Entretien d'EuropeLa sécurité des approvisionnements énergétiques en Europe
La sécurité des approvisionnements énergétiques en Europe

Climat et énergie

François Vuillemin

-

21 octobre 2002

Versions disponibles :

FR

Vuillemin François

François Vuillemin

I - Dépendance européenne et sécurité des approvisionnements

A - Situation et évolution des besoins et des ressources énergétiques dans le monde et en Europe

1) « Au cours des trente prochaines années, les ressources énergétiques mondiales seront suffisantes pour répondre à l'accroissement de la demande, mais les défis lancés pour les mobiliser seront immenses » a averti Robert Priddle, directeur de l'Agence Internationale de l'Energie, le samedi 21 septembre dernier à Osaka.

Les ressources existent, en effet, mais elles seront de plus en plus concentrées dans un petit nombre de pays producteurs, en particulier les pays de l'OPEP et la Russie pour le pétrole et le gaz, ce qui va accroître encore le taux de dépendance de tous les Etats consommateurs et notamment ceux de l'Union européenne. Pour répondre à la demande, le recours aux énergies fossiles restera dominant, ce qui, à défaut de politiques publiques volontaires, laisse entrevoir un accroissement très significatif des émissions de dioxyde de carbone de l'ordre de 70 % en trente ans.

Pour la seule production d'électricité, l'AIE estime ainsi les besoins d'investissement d'ici à 2032 à hauteur de 5000 gigawattheures, soit à 4000 milliards de dollars, dont la moitié dans le monde industrialisé.

La consommation de pétrole devrait croître plus vite qu'au cours des trente années passées pour atteindre 120 millions de barils / jour en 2030 contre 75 aujourd'hui et la consommation de gaz doubler. Dans ce contexte, seule une augmentation massive de la production au Moyen Orient et en Russie pourra permettre de répondre aux besoins.

2) L'énergie nécessaire à l'économie européenne repose pour l'essentiel sur les combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon) dont près des deux tiers sont importés. Ces combustibles représentent 80% de la consommation énergétique de l'Union européenne.

La dépendance de l'Union européenne à l'égard des importations de pétrole recommence à augmenter.

En mer du Nord, l'exploitation des gisements est coûteuse et les réserves sont limitées, représentant dans le meilleur des cas 25 années d'approvisionnement sur la base des niveaux de production actuels.

Au Moyen Orient, si les coûts de production sont faibles en soi et les approvisionnements nombreux, des incertitudes évidentes pèsent sur la disponibilité physique de ces réserves et sur la régularité des approvisionnements à un niveau de prix acceptable pour les économies européennes. A moins d'un progrès décisif qui permettrait d'affranchir le secteur des transports de sa dépendance quasi-totale à l'égard du pétrole, l'Europe demeurera à long terme presque entièrement tributaire du pétrole de l'OPEP et de la Russie.

La hausse de la demande de gaz naturel importé en Europe va confirmer la nécessité d'établir des liens physiques et des relations politiques solides avec l'Afrique du Nord et la Russie et rendre les liaisons par gazoducs avec le Moyen Orient et l'Asie Centrale plus intéressantes. Néanmoins, l'élargissement de l'Union devrait aussi confirmer les tendances actuelles sur le marché du gaz naturel et accroître la dépendance de l'Europe à l'égard des immenses réserves de la Russie.

A court terme, la situation en matière d'approvisionnement est relativement confortable, car des réserves de taille raisonnable existent à une distance économiquement acceptable.

A moyen terme, il faudra voir si le gaz est capable de maintenir ou d'accroître sa part de marché si, comme c'est probable, les coûts d'approvisionnement augmentent parce que les conditions d'exploitation se font plus difficiles et les distances de transport plus longues. Il est également vraisemblable que si la Russie et les républiques de l'ex- Union Soviétique sont appelées à approvisionner les marchés en pleine expansion de l'Asie Orientale, les pays de l'Union seront confrontés à une concurrence significative et à une hausse des prix.

