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Droites extrêmes : la conversion à l'Europe !

Démocratie et citoyenneté

Sylvain Kahn

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20 mai 2019
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Sylvain Kahn

Géographe et historien, professeur à Sciences Po. Dernières publications : Histoire de la construction de l'Europe depuis 1945, PUF, 2021 ; Le Pays des Européens, Odile Jacob, 2019, co-écrit avec Jacques Lévy.

Droites extrêmes : la conversion à l'Europe !

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Ces deux vice-présidents du gouvernement italien, investi en mai 2018, se prêtent à ce jeu et interpellent régulièrement les électeurs français pour les appeler à faire du scrutin européen un vote sanctionnant LREM et Emmanuel Macron. Matteo Salvini envoie des messages de soutien à la liste du Rassemblement national, dont les députés européens siègent dans le même groupe parlementaire que la Ligue : l'Europe des nations et des libertés (ENL). Luigi di Maio, dont le M5S siège à Strasbourg au sein du groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD), a cherché de son côté à identifier au sein du mouvement social des "Gilets jaunes", qu'il soutient, des interlocuteurs politiques, voire de futurs députés européens avec lesquels s'allier au sein du Parlement européen à l'issue des élections des 23-26 mai 2019.

L'européanisation des droites radicales et extrêmes

Ces faits marquent une européanisation, non seulement des vies politiques nationales, mais, en leur sein, de la famille des droites radicales et extrêmes. Il y avait déjà, parfois de longue date, des regroupements de partis nationaux à l'échelle européenne. Ces regroupements, dont les plus connus sont le Parti populaire européen (PPE, droite démocrate-chrétienne) et le Parti socialiste européen (PSE), structurent la vie du Parlement européen. Les chefs des partis nationaux qu'ils fédèrent participent aux congrès de ces formations, y compris lorsqu'ils sont chef de gouvernement. Mais c'est la première fois que des dirigeants politiques mobilisent à ce point les ressources institutionnelles et politiques dont ils disposent en tant que dirigeants d'exécutifs nationaux dans une campagne électorale européenne pour tenter de mobiliser contre d'autres dirigeants gouvernementaux au motif de leur appartenance partisane et de leur doctrine idéologique. La diplomatie interétatique passe de fait au second plan, au profit d'une arène politique commune à l'échelle européenne. On ne saurait mieux signifier que la société politique se déploie au niveau européen. C'est le signal qu'il existe bien une société européenne et que l'Union européenne est devenue un pays, le pays des Européens[1].

La mobilisation de la famille des droites radicales et extrêmes dans cette bataille est en elle-même une nouveauté. Lors des décennies précédentes, ces partis cherchaient peu à structurer leur combat à l'échelle européenne, en raison de leurs nationalismes respectifs et de leur détestation de toute vie politique transfrontalière et supranationale. C'est pourquoi les élections européennes de 2019 devraient être différentes des huit qui l'ont précédée depuis 1979.

Les prochaines élections européennes cristallisent de façon nette des lignes de front qui, au fil des scrutins nationaux, ont bougé par petites touches depuis dix ans. En effet, la famille des droites radicales et extrêmes - qu'elles soient nationalistes, ultraconservatrices ou antisystème - se caractérise traditionnellement par son rejet de la construction européenne. Rejet qui se nourrit de la sacralisation de la souveraineté nationale - il ne peut y avoir qu'une souveraineté : celle de l'Etat-nation - et de la détestation des élites. Dans l'idéologie souverainiste de droite radicale et extrême, tous les acteurs de la vie politique dite "bruxelloise" sont ainsi frappés d'un double stigmate. Or, l'actuelle campagne électorale européenne témoigne au grand jour d'une évolution majeure : les droites radicales et extrêmes ne font plus de l'Union européenne une entité à fuir ou à détruire, mais une ressource à utiliser de l'intérieur pour faire gagner du terrain à leurs valeurs et pour déployer leurs programmes politiques. Cette évolution est plus notable et plus profonde que les spéculations sur un raz-de-marée électoral de cette famille qui, bien que guetté et annoncé dans de nombreux commentaires depuis le referendum britannique en juin 2016, ne se produira pas en mai 2019.

Plusieurs signaux faibles indiquent depuis cinq ans cette bifurcation remarquable du nationalisme et du souverainisme, mais ils ont été masqués par la certitude intuitive, certes peu rationnelle, que le Brexit aurait un effet domino et qu'un scénario de déconstruction de l'Union européenne par décomposition centrifuge ne pouvait manquer de se produire. Non seulement cet effet domino n'a pas eu lieu, mais les partis de droite radicale et extrême, qui faisaient de la sortie de l'euro ou de l'Union un marqueur de leur doctrine, y ont quasiment tous renoncé. En France, cette évolution a pris le visage des hésitations mal assurées de la candidate du Front national lors du débat de l'entre-deux tours de l'élection présidentielle de 2017, puis de l'éviction de Florian Philippot et, enfin, dans le programme européen du parti, de la disparition du Frexit et du retour au franc.

