Élections en Europe
Corinne Deloy
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18 906 721 Roumains sont appelés aux urnes le 11 décembre prochain pour renouveler les deux chambres du Parlement. 8 889 personnes se sont inscrites pour voter par correspondance, une nouvelle façon de remplir son devoir civique désormais offerte aux Roumains. 417 bureaux de vote, soit 123 de plus que lors des précédentes élections parlementaires du 9 décembre 2012, ont été ouverts dans 190 pays.
Lors de l'élection présidentielle des 2 et 16 novembre 2014, de nombreux Roumains expatriés n'avaient pas pu s'exprimer lors du premier tour de scrutin en raison d'un nombre insuffisant de bureaux de vote (294 au total et seulement 160 000 bulletins imprimés pour environ 4 millions d'électeurs), notamment en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique. Entre les deux tours, des manifestations avaient été organisées à Bucarest et dans les villes de Cluj, Timisoara, Sibiu, Brasov, Oradea et Constanta en solidarité avec les Roumains expatriés qui n'avaient pas pu se rendre aux urnes.
6 500 personnes sont officiellement candidates aux élections parlementaires du 11 décembre prochain. L'ensemble des partis politiques jouent la carte de la nouveauté concernant leurs listes de candidats.
La présidente du Parti libéral national (PNL) Alina Gorghiu a ainsi affirmé que les listes de son parti comptent 60% de nouveaux candidats, issus du monde des affaires, des sports, de la culture, etc., et qui n'ont jamais été impliqués dans un quelconque scandale. Le PNL a par exemple choisi le chirurgien du cerveau Leon Danaila pour conduire sa liste de candidats au Sénat.
Le Parti social-démocrate (PSD) de Liviu Dragnea n'est pas en reste et a indiqué que ses listes comprenaient 70% de nouveaux visages.
La campagne électorale s'est ouverte le 11 novembre et se terminera le 10 décembre. Le gouvernement a alloué la somme totale de 227,7 millions de lei (51 millions €) à l'organisation de ce scrutin.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut CIADO en octobre [1] , le Parti social-démocrate arriverait en tête du scrutin avec 44,6% des suffrages. Il devancerait le Parti national-libéral, qui recueillerait 29,3% des voix. L'Alliance des libéraux et des démocrates (ALDE) de Calin Popescu Tariceanu et Daniel Constantin obtiendrait 6,5% des suffrages ; l'Union pour le salut de la Roumanie (USR) de Nicusor Dan qui ne se revendique " ni de droite ni de gauche ", recueillerait 5,7% des voix et l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR) de Hunor Kelemen, 5,2% des suffrages.
Un an de gouvernement d'experts
La Roumanie est dirigée depuis un peu plus d'un an par un gouvernement de technocrates. Le 17 novembre 2015, le président de la République Klaus Johannis a en effet nommé l'ancien ministre de l'Agriculture et du Développement rural (2007-2009) et ancien commissaire européen à l'Agriculture et au Développement rural (2010-2014) Dacian Ciolos au poste de Premier ministre. Celui-ci a constitué un gouvernement composé uniquement d'experts indépendants, une première dans le pays. Sa nomination a été la conséquence du dramatique incendie qui s'est déclenché dans la discothèque Colectiv de Bucarest le 30 octobre 2015 et qui a fait au total 63 morts et 150 blessés.
Les autorités avaient été directement mises en cause dans cette tragédie (plusieurs manquements aux normes de sécurité de la discothèque dus à la corruption ou à la négligence des autorités locales ont en effet été mis à jour par l'enquête menée par la police), ce qui avait suscité une énorme vague d'indignation et de protestation et contraint le Premier ministre social-démocrate de l'époque Victor Ponta (PSD) à la démission. Aujourd'hui encore, de nombreux Roumains accusent les partis et les hommes politiques de ne pas avoir tiré les leçons de l'incendie.
