quand l'hégémon cesse d'être bienveillant
Les relations transatlantiques
Patrick Allard
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En dépit des critiques virulentes du candidat[2] Trump à l'encontre de l'OMC et les menaces de retrait du Président[3], la Maison-Blanche n'a pas jusqu'ici fait mouvement pour quitter l'organisation[4]. L'administration n'a pas dédaigné de faire usage des voies légales de l'OMC : depuis janvier 2017, elle a déposé 10 plaintes devant l'OMC, contre la Chine, l'Union européenne, la Turquie, le Canada et l'Inde[5]. Néanmoins, les actions de l'administration Trump, les politiques qu'elle poursuit, ses pratiques, allant de la procrastination s'agissant de la nomination des juges nécessaires au bon fonctionnement de l'organisme de règlement des différends de l'OMC, à l'imposition unilatérale et discriminatoire de droits de douane massifs à certaines importations américaines constituent autant de remises en cause systématiques de l'organisation et de ses principes fondamentaux : l'intangibilité des engagements en matière de droits de douane, qui s'oppose à leur modification unilatérale, et le principe de la nation la plus favorisée (NPF) qui interdit la discrimination entre les partenaires commerciaux.
Comment comprendre que les dirigeants actuels des Etats-Unis, l'État " présent à la création ", selon la formule de Dean Acheson[6], secrétaire d'État du président Truman de 1947 à 1953, dont les intérêts, les valeurs, les priorités et l'action ont donné une impulsion décisive à la mise en place des institutions et des règles qui ont encadré le rétablissement puis l'essor du commerce mondial depuis 1945, se soient lancés avec alacrité dans une entreprise de sabotage, sinon de destruction, de l'ordre commercial international promu, maintenu et amendé sous la férule, parfois menaçante, des présidences successives, républicaines comme démocrates, au cours des 8 dernières décennies, du GATT à l'OMC[7]? Il est tentant d'en appeler à l'irrationalité, à la démagogie, à l'impulsivité ou à l'incompétence d'un Président élu par surprise, sans lien avec l'établissement politique et économique traditionnel et s'appuyant sur des conceptions et des personnalités en rupture. Mais, au regard de l'évolution négative des perceptions de l'opinion et des élites américaines concernant les bénéfices de l'échange international et en raison de la place toujours singulière des Etats-Unis dans le monde, de leur primauté contestée au futur mais évidente au présent dans l'économie et la finance mondiale, il paraît plus fécond de s'interroger sur la logique de la politique commerciale de l'administration Trump.
C'est l'un des "vilains petits secrets" des sciences économiques qu'on peut démontrer théoriquement, comme le fait la théorie du "tarif douanier optimal", qu'il fait économiquement sens pour un pays disposant d'un pouvoir de marché, c'est-à-dire une grande puissance importatrice, d'imposer des droits de douane élevés. Selon la théorie, il peut le faire, soit pour bénéficier de termes de l'échange (rapport entre les prix des exportations et ceux des importations) plus favorables, dès lors que la baisse de la demande d'importation induite par plus de protection provoque une baisse des prix des produits importés ; soit pour forcer l'ouverture des marchés des partenaires[8] ; ou encore pour forcer la relocalisation de la production sur le territoire national[9]. Mais, selon les tenants de la théorie du tarif optimal, ce ne sont là que trois façons de présenter la même chose.
I. L'administration a mis en œuvre des mesures contournant les principes de l'OMC pour mener une politique commerciale agressive.
La politique commerciale de l'administration Trump est conforme à la résolution affichée par l'agenda de politique commerciale publié en mars 2018 par le bureau de l´United States Trade Representative (USTR). L'enjeu est clair : recouvrer la pleine liberté d'usage de la puissance économique dans la diplomatie de l'administration. Les objectifs poursuivis sont moins clairs : s'agit-il de de la mise en place d'un protectionnisme pur et simple ? de la mise en œuvre d'un mercantilisme musclé destiné à forcer l'ouverture des marchés et à discipliner les partenaires commerciaux ? de la poursuite d'une stratégie d'endiguement économique de la Chine ? Ces objectifs ne sont pas mutuellement contradictoires et leur poursuite simultanée participe d'un effacement des limites traditionnelles entre sphères économique et sécuritaire, conformément à la National Security Strategy, publiée en décembre 2017.
• L'administration a recouru à des dispositifs légaux américains antérieurs à l'OMC et rarement utilisés...
Le fondement juridique des mesures prises par l'administration Trump montre clairement la volonté de celle-ci de s'exonérer des disciplines de l'OMC pour imposer ou annoncer des droits de douane massifs et discriminatoires sur des montants importants d'importations américaines de biens manufacturés. L'administration ne s'est pas contentée de recourir aux classiques mesures temporaires de défense commerciale face à un afflux soudain d'importations, fondées sur la section 201 du Trade Act de 1974, auxquelles elle a eu recours dès janvier 2018, pour s'attaquer aux importations de cellules et panneaux solaires, de machines à laver et de papier journal.
Elle a déployé des mesures négatrices des principes de l'OMC en usant de dispositions d'exception. D'abord, elle a fait usage de l'exception liée aux considérations de sécurité nationale, prévue par l'article XXI du GATT, pour prendre des mesures unilatérales de restriction des importations de certains produits, sans se soucier de l'évident manque de crédibilité de la démarche. Pour ce faire, elle s'est appuyée sur les dispositions de la section 232 du Trade Expansion Act de 1962 qui permettent au Président de prendre des mesures pour "ajuster" les importations que le Département du Commerce a qualifiées, après enquête inter-agences, de menace pour la sécurité nationale[10]. Franchissant une étape supplémentaire dans le contournement des règles de l'OMC, l'administration a recouru à la section 301 du Trade Act de 1974 qui autorise le Président à suspendre les concessions tarifaires en vigueur ou à imposer des restrictions non-tarifaires aux importations s'il constate qu'un partenaire, en l'occurrence la Chine, viole ses engagements contractuels ou se livre à des pratiques déraisonnables qui entravent ou restreignent le commerce américain. Le recours aux dispositions de la section 301 est d'autant plus emblématique de la démarche de l'administration Trump que les reproches qu'elle fait à la Chine relèvent en principe du mécanisme de règlement des différends dans le cadre de l'OMC, comme l'avait noté dès 1999 un groupe spécial sur les sections 301-310 Trade Act de 1974 réuni à la demande de l'Union européenne[11]. De fait, les Etats-Unis ont de fait rarement fait usage à la section 301 depuis 1995.