Des euros convaincants

Cette évolution doctrinale s'inscrit dans une inflexion d'ensemble de la famille des droites radicales et extrêmes ; elle englobe le PVV néerlandais, le FPÖ autrichien et la Ligue italienne, tous trois cofondateurs, avec le FN, du groupe parlementaire d'extrême-droite ENL. En Allemagne, Alternative fur Deutschland (AfD), qui s'était affiliée à ELDD, y a presque entièrement renoncé, alors que la remise en question de la zone euro fut au fondement de sa création. Les partis de la famille nationaliste ont partout réalisé que leur électorat n'est prêt à quitter ni l'Union européenne, ni la zone euro. Dans les sondages Eurobaromètre, on constate d'ailleurs que l'euro est populaire dans la plupart des Etats membres. Quel que soit le parti politique pour lequel ils votent, tous les Européens comprennent qu'à partir du moment où l'on sort de la zone euro, il existe un grand risque de dévaluation de sa monnaie et donc de ses revenus comme de son épargne, ainsi qu'un risque important d'appréciation de toute dette et de tout crédit contracté en euro. Certains économistes expliquent que si l'Allemagne et les Pays-Bas sortaient de la zone euro, les monnaies des Allemands et des Néerlandais s'apprécieraient d'un coup. Dans cette hypothèse, ces deux pays seraient confrontés à des tensions inflationnistes et à une déstabilisation de leur commerce extérieur, ce qui suffit à rendre la majorité des opinions publiques allemande et néerlandaise sceptique sur les gains d'une sortie de l'euro.

Cette évolution est l'un des caractères de "l'orbanisation" de la vie politique européenne. Au sein de cette famille des droites radicales et extrêmes, Viktor Orban l'a mise en œuvre dès son retour au pouvoir en Hongrie durant la législature 2010-2014. La Hongrie n'étant pas dans la zone euro, la sortie de celle-ci n'était, bien sûr, pas à l'ordre du jour. Mais le Premier ministre hongrois faisait déjà cohabiter son discours ultra-conservateur, nationaliste, anti-Roms et très critique envers la Commission européenne avec une absence de remise en cause de l'Union économique et monétaire. Ainsi, à la différence de la République tchèque présidée par Milos Zeman, la Hongrie a ratifié sans coup férir le TSCG.

Les mouvements de droite radicale et extrême, eurosceptiques, arrivés au gouvernement en Hongrie (2010) et en Pologne (2015), dirigent des pays qui sont parmi ceux qui reçoivent le plus de financements européens. Les fonds européens versés à la Hongrie dans le cadre de la politique régionale représentent chaque année 4% du PIB hongrois. La Pologne est l'un des premiers bénéficiaires de la politique agricole commune (PAC). A cet égard, il n'est pas anodin que le parti Droit et Justice au pouvoir en Pologne soit surreprésenté dans les petites villes et les campagnes. En Italie, la Ligue a décidé de nationaliser son électorat et de ne plus être le parti d'un riche Nord brocardant les assistés du Mezzogiorno. C'est notamment ainsi que Matteo Salvini est parvenu à faire évoluer le score de son mouvement d'environ 5% il y a près de dix ans à 18% aux élections législatives de 2018. Les sondages le créditent désormais de 30% des suffrages lors du scrutin européen. Pour élargir sa base électorale aux citoyens vivant dans le sud de l'Italie, il a été judicieux de sa part de ne pas agiter une sortie de l'euro ou de l'Union européenne, puisque cette partie de l'Italie bénéficie de façon significative tant de la politique régionale que de la PAC. C'est aussi en retirant de son programme, en pleine campagne électorale, toute velléité "d'Italexit" et de sortie de la zone euro que le M5S, qui faisait de la lutte contre la corruption des élites et pour le revenu universel d'existence son combat électoral, est devenu le parti politique ayant obtenu le plus de suffrages dans les provinces méridionales de l'Italie aux élections législatives de 2018. L'Union européenne représente ainsi des ressources, non seulement institutionnelles, mais budgétaires, sonnantes et trébuchantes. Ce nouvel euroscepticisme nationaliste s'apparente à "cracher dans la soupe, mais manger la soupe".

ECR, ELDD, ENL : le ménage à trois fait 20%

Dans le Parlement européen élu en 2014, ces mouvements politiques de type eurosceptiques, nationalistes, ultra-conservateurs ou antisystème se répartissent dans trois groupes parlementaires très critiques sur l'Union européenne.