" J'ai commencé ce mandat il y a un an et je voudrais profiter de cette occasion pour expliquer et évaluer, sans cérémonie, cette année de " gouvernement zéro ". Nous devons dire que nous sommes un gouvernement avec zéro corruption, zéro populisme et zéro mensonge " a récemment déclaré le Premier ministre sortant Dacian Ciolos. " Comme je l'ai dit au début de mon mandat, nous n'avions pas pour intention de révolutionner la Roumanie en un an, mais nous avons réalisé plusieurs réformes dans des secteurs essentiels (...) Notre objectif était de maintenir l'équilibre, de garantir les conditions de la poursuite de la croissance économique et d'initier certaines réformes. Nous avons débuté un processus de simplification administrative. Au niveau économique, nous avons pu poursuivre sur la voie du développement parce que nous avons renforcé l'environnement des entreprises en rendant les choses plus simples et plus claires. Nous avons établi une politique de soutien de l'Etat aux petites et moyennes entreprises, plus transparente et plus juste dont nous voyons les résultats dans la hausse actuelle de l'investissement et de l'emploi " a encore souligné le chef du gouvernement.
La croissance du PIB a en effet atteint en Roumanie 6% au deuxième trimestre de cette année. Selon les prévisions économiques, elle devrait se maintenir au-dessus de 3% jusqu'en 2020
Depuis plusieurs mois, la lutte contre la corruption s'est intensifiée en Roumanie. De nombreux responsables politiques ont été mis en examen, dont l'ancien chef de gouvernement (2012-2015) Victor Ponta (PSD) pour 17 chefs d'accusation, dont le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale. Plusieurs anciens ministres purgent des peines de prison pour corruption.
Celui de l'Intérieur Petre Toba (indépendant) a démissionné de ses fonctions le 7 septembre dernier après avoir été mis en cause dans une affaire de détournement de fonds. Le Parquet anti-corruption [2] l'accuse d'avoir refusé à la justice l'accès à des documents classés secret défense mais qui portaient sur des achats d'un total de 11 700 € (des maisons pour enfants avec bacs à sable, des cartes à jouer, un jeu de fléchettes, un four électrique) effectués en 2014-2015 par l'inspection de la police générale. Petre Toba a été remplacé à son poste par Dragos Tudorache (indépendant).
Le co-président du Parti national-libéral, Vasile Blaga, a également démissionné le 28 septembre dernier après avoir été mis en cause dans un trafic d'influence par la justice qui l'accuse d'avoir reçu, en 2010-2011, 700 000 € de la part d'un maire et d'un homme d'affaires en échange de contrats avec l'Etat et d'emplois. Vasile Blaga réfute toutes les accusations portées contre lui.
Quel avenir pour Dacian Ciolos ?
Pour les élections parlementaires du 11 décembre prochain, le Premier ministre Dacian Ciolos appelle à un large rassemblement des partis politiques, de la société civile et des chefs d'entreprises autour de son projet de réforme de l'Etat, intitulé Plateforme Roumanie 100. Le premier des dix points développés dans le texte est la lutte contre la corruption. Le chef du gouvernement sortant met également l'accent sur l'éducation et le système de santé.
Conformément à la promesse qu'il a faite aux Roumains lors de sa désignation, il ne sera toutefois pas candidat. " L'objectif du mandat que j'ai commencé en novembre 2015 était d'assurer la stabilité politique et économique de la Roumanie. Son but était dans le même temps d'offrir aux partis politiques l'espace qui leur était nécessaire pour se réformer, pour retrouver la confiance des électeurs et pour davantage s'ouvrir sur la société " a récemment déclaré Dacian Ciolos.
La candidature de l'actuel locataire du Palais Victoria (résidence du Premier ministre roumain) pour le poste de chef de gouvernement est cependant soutenue par le Parti national-libéral, qui s'est fixé comme objectif d'obtenir environ 25% des sièges. Sa dirigeante Alina Gorghiu a également affirmé qu'elle démissionnerait de ses fonctions à la tête de son parti si celui-ci ne devait pas faire partie de la future majorité parlementaire.