• ... pour mettre en œuvre ou annoncer/menacer des mesures de hausse massive des droits de douane sur un quart des importations américaines de biens.
Sur la base de la section 232, l'administration a relevé de manière unilatérale et permanente les droits de douane sur 18 milliards $ (2017) d'importations de certains types d'acier (taxés à 25%) et d'aluminium (taxés à 10%). Sur la même base légale, elle a lancé deux autres enquêtes sur les conséquences des importations pour la sécurité nationale, menaçant de droits de douane de 20% sur plus de 200 milliards $ d'importations d'automobiles et les importations d'uranium. En pratique, les importations les plus concernées proviennent des pays de l'ALENA, de l'Union européenne, du Japon, de la Corée et de la Chine. L'ouverture de négociations à la suite de la rencontre de Jean-Claude Juncker et Donald Trump, a entraîné une exemption des importations d'automobiles européennes. Sur la base de la section 301, l'administration a initialement pris des mesures de taxation à 25% d'environ 50 milliards $ de produits importés de Chine. En août 2018, elle a frappé 200 milliards $ d'importations chinoises d'une taxation à 10%, devant être portée à 25% en 2019, en réponse aux mesures de rétorsion prise par Pékin et pour sanctionner la baisse de la devise chinoise depuis le printemps 2018. En outre, le Président a agité la menace de taxer également le reste des importations en provenance de Chine (près de 270 milliards $).
La valeur des importations concernées par les mesures implémentées, annoncées ou évoquées dépasse 600 milliards $, soit près de 25% des importations totales américaines. Les biens concernés sont des biens manufacturés, intermédiaires, en capital et de consommation durable, frappés, avant les récentes mesures, de droits de douane très faibles en moyenne. Le taux moyen des droits américains sur les importations de produits non-agricoles pourrait ainsi passer de 3% à 6-7% du fait des mesures appliquées, annoncées ou évoquées par l'administration Trump[12] et retrouver un niveau qui était celui des années 1960.
• Les principaux partenaires des Etats-Unis ont pris des mesures en réponse à la politique agressive de la Maison Blanche.
Ils ont ainsi démenti la prédiction de Peter Navarro, conseiller du President -- "I don't believe any country in the world is going to retaliate for the simple reason that we are the most lucrative and biggest market in the world"[13] . À ce stade, les mesures mises en œuvre par l'Union européenne, la Chine, le Canada, le Mexique affectent près de 75 milliards $ d'importations américaines ; les mesures annoncées, par la Chine, le Japon, l'Inde, la Russie et la Turquie porteraient sur 66 milliards $ supplémentaires d'importations en provenance des Etats-Unis. Le total des mesures en vigueur et des mesures annoncées ou évoquées par les partenaires commerciaux des Etats-Unis, près de 140 milliards $, est loin d'égaler les mesures américaines. Les pays ciblés à un titre ou à un autre depuis le début de l'année 2018 ont également ouvert une trentaine de contentieux nouveaux à l'OMC en demandant l'ouverture de consultations[14].
II. La logique économique du révisionnisme de l'administration Trump en matière d'échanges commerciaux internationaux
La présidence Trump, contrairement aux craintes initiales, n'a pas versé dans l'isolationnisme ni le protectionnisme pur et simple. La priorité semble s'être fixée sur l'ouverture des marchés, la révision des accords commerciaux existants et la recherche du fair trade. Ainsi, elle n'a pas rompu avec ce qui constitue, selon l'historien Douglas Irwin, le paradigme de la politique commerciale américaine depuis le Reciprocal Trade Agreements Act (RTAA) de 1934, à savoir la recherche de la réduction des obstacles aux exportations américaines sur la base de la réciprocité[15]. Mais, l'administration Trump est en rupture sur la méthode[16]. Les précédentes administrations se contentaient d'utiliser la menace pour amener les partenaires à accepter de négocier sur la base d'un agenda répondant aux préoccupations et aux intérêts américains comme dans le cas de l'Uruguay Round. L'administration Trump agit pour créer un rapport de force en frappant d'emblée de droits de douanes massifs les importations en provenance des pays accusés de porter atteinte aux intérêts commerciaux américains, en contournant l'esprit, sinon la lettre, des règles de l'OMC.
• Une logique économique : la théorie du tarif douanier optimal.
La théorie du " tarif douanier optimal " n'est pas nouvelle, mais elle est longtemps restée confinée aux marges de la théorie du commerce international. Elle a connu un regain d'attention au cours des 20 dernières années, lorsque des travaux académiques l'ont mobilisée pour expliquer la raison d'être du GATT et de l'OMC[17]. Dans un article proposant une " théorie économique du GATT ", Bagwell et Kyle démontrent que dans un monde hypothétique où les politiques commerciales non-coopératives des États ne seraient pas motivées par l'objectif de modifier à leur profit les termes de l'échange, le GATT ou l'OMC n'aurait aucune raison d'être. Elle a bénéficié d'un gain d'attention depuis le déclenchement de la " guerre commerciale " de Trump, au point que Krugman[18] l'utilise désormais pour analyser la politique commerciale américaine : " any country large enough that it can affect world prices of the goods it exports, the goods it imports, or both, has an "optimal tariff" greater than zero "[19]. Une note récente du Conseil d'analyse économique y fait aussi référence : "[la] littérature économique a montré qu'un grand pays, en exploitant son pouvoir de marché, peut imposer des droits de douane à son avantage pour faire baisser le prix de ses importations ou pour inciter à la relocalisation d'industries sur son territoire "[20].
Divers travaux empiriques ont montré que l'exploitation de leur pouvoir de marché par les États était un phénomène répandu, pratiqué par les pays non-membres de l'OMC; par les pays-membres de l'OMC vis-à-vis des pays exclus des relations commerciales normales ; par les mêmes vis-à-vis des non-membres lors des négociations d'adhésion de nouveaux membres; entre pays membres de l'OMC s'agissant des barrières non-tarifaires, des mesures de sauvegarde ou encore de la fixation des droits de douane effectifs quand les pays-membres se sont ménagés une marge de flexibilité en consolidant des plafonds de droits élevés.
• À quel niveau se situe le tarif douanier optimal des Etats-Unis ?
