture européenne prise comme un tout, ont formé un couple indissociable. Non une juxtaposition, mais une interpénétration et une fécondation mutuelles. Certes, le mode d'organisation de la vie culturelle n'est pas le même d'un pays à l'autre ; la constitution des Etats-nations a même accentué les différences entre les Etats unitaires et centralisés comme la France et les Etats de type fédéral ; la fragmentation religieuse de l'Europe, après la Réforme, a encore accentué les différences, de même que le mode d'organisation de l'enseignement.

On sait qu'il a fallu attendre les années 1990 et le traité de Maastricht pour que les traités européens prennent en compte le fait culturel. Il n'y a pas à le regretter puisque le " marché commun " de la culture fonctionnait spontanément par lui-même depuis fort longtemps. L'outillage juridique et financier de l'Union européenne, auquel la culture est désormais éligible, peut assurément accélérer ou faciliter les échanges, comme le montre le programme européen Erasmus, mais ce que l'on appelle, dans le jargon européen, la " subsidiarité " joue vraiment à plein dans le domaine de la culture, et pas seulement par rapport aux prérogatives des Etats mais compte tenu de la richesse et de l'intensité des échanges culturels spontanés au sein de l'Europe. On ne saurait trop insister à cet égard sur le rôle des " réseaux ". Il n' y a pas de grande exposition, de festival ou de production lyrique de quelque importance qui soit concevable sans la coopération d'institutions de même nature de plusieurs pays d'Europe, coopération naturelle, professionnelle d'autant plus aisée qu'à la tête des grandes institutions culturelles se trouvent désormais des gens choisis hors du critère de nationalité : un Britannique est à la tête de l'orchestre philharmonique de Berlin, un Italien à celle de l'opéra de Vienne et un Français à celle de la Scala de Milan. Nous avons eu un Suédois, puis un Allemand à la direction du Musée d'art moderne du Centre Pompidou et un Suisse, un Italien et maintenant un Belge à la tête de l'Opéra de Paris. Des personnes qui font le même métier dans différents pays d'Europe s'organisent spontanément en réseaux, plus ou moins informels, pour coopérer ; c'est ce que je vis personnellement dans mes différents engagements culturels, qu'il s'agisse du mécénat d'entreprise, des centres culturels de rencontre, du musée du Louvre, du festival de Cannes, des fonds d'art contemporain, sans parler de la Fondation Robert Schuman. Le mécénat d'entreprise lui-même est de plus en plus sans frontières, spécialement dans le domaine culturel.

Il ne faudrait pas conclure de ce qui précède que la culture n'a pas besoin de l'Union européenne, de son action normative, de ses concours financiers et de son soutien dans les négociations internationales au titre de l'exception et de la diversité culturelles. Ce n'est pas ici le lieu de dresser un catalogue des mesures que l'on peut attendre de l'Union dans le domaine du spectacle vivant, des arts visuels, du cinéma, etc.

Je me bornerai à rappeler un principe qui me paraît applicable au niveau de l'Europe comme au niveau de chaque Etat et même des collectivités territoriales : la culture n'est pas seulement un secteur de l'action publique, c'en est une dimension. Un secteur, bien sûr, avec les théâtres, les musées, les bibliothèques, les monuments, le spectacle vivant, la musique, les arts visuels, etc.

Mais aussi une dimension de l'action publique, en ce sens qu'il est peu de domaines de l'action publique qui n'aient à voir d'une manière ou d'une autre avec la culture, comme donnée ou comme projet ; ainsi, l'école, l'enseignement en général ne peuvent se désintéresser de l'éveil de la sensibilité artistique des élèves ; de même, on ne peut concevoir une politique d'urbanisme ou d'aménagement du territoire sans une " dimension " culturelle ; il en va de même pour l'action extérieure et la diplomatie, ou pour la politique sociale, qu'il s'agisse de l'accès des handicapés aux pratiques culturelles ou de la dimension culturelle d'une politique d'immigration et d'intégration, qui est l'un des thèmes de ce séminaire. Cette prise en compte de la culture comme préoccupation transversale commune à beaucoup de dossiers implique une volonté politique au plus haut niveau, et constamment présente dans l'esprit de ceux qui décident. Il ne s'agit pas de prétendre que tout est culture et que la donnée culturelle doit être prédominante. Il s'agit seulement de ne jamais l'oublier. C'est la seule manière d'être vraiment fidèle aux enseignements de notre histoire commune.

Que ce soit au niveau national ou pour l'Europe entière, le multiculturalisme n'est jamais une solution ; c'est plutôt un aveu d'échec. Les cultures ne vivent que d'échanges, et ce serait un bien triste dessein que de les juxtaposer en les encourageant à se replier sur elles-mêmes.

La diversité culturelle, dont l'Europe s'est fait le champion sur la scène internationale, n'implique pas seulement la reconnaissance sincère de la pluralité des modèles et de leur égale dignité. Elle oblige chacun de nous à faire l'effort de connaître et d'apprécier non seulement d'autres langues, mais d'autres cultures que les nôtres. Elle nous conduit à vivre profondément un sentiment d'appartenance à cette culture européenne dont j'ai essayé de montrer qu'elle était indissociable de chacune de nos cultures.

La construction européenne n'est pas seulement un chantier diplomatique et un pôle de pouvoirs institutionnels. Elle implique une véritable citoyenneté européenne, qui tarde à naître et dont nous avons cependant un besoin urgent.

Des hommes comme Jacques Duhamel, ministre des Affaires culturelles après Malraux, et quelques autres qui sont avec lui à l'origine de mon engagement au service de la culture, étaient convaincus que la culture, en fournissant à chacun les clés d'explication du monde et en donnant un sens à la vie, permettait d'accéder à la plénitude de la citoyenneté. Ce qui est vrai au niveau de chacun de nos pays l'est encore plus au niveau de l'Europe. En cela, elle peut être plus qu'une coalition d'intérêts.

C'est la grâce que je nous souhaite.

* Discours prononcé lors du séminaire " Diversité et culture en Europe " organisé par le Centre culturel français de Riga le 6 novembre 2008


[1] Editions Arléa, Paris, 160 pages, 2007

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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