L'Europe des nations et des libertés (ENL, extrême-droite) regroupe notamment les élus français (RN) et néerlandais (PVV). Tous deux, dans l'opposition dans leur pays, aspirent néanmoins à gouverner, à peser le plus possible sur leurs vies politiques nationales respectives et ne se contentent plus de la fonction tribunitienne adoptée jusqu'alors. Ils y sont encouragés par les succès des deux partis du groupe ENL qui ont accédé au gouvernement dans leurs pays respectifs, la Ligue italienne de Matteo Salvini, et le FPÖ autrichien de Heinz-Christian Strache. Avec environ 30% des voix et jusqu'à 27 sièges, la Ligue de Matteo Salvini pourrait devenir une des trois premières délégations nationales du futur Parlement. Elle deviendrait le pivot du groupe ENL et le mouvement le plus nombreux de la famille des droites radicales et extrêmes européennes, devant le PiS (qui siège à l'ECR) et le RN.

Le groupe parlementaire de l'Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) est également symptomatique de cette évolution. Ce groupe repose sur deux piliers : le M5S italien, mouvement "antisystème" qui gouverne avec la Ligue, et le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP). Le score annoncé du M5S, qui pâtit de son alliance avec son charismatique rival léguiste, devrait être moins important que lors des élections législatives de mars 2018 (33%), mais égal ou supérieur à celui obtenu lors de sa percée des élections européennes de 2014 (21%, 17 députés).

Dirigé par Nigel Farage, l'UKIP a milité depuis 1993 pour le Brexit ; son rôle a été déterminant dans la promesse de David Cameron, le Premier ministre Conservateur, d'organiser un référendum en 2016, puis dans la victoire du Leave lors du scrutin. La valeur d'exemple de l'UKIP ne réside cependant plus dans la capacité à obtenir une sortie de l'Union. Elle réside, pour les autres mouvements de la famille des droites radicales et extrêmes, dans la capacité de Nigel Farage à faire d'un parti anticonformiste, d'abord marginal, le point central de la vie politique d'un pays réputé être le berceau de la démocratie parlementaire. Nigel Farage a démontré qu'il était possible pour un mouvement, monothématique, anti-élites et xénophobe, défiant à lui seul le vénérable Parlement britannique, de changer l'ordre établi et le cours de l'histoire. Il s'était retiré de la vie politique après le vote sur le Brexit. Depuis que la participation du Royaume-Uni aux élections européennes est devenue probable, il a fait un come-back et fondé un nouveau mouvement pour défendre le Brexit et sa réalisation. A peine apparu dans les sondages d'opinion, le parti du Brexit est crédité de près de 30% des intentions de vote, devant les Travaillistes et les Conservateurs. Dans l'intervalle, Ukip, qui s'est rapproché de ENL, est tombé à moins de 7% dans les intentions de vote.

L'AfD est également inscrite dans le groupe ELDD. Fondé sur une contestation des élites politiques et économiques au nom d'une remise en cause de la zone euro, l'AfD, qui a depuis absorbé le mouvement islamophobe Pegida, est de plus en plus identifiable à un parti d'extrême-droite car de plus en plus xénophobe, antisémite et critique de l'Etat de droit comme du pluralisme. Crédité de 10 à 12% des intentions de vote, il pourrait contribuer à accroître significativement le poids du groupe ENL au Parlement, s'il le rejoignait, après être devenu le troisième groupe parlementaire du Bundestag après les élections législatives de 2017.

Enfin, le groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) est celui qui se situe le plus dans l'héritage du courant politique souverainiste des années 1980 et 1990. On y trouve ainsi les députés du parti Conservateur britannique qui a décidé du référendum sur le Brexit ; ils y siègent avec le PiS polonais, parti ultraconservateur au pouvoir depuis 2015, avec la N-VA, xénophobe, autonomiste flamande qui a gouverné au sein de la coalition belge de 2014 à 2018, avec les Vrais Finlandais, parti populiste eurosceptique qui a siégé deux ans au sein du gouvernement, avec Debout la France, et avec les Démocrates de Suède, parti d'extrême-droite arrivé deuxième aux élections législatives en 2018.

Des infiltrations plutôt qu'un raz-de-marée

Le groupe ECR est le plus nombreux de ces trois groupes. Il est aussi le plus assidu et le plus impliqué dans le travail parlementaire. A quelques semaines de la fin de cette législature, ECR comptabilise 76 députés, ELDD 42 et ENL 36. La famille des droites radicales et extrêmes, compte au total 154 députés élus en 2014, occupant 20% des 751 sièges du Parlement sortant. Cette photographie est indicative. En effet, le Parlement européen est une réalité dynamique et mouvante. Et le regroupement des délégations nationales issues de différents partis en huit groupes parlementaires n'obéit pas systématiquement à des lignes de front nettes et tranchées. Il y a des interstices, des transitions, des interfaces, des modulations, des mobilités et des ponts.

Ainsi, les députés conservateurs britanniques sont affiliés à ECR. S'ils sont eurosceptiques, ils n'appartiennent pas à la famille des droites radicales et extrêmes. Depuis 1979, leur affiliation a oscillé : tantôt le PPE, tantôt ECR (sous des noms changeants).