Le tarif optimal d'un pays est fonction inverse de l'élasticité de l'offre d'exportation du reste du monde qui s'adresse à lui. Or cette élasticité a tout lieu d'être d'autant plus faible que la taille du pays importateur est plus importante et donc son marché plus important pour les exportateurs du reste du monde. De ce fait, en cas de hausse des droits de douane, les entreprises qui exportent vers ce pays voudront préserver leurs parts de marché et compenseront la taxe imposée à leurs produits en baissant leurs prix à la frontière. On peut donc s'attendre à ce que le pouvoir de marché et le tarif optimal d'un grand pays importateur, comme les Etats-Unis, de même d'ailleurs que pour l'Union européenne, soit très élevé[21]. Des travaux reposant sur l'estimation économétrique de l'élasticité de l'offre d'exportation du reste du monde confirment que le tarif optimal américain se situe à des niveaux très élevés, comparables à ceux du Smoot-Hawley Act de 1930. Certains l'estiment à plus de 60% en cas de fixation unilatérale et à 63% en cas de rétorsion des partenaires. D'autres estiment l'élasticité de l'offre des exportations du reste du monde dans nombre de pays. Ils trouvent qu'elle est plus la faible aux Etats-Unis et dans l'Union européenne, 4 à 5 fois plus forte dans le cas du Japon, du Canada, du Mexique ou de la Chine (ce qui implique que ces pays disposent d'un pouvoir de marché nettement plus faible), très forte pour les petits pays, particulièrement les plus pauvres. Les auteurs parviennent à des estimations de tarifs optimaux inférieures de moitié mais néanmoins très élevées par rapport à celle des plafonds de droits consolidés à l'OMC. Raccourci historique saisissant, des taux de droits de douanes moyens de 30% ou +, sont ceux de la loi Smoot-Hawley, que les Etats-Unis appliquent encore à 2 pays, la Corée du Nord et Cuba, auxquels ils dénient le bénéfice de la clause NPF[22] mais qui pourraient bien être généralisés au reste du monde en cas de dislocation de l'OMC.
Seule la menace de rétorsion et de guerre commerciale se traduisant par une envolée générale des droits de douane, aurait historiquement retenu les États d'utiliser leur pouvoir de marché et de fixer les droits de douane de manière non-coopérative. Il est cependant admis par la théorie économique que les " grandes économies " sont les mieux placées pour déclencher et sortir gagnantes d'une guerre commerciale : "if one country is substantially bigger it can expect to gain from a tariff war, despite retaliation. Thus we suggest that big countries win tariff wars". Ils soulignent que l'atout de la taille est un des facteurs recherchés par la formation 'd'union douanière ", comme la CEE. Vu sous cet angle, la politique commerciale américaine depuis 1945 et jusqu'à l'arrivée de D. Trump apparaît marquée par la retenue, même si les Etats-Unis n'ont pas hésité à maintes occasions à utiliser leur poids pour faire pression sur leurs partenaires[23]. Cette retenue s'explique par des motivations extra-économiques, initialement, la volonté des dirigeants américains de prévenir toute guerre commerciale, perçue comme la cause de la montée des antagonismes dans les années 30, puis la volonté de souder les alliances militaires, auxquelles s'est ajouté l'espoir mis dans la capacité des institutions multilatérales de régulation du commerce mondial à ouvrir les marchés des partenaires commerciaux et à discipliner leurs politiques.
• Les mesures prises, annoncées ou brandies à l'encontre de la Chine relèvent d'une autre logique, autant économique que géopolitique.
Les initiatives à l'encontre des partenaires nord-américains, de la Corée et de l'Union européenne semblent relever de la théorie du tarif optimal. Les mesures prises ou brandies visaient expressément à obtenir des concessions en termes d'ouverture de leurs marchés. Non sans un certain succès s'agissant de la Corée du Sud, de laquelle l'administration Trump a obtenu un accord signé le 24 septembre 2018 sur la révision du traité de libre-échange (KORUS) de 2012[24]. De même s'agissant du Canada et du Mexique, qui ont signé le 30 septembre 2018 un accord réformant à la marge l'ALENA, renommée l'U.S.-Mexico-Canada (USMCA) Trade Agreement, mais conformément aux demandes américaines, en introduisant des règles d'origine plus strictes ainsi qu'une clause d'examen après 6 ans et un terme de 16 ans sauf renouvellement par accord des parties[25]. En outre, l'administration Trump a informé le Congrès de son intention d'ouvrir des négociations avec le Japon, l'Union européenne et le Royaume-Uni, "to expand U.S. trade and investment by negotiating trade agreements", selon les termes de Robert Lighthizer[26]. L'Union européenne avait dès l'été 2018 accepté d'ouvrir des négociations. Le communiqué commun publié en juillet annonçait des négociations pour l'abolition des droits de douane, des barrières non-tarifaires et des subventions dans les échanges de biens non-automobiles ainsi que pour réduire les obstacles et intensifier les échanges de services, de produits pharmaceutiques et médicaux et de soja[27].
Il n'en va pas de même de l'action à l'encontre de la Chine au titre de la section 301 du Trade Act de 1974. L'enquête diligentée par l'USTR de même que les mesures tarifaires prises ou annoncées à la suite de cette enquête se situent dans le cadre de dispositifs renforcés de défense commerciale mais leurs implications vont bien au-delà. Les griefs soulevés par l'administration ciblent des pans entiers de la politique industrielle et commerciale chinoise tandis que les mesures prises ou annoncées, qui taxeront lourdement (jusqu'à 25%) l'essentiel des exportations de la Chine, laissent peu de place pour une négociation avec Pékin. D'ailleurs, le Président s'y refuse explicitement pour le moment : "China wants to talk very badly", a-t-il assuré en même temps qu'il rendait public l'accord avec le Canada et le Mexique, ajoutant : "and I said, frankly, it's too early to talk. Can't talk now because they're not ready. Because they have been ripping us for so many years, it doesn't happen that quickly"[28].