Dans l'Union, l'énergie nucléaire représente environ 23% de la capacité de production d'électricité installée, mais 35 % de la production d'électricité. Avec la technologie actuelle utilisée en Europe, l'électricité d'origine nucléaire dépend d'une matière première importée, l'uranium. Le traité Euratom, dont l'un des objets est justement de garantir la sécurité de l'approvisionnement du combustible nucléaire, prévoit la création d'une Agence d'approvisionnement qui constitue un instrument politique spécifique. Du point de vue géographique et physique, les sources d'uranium sont plus diversifiées que les réserves de gaz et de pétrole. Les étapes suivantes du cycle du combustible nucléaire se déroulent en majeure partie sur le territoire même de l'Union et, après traitement, cette ressource importée devient une ressource communautaire. L'élargissement ne devrait que confirmer cette situation.

Sur le plan strictement technique, l'énergie nucléaire, source d'énergie permettant de produire de l'électricité sans faire appel aux combustibles fossiles, pourrait compenser une bonne partie du déficit qui serait créé s'il fallait réduire drastiquement la production d'électricité à partir de combustibles fossiles pour atteindre les objectifs fixés par Kyoto. Cependant, les délais de construction d'une centrale nucléaire sont nettement plus longs que ceux d'une centrale à combustible fossile et la libéralisation récente des marchés de l'électricité, conjuguée à la réticence de l'opinion publique et des milieux politiques envers le nucléaire, constitue manifestement un frein.

Enfin, les sources d'énergie renouvelables sont limitées dans leur développement par les carences technologiques qui ne les rendent pas attrayantes sur le plan économique. En théorie, les sources d'énergie renouvelables devraient pouvoir garantir un approvisionnement en énergie sûre, propre et abordable à partir de sources indigènes, sans risque d'interruption d'origine extérieure ou d'épuisement des réserves. La Commission a d'ailleurs prévu de doubler la part des énergies renouvelables dans la production totale d'énergie primaire, qui représente actuellement 6% (grandes installations hydroélectriques, en majorité) de manière à ce qu'elle atteigne 12 % en 2010. L'une des principales entraves à la mise en œuvre des sources d'énergie renouvelables est, outre les difficultés techniques, son coût élevé par rapport à celui des technologies faisant appel à des combustibles fossiles. Le fait que les coûts externes ne soient pas intégrés dans le prix des combustibles fossiles, associé aux subventions dont les sources d'énergie conventionnelles ont bénéficié par le passé, constitue également un obstacle et entraîne une distorsion évidente du marché préjudiciable aux sources d'énergie renouvelables. Malgré cela, les principales « majors » européennes, BP et Royal Dutch Schell entre autres, investissent d'ores et déjà des sommes considérables dans la R&D sur les technologies d'énergie renouvelable et notamment l'hydrogène.

B - Les risques de rupture

1) Le concept de sécurité d'approvisionnement énergétique recouvre de multiples aspects. Par rapport à des notions très réductrices telles que « l'indépendance énergétique », le concept s'est élargi. L'indépendance énergétique totale est, à l'évidence, une illusion. A titre d'exemple, certains usages du pétrole pour les transports ou la chimie n'ont pas de substitut crédible pour encore de longues années. Dès lors, sauf à transformer radicalement le mode de vie dans l'Union européenne, le développement économique du continent nécessite d'importer de fortes quantités de pétrole, gaz et charbon. Une telle dépendance vis-à-vis des importations n'est pas en soi un facteur de vulnérabilité. Elle demande seulement que la sécurité des approvisionnements soit assurée par une diversification géographique et par produit et que la demande soit aussi élastique que possible.

L'analyse s'affine au crible multicritères de consommations par secteur, par usage et par produit énergétique.

La sécurité des approvisionnements nécessite également une continuité dans la fourniture d'énergie aux consommateurs finaux, notamment industriels. Celle-ci repose sur un système énergétique efficace pour la production, le transport et la distribution.

La contrainte économique d'une volatilité des prix des énergies fossiles pèse aussi sur la capacité d'investissement des agents économiques et constitue un risque. Ce manque de visibilité pénalise notamment les entreprises du secteur de l'énergie et peut entraîner des retards sur les investissements énergétiques qui seraient nécessaires pour la couverture des besoins futurs. Il s'en suit un déphasage, lui même générateur de tensions sur l'approvisionnement à moyen terme, qui entretient la volatilité des prix.

Enfin, le long terme représente une dimension cruciale de la sécurité des approvisionnements énergétiques de l'Europe et fait appel à des réflexions prospectives mondiales, sur la démographie, la géopolitique, la technologie, etc.

