70 ans après, il est temps de réinventer la CECA

Climat et énergie

Thierry Lepercq

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24 octobre 2022
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Lepercq Thierry

Thierry Lepercq

Président d'Hydeal

70 ans après, il est temps de réinventer la CECA

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Du rififi à Berlin, Bruxelles et La Corogne

Le 16 mai 2022, au centre de conférences Radialsystem de Berlin, une chaise reste désespérément vide. La ministre allemande de l'Education de la Recherche, Bettina Stark-Watzinger, inaugure la conférence "Hydrogène vert pour un avenir européen durable" promue par son gouvernement, avant de passer la parole à son homologue italienne, Cristina Messa, puis à la commissaire européenne Mariya Gabriel.Cette chaise vide est celle de la Présidence française de l'Union européenne qui, malgré les efforts insistants du gouvernement fédéral allemand, n'a pas souhaité déléguer de représentant. A la chancellerie, l'humeur est à l'ébullition.

Ils sont près de 100 dirigeants représentant 31 opérateurs de transport et stockage de gaz (TSO) de 28 pays européens -dont GRT Gaz et Teréga pour la France-, réunis le 7 juin 2022 à Bruxelles autour de la Commission européenne. L'heure est à la présentation de la dernière mouture de la European Hydrogen Backbone (EHB), une initiative lancée deux ans auparavant par l'entreprise allemande OGE. Au menu, le dévoilement d'un ambitieux plan de 28 000 km de canalisations d'hydrogène couvrant l'ensemble du continent, à construire d'ici à 2030.

Un trait pointillé attire tous les regards : une ligne sous-marine reliant Barcelone à Livourne - pour relier la péninsule ibérique au reste de l'Europe en contournant la France, dont l'opposition aux infrastructures transfrontalières d'hydrogène vert ne fait plus mystère.

Quelques mois plus tard, le 5 octobre 2022 à La Corogne, Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol, reçoit le chancelier allemand, Olaf Scholz, accompagné d'une quinzaine de ministres. Au menu de ce sommet : la crise énergétique européenne et les mesures qui doivent être prises pour renforcer la sécurité d'approvisionnement du continent et la solidarité européenne.

Une proposition s'impose : renforcer les interconnexions gazières pour permettre au gaz naturel liquéfié (GNL) arrivant dans les ports espagnols de soulager une industrie allemande en voie d'asphyxie - et préparer la voie pour la mise en œuvre des infrastructures de transport d'hydrogène vert (EHB).

A peine le sommet germano-espagnol conclu, la réponse de Paris tombe comme un couperet, fort peu diplomatique : le projet MidCat d'interconnexion gazière à travers les Pyrénées n'a pas lieu d'être. La France entend pleinement exercer sa prérogative souveraine en matière d'énergie et protéger l'unicité de son modèle électrique nucléaire.

Le dernier acte se joue le 19 octobre 2022. A la dernière minute, est reporté sine die le conseil des ministres franco-allemand, prévu le 26. Le lendemain, la cause est entendue : le président français, entouré des Premiers ministres espagnol et portugais, concède la construction d'un pipeline sous-marin d'hydrogène vert connectant Barcelone à Marseille (BarMar) et remontant vers le Benelux et l'Allemagne via la vallée du Rhône.

Tandis qu'à Berlin on a le triomphe modeste, Teresa Ribera, ministre espagnole de la Transition énergétique, jubile, sans prendre ombrage des avertissements français sur le temps - supposément long - de la mise en œuvre d'un tel projet. Avec la résolution de l'obstacle des Pyrénées, l'EHB va voir le jour et l'hydrogène espagnol -et bientôt nord-africain- sera en mesure d'irriguer les industries européennes.

Cette éruption de crise politique européenne a des racines anciennes : il n'y a jamais eu de politique européenne de l'énergie.

Les promesses non tenues de la CECA : des politiques énergétiques divergentes

Il y a un peu plus de 70 ans, le 23 juillet 1952, naissait l'institution qui allait servir de matrice à la construction européenne : la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). Sa création avait été annoncée par Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, lors de sa déclaration historique du 9 mai 1950 :

"Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute autorité commune (...). La mise en commun des productions de charbon et d'acier assurera immédiatement l'établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne."