Elle a indiqué qu'elle ne gouvernerait pas avec le Parti du mouvement populaire (PMP), parti libéral fondé en 2013 et dirigé par l'ancien président de la République (2004-2014) Traian Basescu. " Nous préférerions rester dans l'opposition que de signer un pacte avec le diable " a souligné la présidente du Parti national-libéral, qui reproche au parti de l'ancien chef de l'Etat de s'être allié avec les sociaux-démocrates au sein de nombreuses municipalités à l'issue des élections locales du 5 juin dernier. Traian Basescu affirme que le Parti national-libéral a perdu sa majorité dans plusieurs villes en raison de son refus de négocier.
La candidature de Dacian Ciolos à sa propre succession est également soutenue par l'Union pour le salut de la Roumanie (USR), créée à la suite du succès de l'Union pour le salut de Bucarest (USB) aux élections locales du 5 juin. Dirigée par Nicusor Dan, elle ne se veut " ni de droite ni de gauche ". Le parti a d'ailleurs indiqué qu'il ne participerait pas à un gouvernement qui comprendrait le Parti national-libéral ou le Parti social-démocrate. " Ces formations sont responsables de l'état actuel de la Roumanie qu'ils ont gouvernée successivement depuis 26 ans " a déclaré Nicusor Dan. L'Union pour le salut de la Roumanie s'est fixé pour objectif de recueillir entre 10% et 15% des suffrages le 11 décembre prochain.
Enfin, le président de la République Klaus Johannis a averti qu'il ne nommerait pas au poste de Premier ministre une personnalité indépendante.
Les partis politiques
" La Roumanie n'a pas besoin d'un messie " a déclaré le 7 novembre le dirigeant social-démocrate Liviu Dragnea, qui a également affirmé qu'il quitterait ses fonctions à la tête du parti (qu'il occupe depuis le 22 juillet dernier) si celui-ci ne remportait pas les élections parlementaires.
Les sociaux-démocrates, qui font campagne avec le slogan " Ose croire en la Roumanie " (Indrazneste sa crezi in Romania), se sont imposés aux élections locales du 5 juin dernier. Le changement de mode de scrutin de ces dernières (de deux tours à un seul tour) a clairement avantagé le Parti social-démocrate, parti politique le plus important de Roumanie. Dominant la partie gauche de l'échiquier politique, il devance habituellement au premier tour de scrutin une droite plus divisée. Les sociaux-démocrates ont conquis 1 669 mairies et 16 556 postes de conseillers municipaux tandis que le Parti national-libéral a remporté 1 059 municipalités et 13 082 postes de conseillers. Outre ses divisions, la droite roumaine pâtit également de son absence de véritable leadership.
" Je ne veux pas être de nouveau Premier ministre mais je souhaite une alliance gouvernementale entre le Parti social-démocrate et l'Alliance des libéraux et des démocrates. Dacian Ciolos est un bon employé. Les chefs de gouvernement ne sont toutefois pas censés être de bons employés mais des personnes possédant une vision et une légitimité et disposant du soutien populaire. Dans nos sociétés européennes, il est inconcevable qu'une personne souhaitant devenir Premier ministre ne soit pas candidate aux élections " a souligné Victor Ponta. Les partis de gauche affirment que la nomination de Dacian Ciolos pour un mandat entier à l'issue des prochaines élections parlementaires serait " antidémocratique ".
Le Parti social-démocrate n'a pas divulgué le nom de celui ou celle qu'il aimerait voir prendre la tête du gouvernement à l'issue du prochain scrutin.
Calin Popescu-Tariceanu, co-président de l'Alliance des libéraux et des démocrates, a récemment affirmé que les Roumains ne profitaient nullement des fruits de la croissance et que les salaires et les investissements n'augmentaient pas. " Les statistiques montrent que la croissance atteint 6%. Avec un tel taux, qui s'il est confirmé serait le plus important de l'Union européenne, chacun s'attend à en voir les effets sur les salaires " a-t-il déclaré.
