Election présidentielle en Croatie Le point à une semaine du 1er tour

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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12 décembre 2009
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le 27 décembre, 4,4 millions de Croates sont appelés aux urnes pour désigner le Président de la République qui succédera à Stjepan Mesic, en poste depuis 2000 et qui n'est pas autorisé à briguer un 3e mandat. La date du scrutin, choisie par le gouvernement, vise à permettre à un grand nombre d'expatriés, qui reviennent souvent au pays pour les fêtes de fin d'année, de voter. Ceux-ci sont en effet traditionnellement favorables à l'Union démocratique (HDZ) actuellement au pouvoir. Si aucun candidat ne remporte la majorité des voix le 27 décembre, un 2e tour sera organisé le 10 janvier prochain.

12 personnes sont candidates à la magistrature suprême:

- Andrija Hebrang (HDZ), ancien vice-président du gouvernement et ministre de la Défense, de la Santé et des Services sociaux ;

- Ivo Josipovic, candidat du Parti social-démocrate (SDP) dirigé par Zoran Milanovic, professeur de droit à l'université de Zagreb et compositeur de musique ;

- Milan Bandic, maire de Zagreb, exclu du SDP après avoir annoncé sa candidature et soutenu par le Parti démocrate des paysans (HDSS) ;

- Vesna Pusic, candidate du Parti populaire-Libéraux démocrates (HNS), chef de la commission parlementaire en charge du processus de négociation entre la Croatie et l'Union européenne ;

- Damir Kajin, candidat du Parti démocrate d'Istrie (IDS) ;

- Nadan Vidosevic soutenu par le Parti des régions côtières du Primorje et du Gorski Kotar (PGS) ;

- Miroslav Tudjman, fils de l'ancien Président (1990-1999) Franjo Tudjman ;

- Vesna Skare Ozbolt, ancienne ministre de la Justice soutenu par le Centre démocrate (DC) ;

- Dragan Primorac, ancien ministre de l'Education et ancien membre de l'HDZ;

- Josip Jurcevic, historien et professeur ;

- Boris Miksic, Croate émigré aux Etats-Unis où il a fondé la Cortec Corporation,

- Slavo Vuksic, candidat du Parti démocratique slavon, entrepreneur et ancien député de Nasice.

Fait original : les deux principaux partis politiques affrontent le même problème : la sécession d'un ou de plusieurs de leurs membres qui ont décidé de se présenter devant les électeurs aux côtés du candidat désigné par leur parti.

Andrija Hebrang, candidat de l'HDZ, n'a pas été choisi par un vote interne du parti mais a été proposé pour postuler à la magistrature suprême par Ivo Sanader, ancien Premier ministre (2003-2009) et ex-président du parti. Le choix d'Andrija Hebrang a été approuvé par le congrès de l'HDZ. "Ceux qui ont quitté le parti ne peuvent pas être les candidats de l'HDZ. Nous n'avons pas de candidats cachés. Nous n'avons rien à cacher, nous jouons franc-jeu et Andrija Hebrang est notre seul et unique candidat. C'est aussi le meilleur candidat et la meilleure solution pour la Croatie" a déclaré la Premier ministre Jadranska Kosor (HDZ). De son côté, le candidat officiel de l'HDZ fait mine de s'interroger : "Comment une personne qui a échoué avec son parti n'échouerait-elle pas avec les électeurs ? Quelqu'un qui ne respecte pas les règles d'un parti sera incapable de respecter la Constitution". Andrija Hebrang n'a d'ailleurs pas hésité à qualifier Dragan Primorac et Nadan Vidosevic qu'il accuse d'avoir abandonné leur parti (après leur sécession, les deux hommes en ont été exclus) de "traîtres" et de "déserteurs".