Au sein du PPE, on trouve au moins une délégation nationale qui appartient à la droite radicale et extrême : le Fidesz, au pouvoir en Hongrie depuis 2010 avec Viktor Orban. Son exclusion du PPE est un sujet récurrent au sein du groupe. En mars 2019, pour la première fois, une majorité s'est constituée au PPE pour, non pas exclure, mais suspendre pour six mois le Fidesz et ses 12 députés. On trouve aussi Forza Italia, qui, au pouvoir à plusieurs reprises depuis 1994, a pris des libertés avec certains aspects de l'Etat de droit, notamment avec la garantie du pluralisme de la presse et l'indépendance du pouvoir judiciaire.

L'évolution des vies politiques nationales crée de facto des ponts entre le PPE et tel ou tel des trois groupes parlementaires de la famille des droites radicales et extrêmes. Forza Italia a ainsi gouverné l'Italie à plusieurs reprises avec la Ligue du Nord, l'ancêtre de la Ligue. Lors de la campagne électorale de 2018, ces deux partis formaient une alliance à laquelle appartenait Fratelli d'Italia, petit parti postfasciste affilié à ECR. Cette alliance est toujours au pouvoir dans plusieurs régions et municipalités italiennes.

En Autriche, le gouvernement investi depuis novembre 2017 résulte d'une coalition entre l'ÖVP, membre du PPE, et le FPÖ, membre d'ENL. Le chancelier Sebastian Kurz, qui est aussi le dirigeant de l'ÖVP, a choisi de confier deux ministères régaliens au FPÖ : les ministères de l'Intérieur et de la Défense. On ne saurait mieux signifier combien la droite autrichienne est en train de faire sienne la doctrine d'extrême-droite sur les questions des libertés, de la sécurité, de l'Etat de droit, des migrations et de l'asile. Il n'y a pas qu'en Autriche : le ministère de l'Intérieur est aussi dirigé par l'extrême droite en Italie, et par la droite ultra-conservatrice et xénophobe en Hongrie et en Pologne. Les droites radicales et extrêmes parviennent donc, d'ores et déjà, à avoir sur plusieurs politiques européennes une influence certaine, en pesant au sein du Conseil de l'Union européenne qui co-légifère avec le Parlement.

C'est en ce sens que l'évolution de la répartition des députés au sein des groupes parlementaires, ainsi que la recomposition de ceux-ci, pourraient avoir un impact déterminant sur la législature issue du scrutin des 23-26 mai. Cet aspect des choses comptera davantage que la progression en nombre de sièges de députés issus de la famille des droites radicales et extrêmes. Contrairement à ce que tendent à accréditer certains propos de campagne à des fins électorales, la probabilité de voir cette famille obtenir une minorité de blocage (sans même parler d'une majorité) est quasi nulle. Ce type de biais dans l'observation, les représentations et les analyses pourrait a contrario aboutir à ce que soit présenté comme un recul ou un coup d'arrêt un résultat rendu probable depuis deux ans par l'observation des élections nationales, puis par les enquêtes sur les intentions de vote aux élections européennes. Selon les projections en sièges effectuées par ces enquêtes, les députés des droites radicales et extrêmes élus en 2019 pourraient être environ 170, représentant entre 22 et 25% des sièges C'est au sein du Parlement européen et durant les cinq années à venir que va donc se jouer la véritable bataille politique : celle de l'influence idéologique sur les politiques publiques qui seront effectivement élaborées par le législateur européen et mises en œuvre par les exécutifs européen et nationaux. Autrement dit : combien de divisions dans chaque groupe parlementaire, quelle répartition des ressources institutionnelles et de l'organisation du travail, dans le cadre de quelles alliances à géométrie variable, c'est-à-dire de négociations et d'accord ponctuels ou sectoriels éventuels ? En agitant le spectre du raz-de-marée d'extrême droite durant la campagne, on risque de détourner l'attention de l'opinion publique du terrain effectif d'influence des idées et des politiques de la famille des droites radicales et extrêmes.

C'est pourquoi on aimerait, dans les différentes campagnes électorales nationales du scrutin européen, entendre les candidats expliquer aux électeurs quels groupes ils vont rejoindre, et pourquoi, quelles alliances ils envisagent au sein du Parlement et pour quelles politiques et dans le cadre de quels compromis. Faute de quoi le risque existe de constater une fois de plus un écart entre les propos de campagne et la réalité de la législation européenne et de ses politiques publiques, écart qui contribue, année après année, à accréditer le discours populiste de la trahison du peuple par les élites si caractéristique de la famille des mouvements des droites radicales et extrêmes - et qui inspire aussi les gauches radicales, dont le poids du groupe parlementaire (GUE/NGL) pourrait rester stable, à plus ou moins 6,5% des sièges.

