Marché intérieur et concurrence
Emile-Robert Perrin
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ENEmile-Robert Perrin
Les représentants des 148 Etats membres - dont une majorité de pays en développement - de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) se réunissent à Hong Kong du 13 au 18 décembre 2005, pour leur 6ème conférence ministérielle. L'objectif de cette réunion est de faire suffisamment avancer les négociations commerciales multilatérales lancées lors de la conférence ministérielle de Doha - avec l'adoption du "programme de développement de Doha" -, en novembre 2001, pour qu'elles puissent être conclues fin 2006.
La tâche et les enjeux sont considérables. Depuis leur lancement, les négociations se heurtent à de nombreuses difficultés qui ont jusqu'à présent empêché la conclusion ne serait-ce que d'un cadre d'accord. Ces difficultés proviennent de la complexité des sujets à traiter, essentiellement : approfondir la libéralisation des échanges de produits industriels et agricoles et des services; assurer une meilleure insertion des pays en développement dans l'économie mondiale, en particulier les plus pauvres
Ces négociations commerciales s'inscrivent dans le cadre d'un effort consensuel de la communauté internationale pour éradiquer la pauvreté - 2,7 milliards de personnes vivent aujourd'hui avec moins de deux dollars par jour - d'ici 2015 et rendre la mondialisation plus inclusive. Le commerce doit ainsi contribuer à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.
Un échec de la conférence de Hong Kong serait de très mauvais augure tant pour la libéralisation des échanges que pour les pays en développement, ainsi que pour la crédibilité de l'OMC, dont c'est la première négociation globale (I). Ce serait d'autant plus regrettable que le système commercial international et le développement des échanges ont eu jusqu'à présent des effets bénéfiques pour tous les pays (II). Aussi, pour surmonter les risques d'échec, il conviendrait tout à la fois de recentrer les négociations sur ses objectifs initiaux et de les consolider par des politiques complémentaires adéquates dans les domaines non commerciaux (III).
I. Les objectifs du programme de Doha : contribuer à la croissance mondiale et à la réduction de la pauvreté par la libéralisation des échanges et une meilleure insertion des pays pauvres dans l'économie mondiale
1. Le commerce mondial aujourd'hui : concentration des échanges, éclatement du Sud
Les échanges commerciaux mondiaux sont concentrés sur l'Europe occidentale, l'Amérique du Nord, le Japon et les économies émergentes d'Asie. L'Europe et l'Amérique représentent ainsi (en 2003) près de la moitié des exportations mondiales de marchandises et cette proportion s'élève à près des trois quarts en y intégrant l'Asie. A l'autre extrémité, l'Afrique représente 2,3% des exportations mondiales de marchandises, dont 0,5% pour la seule Afrique du Sud. Cette part de l'Afrique a régulièrement baissé depuis 1990, même si ses exportations ont augmenté en volume. La prépondérance des pays développés et émergents d'Asie s'explique, notamment, par l'évolution de la composition des échanges : faible part des produits agricoles (moins de 10%), forte progression des produits manufacturés et des services. De plus, aujourd'hui, les deux tiers du commerce mondial s'opère entre sociétés multinationales, et un tiers entre ces sociétés et leurs filiales. Or les investissements étrangers bénéficient principalement aux économies émergentes, en dehors des pays développés. Le climat des investissements étant ce qu'il est en Afrique, ce continent les attire peu, ce qui réduit sa capacité d'offre de produits manufacturés au plan international.
Il demeure que, depuis 50 ans, la progression du commerce mondial a toujours été supérieure à celle de la production (sur la période 1990-2003, 6,02% par an en moyenne, contre 2,77%), constituant ainsi un important facteur de croissance.