La CECA a eu l'immense mérite de mettre en place un système institutionnel puissant et équilibré (Haute autorité, conseil des Ministres, Assemblée parlementaire, Cour de Justice) qui, transposé en 1957 à la Communauté économique européenne puis en 2009 à l'Union européenne, assure, en dépit de crises récurrentes, la cohésion politique d'un ensemble disparate de 27 Etats membres et de 450 millions de citoyens, enfin réconciliés après des siècles de conflits.

En revanche ni la CECA, ni Euratom (Communauté européenne de l'énergie atomique, lancée en 1957), son homologue nucléaire, n'ont joué le rôle attendu par les Pères fondateurs d'impulsion d'une politique énergétique commune. L'énergie n'est en effet pas un bien comme les autres : elle demeure indissociable de la souveraineté des Etats et de la légitimité de leur pouvoir. On arguera aussi que, sauf crise structurelle et catastrophique, le partage de souveraineté énergétique n'a pas réellement de raison d'être.

Or, dans les années 1950, la menace de la pénurie s'estompe et l'approvisionnement énergétique d'un continent en plein essor ne semble plus faire problème. Un "âge d'or" d'abondance énergétique s'ouvre. Si les gisements de charbon s'épuisent rapidement dans la plupart des pays d'Europe, les mix énergétiques sont confortés par des vagues successives d'énergies performantes et compétitives : hydroélectricité, nucléaire, pétrole et gaz.

Là où certains pays comme la Belgique, suivant le modèle britannique, s'engagent rapidement dans le développement d'un parc nucléaire important, la France, riche de son empire colonial et désireuse de rivaliser stratégiquement avec les Etats-Unis et l'Union soviétique, fait, à côté de l'hydroélectricité, le choix du pétrole et du gaz.

Guy Mollet, alors président du Conseil, a signé le 10 janvier 1957 le décret portant la création de l'Organisation commune des régions sahariennes, qui met les ressources du Sahara sous la tutelle de la métropole, et déclare : "La France est et demeure une grande puissance. Elle mobilisera ses forces pour que se réalise le miracle saharien. De grandes richesses en charbon, en fer, en pétrole, en gaz naturel, des territoires du sud seront mises en valeur..." À l'indépendance de l'Algérie en 1962, la France a conservé le contrôle économique du Sahara et de ses hydrocarbures, jusqu'en 1968.

La divergence des mix énergétiques européens est rapidement consommée. Là où la France et l'Allemagne avaient en 1950 des structures d'approvisionnement similaires (précisément à dominante charbonnière), le choix stratégique de Guy Mollet - pleinement confirmé par le Général de Gaulle, donne en 1970 aux hydrocarbures une place dominante dans le mix français (70% de l'énergie finale), bien plus que dans celui de l'Allemagne (52%).

Le choc pétrolier de 1973 affecte donc beaucoup plus durement la France, provoquant d'importants déficits commerciaux, une forte inflation et une dépréciation du franc - ouvrant ainsi une longue période de divergence économique entre les deux rives du Rhin.

Le programme nucléaire français, une réussite industrielle brillante mise en place par les Présidents français Georges Pompidou (1969-1974) et Valéry Giscard d'Estaing (1974-1981), nait alors de ce traumatisme. Il prend son essor alors même que la plupart des autres pays européens gèlent alors les uns après les autres leurs propres programmes, suite aux accidents de Three Mile Island (1979) et Tchernobyl (1986).

Mobilisant intelligemment à l'origine une technologie américaine (Westinghouse) et franco-américaine de l'atome (Framatome), une ingénierie belge (Empain-Scheider) et des financements obligataires en dollar, EDF construit en deux décennies un parc de 59 réacteurs. Il va permettre à la part du nucléaire dans l'énergie finale française de passer de 1% en 1970 à 17% en 2000, une part trois fois supérieure à celle de l'Allemagne - les hydrocarbures restant largement dominants dans les deux pays.

Les progrès de l'intégration européenne, la mise en œuvre du marché unique et l'avènement de l'euro reposent alors la question d'une politique énergétique européenne commune.