La constitution d'une véritable force politique parlementaire des droites radicales et extrêmes, à même de peser efficacement sur l'agenda des politiques publiques et des lois européennes, porteuse d'un nationalisme européen et d'un programme d'érosion des droits de l'Homme et de l'Etat de droit, est donc l'un des enjeux du scrutin européen. En effet, s'il n'est pas dit que les différentes forces qui composent cette mouvance parviennent à s'organiser dans le but d'obtenir une efficacité optimale au sein du Parlement européen, il n'est pas dit non plus qu'elles n'y parviendront pas.

Un modèle nouveau : l'orbanisation

Dans le Parlement sortant, ces forces sont donc réparties entre trois groupes parlementaires : ECR, ELDD et ENL. Ce fait est souvent présenté comme le signe d'une fragmentation, voire d'une division et d'une impossibilité intrinsèque à se réunir. C'est exact dans une certaine perspective : réunie, cette famille aurait pu peser bien plus qu'elle ne l'a fait durant la législature qui s'achève. Toutefois, dans une perspective plus temporelle, on constate que cette répartition en trois groupes témoigne d'un projet d'organisation et de regroupement qui progresse par rapport à la législature précédente. Avant 2014, la plupart des députés d'extrême droite étaient non-inscrits. La création d'ENL par Marine Le Pen, en 2015, a été l'un des premiers signaux de l'inflexion de la doctrine d'extrême droite sur la construction européenne, progressivement envisagée comme une ressource, et non plus seulement comme un modèle repoussoir.

Il faut surtout noter combien la politique européenne du Premier ministre hongrois a ouvert la voie à la famille des droites radicales et extrêmes en Europe. Viktor Orban fait de l'appartenance à la nation hongroise l'alpha et l'oméga de la vie de chacun de ses concitoyens. Au nom de la pureté du peuple qui constitue toute nation, forcément homogène, il est xénophobe, anti-roms et antisémite.

Pour autant, son nationalisme est du XXIe siècle : il n'oppose ni ne hiérarchise les nations entre elles, mais veut les prévenir de tout mélange. Il considère que les nations européennes doivent s'allier ensemble pour empêcher la venue de migrants du monde afro-arabo-musulman, individus qu'il réduit à une essence fixe, culturelle et religieuse, qui pourraient contaminer ou dissoudre les sociétés européennes, figées elles aussi dans des essences intemporelles, selon lui léguées par le christianisme. Dans sa vision du monde comme d'un choc entre communautés et entre civilisations, son nationalisme est donc européen. Il est un homme de son temps et non des années 1920 ou 1930.

Viktor Orban prône également un souverainisme communautaire. Classiquement, les nationalistes et xénophobes d'Europe sont si attachés à la souveraineté nationale qu'ils détestent la construction européenne, qui est supranationale et mutualise les souverainetés. Si, en bon populiste, il critique violemment les élites de Bruxelles au motif qu'elles trahiraient les peuples, il ne remet pas en cause l'appartenance de son pays à l'Union européenne. Il trouve formidable que, grâce à celle-ci, les Européens soient plus forts et plus solidaires face à ce qu'il considère comme des menaces extérieures, quitte à faire son marché dans les politiques publiques - celles de la concurrence et de l'Espace de liberté, de sécurité et de justice tout particulièrement. En Hongrie, dans certains secteurs présentés comme emblématiques (comme les télécoms et les médias) et dans les marchés publics, les normes européennes cèdent le pas au népotisme, aux oligopoles, à la corruption et au détournement des fonds européens.

Il n'y a pas que dans le domaine de l'économie hongroise (par ailleurs régie par des règles fort peu soucieuses du droit des salariés, extrêmement favorables aux investissements étrangers dans la sous-traitance, et qui incitent bien peu aux investissements d'avenir) que Viktor Orban et sa majorité méprisent le pluralisme. Depuis 2014, il se fait le chantre de la démocratie il-libérale. Inventé par le publiciste américain Fareed Zakaria, ce concept désigne un régime où le multipartisme et les élections sont libres, mais où l'écosystème du libéralisme politique que sont la séparation des pouvoirs, les contrepouvoirs et l'Etat de droit sont asséchés et anémiés. C'est ce qui se passe en Hongrie depuis 2010.

Par exemple, il n'y a pas de censure mais, faute de moyens, il n'y a plus de presse d'opposition. Dans un ouvrage documenté, rigoureux et courageux, une équipe d'universitaires dirigée par Balint Magyar qualifie le système de gouvernement mis en place par Viktor Orban et son parti "d'Etat mafieux".

Viktor Orban, en conservant sa base sociale et électorale, en remportant trois victoires électorales successives (y compris en distordant l'Etat de droit, le pluralisme et la séparation des pouvoirs), en érigeant la xénophobie en politique gouvernementale, en détestant l'Union européenne de l'intérieur pour mieux l'influencer et en tirer profit, le tout en restant affilié au PPE, a construit un modèle dont le succès objectif force l'admiration des autres leaders de la famille des droites radicales et extrêmes et les inspire. C'est pourquoi j'ai proposé de caractériser cette évolution doctrinale et politique par le terme "d'orbanisation", qui se déploie en Europe dans trois registres : le nationalisme européen, le souverainisme communautaire et l'il-libéralisme.