Il ressort clairement des propos du vice-président américain que l'administration n'attend rien de moins qu'une soumission de la Chine[29]. Au-delà de la dénonciation du comportement déloyal de la Chine et de la déploration du pari perdu de l'Amérique sur la transformation économique et politique de la Chine[30], l'enjeu de plus en plus manifeste de la politique commerciale de l'administration Trump vis-à-vis de Pékin est de contrer l'essor d'un pays désigné comme concurrent stratégique et accusé de se livrer à une agression économique contre la sécurité et la prospérité des Etats-Unis. Le concept d'agression économique, inédit dans un document officiel du gouvernement américain, est évoqué dès décembre 2017 dans la National Security Strategy. Il est développé dans une publication des services de Peter Navarro, conseiller pour les questions commerciales : How China's Economic Aggression Threatens the Technologies and Intellectual Property of the United States and the World. Il est repris dans le discours remarqué de M. Pence sur la politique chinoise.
Les massives mesures tarifaires prises ou annoncées à l'encontre des produits chinois s'inscrivent dans une démarche plus générale visant à limiter la contribution de l'accès aux marchés et aux technologies américains au développement de l'économie et de la puissance de la Chine. Un continuum de dispositifs a été créé ou renforcé à cet effet. La réforme du Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS) contenue dans le Foreign Investment Risk Review Modernization Act (FIRRMA) de 2018 est parmi les plus significatives[31]. Les restrictions imposées début octobre 2018 aux exportations nucléaires vers la Chine s'inscrivent dans la même démarche de restriction de l'accès de la Chine aux marchés et capitaux américains[32]. Elles sont complétées de manière plus ciblée par les nombreuses sanctions imposées à des firmes chinoises accusées d'avoir contrevenu à des régimes d'embargo sur les transactions avec des entités sanctionnées par les Etats-Unis. Le cas de la firme de télécommunication ZTE et celui du fabricant de micro-processeurs Fujian Jinhua Integrated Circuit Co, interdites (la première temporairement) d'accès aux intrants fabriqués par des firmes américaines, fournissent des exemples. La désignation de Pékin comme manipulateur de sa monnaie n'a pas à ce stade été ajoutée à l'arsenal de mesures destinées à ostraciser et à affaiblir l'économie chinoise. Mais, ne négligeant aucun domaine, l'administration a annoncé le retrait de l'Union postale internationale, dont les dispositions contraignaient Washington (et les autres pays développés) à accorder une tarification avantageuse aux paquets postaux de faible poids venant de Chine (et à d'autres pays en développement)[33].
• On peut tenir pour assuré que, ni l'OMC, ni aucune contrainte économique, encore moins les plaintes venues des milieux économiques américains[34], ne suffiront à endiguer les initiatives américaines.
Des dirigeants enorgueillis par la vigueur retrouvée de la croissance outre-Atlantique, persuadés que les accords commerciaux existants jouent au détriment de l'économie de leur pays et se disant prêts à les défaire faute de pouvoir les réformer, qui expriment une vision négative de l'insertion de l'économie américaine dans les chaînes de valeur globales et souhaitent publiquement le redéploiement des activités et des emplois des multinationales[35], qui s'alarment de la dépendance de l'économie américaine, notamment la base industrielle de la défense nationale, aux produits et aux capitaux chinois et qui, plus généralement, cherchent à endiguer l'essor de la Chine, perçue comme une rivale stratégique, en bridant son accès aux ressources économiques, technologiques et financières des États-Unis. "When I came, we were heading in a certain direction that was going to allow China to be bigger than us in a very short period of time". "That's not going to happen anymore"[36].
Il faut s'attendre à ce que l'administration américaine s'efforce de rallier ses alliés et partenaires à sa démarche d'endiguement économique de la Chine. Elle les a déjà utilisés, à leur insu, en faisant démonstration de sa détermination à taxer les importations en provenance d'alliés aussi proches que le Canada, l'Union européenne ou la Corée. Le nouvel accord nord-américain, que l'administration a cité comme un exemple à suivre pour de futurs accords de libre-échange[37], comporte une clause anti-Chine au travers de l'article 32.10 al.4 qui dispose : "Entry by any Party into a free trade agreement with a non-market country, shall allow the other Parties to terminate this Agreement on six-month notice and replace this Agreement with an agreement as between them (bilateral agreement)"[38].
III. conséquences de la politique commerciale de l'administration Trump.
Deux types de conséquences : celles pour l'économie mondiale qui sont sévères mais non catastrophiques, même dans les scénarios les plus extrêmes d'effondrement du commerce international ; et celles pour l'ordre et la gouvernance au niveau mondial, qui sont dévastatrices, même dans les scénarios les plus modérés de déroulement des conflits commerciaux.
• Les conséquences économiques : sévères pour le commerce mais non catastrophiques pour l'économie dans son ensemble, même dans les pires scénarios de guerre commerciale généralisée.
Au plan strictement économique, les conséquences directes et indirectes de la politique commerciale de l'administration Trump sur le commerce international et l'économie des pays concernés sont conditionnées par l'ampleur des mesures douanières des Etats-Unis et de la réponse des pays ciblés.
À court-moyen terme, l'effet des mesures prises et annoncées (n'incluant pas les droits évoqués sur la totalité des importations en provenance de Chine) et des rétorsions des pays ciblés est limité, car ces mesures ne portent que sur une portion faible des échanges. Selon les simulations du FMI, l'impact des mesures serait négatif pour les Etats-Unis (-0.2 point de PIB à l'horizon de 2 ans, -0.3 point sur un horizon de 5 ans), moins que pour la Chine (-0.6 point de PIB ramené à -0.4 point sur un horizon de 5 ans) ; l'effet serait négligeable pour l'Union européenne et le Japon ; comparable à celui des Etats-Unis dans le cas du monde dans son ensemble. Il faut ajouter des mesures tarifaires supplémentaires de la part des Etats-Unis, des mesures de rétorsion de leurs partenaires et des effets liés à l'incertitude et la dégradation des conditions financières sur les marchés, pour modéliser un impact macro-économique plus substantiel : -1 point pour les Etats-Unis, - 1.6 point pour la Chine, - 0.8 point pour le monde[39]. Dans l'hypothèse d'une " guerre commerciale " généralisée, qui pourrait résulter d'une cascade de mesures de mesures de hausse des droits de douane, l'impact sur le commerce international et l'économie mondiale serait massif. D'abord, un nombre important de pays pourrait être impliqué. Ensuite, les droits de douane qu'ils pourraient appliquer les uns vis-à-vis des autres pourraient s'envoler et converger vers les droits de douane optimaux que suggère la théorie en cas de rupture de la coopération en la matière. Certains estiment que le niveau de protection douanière des principales puissances économiques (Union européenne, Etats-Unis, Chine, Japon, Brésil, Inde) pourrait augmenter de 60 points si celles-ci fixaient leurs droits de douanes unilatéralement. D'autres s'arrêtent à une augmentation moyenne inférieure (30 points), mais néanmoins considérable, dont + 14 points pour les Etats-Unis et + 25 points pour l'Union européenne.