L'échec de la politique énergétique européenne et la chute des investissements

Les décisions stratégiques sur leur approvisionnement énergétique demeurent la prérogative jalouse des Etats. Les instances européennes vont donc aborder la question sous deux angles qui relèvent de leurs compétences : le marché intérieur et la lutte contre le changement climatique. La stratégie va principalement consister à ouvrir et libéraliser les marchés, d'une part, et à encourager le développement des énergies renouvelables, d'autre part.

Une directive publiée en 2003 enjoint les Etats membres d'ouvrir leurs marchés à la concurrence (2004 pour les entreprises, 2007 pour les particuliers) et de démanteler les anciens monopoles énergétiques. On scinde les activités commerciales (production et fourniture) et les infrastructures de monopole naturel (transport et distribution de gaz et d'électricité), lesquelles deviennent alors des activités régulées : c'est ce qu'on appelle l'unbundling.

Cet unbundling sera mis en œuvre partiellement en France, où RTE et Enedis (électricité), et GRTGaz et GRDF (gaz) resteront contrôlées respectivement par EDF et Gaz de France (devenu GDF-Suez, puis Engie).

Fin 2008 l'Union européenne adopte un "Paquet énergie-climat" qui demande aux Etats membres, sans mesure contraignante, d'atteindre en 2020 20% d'énergies renouvelables dans leur mix énergétique, de réduire leurs émissions de CO2 de 20% et d'accroître leur efficacité énergétique de 20% : c'est le fameux 3x20.

En parallèle, les Etats européens ouvrent largement leurs marchés énergétiques aux importations, tout particulièrement de gaz naturel, dont les prix sur le marché mondial chutent fortement à partir de 2008 du fait du gaz de schiste aux Etats-Unis et du développement de la production de GNL, notamment au Qatar.

Des contrats de long terme sont signés, principalement avec la Russie, où se distinguent E.On et GDF-Suez. Les mêmes entreprises créent en 2015 une filiale commune avec Gazprom pour la construction du pipeline Nord Stream 2 reliant directement la Russie à l'Allemagne. En deux décennies, les importations de gaz de l'Union européenne font un bond de 50% pour atteindre 3 220 TWh en 2021.

Dans le cas précis du gaz, les situations de la France et de l'Allemagne, et des autres pays européens, ne diffèrent d'ailleurs guère : qui sait que les 474 TWh d'importation gazières de la France en 2021 ont représenté 131% de sa production d'électricité nucléaire ?

Enfin, certains pays vont vouloir "traire la rente" générée par les actifs existants : En France, EDF réduit ses investissements à partir de la fin des années 1990. Alors que les prix de l'électricité pour les consommateurs industriels et particuliers étaient comparables en France et en Allemagne en 1995, les gouvernements français successifs, ignorant les Cassandre qui voient se profiler un "mur nucléaire" (démantèlement, stockage des déchets, nouvelles capacités), profitent des cash flows transitoirement générés pour imposer à EDF une réduction de 30% de ses tarifs réglementés entre 1996 et 2008, créant un fossé béant entre les deux rives du Rhin.

Au total, l'ensemble des politiques suivies pendant 20 ans, tant au niveau européen que national, vont se traduire par une baisse générale des investissements dans la production d'énergie en Europe, ce qui va s'avérer lourd de conséquences.

La déréglementation a eu un effet imprévu et délétère : la déresponsabilisation des acteurs. Comme le disait en 2018 un haut responsable du système énergétique français : "nous avions autrefois en France un ministère de l'électricité, EDF, un ministère du gaz, GDF, et un ministère du pétrole, Total. Aujourd'hui nous avons des entreprises privées qui ne pensent qu'à leur propre intérêt à court terme".

En mettant un terme aux situations de monopole historique, l'ouverture des marchés et l'unbundling ont brisé la logique de système et la capacité à investir à long terme (surtout en période de cycle bas), indispensables pour assurer dans la durée la sécurité d'approvisionnement, clé (avec la compétitivité et la décarbonation) de toute politique énergétique.

Les stratégies de stop-and-go dans les énergies renouvelables (principalement solaire et éolien) n'ont pas non plus donné de résultats concluants. Après un début en fanfare jusqu'en 2011 - alimenté par des systèmes de tarif d'achat mal calibrés et très coûteux, et du fait de restrictions drastiques des conditions de permis des installations, les investissements y ont structurellement chuté (-30% en 10 ans) reléguant l'Union européenne loin derrière la Chine et les Etats-Unis.