Entre 2014 et 2019, les droites radicales et extrêmes ont accédé au pouvoir en Pologne, en Autriche, en Italie et en Estonie. Elles ont participé au pouvoir en Lettonie, en Finlande, au Danemark et en Belgique. Elles sont devenues des forces notables dans le paysage politique et parlementaire en Allemagne, en République tchèque et en Espagne. Elles l'étaient déjà en France, en Grèce, en Bulgarie et aux Pays-Bas. Il n'y a plus guère qu'en Irlande, au Portugal et au Luxembourg que cette famille est marginale.

"L'orbanisation" lui offre un cadre de convergence et d'européanisation. La création d'ENL en est l'un des signaux bien davantage qu'un signe de fragmentation. Pour les nationalistes d'extrême-droite, s'unir au Parlement européen en formant un troisième groupe là où il y en avait deux et beaucoup de non-inscrits, c'est déjà commencer à prendre part à la politique européenne et à l'européanisation de la politique. Les difficultés dans lesquelles s'embourbe le Brexit joue en faveur de cette évolution et de "l'orbanisation". Si on s'en tenait à des faits emblématiques, on pourrait dire que les stratégies d'Orban et de Salvini sont bien plus payantes, à terme, que celles de l'UKIP et du M5S. Même si le Parti du Brexit réalise un score important le 23 mai, son horizon est désormais limité par le fait même qu'il s'est mis en marge de la scène politique européenne. Ce qui intéresse maintenant la très grande majorité de la famille politique à laquelle il appartient en Europe, ce n'est plus tant de faire exploser l'Union européenne ou d'en faire sortir son pays, que de la détourner au profit de leur programme politique. Quitte à réduire celui-ci à un plus petit commun dénominateur : la fermeture des frontières aux ressortissants de pays qui ne sont pas européens, et la discrimination envers les étrangers ou les nationaux issus de l'immigration ou de confession musulmane.

Droites radicales et extrêmes : les raisons de converger

C'est par cet élément programmatique commun à l'ensemble des partis de cette famille des droites radicales et extrêmes que se construit une tolérance de plus en plus largement partagée en son sein pour la relativisation de l'Etat de droit et du pluralisme. En Finlande et au Danemark, cette relativisation prend le visage de politiques discriminatoires envers certains citoyens assignés à une appartenance communautaire (la nationalité, la confession ou le quartier difficile), érodant ainsi le caractère universel de l'Etat de droit. C'est également le cas en Autriche ; en Hongrie, avec une atteinte à l'indépendance de la justice et aux libertés constitutionnelles ; et, à certains égards, en Pologne. L'actuel gouvernement italien entre dans la relativisation de l'Etat de droit par la discrimination envers les étrangers au motif de leur nationalité et, le cas échéant, de leur absence de visa. Depuis mai 2018, on a dans l'Union européenne un gouvernement qui s'affranchit du droit international de la mer et des conventions de Genève relatives à la protection des demandeurs d'asile et qui est parvenu à faire endosser cette politique par l'Union !

En ce sens, l'action gouvernementale de Matteo Salvini s'inspire (ou bien creuse le sillon) du précédent créé par la politique gouvernementale de Viktor Orban. Celle-ci, à partir de 2015, s'est affranchie de la protection à accorder à tout demandeur d'asile, par l'érection d'une frontière durcie au moyen d'une clôture grillagée et barbelée entre la Hongrie et la Serbie. Cette convergence est au moins aussi importante que la divergence souvent relevée par les commentateurs sur la répartition dans tous les Etats membres des demandeurs d'asile quel qu'ait été le territoire par lequel ils sont arrivés (l'Italie ayant été une des portes d'entrée les plus importantes). Les clichés de la visite effectuée par M. Salvini en Hongrie le 2 mai 2019 en portent témoignage. On y voit les deux dirigeants en grande conversation devant une portion de ladite frontière, avec leurs entourages. Comment mieux signifier leur convergence politique sur les questions d'asile et de migration ? Comment mieux signifier que, pour chacun, c'est au niveau européen et ensemble qu'il convient d'agir ? Il s'agit notamment, selon M. Salvini, de prémunir l'Europe du risque de devenir "un califat islamique".

Il faut prendre au sérieux cette convergence entre les mouvements des droites radicales et extrêmes. Sans la surdéterminer, il convient d'observer que les raisons de converger pour structurer cette grande famille au sein du Parlement européen ne sont pas moins nombreuses que leurs habituelles divergences.