L'effet de telles augmentations de droits de douane serait dévastateur pour les flux de commerce international. Se basant sur un modèle théorique simple, Krugman (calcule que la chute des exportations mondiales pourrait atteindre 70%, ce qui ramènerait la mondialisation (mesurée par le poids des exportations dans le PIB mondial) à son niveau des années 1950. Mais l'effet sur l'économie (le PIB) serait d'ampleur bien moindre pour un grand pays. L'économiste calcule qu'il se traduirait par une baisse permanente du PIB de 2% dans le cas des Etats-Unis[40]. Notant que la perte de PIB par rapport au potentiel provoquée par la crise de 2008 a atteint un maximum (temporaire, concède-t-il) de 6%, il commente : "simple trade models, while they do say that trade wars are bad, don't say that they're catastrophic". Une simulation des effets d'une guerre commerciale présentée par le Conseil d'analyse économique tablant sur une augmentation de 60% des droits de douane sur les biens manufacturiers, débouche sur des résultats conformes aux intuitions théoriques de Krugman. Les effets sur le commerce international sont massifs : pour la France, un tel scénario entraînerait une baisse du commerce extra‐UE de 42%. La perte de PIB est bien moindre. Elle serait de 3% pour l'Union européenne, dont 3% pour l'Allemagne et moins de 2,5% pour la France, contre 3,5% pour les Etats-Unis, 3,3% pour la Chine, 5,2% pour l'Inde, 5,9 % pour le Japon, 7.2% pour la Russie. La chute de PIB pour la France (-2.5%) est à rapprocher de la perte de PIB par rapport au potentiel qu'a subi la France suite à la grande récession de 2008-2009 (-5,5%)[41]. La simulation du CAE fait ressortir que les pays de l'Union européenne sont en partie protégés par leur appartenance au marché intérieur européen. Ces estimations ne tiennent pas compte des effets dynamiques négatifs d'une hausse des barrières douanières sur la croissance de long terme, notamment via l'apparition d'une économie administrée[42] et l'affaiblissement de la concurrence peu favorables à l'innovation et à la bonne allocation des facteurs de production. Un scénario de guerre commerciale limité aux États-Unis et à la Chine, avec un tarif de 25% appliqué à l'ensemble des produits échangés entre les deux pays, provoquerait une baisse de 60% des échanges bilatéraux et une redirection partielle des flux vers le reste du monde se traduisant notamment par une hausse des exportations chinoises vers l'Union européenne (+10%) et que des exportations européennes vers les États-Unis (+ 7%)[43].
• Un impact délétère pour la gouvernance des échanges commerciaux mondiaux et la coopération internationale.
L'agenda de politique commerciale publié en mars 2018 par l'administration Trump mentionne la réforme du système commercial multilatéral comme l'un des principaux objectifs précisant : "the Trump Administration wants to help build a better multilateral trading system and will remain active in the World Trade Organization (WTO")[44]. En pratique, la politique commerciale menée par l'administration Trump menace doublement l'organisation mondiale du commerce : en prenant le risque de fragmenter durablement les échanges mondiaux et en minant la régulation multilatérale incorporée dans l'OMC. Les États les plus proches des Etast-Unis, par la géographie, les liens économiques et financiers, les valeurs et les alliances militaires, et qui, de plus partagent les frustrations et les griefs formulés par Washington à l'encontre de la Chine, ont pris acte de la détermination de la politique de l'administration et ont cherché à préserver leurs intérêts en acceptant, sous la pression et la menace de droits de douane, de modifier les accords commerciaux existants (Corée, Mexique, Canada) ou d'en négocier de nouveaux (Japon, Union européenne). Dans le contexte actuel de tensions entre les Etats-Unis et la Chine, les accords commerciaux préférentiels sont attractifs car ils sont une "police d'assurance" commerciale en procurant une certaine garantie juridique à l'accès aux marchés. Ils constituent également une "police d'assurance" géopolitique en reconnaissant l'existence d'intérêts réciproques, y compris entre puissances rivales, comme l'illustre le rapprochement en cours entre le Japon et la Chine. Toutefois, le résultat d'une multiplication d'accords bilatéraux (dont la conformité aux principes de l'OMC n'est pas acquise) sera une impulsion supplémentaire à la fragmentation des échanges mondiaux de biens et de services. Le phénomène n'est pas nouveau[45] : à la mi-2018, l'OMC recense 288 accords commerciaux régionaux (ACR) en vigueur, contre 179 en 2008 et 64 en 1998[46]. La multiplication de ces accords risque de se faire aux dépens du multilatéralisme. Les accords commerciaux préférentiels instituent essentiellement une réduction des obstacles au commerce et à l'investissement direct entre un nombre limité de partenaires. Ils sont par nature discriminatoires et constituent ainsi une exception au principe fondamental du système multilatéral de non-discrimination entre les partenaires commerciaux, autorisée, sous réserve du respect de certaines règles, par l'article XXIV du GATT. Une réorganisation du commerce mondial autour d'accords bilatéraux, comportant leurs propres règles d'origine, leurs normes "profondes" et dotés de mécanismes propres de résolution des conflits[47] impliquerait en elle-même un affaiblissement de l'OMC et une dilution de la gouvernance mondiale. Elle serait incapable de rétablir le niveau de confiance sur la solidité des engagements réciproques procurée par l'OMC et du coup de garantir aux opérateurs économiques la visibilité de long terme indispensable aux choix en matière d'exportation, de production et d'investissement.
