Analyse

Le Président moldave dissout le Parlement et convoque des élections législatives anticipées

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

19 juin 2009
null

Versions disponibles :

FR

EN

Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le Parlement moldave ayant échoué à élire le Président de la République avant le 4 juin, le Chef de l'Etat sortant, Vladimir Voronine (Parti communiste, PRCM), a dissous le Parlement le 15 juin et convoqué des élections législatives anticipées le 29 juillet prochain. Lors des 1er et 2e tours de scrutin les 20 mai et 3 juin, une seule voix a manqué à la candidate du Parti communiste, la Premier ministre Zinaïda Greceanii, pour être élue à la magistrature suprême. Elle a recueilli 60 suffrages alors que la Constitution stipule que le Chef de l'Etat doit obtenir au moins 3/5e des voix, soit 61. La Constitution oblige également les parlementaires à élire le Président de la République dans les 3 mois suivants la dissolution du Parlement.

Les Moldaves sont donc de nouveau appelés aux urnes le 29 juillet pour renouveler le Parlement. Cette date est considérée comme dangereuse pour de nombreux observateurs politiques : en effet, le taux de participation, qui doit obligatoirement être supérieur à 50% pour que le scrutin législatif soit validé, pourrait être faible à cause de la saison estivale (57,54% des Moldaves ont participé aux dernières élections législatives). Le choix du mercredi, c'est-à-dire un jour de semaine, est une première. Les précédentes élections législatives ont eu lieu le 5 avril et ont vu la victoire du PRCM avec 49,48% des suffrages et 60 des 101 sièges du Parlement. Le Parti libéral (PL) de Mihai Ghimpu était arrivé en 2e position avec 13,13% des voix (15 députés), suivi du Parti libéral-démocrate (PLDM) dirigé par Vladir Filat, 12,43% (15 sièges) et de l'Alliance notre Moldavie (AMN) de Serafim Urechean, 9,77% (11 sièges). Les 3 partis d'opposition possèdent donc une minorité de blocage de 41 voix.

De violentes émeutes étaient survenues dans les jours suivants les élections législatives du 5 avril, les partis d'opposition accusant le PRCM d'avoir fraudé et falsifié les résultats du scrutin. Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l'Union européenne et de la Communauté des Etats indépendants (CEI) avaient pourtant reconnu le caractère légitime du scrutin. Le 7 avril, environ 10 000 manifestants ont saccagé des bâtiments du Parlement et de la résidence du Président de la République au-dessus desquels ils ont hissé les drapeaux de la Roumanie et de l'Union européenne. Deux personnes ont été tuées lors de ces événements et plusieurs autres blessées ; les manifestants ont été violemment réprimés par les forces de police qui ont procédé à 200 arrestations.

En mai, le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Kohout, dont le pays assure la Présidence du Conseil de l'Union européenne, a convié les autorités moldaves à entamer un dialogue avec l'opposition en vue de trouver une "solution viable" à la crise politique.

Le Chef de l'Etat, Vladimir Voronine, en poste depuis 2001, ne peut prétendre à un 3e mandat. Le 12 mai, il a été élu président du Parlement. Le PRCM avait organisé les choses comme un jeu de chaises musicales. Vladimir Voronine devenu président du Parlement, la Premier ministre Zinaïda Greceanii devait le remplacer à la tête de l'Etat et l'ancien président du Parlement, Marian Lupu, succéder Mme Greceanii au poste de Premier ministre.

Le Parlement a procédé au 1er tour de l'élection présidentielle le 20 mai. La Premier ministre Zinaïda Greceanii était opposée à Stanislav Groppa, député du PRCM, directeur de la Clinique de neurologie de Chisinau, car la présence de 2 candidats est obligatoire pour valider le scrutin. Lors du 2e tour le 3 juin (initialement prévu le 28 mai, il a été repoussé pour cause de fête religieuse, les Moldaves célébrant l'Ascension le 28 mai), la Premier ministre a affronté Andrei Neguta, ambassadeur de Moldavie en Russie. Lors des 2 tours, Zinaïda Greceanii n'a recueilli que 60 voix, soit une voix de moins que la majorité exigée par la Constitution. Ces 2 échecs ont conduit le Président Voronine à dissoudre le Parlement et à convoquer des élections anticipées. Avant de procéder à la dissolution, il a chargé Zinaïda Greceanii de former un nouveau gouvernement. Celui-ci a été approuvé par 59 députés.