Cette dimension du long terme dans l'appréhension du problème nécessite l'intervention des pouvoirs publics pour influencer les choix d'infrastructures, d'investissements et de R&D. Par ailleurs, l'ouverture des marchés de l'énergie, les nouvelles techniques, notamment pour la production d'électricité et l'exploration-production de pétrole, les moratoires ou hésitations sur le nucléaire dans de nombreux pays, les suites de l'éclatement des républiques soviétiques dans la décennie passée sont autant de facteurs qui contribuent à transformer le nouveau système énergétique européen dont les contours n'ont, pour l'heure, pas connu de crise majeure d'approvisionnement.

Au-delà de la sécurité énergétique, la prise en compte de la vulnérabilité énergétique de l'Europe est d'autant plus importante qu'un secteur entier d'activité, ou un produit énergétique particulier, peut être extrêmement sensible à « quelque chose » qui peut créer une situation de crise : crise politique et militaire dans une région du monde, augmentation soudaine des prix, incident ou accident technique grave, mouvements sociaux importants, notamment dans les ports. A cette aune, et au-delà du paramètre quasi mythique que constitue le « taux d'indépendance énergétique » on mesure la vulnérabilité énergétique de l'Europe et la nécessité d'une stratégie européenne cohérente en cette matière.

2) Dans ce contexte de vulnérabilité énergétique, l'Europe doit faire face à trois types de risques caractérisés.

La rupture physique permanente d'un approvisionnement, tout d'abord, peut résulter de l'épuisement ou de l'abandon de la production d'une source d'énergie. Ainsi, il n'est pas à exclure qu'à terme l'Union ne dispose plus de ressources communautaires significatives d'hydrocarbures à un coût raisonnable. L'Europe est aussi très sujette à un risque de rupture physique temporaire pouvant résulter d'accidents graves ou d'attentats sur des infrastructures de transport et de stockage situées au sein ou en dehors de la Communauté.

Un risque économique ensuite, qui aurait pour origine la volatilité des marchés, elle-même induite par une menace de rupture physique des approvisionnements. La perception généralisée par les opérateurs d'un risque de rupture potentielle future entraîne en effet des achats de panique et ce même s'il existe un équilibre apparent de l'offre et de la demande.

Un risque géopolitique, enfin, avec la constitution, parallèle à celui du Moyen-Orient, d'un second monopole – ou duopole - d'approvisionnement en provenance de la Russie. Le risque étant pour l'Union que la Russie ne se convertisse en un point de passage obligé pour les approvisionnements de l'Europe en provenance des autres pays riverains de la Caspienne. Ce dernier point est aussi l'un des enjeux du débat américano-russe sur les voies d'acheminement du pétrole kazakh et azéri avec les voies alternatives du pipeline récemment mis en service entre la Caspienne et Novorossisk sur la mer Noire russe et du projet de pipeline Azerbaïdjan (Bakou) – Turquie (Ceyhan sur la côte méditerranéenne). En cette matière, si la coopération en matière énergétique avec la Russie apparaît particulièrement nécessaire, la diversification constitue cependant, à l'évidence, un impératif stratégique pour l'Europe.

II - Une stratégie européenne

A- Les éléments d'un choix pour l'Europe.

1) En matière de maîtrise de la demande énergétique, la Commission a déjà fait des propositions de nature réglementaire, dont certaines ont été adoptées par le Conseil et le Parlement européen. Il s'agit notamment de la directive sur la production d'électricité à partir des sources renouvelables, de la directive sur les économies d'énergie dans le bâtiment ou encore du paquet sur les biocarburants. La mise en ouvre de ces textes entraînera une économie en terme de consommation d'énergies conventionnelles de l'ordre de 10 % dans les prochaines années et permettra de limiter la tendance à la hausse de la demande énergétique de l'Union sous l'effet d'une consommation accrue de la part des ménages et du secteur tertiaire.

Depuis le début des années 90, et conformément à l'article 14 du Traité CE, la Communauté a adopté une série de mesures qui contribuent à la réalisation du marché intérieur du gaz naturel et de l'électricité. Celui ci doit se traduire par une baisse notable des prix pour les consommateurs et contribuer à renforcer la sécurité des approvisionnements énergétiques.

