Elections législatives en Moldavie, 28 novembre 2010

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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29 octobre 2010
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Elections législatives en Moldavie, 28 novembre 2010

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Le 5 septembre dernier, alors que 87,8% des électeurs moldaves approuvaient la réforme constitutionnelle qui consistait en la modification de l'article 78 de la Constitution pour permettre d'élire le Président de la République au suffrage universel direct, le référendum était invalidé faute d'une participation suffisante. En effet, seuls 30,98% des Moldaves s'étaient rendus aux urnes alors que la Constitution exige un minimum de 33% des électeurs pour que le scrutin soit valide.

La consultation populaire était une tentative de sortir la Moldavie de l'impasse politique dans laquelle elle se trouve depuis le printemps 2009. En effet, aux termes de la Constitution en vigueur depuis 2000, le Chef de l'Etat moldave est élu à bulletins secrets par les 3/5e des députés, soit 61 des 101 élus. En cas d'échec, le Président de la République doit obligatoirement dissoudre le Parlement et convoquer des législatives anticipées. Les partis de l'Alliance pour l'intégration européenne, au pouvoir depuis plus d'un an, ne disposent pas d'une majorité suffisante au Parlement pour faire élire leur candidat à la tête de l'Etat, mais les communistes non plus. La Moldavie est donc privée de Président depuis plus d'un an.

L'échec du référendum du 5 septembre a obligé les autorités moldaves à dissoudre le Parlement, ce qu'a fait le Président de la République par intérim, Mihai Ghimpu (Parti libéral, PL), le 28 septembre dernier. Il a annoncé qu'un scrutin anticipé serait organisé le 28 novembre prochain.

Les conséquences de l'échec du référendum du 5 septembre

L'invalidation du référendum a été un succès pour les communistes qui avaient appelé les électeurs à boycotter la consultation populaire et un sévère revers pour l'Alliance pour l'intégration européenne au pouvoir depuis les élections législatives du 29 juillet 2009. Celle Alliance rassemble le Parti libéral (PL) de Mihai Ghimpu, le Parti libéral-démocrate (PLDM) de Vlad Filat, le Parti démocratique (PDM) de Marian Lupu et l'Alliance notre Moldavie (AMN) de Serafim Urechean. "La campagne électorale a manqué d'unité. Les communistes, l'absence de coordination au sein de la coalition au pouvoir et l'indifférence des citoyens sont les causes de l'échec du référendum" a déclaré le Président par intérim Mihaï Ghimpu, qui avait convoqué le référendum dans l'espoir de sortir la Moldavie de la crise politique. "Les leaders de l'Alliance pour l'intégration européenne sont responsables de l'échec du référendum" a renchéri le Premier ministre Vlad Filat.

Beaucoup de politiques proches du pouvoir ont reproché aux leaders de l'Alliance d'avoir été si absorbés par leur préparation aux élections à venir qu'ils n'ont pas prêté au référendum l'attention qu'il méritait. "Personne n'a expliqué l'importance de ce référendum. Certains hommes politiques, assurés du résultat, avaient déjà commencé à mener campagne en vue des élections présidentielle et législatives" a regretté Marian Lupu.

L'ancien Président, Vladimir Voronine (PCRM), a qualifié de "logique" l'échec du scrutin. "Le peuple a choisi la république parlementaire comme la plus démocratique et la plus juste" a-t-il affirmé, affichant son opposition à l'élection du Président au suffrage universel.

"Le résultat du référendum témoigne de la faiblesse du niveau de confiance envers l'Alliance pour l'intégration européenne, coalition gouvernementale au pouvoir. En même temps, la société reste toujours divisée entre partisans des communistes et proches des pro-européens" analyse le politologue Igor Botsan qui doute que de nouvelles élections modifient ce rapport de forces. Vitalie Andrievschi, analyste politique et directeur du think tank AVA.MD http://ava.m), considère que le Parti communiste devrait profiter de l'échec du référendum lors du scrutin législatif. "Les communistes ont remporté un succès auquel ils ne s'attendaient pas. Même si l'échec du référendum n'est pas totalement leur victoire, ils devraient en retirer les bénéfices" a-t-il indiqué. Selon l'analyste politique Viorel Cibotaru, l'échec du référendum est dû au soutien dont bénéficie le Parti communiste, au mécontentement à l'égard de l'Alliance pour l'intégration européenne et au fait que les 4 partis qui composent cette Alliance n'étaient pas tous intéressés dans la réussite de la consultation populaire. Le Premier ministre Vlad Filat s'était davantage investi dans la bataille électorale que ses partenaires. Cependant, Viorel Cibotaru estime que le problème reste entier car les communistes, qui ne bénéficient pas de soutien au Parlement, auront du mal à recueillir suffisamment de suffrages pour faire élire leur candidat à la Présidence de la République.

Le système politique

Le Parlement moldave est monocaméral et comprend 101 membres, élus au scrutin proportionnel pour 4 ans au sein d'une circonscription nationale unique. La coalition gouvernementale a voté une loi autorisant de nouveau la formation de blocs électoraux et modifiant le système (proportionnel) de distribution des sièges. Tout parti doit impérativement recueillir 4% des suffrages exprimés pour être représenté au Parlement (7% pour les coalitions formées de 2 partis et 9% pour celles en rassemblant 3 et plus). Les candidats qui souhaitent se présenter de façon indépendante doivent recueillir les signatures de soutien d'au moins 5000 électeurs.