Les trois partis d'opposition du Parlement – le Parti libéral, le Parti libéral-démocrate et l'Alliance Notre Moldavie – ont choisi de boycotter l'élection présidentielle. "Nous n'avons pas le droit moral de nous mettre d'accord avec les communistes. Nous ne trahirons pas les intérêts de nos électeurs et nous sommes déterminés à remporter les élections anticipées pour mettre un terme au gouvernement antidémocratique des communistes. Nous recommandons aux communistes et à Vladimir Voronine de faire preuve de courage politique, d'accepter la situation et de reconnaître que seules des élections anticipées libres et justes pourront résorber la crise politique, économique et morale en Moldavie" avait déclaré Vladir Filat, leader du Parti démocrate. "Le dialogue est impossible avec ces autorités" avait renchéri le dirigeant de l'Alliance Notre Moldavie, Serafim Urechean qui avait affirmé conjointement à Mihai Ghimpu, leader du Parti libéral : "Nous ne voterons jamais pour un candidat communiste à la Présidence de la République". "Je vous garantis que les communistes vont comprendre pour la première fois que les gens ne sont pas à vendre, ils vont comprendre que les temps ont changé, que l'opposition a changé" indiquait Serafim Urechean juste avant le 2e tour.

"Les opposants ont rejeté la main tendue des autorités en refusant de participer au vote pour l'élection présidentielle. Ces gens qui se disent d'opposition ne visent ni une victoire électorale ni celle de leurs principes et de leurs idées mais visent le chaos et la déstabilisation de la Moldavie" a souligné Vladimir Voronine après avoir dissous le Parlement, ajoutant. "Leur principe est le suivant : pire est la situation en Moldavie, mieux ils se sentent".

Le PRCM au pouvoir part favori le 29 juillet prochain, il a enregistré une forte hausse de popularité depuis les émeutes. Mais il a dû faire face, le 10 juin, à un ultime rebondissement : le départ de Marian Lupu, ancien ministre de l'Economie et président du Parlement, pressenti il y a encore quelques jours pour devenir le prochain Premier ministre.

Les 3 partis d'opposition représentés au Parlement appellent les "petits" partis (ceux qui n'étaient pas parvenus à obtenir des élus lors du scrutin législatif) à renoncer de participer aux élections le 29 juillet afin d'attirer leurs électeurs et de s'imposer dans les urnes.

Le seuil électoral pour entrer au Parlement, précédemment fixé à 4% des suffrages exprimés puis relevé à 6% en décembre 2007, a été de nouveau abaissé à 5%.

La campagne électorale sera plus courte de 2 semaines que les précédentes et ne pourra durer plus de 45 jours.

Pour aller plus loin

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-26-56.7014.jpg

Corinne Deloy

16 septembre 2024

Les Lituaniens renouvelleront les 141 membres du Seimas, chambre unique du Parlement, les 13 et 27 octobre. 1 740 personnes issues de 19 partis et mouvements politiques et 18 candidats indépend...

Élections en Europe

 
2013-05-28-15-22-56.7153.jpg

Corinne Deloy

9 septembre 2024

6 346 029 Autrichiens (dont 62 651 résidant à l’étranger), soit un peu moins que lors des précédentes élections fédérales de 2019, sont ap...

Élections en Europe

 
2017-11-08-10-59-32.2521.jpg

Corinne Deloy

7 juillet 2024

Grande surprise et manifeste soulagement pour beaucoup lors du 2e tour des élections législatives le 7 juillet : le Rassemblement national (RN), parti de droite radicale présid&ea...

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-24-26.9152.jpg

Corinne Deloy

1 juillet 2024

Le Rassemblement national (RN), parti de droite radicale présidé par Jordan Bardella, est arrivé en tête du 1er tour des élections législatives anticipé...

La Lettre
Schuman

L'actualité européenne de la semaine

Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais

Versions :