2) L'ouverture à la concurrence du marché du gaz naturel et de l'électricité est encadrée par des règles en matière d'accès aux ressources et aux réseaux de transport, en matière de concurrence ainsi que de transparence qui doivent notamment protéger les pays de l'Union européenne d'une situation de défaillance dans leur approvisionnement interne. Ce cadre réglementaire vise à éviter les effets pervers d'une dérégulation mal maîtrisée se traduisant par des crises telles que celles subies en 2000 par la Californie.

Les nombreuses initiatives communautaires afin de créer un marché intérieur du gaz, de même que les interventions afin d'assurer un marché pétrolier plus ouvert, contribuent à établir une concurrence équitable et à renforcer la sécurité interne des approvisionnements énergétiques.

S'agissant de l'offre en énergie, le Livre Vert de la Commission européenne sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique, publié en novembre 2000, a fait apparaître une situation paradoxale : au moment même où l'Union se dote du marché intérieur de l'énergie le plus intégré du monde, cette réalisation n'a pas été accompagnée de la nécessaire coordination des mesures permettant d'en garantir la sécurité des approvisionnements externes, tant pour le pétrole que pour le gaz. Or, le Livre Vert a mis en évidence les faiblesses structurelles de l'approvisionnement externe en énergie de l'Union et ses fragilités géopolitiques, économiques et sociales.

Concernant le pétrole, le cadre de l'AIE et le droit communautaire, dont la première directive en la matière remonte à 1968, prévoient le maintien par les Etats de stocks de sécurité de pétrole brut et de produits pétroliers, ainsi que des possibilités de mesures anti-crise. Mais, ces mécanismes mis en place au début des années 70, ne sont manifestement plus adaptés. Les mesures communautaires sont caractérisées, en effet, par une absence de solidarité entre Etats membres qui n'est guère compatible avec les objectifs d'un marché intérieur. Concrètement, il n'existe aucun pouvoir de décision communautaire pour écouler les stocks pétroliers sur le marché. Quant à l'AIE, les éléments de base du traité de 1974 ne sont plus appliqués et les nouveaux mécanismes de Coordinated Emergency Response Measures, mis en place au début des années 80, nécessitent l'unanimité des 26 pays participants dont l'origine géographique et les intérêts parfois très divergents ne facilitent pas la recherche d'un consensus et en tout cas s'accordent mal avec une vision pleinement européenne des intérêts de notre continent. De surcroît, ces mécanismes sont devenus obsolètes dans la mesure où ils ne prévoient d'intervention commune de tous les Etats membres qu'en cas de rupture physique de l'approvisionnement pétrolier. Aucun cadre légal ne permet donc de coordonner une action en cas de menace de rupture physique de l'approvisionnement qui a pourtant pour effet de pousser les prix pétroliers à la hausse au-delà du raisonnable.

L'AIE ne prévoit également aucune action spécifique afin de garantir l'approvisionnement externe en gaz des Etats participants. Or, il faut rappeler que 40% de la consommation gazière que l'Union importe dépend de trois sources principales d'approvisionnement. En outre, depuis 1995, la production d'électricité à partir du gaz représente chaque année 50 à 60% des nouveaux investissements dans la production d'électricité de l'Union européenne.

Jusqu'à présent le travail de planification et de développement du réseau gazier pour atteindre les objectifs en matière de sécurité était relativement simple, étant donné que les fournisseurs principaux détenaient toute l'infrastructure nécessaire pour mener à bien cette planification. L'industrie européenne du gaz a donc pu, assurer efficacement jusqu'à aujourd'hui la sécurité de l'approvisionnement de l'Europe. Dans le nouveau contexte du marché intérieur du gaz, qui impose à l'industrie de se restructurer afin de se développer dans un marché intégré de plus en plus concurrentiel, il n'y aura plus d'acteur nécessairement unique qui assumera la responsabilité globale de la sécurité d'approvisionnement. La question est d'autant plus importante que la dépendance gazière à l'égard des importations augmentera sensiblement au cours des décennies à venir. Il est clair que la sécurité d'approvisionnement en gaz ne saurait être laissée totalement à la charge de l'industrie, qui est elle-même dépendante de ses approvisionnements externes auprès d'un nombre extrêmement limité de pays fournisseurs.