La logique de la politique de l'administration à l'égard de Pékin comporte un risque plus grave, celui de partitionner l'économie mondiale en deux blocs commerciaux et financiers rivaux, l'un centré sur les Etats-Unis, l'autre sur la Chine. Certes, pour la Chine, être cantonnée à un " monde chinois " à construire n'est pas une perspective optimale. Cela limiterait l'accès de ses entreprises à des marchés, biens, services, technologies et financements indispensables, dont ses ambitions n'ont pas suffi à lui garantir la disponibilité dans un futur proche. La Chine importe près de la totalité des microprocesseurs haut de gamme qu'elle utilise dans fabrication d'ordinateurs et de serveurs. Elle dépense plus en importations de microprocesseurs (son premier poste de dépenses d'importations : 261 milliards $ en 2017), qu'en importations de pétrole brut (163 milliards $)[48]. "We are still decades behind developed countries and the road to becoming a great manufacturing power remains long," a admis publiquement un directeur du ministère chinois de l'industrie et des technologies de l'information[49]. De plus, la Chine serait privée des avantages qu'elle tire de l'ambiguïté de son statut au sein de l'OMC et des libertés qu'elle prend avec les règles de cette dernière concernant le rôle des entreprises étatiques, les subventions publiques et la protection de la propriété intellectuelle. Néanmoins, sauf à amener rapidement celle-ci à se soumettre en faisant droit aux demandes américaines, il est probable que la politique commerciale de l'administration Trump incitera la Chine à accélérer ses efforts pour construire un réseau mondial de relations économiques alternatif à celui dominé par les Etats-Unis. Selon Mohamed El-Erian, économiste en chef d'Allianz, cela impliquerait de s'appuyer sur l'extension d'accords de paiements bilatéraux avec les pays en développement, sur la mise en place de nouvelles institutions internationales et sur le renforcement de son influence régionale à travers l'initiative BRI[50]. La situation ainsi créée ne ressemblerait guère à celle de la Guerre froide, dans laquelle l'adversaire soviétique n'était pas un concurrent économique crédible. Cherchant à affaiblir le dynamisme de la Chine et sa marche vers la première place dans l'économie mondiale en imposant à la Chine embargo partiel sur l'accès aux marchés, technologies, financements, et plus généralement, aux ressources y compris institutionnelles, des Etats-Unis, la politique de l'administration Trump vis-à-vis de Pékin revient à appliquer une logique élargie de sanctions. Cette politique sera nécessairement confrontée à de lancinantes interrogations sur son efficacité et ne saurait constituer une stratégie dominante, au sens de la théorie de jeux. Elle a vocation à être abandonnée, éventuellement par proclamation unilatérale de la victoire, ou à faire place à une autre stratégie reposant sur d'autres moyens que l'économie, pour contenir l'ascension de la Chine.
***
Les tensions dans le système commercial mondial vont perdurer. Du côté américain, la politique de l'administration Trump bénéficie d'un soutien bipartisan, fondé sur la conversion au nationalisme économique du parti républicain, traditionnellement favorable au libre-échange, la méfiance traditionnelle du parti démocrate à l'égard du libre-échange et de la mondialisation, encore renforcée par la montée en son sein de la gauche socialisante, et un durcissement également bipartisan de l'attitude américaine vis-à-vis de la Chine. Il est donc probable que la politique commerciale de l'administration, y compris dans ses dimensions géopolitiques ne sera pas fondamentalement remise en cause, même en cas de victoire démocrate lors de scrutins législatifs et présidentiels des prochaines années.
S'agissant de la Chine, ses dirigeants n'ont pas manqué l'occasion de camper en champions du multilatéralisme commercial dès l'orée de la présidence Trump, mais ils ont manifestement été pris de court[51] par la vigueur et la détermination des coups portés par Washington aux intérêts chinois. Ils n'ont pas arrêté de stratégie pour les contrer, se contentant de mesures limitées de rétorsion douanière et de soutien à l'économie, principalement monétaires, à ce stade. L'intérêt évident de Pékin à la préservation d'un système commercial ouvert devrait l'inciter à accepter de négocier des aménagements apaisant les demandes les plus pressantes des Etats-Unis et de l'Union européenne.
Les valeurs comme les intérêts de l'Union européenne et ses Etats membres de même que l'impact commercial mineur (et plutôt positif) pour eux d'une guerre commerciale USA-Chine limitée, les conditionnent à se poser en défenseurs du multilatéralisme commercial et à se proposer comme médiateurs entre les Etats-Unis et la Chine. Comme l'a déclaré Pascal Lamy, "[w]ether we like Trump or not — and I do not like Trump, I think he must be credited with one thing, which is to have put this issue of WTO reform on the table"[52]. En conformité avec le " gattopardisme[53] " qui caractérise la plupart ses initiatives, l'Union européenne a présenté une approche globale de la modernisation de l'OMC et commencé à nouer le dialogue avec d'autres partenaires, notamment les États-Unis et le Japon, dans le cadre des discussions trilatérales, et la Chine, au sein du groupe de travail spécialisé mis en place lors du dernier sommet UE-Chine.
À ce stade des tensions entre la Chine et les Etats-Unis, le narratif européen et le contenu de ses propositions de réforme des dispositions de l'OMC concernant les subventions, la définition des entreprises publiques et le mécanisme de règlement des différends convergent avec les positions américaines, dans l'espoir de prévenir un retrait américain et de convaincre la Chine de faire les concessions attendues par l'Union européenne et les États-Unis. La posture européenne ne devrait évoluer que dans le cas extrême, envisagé par Pascal Lamy, Pierre Vimont et autres[54], où la rivalité américano-chinoise s'aiguiserait au point que les États-Unis décideraient d'imposer à la Chine des sanctions allant au-delà des mesures commerciales actuelles et d'en forcer l'application de manière extraterritoriale, en s'appuyant sur des précédents tels que celui de l'Iran. Dans ce cas, l'Union européenne pourrait être tentée d'opposer son propre pouvoir de marché, comparable à celui des Etats-Unis en prenant des mesures de rétorsion, sur le plan commercial, voire au-delà, en mettant en place des dispositifs extraterritoriaux européens. Mais, l'Union européenne serait confrontée à un dilemme stratégique testant les liens d'alliance transatlantique en même temps que l'aspiration à l'autonomie stratégique européenne.
[1] Office of the United States Trade Representative, 2018 Trade Policy Agenda and 2017 Annual Report of the President of the United States on the Trade Agreements Program, mars 2018, p. 2.
[2] "World Trade Organization is a disaster", D. Trump, Meet the Press, juillet 2016.
[3] "If they don't shape up, I would withdraw from the WTO," a déclaré D. Trump said Thursday lors d'une interview donnée à Bloomberg News à la Maison Blanche. Cité in John Micklethwait, Margaret Talev, and Jennifer Jacobs, "Trump Threatens to Pull U.S. Out of WTO If It Doesn't 'Shape up", Bloomberg News, 30 août 2018.