Entretemps, les marchés mondiaux de l'énergie ont connu une mutation fondamentale. La baisse des prix du pétrole fin 2014, puis la pression croissante des marchés financiers sur la chaine des combustibles fossiles suite à la conférence climatique de Paris (COP21), ont provoqué d'un seul coup une chute de 60% des investissements dans l'amont pétrolier et gazier, sans rebond prévisible, contrairement aux cycles précédents : ce sont ainsi près de 5 000 milliards $ d'investissements qui manquent à l'appel depuis 2015.

La pandémie de Covid-19 et la dépression temporaire de la demande mondiale d'énergie ont masqué l'inévitable : l'Europe a négligé pendant des décennies d'investir pour assurer sa sécurité d'approvisionnement, et se trouve confrontée à la perspective d'un hiver long (au moins jusqu'à la fin de la décennie) et douloureux. La guerre en Ukraine est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, accélérant une crise énergétique historique dont les racines sont anciennes.

L'Europe au défi d'une crise énergétique et économique historique

Le 2 septembre 2022, la nouvelle sonne comme un coup de tonnerre. La verrerie Duralex, dont la marque a bercé des générations de petits Français, annonce la fermeture prochaine de son usine de La Chapelle-Saint Mesmin (Loiret), la hausse vertigineuse du prix du gaz et de l'électricité rendant non économique son activité industrielle.

Bientôt les annonces se succèdent : ArcelorMittal ferme ses hauts-fourneaux de Brème, Fertiberia son usine d'ammoniaque en Andalousie. Début octobre 2022 10% de la capacité européenne de production d'acier, 50% de celle d'aluminium et 70% de celle d'engrais sont à l'arrêt.

Le cabinet S&P Global annonce une baisse de 40% de la production automobile en 2023. Le vertige saisit les décideurs : et si des pans entiers de l'industrie européenne étaient sur le point de disparaître ?

La très forte hausse des prix des engrais et autres intrants à des effets dramatiques sur la chaîne agricole. A près de 11% en moyenne en septembre 2022, l'inflation en Europe menace gravement le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, avec les conséquences sociales et politiques que l'on imagine.

Comment en est-on arrivé là ? Ainsi qu'à d'autres moments de l'histoire (1973, 1990, 2000, 2008), la rencontre d'une demande mondiale d'énergie dynamique heurtant les limites d'une offre insuffisante et inflexible (parfois affectée par des événements géopolitiques) se traduit par des décalages de prix très rapides.

La demande, comprimée par la pandémie, rebondit dès la fin de 2020 et se confronte à une offre déprimée par une longue période de sous-investissements, un phénomène particulièrement manifeste dans le cas du gaz naturel.

Aux Etats-Unis, les prix de gros du gaz triplent entre janvier 2020 et octobre 2021 pour atteindre 17$/MWh - équivalent à celui, coté, un an plus tard. La hausse est encore plus marquée en Europe, très dépendante des importations (notamment en GNL), où les prix sont multipliés par 7 sur la même période pour atteindre 100€/MWh - un niveau qu'ils ont retrouvé en octobre 2022 après l'épisode de hausse, post-invasion de l'Ukraine.

La hausse des prix du gaz, combustible de nombreuses centrales électriques, se répercute alors logiquement sur les prix de l'électricité, alors même que les capacités de production en base (charbon et nucléaire surtout) pâtissent de deux décennies de sous-investissement. C'est le cas en Belgique et en France, où la baisse de la production électronucléaire (-30% depuis 2015), s'accélère avec le vieillissement du parc, dont l'âge moyen approche l'échéance fatidique des 40 ans.

La soudaineté et la gravité de la crise frappent les décideurs politiques et économiques européens de stupeur. Les appels à la sobriété, qui paraissent bien dérisoires face à l'énormité des enjeux, se multiplient. Une avalanche de mesures d'urgence est annoncée, la dernière en date lors du Conseil européen des 20 et 21 octobre 2022.