Les personnes faisant l'objet de poursuites judiciaires ou possédant une double citoyenneté ne sont pas autorisées à se présenter aux élections législatives. Enfin, un minimum de 50% de participation est obligatoire pour valider le scrutin législatif.

5 partis politiques sont représentés dans l'actuel Parlement :

- le Parti communiste (PRCM), dirigé par l'ancien Président de la République (2001-2009) Vladimir Voronine, possède 48 députés ;

- le Parti libéral-démocrate (PLDM), dirigé par le Premier ministre sortant Vlad Filat, compte 18 sièges ;

- le Parti libéral (PL) du Président par intérim, Mihai Ghimpu, membre de la coalition gouvernementale sortante, possède 15 députés ;

- le Parti démocratique (PDM) de Marian Lupu, membre du gouvernement sortant, compte 13 sièges ;

- l'Alliance notre Moldavie (AMN), parti de la coalition gouvernementale dirigé par Serafim Urechean, possède 7 députés.

La campagne électorale

Une trentaine de partis politiques sont en lice. 4 d'entre eux seulement devraient entrer au Parlement : le Parti communiste, le Parti libéral-démocrate, le Parti libéral et le Parti démocratique. A un mois du scrutin, les relations sont très tendues entre les partis membres de la coalition gouvernementale qui ont annoncé qu'ils se présenteront en ordre dispersé et feront campagne séparément.

Fort de l'invalidation du référendum du 5 septembre, le Parti communiste affiche sa confiance. "Les autorités en place ont modifié le code électoral de façon à minimiser les chances de victoire des communistes. Nous acceptons ce défi et sommes conscients qu'un résultat au-dessous de 50% serait pour nous une défaite et signifierait que l'Alliance pour l'intégration européenne conserverait le pouvoir" a déclaré Vladimir Voronine. "L'Alliance a déçu tout le monde, y compris ceux qui avaient voté pour l'un des quatre partis au pouvoir" répète-t-il. Le leader du Parti communiste, qui se déclare ouvert à toute alliance post-électorale, a affirmé le 12 octobre dernier que "les autorités moldaves cherchaient à falsifier les résultats des élections".

Les relations de la Moldavie, ancienne région de l'est de la Roumanie, avec ses voisins n'ont jamais été faciles. Coupée en deux par l'Union soviétique qui a annexé sa partie orientale située au-delà du fleuve Dniestr en 1940, la Moldavie est rattachée quatre ans plus tard à la République socialiste soviétique de Moldavie (les Moldaves, alliés aux nazis, s'étaient libérés du joug soviétique en 1941). Les autorités soviétiques interdisent la langue roumaine et favorisent l'implantation d'une population russe et ukrainienne aux dépens des Moldaves. Depuis son indépendance le 27 août 1991, Chisinau a souvent tergiversé quant à la position à adopter avec ses voisins roumain et russe. Le premier Président de la République, Mircea Snegur (1990-1997), a tout fait pour rapprocher son pays de Bucarest ; son successeur, Petru Lucinschi (1997-2001), a resserré les liens avec la Russie tout en conservant l'alignement sur la Roumanie, sur l'Union européenne et le monde occidental. Enfin, Vladimir Voronine (2001-2009) a effectué un virage de 180° en réalignant le pays sur Moscou avant de changer de position en 2003 lorsqu'il refuse soudainement de signer le plan Kozak, texte permettant la formation d'un Etat moldave réunifié et autorisant les forces militaires russes à stationner en Transnistrie, région moldave sécessionniste qui a déclaré son indépendance en 1991, au prétexte que celui-ci "avait été établi sans consulter l'Union européenne que la Moldavie a l'intention de rejoindre ". Par la suite, Vladimir Voronine a défendu l'intégration de son pays au sein de l'Union européenne, un point qui fait consensus au sein de la classe politique moldave.

Le Président par intérim et leader du Parti libéral Mihai Ghimpu, ouvertement favorable à une union de son pays avec la Roumanie, a poursuivi le rapprochement de la Moldavie avec l'Union européenne. Il a offensé les Russes en proclamant le 28 juin, journée de l'occupation soviétique. En représailles, Moscou a arrêté les importations de vins moldaves, ce qui a grandement affecté Chisinau, la Russie étant un débouché important de l'industrie viticole, et réduit les importations de fruits et légumes moldaves. Cet événement n'a pas été sans conséquences pour Mihai Ghimpu et ses partenaires de la coalition gouvernementale. Selon Valery Klimenko, leader du mouvement Egalité, l'ensemble des Moldaves, qu'ils vivent en Russie (d'où ils envoient de l'argent à leurs familles restées au pays) ou de l'argent qu'ils tirent du commerce qu'ils font avec les Russes, sont favorables à de bonnes relations avec Moscou.

Les positions des politiques sur la position de la Moldavie par rapport à la Russie ont récemment évolué. Ainsi, le Premier ministre sortant et leader du Parti libéral-démocrate, Vlad Filat, parle d'une union spirituelle de son pays avec son voisin oriental; le chef du Parti démocratique, Marian Lupu, a signé en septembre dernier un accord de coopération avec le parti Russie unie (ER), majoritaire au Parlement russe et dirigé par le Premier ministre russe, Vladimir Poutine.

Selon la dernière enquête réalisée par l'Association des sociologues et démographes moldaves, le Parti communiste devrait remporter 45 sièges le 28 novembre prochain. Il serait suivi du Parti libéral-démocrate de Vlad Filat qui en obtiendrait 24.

Elections législatives en Moldavie, 28 novembre 2010

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