[4] Vraisemblablement, elle devrait pour se faire obtenir du Congrès le vote d'une loi modifiant loi l'Uruguay Round Agreements Act de 1994. Voir, par exemple, Bown and Irwin (2018).
[5] Dont 4 visant les mesures prises par certains commerciaux des E.U. en réponse aux mesures de taxation des importations américaines, d'acier et d'aluminium.
[6] Dean Acheson, Present at the Creation: My Years in the State Department, Norton, 1969.
[7] "The Reagan and Bush administrations wanted to create it. The Clinton, Bush and Obama administrations tried to strengthen it. Now we have an administration that is very skeptical of it, and some would say has tried to undermine it". Douglas Irwin, cité par Ana Swanson, "Once the W.T.O.'s Biggest Supporter, U.S. Is Its Biggest Skeptic", New York Times, 10 décembre 2017.
[8] Voir Bagwell and Staiger (2000) : "Indeed, the terms-of-trade logic can be completely recast in terms of market access concerns".
[9] Voir Ossa (2011) : "While trade policy makers are assumed to maximize domestic welfare in the model, their tariff choices are exactly as if they maximized the number of domestic manufacturing firms. And since the number of domestic manufacturing firms translates directly into the number of domestic manufacturing jobs, this is equivalent to maximizing the number of domestic manufacturing jobs".
[10] Les dispositions de la section 232 n'ont été que rarement utilisées : 26 fois de 1963 à 2017, dont 5 seulement, toutes relatives aux produits pétroliers, ayant débouché sur une action présidentielle.
[11] OMC, DS 152. États-Unis — Sections 301 à 310 de la Loi de 1974 sur le commerce extérieur. Le groupe spécial de l'OMC a jugé que l'existence même de la section 301 pouvait être interprétée comme contraire aux traités de l'OMC, soulignant que "the threat alone of conduct prohibited by the WTO would enable the Member concerned to exert undue leverage on other Members" mais que le Statement of Administrative Action, signé par le Président Clinton et approuvé par le Congrès en même temps que l'Uruguay Round Agreements Act, exonérait les EU en engageant l'exécutif à s'abstenir d'appliquer la section 301 de manière contraire aux obligations des EU vis-à-vis de l'OMC. Voir Jeanne A. Smith, "Dispute Settlement in the World Trade Organization (WTO): An Overview", CRS Reports for Congress, 26 novembre 2012.
[12] Estimé à partir des données sur les droits de douanes collectées par l'OMC. Voir USA. Tariffs and imports : summary and duty range, WTO (consulté le 16 août 2018).
[13] Propos tenus lors d'une interview par Chris Walla, sur Fox News, 4 mars 2018. Voir la transcription in White House trade adviser makes the case for tariffs, foxnews.com, 4 mars 2018.
[14] Voir OMC, Liste chronologique des différends. Consultée le 24 octobre 2018.
[15] Cela en opposition aux politiques menées de l'indépendance des EU à la guerre de Sécession qui visaient en priorité la maximisation des revenus douaniers, puis des années 1870 aux années 1930, qui visaient en priorité la protection des producteurs nationaux. " These three Rs - revenue, restriction, and reciprocity, have been the main purposes of US trade policy." Voir Douglas A. Irwin, Clashing over commerce : a history of US trade policy, The University of Chicago Press, 2017, p. 2.
[16] Cité in 'Where Do We Have Tariffs?' Trump Asks. Here's a List", Wall Street Journal, 24 octobre 2018.
[17] Dont Rose (2004) avait montré empiriquement qu'ils n'avaient pratiquement pas d'effet sur les flux commerciaux. Des travaux ultérieurs ont fortement critiqué et nuancé les résultats de Rose. Voir Tomz et al. (2007 et Subramanian and Wei (2007). Dutt et al. (2011) montrent que l'appartenance à l'OMC a un effet positif sur l'augmentation du nombre de produits échangés mais pas sur les flux de produits échangés avant l'adhésion.
[18] Voir, par exemple : "There is an intellectually respectable case for deviating from free trade. One argument that is clearly valid in principle is that countries can improve their terms of trade through optimal tariffs and export taxes. This argument is not too important in practice, however". Krugman, Obstfeld and Melitz (2012), p. 249.
[19] Voir Paul Krugman, "Thinking About a Trade War (Very Wonkish)", New York Times, 17 juin 2018.
[20] Jean, Martin et Sapir (2018), p. 4.
[21] C'était la conclusion à laquelle étaient parvenus Hamilton et Whalley (1980) : "We feel that a 'best guess' set of post-retaliation tariffs are indicated to be in excess of 50 percent (and possibly significantly higher) for the United States and the EEC, while being somewhat less for Japan due to its relative size. We also suggest that tariffs of 50 percent plus which occurred in the early 1930s might not be too far out of line with post-retaliation optimal tariffs".
[22] Les Etats-Unis appliquent à ces pays les droits de la colonne 2 du tarif harmonisé (United States harmonized tariff schedule, HTS). Voir Column 1 / Column 2 / MFN / N1TR - Countries the U.S. can do business with, CPB information Center, U.S. Customs and Border Protection. Cuba et la Corée du Nord sont par ailleurs soumises à des sanctions qui interdisent à leurs produits d'entrer sur le marché américain.
[23] Y compris lors des négociations dans le cadre de l'Uruguay Round. Voir Irwin (2017), pp. 644-689, passim.
[24] Voir "U.S -South Korea (KORUS) FTA", In Focus, Congressional Research Service, 28 septembre 2018.
[25] Voir "Proposed U.S.-Mexico-Canada (USMCA) Trade Agreement", In Focus, Congressional Research Service, 5 octobre 2018.
[26] Voir Trump Administration Announces Intent to Negotiate Trade Agreements with Japan, the European Union and the United Kingdom, Office of the U.S. Trade Representative, 16 octobre 2018.
[27] Voir Joint U.S.-EU Statement following President Juncker's visit to the White House, 25 juillet 2018.
[28] Voir Donna Borak and Kevin Liptak, President Trump says it is 'too early' for trade talks with China to restart, CNN, 1er octobre 2018.