Il convient donc de prévoir des mesures harmonisées qui garantiront une action solidaire et coordonnée en matière de sécurité d'approvisionnement en gaz, notamment sur les stockages et les infrastructures. Ces mesures, proposées et défendues par la Commission, accompagneront donc le processus d'ouverture du marché européen du gaz, afin d'en assurer le bon fonctionnement. C'était d'ailleurs tout l'objet de la cinquième réunion qui a rassemblé en février 2002, à Madrid, les régulateurs nationaux, les Etats membres, les opérateurs économiques du secteur gazier, ainsi que la Commission.

B - Les nouvelles ambitions européennes en matière de sécurité des approvisionnements

1) La nécessité d'un cadre communautaire.

Comme le rappelait le Livre Vert, toute décision de politique énergétique, en particulier en matière d'approvisionnement en hydrocarbures, prise par un Etat membre aura inévitablement un effet récurrent sur le fonctionnement du marché dans les autres Etats membres. De même, les opérations des entreprises, facilitées par la mise en place du marché intérieur de l'énergie, ne se limitent plus à un territoire national. En outre, une réaction isolée d'un Etat à une modification des conditions d'approvisionnement en hydrocarbures n'aura que peu ou pas d'effet réel. Une réponse coordonnée de l'ensemble des Etats membres, dans un cadre de solidarité, constitue le seul moyen de dégager des solutions efficaces et utiles afin de garantir un niveau adéquat de sécurité, de sûreté et de prévention des crises et des accidents graves.

Ces mesures de coordination des moyens d'action au sein d'un cadre communautaire se conçoivent aussi en coordination et non en opposition avec les pays producteurs. L'Union européenne élargie est frontalière avec les principales zones productrices d'hydrocarbures (Russie, Caspienne, Afrique du Nord) et cet atout géographique devra être pris en considération lorsqu'il sera question de la localisation des stocks pétroliers et gaziers. Comme le démontrent les résultats des discussions entrepris par Bruxelles avec la Russie en matière de sécurité des réseaux, de protection des investissements ou d'identification de grands projets d'intérêt commun, l'Europe a tout à gagner au développement et à l'institutionnalisation du dialogue énergétique entre les pays producteurs et consommateurs, notamment au sein de l'International Energy Forum de Ryad. Cette relation contribuera à assurer une meilleure stabilité des approvisionnements et constitue d'ores et déjà une des conditions impératives pour améliorer le mécanisme des prix et la conclusion d'accords d'approvisionnement satisfaisants.

2) Des propositions concrètes en matière de pétrole et de gaz.

Constatant la fragmentation des mécanismes de stockage des réserves pétrolières au sein des divers pays de l'Union, la Commission – reprenant une proposition de José Maria AZNAR faite à Paris le 26 septembre 2000 à l'occasion d'une rencontre avec Jacques CHIRAC - demande, depuis septembre 2002, l'adoption d'une directive visant à remédier à cette situation.

Son premier objectif est d'instituer dans chaque Etat membre un organisme public de détention des stocks pétroliers, qui devra être propriétaire de stocks représentant au minimum un tiers des obligations prévues en la matière. L'objectif de la Commission étant d'augmenter progressivement le volume actuel minimal de 90 jours de consommation pour le porter à 120 jours, sachant que la moyenne communautaire de stocks de sécurité se situe actuellement à environ 114 jours de consommation.

L'utilisation coordonnée des stocks de sécurité constitue, aux yeux de Bruxelles, le second volet de cette politique rénovée des stockages stratégiques. Pour l'heure, la législation communautaire ne prévoit qu'une simple procédure de consultations mutuelles entre experts techniques des Etats membres et chaque Etat peut donc mettre en oeuvre des mesures de déstockage comme il l'entend. La Commission entend faire partager aux Etats la nécessité d'une stratégie commune en cas de rupture physique ou économique des approvisionnements pétroliers qui donnera la faculté à Bruxelles, en cas de nécessité impérieuse, de prendre d'urgence les mesures qui s'imposent en matière de gestion des stocks.

Enfin, l'harmonisation des critères d'intervention sur les stocks constitue le dernier volet du projet de la Commission. Pour ce faire, le projet de directive de septembre 2002 prévoit des règles communes d'utilisation des stocks de sécurité, non seulement en cas de risque de pénurie physique, mais aussi en cas de volatilité des marchés, avec l'instauration d'un seuil d'alerte. Celui-ci serait atteint lorsque le prix du pétrole brut sur les marchés au comptant serait tel que, en cas de maintien du prix à ce niveau durant 12 mois, la facture pétrolière extérieure de l'Union au cours des 12 mois suivants serait augmentée d'un montant équivalent à plus d'un demi pour cent du PIB de l'Union de l'année précédente par rapport à la facture pétrolière extérieure moyenne au cours des cinq dernières années.

