Andrzej Duda est le nouveau président de la République de Pologne

Élections en Europe

Corinne Deloy

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26 mai 2015
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Andrzej Duda est le nouveau président de la République de Pologne

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Le vote des Polonais est aussi bien l'expression de leur désir de changement que la marque d'un sentiment d'usure du pouvoir dont est victime la Plateforme civique, au pouvoir dans le pays depuis huit ans. " Les Polonais veulent un changement. Ils veulent voir partir la génération qui gouverne la Pologne depuis 25 ans " a indiqué Eryk Mistewicz, analyste politique. " Le 1er tour de scrutin a montré que les électeurs étaient fatigués des élites actuelles, du système de gouvernement actuel " a souligné Maciej Gdula, sociologue à l'université de Varsovie. Les Polonais ont vu en Bronislaw Komorowski, qui avait fait campagne sur la sécurité et la continuité qu'il souhaitait incarner, le représentant de ces élites tandis qu'ils ont estimé qu'Andrzej Duda, 43 ans, était porteur d'un espoir de changement. " Ceux qui ont voté pour moi ont voté en effet pour le changement. Je suis profondément convaincu que nous sommes en mesure de reconstruire la communauté nationale dans notre pays, que nous pouvons être ensemble et redresser ensemble ce pays " a déclaré le vainqueur du scrutin à l'annonce des premiers résultats.

Le résultat montre clairement un pays coupé en deux, électoralement parlant, avec l'ouest et le nord de la Pologne votant pour le président sortant et l'est et une partie du sud pour le candidat du PiS.

Source : Commission électorale polonaise http://prezydent2015.pkw.gov.pl/325_Ponowne_glosowanie

La mauvaise campagne de Bronislaw Komorowski

Le président de la République sortant peut se reprocher la mauvaise qualité de sa campagne électorale. Bronislaw Komorowski a négligé son principal adversaire (et même ses adversaires puisque le candidat indépendant, Pawel Kukiz a obtenu une surprenante 3e place le 10 mai dernier) et a commis l'erreur, fatale de considérer ce scrutin présidentiel comme une simple formalité.

La défaite est sévère pour l'homme mais également pour son parti, la Plateforme civique, sous la direction de laquelle la Pologne a connu depuis 2007 la plus forte croissance économique de son histoire (+ 20% au total) et une nette amélioration du niveau de vie des Polonais. La Pologne est d'ailleurs le seul Etat membre de l'Union européenne à ne pas avoir connu de récession depuis la crise économique de 2008.

La Pologne a également su trouver sa place au sein de l'Union européenne où elle est un pays respecté et écouté, ce dont témoigne la nomination de l'ancien Premier ministre (2007-2014) Donald Tusk (PO) à la présidence du Conseil européen le 1er décembre dernier.

De nombreux Polonais considèrent néanmoins qu'eux-mêmes ou beaucoup de leurs compatriotes ne bénéficient pas, ou pas suffisamment, des fruits de la croissance.

Durant l'entre-deux tours, Bronislaw Komorowski avait fait de nombreuses promesses : la création de 100 000 emplois pour les jeunes (ces derniers représentant 40% de son électorat selon les sondages sortie des urnes), un référendum sur une modification du mode de scrutin (abandon du système de la représentation proportionnelle et mise en place d'un système uninominal majoritaire pour la Diète, chambre basse du parlement) - l'un des points du programme de Pawel Kukiz - et la possibilité de partir à la retraite après 40 années de travail.

Bronislaw Komorowski avait également remporté, aux dires des instituts d'opinion, le premier duel télévisé qui l'avait opposé à Andrzej Duda le 17 mai. Le deuxième qui avait eu lieu quatre jours plus tard, le 21 mai, avait été plus équilibré. 11 millions de Polonais ont suivi ces débats télévisés.

Le président de la République sortant avait également reçu le soutien du président du Conseil européen, Donald Tusk. Celui-ci, en visite le 15 mai dernier à Gdansk, avait en effet mis en garde ses compatriotes contre les hommes politiques qui remettent en cause l'intégration européenne. Bronislaw Komorowski avait enfin reçu l'appui du dirigeant du Parti paysan polonais (PSL), le ministre de l'Economie Janusz Piechocinski, et de l'ancien chef de l'Etat (1995-2005) Aleksander Kwasniewski. " Etant donné la situation qui prévaut dans les pays voisins de la Pologne, nous avons besoin d'un président expérimenté et non d'un président expérimental " avait souligné ce dernier.