2. Les négociations commerciales visent à stimuler la croissance des échanges
Après que les pays en développement aient obtenu le retrait ou la marginalisation de plusieurs thèmes des négociations (concurrence, investissement, marchés publics, normes sociales et environnementales), celles-ci se concentrent sur des sujets majeurs : l'agriculture, avec des enjeux particuliers concernant l'accès aux marchés, les soutiens internes et la concurrence à l'exportation, ainsi que la banane, le sucre et le coton; l'accès aux marchés non agricoles, qui concerne les obstacles tarifaires et non tarifaires, notamment dans le secteur des textiles et de l'habillement, mais aussi l'accès aux marchés des pays en développement et au commerce entre ces pays; les services et la question connexe des mouvements temporaires de personnes qu'ils génèrent; la facilitation du commerce, terme qui recouvre de nombreux sujets tels que les conditions de circulation des marchandises, notamment les procédures douanières, les capacités commerciales des pays en développement et l'assistance technique à leur apporter, les règles antidumping et les accords régionaux, les "indications géographiques" (sorte de labellisation des produits), l'accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce, qui soulève notamment la question de l'accès aux médicaments par les pays en développement; la définition du traitement spécial et différencié (TSD) à accorder à ces pays est une question transversale par rapport aux autres thèmes et recouvre en quelque sorte l'ensemble des discriminations positives - ou dérogations - en faveur de ces pays.
3. Les principaux enjeux des négociation
Au-delà des aspects techniques, ces négociations commerciales comportent quelques enjeux centraux. D'abord, la capacité de l'OMC - dont la création en 1995 a introduit de profonds changements par rapport au GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, conclu en 1947 entre 23 pays) et qui est devenue une organisation quasi universelle avec 148 membres et 27 pays candidats - à faire émerger un consensus tout en faisant évoluer le système commercial international sur des sujets qui ne sont plus directement commerciaux. Cela soulève le problème du compromis entre les demandes des pays riches, qui souhaitent des progrès dans la libéralisation des biens industriels et des services, et celles des pays en développement, qui revendiquent tous - avec certains pays développés - la libéralisation du secteur de l'agriculture et, pour les plus pauvres d'entre eux, l'introduction de flexibilités dans les accords pour leur permettre de s'adapter. Mais la question est de savoir si des exceptions au régime général du commerce international ne génèrent pas des risques de marginalisation plutôt que des opportunités d'intégration.
II. Le système commercial international, un bien public global facteur d'intégration mondiale, et donc de stabilité, de sécurité et de progrès
1. Le commerce, facteur de consolidation de la paix
La mondialisation est un phénomène ancien mais elle a véritablement démarré dans la deuxième moitié du XIXème siècle, tirée par l'industrialisation en Europe et aux Etats-Unis. Elle était alors caractérisée par une forte expansion du commerce, l'importance des flux de capitaux et des migrations massives. Ce mouvement a été stoppé par la "guerre de trente ans" (1914-1945). Le ratio du commerce sur le PIB est passé, globalement, de 22% en 1913 à 9% durant les années trente tandis que l'économie mondiale a stagné avec une croissance annuelle inférieure à 1%, avec de nombreuses crises aux répercussions sociales désastreuses.
Aussi, un nouveau consensus international s'est forgé au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il a donné naissance, à côté de l'ONU, à une nouvelle architecture économique et financière internationale : un suivi des relations monétaires et financières assuré par le Fonds monétaire international, dont la mission était et est encore de favoriser l'expansion du commerce, la création de la Banque mondiale pour assurer la reconstruction des économies au sortir de la guerre, plus tard pour soutenir les pays en développement, la tentative manquée de créer une Organisation internationale du commerce qui laissera tout de même le GATT. Il fournira un cadre de négociations commerciales globales qui aboutiront à d'importantes réductions des droits de douane. Il en résultera non seulement une période de paix prolongée mais aussi un fort accroissement des échanges, à la fois en volume et en part relative de la production mondiale. Ce processus connaîtra une évolution plus prononcée en Europe avec la création du marché commun et des Communautés européennes.
2. Cette évolution positive est l'expression des effets d'entraînement de la libéralisation des échanges et de l'intégration économique sur la croissance et sur le développement
Le lien entre échanges et croissance fait l'objet de débats entre économistes, de même que le lien entre le GATT, puis l'OMC, et l'accroissement du commerce mondial. De plus, la libéralisation, la mondialisation de manière générale, est souvent considérée comme ayant contribué à la hausse des inégalités. Partant de ces constats, d'aucuns en concluent à la remise en cause du libre-échange.