[29] Vice President Mike Pence's Remarks on the Administration's Policy Towards China, Hudson Institute, 4 octobre 2018
[30] Pari auquel l'adhésion n'a pas été générale aux ÉU. Certains experts universitaires, issus de la mouvance nationaliste, se sont précocement alarmés de l'essor de la Chine, au point de préconiser une sorte de containment économique. Voir John Mearsheimer : "[...] it is not too late for the United States to [...] do what it can to slow the rise of China", in The Tragedy of Great Power Politics, New York: W.W. Norton, 2001, p. 402.
[31] Ce dernier resserre la régulation des investissements directs aux EU en introduisant une procédure de déclaration obligatoire dans certains cas ; en élargissant le champ des investigations aux transactions immobilières situées à proximité immédiate d'une installation militaire ou autre liée à la sécurité nationale, aux investissements minoritaires dans des entreprises américaines impliquées dans des technologies critiques, des infrastructures critiques ou la collecte de données sensibles sur des citoyens américains, aux transactions dans lesquelles un gouvernement étranger a un intérêt substantiel direct ou indirect et aux transactions ou arrangements destinés à contourner le CFIUS ; en autorisant le CFIUS à discriminer les investisseurs potentiels en fonction de leur pays d'origine ; en allongeant les délais d'instruction des investigations.
[32] Voir Kate O'Keeffe and Timothy Puko, "U.S. Strengthens Controls on Nuclear Technology Exports to China", Wall Street Journal, 11 octobre 2018.
[33] Voir Justin Sink and Alyza Sebenius, Trump to Withdraw U.S. From Postal Treaty, Squeezing China, Bloomberg, 17 octobre 2018. Selon la porte-parole de la Maison-Blanche, "[t]he president wants to adopt "self-declared rates" as soon as practical, and no later than Jan. 1, 2020. If negotiations are successful, the administration is prepared to rescind the notice of withdrawal and remain in the UPU". Ibidem.
[34] Plaintes d'ailleurs bien atténuées par le désenchantement à l'égard de la Chine qu'expriment désormais certains " vieux amis de la Chine : "The American business community has turned from advocate to sceptic and even opponent of past US policies toward China. How can it be that those who know China best (. . ). and have advocated for productive relations in the past, are among those now arguing for confrontation?" a déclaré l'ancien secrétaire du Trésor de G.W. Busch, Henry Paulson said. Cité in Jamil Anderlini, "American executives are becoming China sceptics. Those who know Beijing best are following Trump in agitating for confrontation", Financial Times, 14 novembre 2018.
[35] "In my consultations, Trump administration officials have told me bluntly that US business has sold their souls and IP to gain a foothold in China," explique Michael Allen, un ancient member du NSC sous la présidence Bush Jr. devenu conseiller d'entreprise sur les questions de sécurité. "They speak in terms of breaking the dependence [between the two countries] and [say] 'it will hurt now, but you'll thank us later' ". Cité in Rana Foroohar, "New investment rules will squeeze US-China flows. Corporate America will be forced to rethink its approach to overseas deals", Financial Times, 12 août 2018.
[36] Cité par Toluse Olorunnipa, Trump Says China No Longer on Quick Path to Be Bigger Than U.S., Bloomberg, 22 août 2018
[37] "People can come to understand that this is one of your prerequisites to make a deal", a déclaré le Secrétaire américain au commerce. Cité par David Lawder, Karen Freifeld, Exclusive: U.S. Commerce's Ross eyes anti-China 'poison pill' for new trade deals, Reuters, 5 octobre 2018.
[38] Voir United States-Mexico-Canada Agreement Text, disp. sur le site : https://ustr.gov/trade-agreements/free-trade-agreements/united-states-mexico-canada-agreement/united-states-mexico.
[39] Voir Perspectives de l'économie mondiale, FMI, octobre 2018, p. 35-37.
[40] Perte de Pib : baisse des importations*part des importations dans le Pib*1/2 droit de douane moyen, soit, dans le cas américain : .7*.2*30%/2 = 2.1%. Selon Krugman, la prise en compte des chaînes de valeur ne modifie pas les termes de ce calcul. Voir Paul Krugman, "Supply Chains and Trade War(Very Wonkish)", New York Times, 10 août 2018.
[41] Calculé à partir de la base de données macro-économiques de la Commission européenne (Ameco).
[42] Un phénomène déjà perceptible aux EU au travers de la gestion des exemptions à la suite de l'augmentation des droits de douanes sur l'acier et l'aluminium. " Tariffs are taxes, which distort investment and limit growth. And like taxes, when tariffs are high they create a political incentive for exemptions and favoritism. Behold the Commerce Department's new and tortuous process for reviewing exemptions to steel and aluminum tariffs. This is everything Republicans typically claim to hate". Voir "Trump's Political Tariff Bureaucracy", Wall Street Journal, 6 août 2018.
[43] Voir Bellora, Jean et Santoni (2018).
[44] 2018 Trade Policy Agenda and 2017 Annual Report of the President of the United States on the Trade Agreements Program, Office of the United States Trade Representative, mars 2018, p. 2.
[45] Voir Patrick Allard, " Pour une organisation mondiale du commerce ", Critique Internationale, 2001/2, n°11, pp. 105-126.
[46] Source : Base de données sur les ACR, OMC. Disp. sur le site : http://rtais.wto.org/?lang=2
[47] Voir Patrick Allard, " ORDalie ou multilatéralisme efficace ? La résolution des conflits au sein de l'OMC ", Les carnets du CAP, n° 5, printemps 2007, pp. 31-41.
[48] Source : Trade Map, International Trade Center.
[49] Cité par Yuan Yang and Lucy Hornby, "China raises alarm over its dependency on imported chips", Financial Times, 19 juillet 2018.
[50] Mohamed El-Erian, "A Trump trade war victory should matter to investors", Financial Times, 1er octobre 2018
[51] L'ambassadeur chinois à Washington est encore en quête des bons interlocuteurs dans dans l'administration. Selon lui, les diplomates en poste "don't know who is the final decision-maker. Of course, presumably, the president will take the final decision, but who is playing what role? Sometimes it could be very confusing". Cui Tiankai, interview sur Fox News, 19 octobre 2018.
[52] Cité par Alan Beattie, "WTO suffers collateral damage from Trump and China", Financial Times, 210 octobre 2018.
[53] En référence à la phrase célèbre du roman de Lampedusa, Le Guépard : "Si nous voulons que tout reste tel que c'est, il faut que tout change ".
[54] Bérard, Marie-Hélène, Farid Fatah, Pascal Lamy, Louis Schweitzer, Pierre Vimont (2018).**
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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