Avec le slogan "Pour une Croatie fière et européenne", Andrija Hebrang s'appuie sur le bilan de la Premier ministre Jadranka Kosor. Il promet, s'il est élu, d'engager de grandes réformes en Croatie : réforme des impôts, de l'Etat providence, du système agricole, de la justice et du système éducatif. Il souhaite lutter plus efficacement contre la corruption, un fléau qui gangrène le pays. Il a affirmé sa volonté de voir la Croatie rattraper au plus vite le niveau de développement des pays de l'Union européenne (le niveau de vie croate représente 63% de la moyenne de celui de l'UE). Enfin, Andrija Hebrang veut promouvoir les valeurs de la guerre d'indépendance et restaurer la dignité des vétérans de cette guerre ainsi que la fierté nationale. Il affirme d'ailleurs être le seul à s'être porté volontaire durant la guerre d'indépendance. Il dit avoir passé plusieurs mois en Bosnie-Herzégovine à travailler dans l'aide humanitaire. "J'espère que les électeurs croates voteront en se souvenant de ce que chacun des candidats a fait durant les périodes difficiles qu'a connues la Croatie".

Nadan Vidosevic, ancien membre de l'HDZ, met en avant son lien avec la Bosnie-Herzégovine, pays dont il est natif. Ancien président des Chambres de commerce, il se voit régulièrement reprocher d'avoir amassé en très peu de temps et de façon un peu obscure une grande quantité d'argent. A ces accusations sous-jacentes, il répond habituellement qu'il a beaucoup travaillé et réalisé des placements financiers heureux. Lors d'un débat télévisé qui l'a opposé le 10 décembre dernier à Dragan Primorac, les deux hommes ont été jusqu'à échanger des insultes sur le plateau de télévision en abordant ce sujet.

Le principal candidat de l'opposition, Ivo Josipovic, a démarré sa campagne électorale au théâtre national de Zagreb avec le slogan "Justice pour la Croatie". Il critique le gouvernement en place qu'il accuse de ne pas s'occuper de la population de ne pas lutter contre la corruption. Il est le grand favori des enquêtes d'opinion qui le placent toutes en tête des intentions de vote.

Milan Bandic, ancien représentant de l'aile droite du SDP, a été exclu du parti. Il se bat pour "une société des égalités et de l'équité". "Je défends les valeurs sociales et les principes moraux qui se sont détériorés en Croatie car ceux-ci sont le fondement d'une société saine et les garants de la reprise économique. Il est nécessaire de restaurer la fierté et la dignité du peuple croate" a déclaré le maire de Zagreb. Il devrait mener la campagne électorale la plus onéreuse de l'histoire du pays (environ 20 millions de kuna).

Avec pour slogan "Renouvelons la Croatie", Miroslav Tudjman se bat pour que la Croatie retrouve sa dignité. "La coopération des autorités croates avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye (TPIY) nous montre que le pays doit changer de politique et passer de la servilité à l'autonomie" a-t-il affirmé. Le fils de Franjo Tudjman souhaite que son pays développe des relations avec les Etats d'Europe centrale et de la Méditerranée et se dit favorable à un renouveau du partenariat avec les Etats-Unis et tous les autres pays dans lesquels vivent un grand nombre d'expatriés croates. "L'Union européenne doit être un instrument de la politique croate, en aucun cas son objectif" a déclaré Miroslav Tudjman.

Candidat du Parti démocrate d'Istrie, Damir Kajin mène campagne contre l'accord signé entre Zagreb et Ljubljana le 11 septembre dernier sur la frontière qui sépare les deux pays. La Slovénie, qui possède 25 km de côtes sur la mer Adriatique, est désireuse de s'assurer un accès direct à la mer, longtemps bloqué par la Croatie qui considérait la bande côtière comme son territoire. La signature de l'accord a permis à la Croatie de reprendre ses négociations d'adhésion à l'Union européenne. "Je ne suis pas contre l'Union européenne mais je ne voterai pas en faveur de l'accord" a déclaré Damir Kajin.