Mikolaj Czesnik, politologue, envisage désormais deux avenirs pour la Plateforme civique à la suite de cette élection présidentielle : " Le premier, c'est la désintégration du parti : tout le monde se disperse dans la crainte d'un échec aux élections parlementaires (qui auront lieu cet automne). Un ou deux partis nouveaux seront alors créés pour la remplacer. Le deuxième suppose une réflexion sur la manière de mobiliser ceux, malgré tout très nombreux, qui ont soutenu Bronislaw Komorowski. Si cela réussissait, la Plateforme civique pourrait encore remporter les élections parlementaires " a t-il déclaré.

Inconnu il y a encore quelques mois, Andrzej Duda a su incarner le changement

Choisi par le dirigeant du PiS Jaroslaw Kaczynski, qui préfère se consacrer aux prochaines élections parlementaires et espérer redevenir Premier ministre, Andrzej Duda (PiS) a tenu pas moins de 250 meetings en quatre mois dans autant de villes et villages du pays. Il a beaucoup promis. Ainsi, il s'est engagé à abaisser à 65 ans l'âge du départ à la retraite (fixé à 67 ans en 2012), à réduire les impôts, à rendre la sécurité sociale gratuite pour les salariés percevant les revenus les plus faibles. Ces mesures relèvent cependant de la compétence du gouvernement et du parlement.

Le nouveau président polonais se montre très attaché à la souveraineté nationale. Il souhaite " défendre en premier lieu les intérêts nationaux " et a exprimé si volonté que l'Etat contrôle les secteurs économiques les plus importants! Il veut réduire l'influence des banques étrangères dans le pays et privilégier les intérêts de la Pologne dans ses relations avec l'Union européenne. Il est d'ailleurs opposé à l'adoption de la monnaie unique qui, selon lui, entraînerait une forte augmentation des prix.

Andrzej Duda demande également l'installation de bases de l'OTAN sur le territoire polonais pour lutter contre la menace russe.

Enfin, conservateur sur les questions de société, il est opposé à l'avortement, à la reconnaissance des couples homosexuels et à la fécondation in vitro. Il a été félicité par l'église catholique polonaise pour sa victoire.

Qui est Andrzej Duda ?

Agé de 43 ans et originaire de Cracovie, Andrzej Duda est diplômé de la faculté de droit et d'administration de l'université Jagellonne de Cracovie. Conseiller juridique, il est nommé vice-ministre de la Justice dans le gouvernement dirigé par Jaroslaw Kaczynski (PiS) de 2006 à 2007. L'homme est un proche collaborateur du président polonais Lech Kaczynski (PiS), tué dans un accident d'avion le 10 avril 2010 ; il sera le porte-parole de son parti durant quelques mois entre novembre 2013 et janvier 2014. Andrzej Duda a été élu député européen ( ECR) lors des dernières élections européennes du 25 mai 2014.

Le 11 novembre dernier, il a été choisi par Jaroslaw Kaczynski pour être le candidat du PiS à l'élection présidentielle. Inconnu du grand public il y a encore quelques mois, Andrzej Duda succèdera donc officiellement à Bronislaw Komorowski le 6 août prochain.

La victoire d'Andrzej Duda est un avertissement pour la Plateforme civique et pourrait bien ouvrir la voie au retour du PiS au pouvoir lors des élections parlementaires prévues à l'automne prochain. A l'annonce des résultats, Andrzej Duda a d'ailleurs remercié Bronislaw Komorowski pour ses paroles d'encouragement mais également tous les Polonais qui ont voté pour lui en formant le souhait qu'ils " soient encore plus nombreux aux prochaines élections "...

De son côté, le président sortant a déclaré : " Nous avons fait face à des défis plus ardus et nous avons connu des batailles plus difficiles. Il ne tient qu'à nous de transformer cet échec en succès. Nous gagnerons ".

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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