Sans entrer dans un ce débat, il faut relever que les inégalités entre pays sont surtout l'expression des différences de développement sur le plan historique : depuis la révolution industrielle survenue en Angleterre au milieu du XVIIIème siècle, les pays se sont appropriés le progrès technique à des rythmes différents. Cela a conduit à des divergences cumulatives de productivité et de croissance, les pays performants investissant de plus en plus. Aujourd'hui encore, ce sont les économies les plus ouvertes qui se développent le plus rapidement : la Chine qui, à partir des années 1980, a mis l'accent sur l'ouverture au commerce extérieur et aux investissements étrangers, l'Inde, qui a fait de même dans les années 1990, ainsi que l'Ouganda et le Vietnam, deux pays à bas revenu. Tandis que les pays ouverts ont connu une hausse de leur taux de croissance de 5% en moyenne annuelle dans les années 90, les pays non ouverts ont vu leur taux de croissance baisser (0,8% dans les années 80, 1,4% dans les années 90). Enfin, même si la croissance ne s'accompagne pas toujours d'une réduction des inégalités internes aux pays, c'est-à-dire d'une meilleure redistribution des revenus, elle se traduit néanmoins, comme l'illustre le cas du Vietnam, par une amélioration du niveau de vie des pauvres et par une diminution de la part de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté.
La mondialisation offre donc des opportunités économiques même si l'ouverture commerciale, condition nécessaire de la croissance, ne suffit pas à elle seule à la susciter. Ce sont les innovations qui sont le principal moteur de la croissance, le commerce et les investissements en étant les canaux de diffusion.
3. Pour l'Union européenne comme pour la France, la négociation de Doha représente un enjeu déterminant pour leurs intérêts
L'Union européenne est la première puissance commerciale du monde, la zone euro réalisant à elle seule 15,3% des exportations mondiales, comme les Etats-Unis. Ces derniers sont le premier partenaire commercial de l'Europe, qui y réalise le quart de ses exportations et 17% de ses importations. Les investissements directs européens aux Etats-Unis sont de 860 milliards de dollars (en 2001), ceux des Etats-Unis en Europe de 700 milliards. Enfin, ces deux entités sont essentiellement des économies de services. L'Asie représente un autre grand marché, avec un taux de croissance élevé, où les Européens sont globalement insuffisamment présents. La Chine est cependant le troisième partenaire commercial de l'Union européenne - après le Japon et les Etats-Unis - qui est aussi le premier importateur des pays en développement.
Quant à la France, l'importance de son insertion internationale plaide en faveur de la libéralisation des échanges commerciaux comme des investissements. Elle est le 5ème exportateur mondial, un Français sur quatre travaille directement ou indirectement pour les exportations. C'est aussi un des premiers pays d'accueil pour les investissements étrangers ainsi qu'un des premiers investisseurs mondiaux. Les sociétés étrangères représentaient en 2001 17% de la production et les investissements étrangers 4% du PIB. Un salarié sur trois travaillait pour une société détenue au moins en partie par des capitaux étrangers. Enfin, les sociétés françaises, notamment celles du CAC 40, ont acquis nombre d'entreprises étrangères, à travers lesquelles elles réalisent une grande part de leurs profits. Dans ces conditions, un regain de protectionnisme en France, par les réactions de réciprocité que cela susciterait inévitablement, ne manquerait pas d'avoir des conséquences négatives pour l'économie française. Quant au risque de délocalisation, non seulement il est surestimé, mais il n'est finalement que la contrepartie des mutations des systèmes productifs dans les pays industrialisés, dans une certaine mesure des politiques migratoires restrictives et, ce qui est positif, du processus de sortie d'un certain nombre de pays du sous-développement. Ces derniers, en retour, adresse aux pays riches une demande de biens et de services qui a des conséquences positives en termes d'emploi, pour autant qu'ils adaptent leurs systèmes de production.
Dans les négociations commerciales, l'Union européenne est donc favorable à une ouverture progressive des marchés sur une base multilatérale, encadrée par des règles et en recherchant la cohérence entre les politiques commerciale et de développement pour aider les pays en développement à s'intégrer dans l'économie mondiale. L'un des principaux points d'achoppement des négociations réside dans l'agriculture, dont les pays en développement réclament le démantèlement des soutiens internes ayant des effets de distorsion sur les échanges et des subventions à l'exportation, ainsi que l'ouverture du marché européen.