Nombre de pays européens, dont la France, la Grande Bretagne, le Luxembourg, se sont déclarés hostiles à ces propositions, arguant notamment que les réserves stratégiques doivent servir à régler des cas d'urgence, pas à réguler les prix et que l'augmentation de l'offre de pétrole brut ne supprime pas le manque de capacités de production, observé par exemple dans le raffinage américain, alors que c'est ce dernier goulet d'étranglement qui avait tiré les prix de l'ensemble de la filière pétrolière au 1er semestre 2000. Enfin, la proposition de directive n'a pas suscité non plus d'enthousiasme chez les opérateurs privés qui, comme c'est le cas en France, financent et gèrent déjà, dans des proportions non négligeables, les actuels stocks.

S'agissant de la sécurité des approvisionnements en gaz, la Commission estime qu'il n'existe aujourd'hui aucune approche cohérente de la part des Etats membres visant à assurer la sécurité des approvisionnements dans le marché intérieur.

L'objectif de la proposition de directive est que, sans prévoir à ce stade, la fixation harmonisée de stocks minimum, chaque Etat membre prenne les mesures nécessaires pour que l'approvisionnement des consommateurs non interruptibles soit assuré en cas de perturbation de la source d'approvisionnement en gaz unique la plus importante, pendant soixante jours et dans des conditions météorologiques moyennes. Par ailleurs, le nouveau cadre communautaire devrait donner capacité à la Commission d'obliger les Etats membres à prendre des mesures spécifiques pour fournir l'assistance nécessaire aux Etats membres particulièrement touchés par l'interruption de leur approvisionnement gazier.

***

Pour conclure, il est intéressant d'ouvrir en cette matière de nouveaux espaces de réflexion, et ceux esquissés par Jeremy RIFKIN, président de la Foundation on Economic Trends (Washington), dans le journal Le Monde du 24 septembre dernier, sont particulièrement prometteurs : « L'Union européenne se trouve actuellement dans une position unique pour prendre une option sur l'avenir en devenant la première superpuissance à opérer le passage durable des carburants fossiles à l'ère hydrogène. Une mutation de cette ampleur dans les systèmes énergétiques au cours du prochain demi-siècle aura vraisemblablement un impact aussi profond sur la société que l'exploitation du charbon et la machine à vapeur il y a plus de trois siècles (...). Viendra le moment où s'installera la réalité de l'entrée de l'Europe dans un nouvel avenir énergétique. Lorsque cela se produira, les ondes de choc risquent de traverser la mare comme un gigantesque raz de marée, forçant les Etats-Unis à reconsidérer leur propre avenir énergétique... ».

[1] In mensuel allemand DMeuro du 26 septembre 2002

Directeur de la publication : Pascale Joannin

Pour aller plus loin

Les Balkans

 
38.png

Željana Zovko

31 mars 2025

La situation en Bosnie-Herzégovine inquiète la communauté internationale et spécialement les Européens. Milorad Dodik, président de l’entité...

Stratégie, sécurité et défense

 
image-illustration-ee1.png

Jan-Christoph Oetjen

27 mai 2024

Lors de son discours de la Sorbonne le 25 avril, Emmanuel Macron a déclaré que l’Europe était « mortelle ». Partagez-vous cette inquiétude existentielle...

Éducation et culture

 
64e4b3bddef946.58970851-musique-violons.jpg

Jorge Chaminé

3 juillet 2023

Suite à l'invasion russe en Ukraine, vous avez été à l'initiative d'une chaîne de solidarité. En quoi consiste-t-elle ? La nuit du 24 février...

Ukraine Russie

 
64e4b415884911.60657106-belarus-manifestations-1.jpg

Svetlana Tikhanovskaia

12 décembre 2022

Quelle est la situation politique intérieure en Biélorussie ? Le pouvoir est-il fragilisé par sa brutale et incessante répression ? Comment réagit la population...

La Lettre
Schuman

L'actualité européenne de la semaine

Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais

Versions :