Depuis fin janvier 2019, on dispose d'enquêtes (et non plus d'intuitions) sur la configuration que pourrait prendre le Parlement européen à l'issue du scrutin. La grande probabilité est que, pour la première fois depuis 1979, PPE et S&D (le PSE et les partis de centre gauche) ne disposent pas, à eux deux, de la majorité des sièges. On a évoqué le fait que la famille politique des droites radicales et extrêmes ne bénéficiera pas d'un raz-de-marée en 2019 au Parlement. Cette analyse a été confirmée par les enquêtes sur les intentions de vote. Depuis 15 ans, élection après élection, les partis populistes, de droite radicale et extrême, eurosceptiques progressent au Parlement européen. Les estimations actuelles envisagent que cette famille obtiendrait entre 160 et 185 sièges, soit 20 à 25% des députés européens à l'issue du scrutin de mai 2019. L'espoir européen de cette famille politique peut donc être de constituer le troisième groupe parlementaire. Elle pourrait alors présider plusieurs commissions parlementaires ou encore rédiger des rapports parlementaires importants. Elle pourrait aussi influencer l'ordre du jour du Parlement et mettre sur la table des projets de résolution. Si cette famille obtenait un tel poids institutionnel, elle pourrait prétendre jouer un rôle influent dans la désignation, sinon du Président de la Commission européenne, à tout le moins dans celui du Parlement européen, tout en pesant sur la grande négociation qui s'annonce entre les familles politiques européennes, entre les branches du pouvoir politique de l'Union, entre les Etats, et entre l'ensemble de ces acteurs pour le renouvellement concomitant des postes de dirigeants du Parlement, de la Commission, du Conseil européen et de la BCE !

Le rapport problématique à l'Autre et aux étrangers est clairement le point le plus partagé dans cette famille - même le parti conservateur britannique, affilié à ECR, a fait de la discrimination entre nationaux et étrangers un élément de son programme. On l'a oublié, mais avant d'organiser le référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne, David Cameron avait obtenu des 27 autres Etats membres et de la Commission une dérogation proprement stupéfiante : la possibilité d'organiser une discrimination entre citoyens de l'Union et citoyens britanniques quant au versement des prestations sociales et de santé. Le gouvernement autrichien est en train de mettre en place un dispositif non pas identique mais du même type sur un point bien précis (la modulation des allocations familiales en fonction du pays de résidence des enfants de l'allocataire).

La politique européenne à l'égard de la Russie constitue un point de clivage. On peut toutefois noter que V. Orban et M. Salvini sont l'un et l'autre très bienveillants à l'endroit de Vladimir Poutine et critiquent les sanctions prises par l'Union à l'encontre de la Russie depuis l'annexion de la Crimée. Pour autant, s'ils la critiquent, ils n'y mettent pas leur veto.

Matteo Salvini ne rend pas visite à Viktor Orban à quatre semaines des élections par hasard. Il a en effet, le 8 avril 2019, lancé son projet d'élargir le groupe parlementaire ENL en le fondant dans un nouveau groupe, plus large, pour lequel il a déjà proposé un nom : l'Alliance européenne des peuples et les nations (AEPN). Cette main tendue de l'ENL aux partis affiliés aux groupes ELDD et ECR rencontre un succès certain. En tenant compte de l'hypothèse AEPN et des déclarations d'intention qu'elle suscite au sein des partis de droite radicale et extrême en lice pour les élections européennes, on peut d'ores et déjà envisager un groupe de 80 à 95 députés. La Ligue italienne pourrait y être la délégation nationale la plus nombreuse, suivi par le Rassemblement national, qui est actuellement la délégation la plus importante au sein d'ENL, bien qu'affaiblie par une demi-douzaine de départs durant la législature et l'inculpation de plusieurs de ses responsables pour détournement de fonds européens. L'objectif de M. Salvini et de ses amis est de ravir la place de potentiel troisième groupe parlementaire au futur nouvel ALDE, le groupe centriste libéral présidé par Guy Verhofstadt ayant fait savoir qu'il était prêt à modifier son nom pour y intégrer la vingtaine de députés qui pourraient être élus en France sur la liste LREM.

Dans cette bataille politique, le M5S serait une victime collatérale, ce qui ne serait pas pour déplaire à la Ligue. En effet, plusieurs partis ont d'ores et déjà annoncé leur intention de quitter ELDD pour AEPN. Plus AEPN sera un regroupement susceptible de mettre en avant sa diversité politique, plus il sera attractif pour ceux que rebutent les marqueurs de l'extrême-droite historique, et qui soupçonnent le FPÖ et le RN de ne pas rompre en profondeur avec le nazisme, la collaboration et l'antisémitisme. Plus cette potentielle AEPN aura une plasticité et une variété ample, plus elle deviendra concurrente du PPE, ce grand groupe des droites et du centre-droit que caractérisent une plasticité et une variété très ample. Autant le Fidesz n'a aucun intérêt à rejoindre ENL, et n'aurait pas grand-chose à gagner s'il rejoignait ECR, autant il pourrait avoir intérêt à quitter le PPE dont il est suspendu pour rejoindre ce potentiel nouveau groupe parlementaire. Au-delà des 13 députés qu'il pourrait apporter dans la corbeille, et qui pourraient faire la différence dans la rivalité pour la troisième place pourvoyeuse de ressources, ce serait surtout un coup d'éclat, et le symbole de l'effritement du PPE au profit d'une nouvelle droite européenne plus dynamique.