Sur cette question, la France est sur une position essentiellement défensive. Elle s'en tient aux réformes de 2003 sur le découplage des aides par rapport à la production et à la logique de "multifonctionalité" de l'agriculture (aménagement du territoire, sécurité alimentaire), une position partagée par l'Union européenne avec le G10 (groupe de 10 pays comprenant notamment la Suisse, la Norvège, la Corée du Sud, le Japon), qu'il faudrait préserver. Cette question est biaisée : d'une part, on n'est plus à l'époque de l'instauration de la politique agricole commune (PAC) lorsque la sécurité alimentaire se posait dans des termes différents, qu'il s'agisse des approvisionnements ou de la protection de la santé publique (l'Union dispose d'un appareil normatif adéquat), et il est sans doute d'autres moyens de protéger les paysages que de prendre le risque de maintenir des populations d'Etats tiers dans le dénuement, d'autant qu'en France la PAC ne profite qu'à une minorité d'agriculteurs (25% des exploitations, les plus grandes, concentrent 70% des subventions); d'autre part, il est non moins évident qu'une ouverture du marché européen profitera plus aux pays agricoles riches du groupe de Cairns (qui comprend des pays développés et en développement) qu'aux pays pauvres. Enfin, la France dispose d'une agriculture dont la compétitivité au niveau européen la met à même de tirer parti d'une réforme audacieuse de la PAC.
III. Se donner les moyens de conclure la négociation
1. Surmonter les difficultés de forme et de fond
Si les intérêts en présence ne facilitent pas l'émergence d'un consensus - les multiples regroupements de pays, avec des pratiques de double voire de triple appartenance, en sont une illustration -, les négociations en cours font également apparaître un énorme imbroglio de malentendus et de postures. Les pays en développement forment à cet égard l'exemple le plus accompli : ils tentent de préserver un front commun en refusant, en particulier sous la pression de la Chine et de l'Inde, toute différenciation entre leurs pays, alors que, dans le domaine agricole comme dans ceux des services et des produits industriels, certains sont de gros exportateurs tandis que d'autres sont des pays pauvres peu à même de tirer parti d'une ouverture commerciale. Le problème du coton en est un bon exemple : quel que soit le mal fondé des subventions américaines à ses producteurs, le très bas niveau de productivité des producteurs ouest africains est tel qu'ils ne pourront faire face à la concurrence internationale, notamment d'autres pays en développement. De même, la réticence des pays européens et des Etats-Unis à engager dans le domaine agricole, qui est devenu l'élément central des négociations, un processus de réduction des soutiens internes et des subventions aux exportations - bien que les intérêts américains et européens divergent selon les secteurs - ne facilite pas la conclusion d'un compromis. Mais, dans le même temps, les offres de libéralisation dans le domaine des services, notamment celles émanant des pays en développement, ont pu paraître insuffisantes aux deux "grands". Cela tient dans une large mesure à la mécanique même de la négociation, selon laquelle "rien n'est conclu tant que tout n'est pas conclu", qui amène chaque partie à retenir ses concessions jusqu'au dernier moment pour tenter d'obtenir le maximum en contrepartie.
Les Américains, et les Européens dans une moindre mesure, disposent d'une autre arme de négociation : les accords commerciaux régionaux, qui permettent de négocier en bilatéral des clauses plus conformes à leurs intérêts. Il en existe environ 200 en vigueur. Le plus connu, côté européen, est l'accord de Cotonou avec les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), qui prévoit la signature d'accords de partenariat économique destinés à établir un libre échange complet avec l'Union européenne d'ici 2020. Le congrès américain vient, pour sa part, de ratifier un accord de libre échange avec l'Amérique centrale. Ceci souligne l'intérêt, particulièrement pour les pays en développement, de préserver le système commercial multilatéral sous les auspices de l'OMC, dont l'organe de règlement des différends leur a d'ailleurs permis, plus souvent qu'aux pays développés, de faire prévaloir leurs droits.