Ce sont d'abord des boucliers énergétiques, qui visent à préserver ménages et entreprises des hausses (mais jusqu'à quand ?) A ce jour, 500 milliards € d'aides ont été annoncées par les gouvernements européens qui, ironie du sort sur le plan climatique, sont autant de subventions pour des énergies fossiles importées (gaz naturel, fioul, essence et diesel).

Certains plaident pour une suspension des marchés européens du gaz et de l'électricité, oubliant que si l'ajustement de l'offre et de la demande ne peut plus passer par les prix, il passera par les quantités (rationnement, délestage, etc.), causant potentiellement un chaos économique.

Oubliant que les infrastructures énergétiques se construisent sur des décennies, d'autres proposent d'accélérer les investissements dans les énergies renouvelables et le nucléaire. Savent-ils qu'il faudrait mettre en service l'équivalent de 5 fois la capacité photovoltaïque et éolienne construite en 20 ans en Europe, ou encore 10 fois le parc nucléaire français, pour se substituer aux seules importations européennes de gaz naturel ?

On pourrait conclure de cette succession d'événements que l'avenir énergétique, économique et politique de l'Europe est totalement bouché. Or il n'en est rien.

La révolution de l'hydrogène vert et l'ardente obligation d'une Union énergétique

Lorsque la Commission européenne présente son plan RePowerEU le 18 mai 2022, en réponse à la crise énergétique, peu d'observateurs remarquent un objectif, qui paraît alors anecdotique : 20 millions de tonnes d'hydrogène vert en 2030, dont la moitié à produire en Europe et l'autre moitié à importer. Peut-être aurait-on dû donner une calculette aux journalistes présents : on parle de 780 TWh, une part significative des importations européennes de gaz naturel !

Cette ambition (et notamment son volet d'importations) sont immédiatement repris à son compte par le gouvernement allemand dans la stratégie que la ministre de l'Education et de la Recherche présente lors de l'événement du Radialsystem à Berlin. La même semaine à Barcelone, la ministre espagnole de la Transition énergétique, Teresa Ribera, annonce devant un parterre de ministres et de chefs d'entreprise du monde entier que l'Espagne va axer en large part sa stratégie énergétique sur l'hydrogène vert.

Lassés par des annonces incessantes (ne dit-on pas que l'hydrogène est une forme d'énergie très prometteuse qui a vocation à le rester), beaucoup d'observateurs seraient tentés de n'y voir que de la "hype". Ils auraient tort.

Dans plusieurs pays d'Europe, des hubs d'hydrogène vert voient le jour, dont certains atteignent 10 GW (l'équivalent d'autant de tranches nucléaires) avec des mises en service dès 2025 : production d'énergie renouvelable compétitive dédiée (solaire dans la péninsule ibérique, éolien en mer du Nord), installation d'électrolyseurs à grande échelle, transport d'hydrogène par pipeline (European Hydrogen Backbone), utilisation de l'hydrogène en remplacement du charbon, du gaz et du pétrole dans la production d'acier, d'engrais, de verre, d'électricité, de chaleur... et la mobilité.

A 60€/MWh les projets les plus compétitifs n'ont plus besoin de subventions : la hausse des marchés du gaz et de l'électricité a fait son œuvre. Qui voudra se fournir en gaz fossile quand l'alternative décarbonée est moins chère ?

A la production européenne devront s'ajouter des importations, dans des volumes raisonnables, principalement en provenance du sud de la Méditerranée, facile d'accès par des pipelines qui pourraient être construits avant 2030, pour partie le long de canalisations existantes. Déjà de grands énergéticiens européens ont signé des accords au Maroc, en Mauritanie et en Egypte, portant sur des dizaines de GW de projets.

La Banque Européenne d'Investissement (BEI), bras armé de l'Union européenne dans le financement des infrastructures, accompagne aussi les gouvernements de ces pays dans cette perspective.

L'idée germe ainsi d'une solidarité euro-africaine, où une Afrique riche en ressources pourrait venir au secours d'une Europe en crise - et accélérer son propre développement industriel, économique et social, tout en préservant le climat et en développant l'accès à l'eau via la désalinisation.

Un tel projet peut et doit mobiliser tous les Européens. La révolution de l'hydrogène offre à l'Europe une opportunité historique : se refonder autour d'une Union énergétique en tenant finalement les promesses de Robert Schuman il y a 70 ans.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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