L'ensemble des candidats mène une campagne particulière à l'attention des Croates de l'étranger, et notamment de ceux vivant en Bosnie-Herzégovine. "Cette élection est d'une importance particulière pour les Croates de Bosnie-Herzégovine car elle pèsera dans l'action du prochain Chef de l'Etat vis-à-vis de leur situation" a déclaré Andrija Hebrang en visite à Siroki Brijeg, Sud de la Bosnie-Herzégovine. "La Bosnie-Herzégovine est le 2e pays des Croates et vous ne pouvez être Président croate sans le prendre en compte" a indiqué Nadan Vidosevic à Tomislvagrad (Bosnie-Herzégovine) le 30 novembre dernier.

La précédente élection présidentielle des 2 et 16 janvier 2005 a montré le poids des votes des Croates de Bosnie-Herzégovine dans le résultat du scrutin. Il y a 5 ans, 77 578 Croates de l'étranger se sont déplacés pour désigner le Chef de l'Etat, soit 3,5%. Pour l'heure, la bataille est rude entre Milan Bandic et Nadan Vidosevic.

Comme Milan Bandic, Andrija Hebrang est natif de Bosnie-Herzégovine. Le candidat de l'HDZ n'hésite pas à souligner que, selon lui, certains des candidats à l'élection ont déserté durant la guerre de 1991-1995 et n'ont rien fait pour les Croates de Bosnie-Herzégovine.

Miroslav Tudjman demande que la Bosnie-Herzégovine soit divisée en 3 unités territoriales. Il a rendu visite à la famille de Dario Kordic, condamné le 26 février 2001 à 25 ans de prison par le TPIY pour crimes contre l'humanité et violation de la Convention de Genève. Miroslav Tudjman accuse le gouvernement croate de remettre les généraux de l'armée croate au TPIY et d'humilier les vétérans de la guerre d'indépendance. Il affirme que s'il est élu, il défendra l'unité de la diaspora et de la patrie ainsi que l'intérêt national. Enfin, Dragan Primorac s'appuie sur le fait qu'il a conduit lors des dernières élections législatives du 25 novembre 2007 la liste de l'HDZ de la diaspora.

2 débats télévisés ont été organisés. L'un, diffusé sur la chaîne de télévision HRT, a rassemblé le 20 novembre 10 des 12 candidats. Andrija Hebrang avait refusé d'y participer affirmant qu'il était victime de discrimination de la part de l'ensemble des chaînes de télévision. Le candidat de l'HDZ a plusieurs fois mis en cause ses rivaux, les accusant de refuser de donner l'origine de leur fortune. "C'est une campagne de tycoons. Les temps d'antenne et le prix de la publicité à la télévision montre que les soit-disant candidats indépendants ont davantage d'argent que ceux désignés par les partis politiques" a-t-il souligné. Le second a eu lieu le 10 décembre sur la chaîne Nova TV. Ivo Josipovic, Nadan Vidosevic, Andrija Hebrang, Dragan Primorac et Vesna Pusic étaient présents, Milan Bandic ayant décliné l'invitation. L'Union européenne, l'économie et la lutte contre la corruption ont été les principaux sujets abordés.

Les dernières enquêtes d'opinion placent Ivo Josipovic en tête des intentions de vote (29,3% selon l'insitut Puls et 19,2% pour Totus opiniometar). Mais la bataille s'annonce serrée pour la 2e place. Selon Puls, Nadan Vidosevic recueillerait 13,9% des suffrages, Milan Bandic 12,2%, Dragan Primorac 10,4%, Andrija Hebrang 7,6% et Vesna Pusic, 7,2%. Les 7 autres candidats seraient au-dessous des 5% des voix. Totus Opiniometar place Nadan Vidosevic en 2e position avec 13,5% des suffrages devant Andrija Hebrang (6,8%), Milan Bandic (6,3%) et Vesna Pusic (5,5%). Les autres candidats obtiennent moins de 5% des voix.

Le Président sortant, Stjepan Mesic, a indiqué qu'il ne souhaitait pas conserver une activité politique. Il a déclaré qu'il souhaitait mettre de l'ordre dans ses notes et dans sa correspondance et qu'il se tiendrait à la disposition du gouvernement.

La campagne officielle s'achèvera le 25 décembre à minuit. Le prochain Président prendra ses fonctions le 18 févier 2010.

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