Dans un tel contexte, le nouveau leadership de l'OMC aura fort à faire pour recentrer les négociations sur l'essentiel - la poursuite de la libéralisation des échanges dans tous les domaines, l'adoption de dispositions transitoires, et donc limitées dans le temps, en faveur des pays pauvres - et à aider ces derniers à identifier leurs véritables intérêts, ce qui implique une différenciation entre les pays en développement selon leurs capacités commerciales et productives. Concernant le TSD, après plus de trente d'échec, pour les pays pauvres et au vu de leurs faibles performances économiques, d'un régime ayant fait de l'asymétrie commerciale un principe dérogatoire permanent, il est clair que les dérogations à envisager en termes de calendriers et de périodes d'adaptation ne doivent l'être que pour des durées et des champs d'application limités.
2. Créer les conditions du succès par des politiques d'accompagnement
Tant les pays développés que les pays en développement ont besoin d'une plus grande cohérence de leurs politiques pour supporter les coûts éventuels de l'ouverture et en tirer parti.
En Union européenne, et particulièrement en France, l'acceptation des risques de l'ouverture pour pouvoir bénéficier de ses bienfaits passe par la mise en œuvre de réformes des marchés des biens, des services et du secteur financier de manière à promouvoir cette économie de la connaissance qui est seule à même de favoriser l'innovation, la productivité et la croissance. Ceci implique, aussi, de réformer les systèmes de protection sociale pour améliorer les incitations au travail, protéger et accompagner les "perdants" des réformes, préserver financièrement ces systèmes. C'est tout l'enjeu de la stratégie de Lisbonne adoptée en mars 2000 par le conseil européen de Lisbonne mais qui a produit peu de résultats jusqu'à présent.
Il appartient également aux pays développés, et à l'Union européenne, de tenir leurs engagements d'augmenter leur aide publique au développement (APD) pour parvenir à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Elle permettra de financer, dans les pays en développement, les réformes et les investissements destinés à promouvoir la croissance et la réduction de la pauvreté et à les aider à tirer parti de l'ouverture commerciale. La France, de ce point de vue, a consenti un effort très important d'augmentation de son APD. Mais les réticences manifestées par d'autres pays, notamment les Etats-Unis, ne créent pas un contexte favorable aux négociations commerciales. Par ailleurs, les pays riches devraient compenser, à titre transitoire, les pertes des pays pauvres résultant de l'érosion de leurs préférences commerciales. En tout état de cause, il y a là un enjeu d'efficacité de l'aide sur lequel les pays riches devront progresser dans le cadre des travaux en cours à ce sujet à l'OCDE.
Il incombe aux pays en développement eux-mêmes, particulièrement les pays pauvres, de conduire les réformes de toute nature - climat des investissements, gouvernance interne, réformes structurelles, investissements dans le capital humain et dans les infrastructures, etc. - en vue de favoriser la croissance et de s'insérer dans l'économie mondiale. A cet égard, c'est également la mission des institutions financières internationales, en dehors de l'OMC, que d'accompagner ce mouvement et d'aider à en supporter les coûts de transition. Ce qu'elles font déjà en partie.
Les voies pour parvenir à une conclusion de ce cycle de négociations commerciales sont étroites. Néanmoins, un accord paraît possible sur une libéralisation multilatérale de l'accès aux marchés, y compris agricoles, un soutien aux pays les plus pauvres pour leur permettre d'améliorer leur productivité et leur compétitivité ainsi que de supporter les coûts d'ajustement résultant de cette libéralisation. Tout ceci nécessitera des calendriers de mise en œuvre, des périodes de transition, mais l'objectif doit clairement être d'intégrer tous les pays dans une économie mondialisée et régulée, non de les en tenir à l'écart.
Même en cas de succès du cycle de Doha, le chantier de la libéralisation des échanges ne sera pas achevé pour autant. De nombreux sujets connexes resteront à traiter, parmi lesquels : les politiques monétaires et de change, les marchés publics, les questions de concurrence, les normes sociales et environnementales, les investissements.
Pour les pays européens, et la France en particulier, si le choix fait en faveur des pays en développement est celui de l'aide et du commerce, il n'en demeure pas moins que si des pays se développent et parviennent à produire ce que produisaient les pays développés et à leur vendre ces produits, c'est plutôt positif. Cela réduit ou supprime le besoin d'aide par l'accomplissement de son objectif premier. A charge, alors, pour les pays riches de promouvoir l'innovation et de se positionner sur de nouveaux créneaux d'activité.
* L'auteur s'exprime ici à titre personnel.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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