Pour autant, le rapport de force ne dépend pas de ce type de transfert d'un groupe à un autre. Que le Fidesz soit sur une rive ou une autre, ce mouvement reste un marqueur et un passeur de l'extrême droitisation des droites au sein du Parlement. L'évolution doctrinale des conservateurs britanniques sur la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union, comme l'inflexion de l'UMP devenue LR sur les personnes migrantes, les Roms et l'identité nationale depuis Nicolas Sarkozy, comme l'appropriation par l'ÖVP autrichienne de la doctrine du FPÖ sur le traitement discriminatoire des étrangers, des migrants et des musulmans, suffisent à témoigner de la radicalisation du PPE ou, à tout le moins, de sa plus grande friabilité, induite par sa perméabilité aux représentations xénophobes des droites radicales et extrêmes, face à l'érosion de l'Etat de droit. Que la Fidesz soit ou non dans le PPE ne modifiera pas cette tendance qui est, pour certains, comme la CSU allemande, une tentation dans les deux sens du mot : une attraction autant qu'une culpabilité.

Pour autant, l'ALDE n'est pas exempte de ce type d'évolution, comme en témoigne le soutien du Parti du peuple danois (DF) au gouvernement de centre-droit emmené par le Parti libéral du Premier ministre Lars Lokke Rasmussen, soutien sans lequel il serait minoritaire, et les ambiguïtés populistes d'ANO, parti du Premier ministre tchèque, Andrej Babis.

Un aiguillon pour l'européisme

Ce scénario d'une influence grandissante des idées de la droite radicale et extrême dans le Parlement européen élu en 2019 est donc assez probable. En effet, il correspond, d'une part, à des dynamiques nationales à l'œuvre dans beaucoup d'États membres. D'autre part, il obéit à la logique du jeu parlementaire classique en démocratie représentative : historiquement, il n'est pas rare que des partis de droite reprennent à leur compte des idées d'extrême droite (il existe un phénomène comparable entre la gauche et l'extrême gauche) quand celles-ci ont le vent en poupe, au motif qu'il faut écouter et comprendre les électeurs et que ce serait la meilleure façon de les contenir et de les contrôler.

La droite radicale et extrême, nationaliste, xénophobe et eurosceptique, pourrait exercer une influence certaine sur les politiques européennes sans dépasser un quart des sièges à l'issue des élections. Il est probable, car c'est déjà en cours, que certaines de ses idées et de ses pratiques infiltrent le PPE, voire S&D et ALDE, et que l'Union adopte des lois très dures envers les étrangers et l'altérité, et des lois qui érodent sa législation mondialement réputée comme favorables aux droits humains.

Mais cette nouvelle configuration pourrait, dans le même temps, pousser à plus de créativité et plus d'inventivité les députés européens convaincus de l'efficacité de la supranationalité et favorables à une construction européenne fondée sur le pluralisme, l'Etat de droit et le cosmopolitisme. Le fonctionnement du Parlement européen, bien plus que celui des parlements nationaux, favorise des majorités d'idées. Confrontés à la montée en puissance des mouvements des droites radicales et extrêmes, à leur volonté d'influence nouvelle et à la transformation de leurs nationalismes rivaux en nationalisme européen, les partis européistes pourraient s'entendre sur des projets ou des idées stimulés par l'envie de couper l'herbe sous le pied des populistes nationalistes, c'est-à-dire une construction européenne forte et optimiste, fondée sur des valeurs claires, porteuse de progrès, d'urbanité, de liberté et de solidarité, et qui s'impose aux différentes formes de communautarismes. L'impossibilité pour le PPE et S&D d'adopter seuls des textes dans le futur Parlement les poussera dans cette direction, contraints qu'ils seront de travailler, pour aboutir, avec l'ALDE nouvelle et les Verts. En ce sens, l'européanisation des droites radicales et extrêmes comme la dynamique "d'orbanisation" de l'Europe peut agir comme un stimulant et puissant aiguillon sur les européistes et les humanistes au sein du Parlement européen.

Sylvain Kahn

Géographe et historien, professeur à Sciences Po. Dernières publications : Le Pays des Européens, Odile Jacob, 2019, co-écrit avec Jacques Lévy. Histoire de la construction de l'Europe depuis 1945, PUF, 2018, prix du livre Mieux comprendre l'Europe.


[1] Kahn S. et Lévy J. Le Pays des Européens, Odile Jacob, 2019

Directeur de la publication : Pascale Joannin

Droites extrêmes : la conversion à l'Europe !

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