Le 7 novembre dernier, le parlement roumain a voté une augmentation de 15% des rémunérations des enseignants et des médecins. Le ministre du Travail Dragos Paslaru avait pourtant demandé aux députés de rejeter la proposition faite par le Parti social-démocrate, soulignant que ces hausses de salaires allaient coûter environ 1,1 milliard € par an à la Roumanie.
La scène politique roumaine a accueilli plusieurs nouveaux partis politiques ces dernières années. Le Parti national-libéral (PNL) s'est divisé et une partie de ses membres a fondé le Parti libéral réformiste (PLR), qui a ensuite fusionné avec le Parti conservateur (PC) de Daniel Constantin pour fonder l'Alliance des libéraux et des démocrates.
Le Parti démocrate-libéral a également fait l'objet d'une scission. L'ancien président de la République Traian Basescu et plusieurs autres de ses membres l'ont quitté pour créer le Parti du mouvement populaire (PMP) qui vient de subir un revers important avec l'arrestation de sa dirigeante Elena Udrea accusée d'être impliquée dans le scandale Microsoft (des membres du gouvernement roumain auraient accepté des pots-de-vin pour ne pas s'opposer à l'augmentation des droits de licence sur les produits Microsoft).
En juin 2015, l'Union pour le progrès de la Roumanie (UNPR), parti social-démocrate progressiste fondé en mars 2010 par des membres du Parti social-démocrate et du Parti national-libéral et dirigé par Gabriel Oprea, a accueilli en son sein les derniers membres du Parti du peuple (PP-DD), parti nationaliste et populiste qui a été dissout après l'arrestation de son dirigeant Dan Diaconescu, condamné à cinq années et demi de prison pour chantage. En juillet dernier, l'Union pour le progrès de la Roumanie a rejoint le Parti du mouvement populaire de Traian Basescu.
Le système politique
Le Parlement roumain est bicaméral : il comprend la Chambre des députés (Camera deputatilor) et le Sénat (Senatul). Les deux assemblées sont renouvelées tous les quatre ans. La loi électorale roumaine a été modifiée le 20 juillet 2015. Désormais, la chambre basse compte 308 membres (un député pour 73 000 habitants et 122 de moins que le nombre élu il y a 4 ans en 2012) désignés au scrutin proportionnel de liste au sein de 43 circonscriptions : 41 représentent les comtés du pays et distribuent 279 sièges, une représente la capitale Bucarest et distribue 29 sièges et enfin, la dernière représente les Roumains de l'étranger et distribue 4 sièges.
Pour entrer à la Chambre des députés, tout parti politique doit recueillir au moins 5% du total des suffrages exprimés au niveau national ou 20% du total des suffrages exprimés dans au moins 4 circonscriptions (8% pour une alliance de 2 partis, 9% pour une alliance de 3 partis et 10% pour une alliance de 4 partis ou plus). Une personne qui recueille le soutien d'au moins 0,50% des électeurs d'une circonscription est autorisée à s'y présenter en candidat individuel.
Certains sièges de la Chambre des députés sont réservés aux minorités nationales, au nombre de 19 dans le pays. Une minorité nationale a droit à un siège de député si l'organisation de citoyens la représentant possède un élu au Conseil national des minorités et si elle a obtenu au moins 5% du nombre moyen de suffrages exprimés pour élire un député.
Tout électeur doit être âgé d'au moins 23 ans pour participer aux élections parlementaires.
Le Sénat roumain compte 134 membres. Selon la nouvelle loi électorale du 20 juillet 2015, on compte un sénateur pour 168 000 habitants. 2 sénateurs représentent les Roumains de l'étranger.
9 partis politiques sont représentés dans l'actuel parlement:
– le Parti social-démocrate (PSD), dirigé par Liviu Dragnea, compte 132 députés et 63 sénateurs ;
– le Parti national-libéral (PNL), conduit par Alina Gorghiu, possède 113 sièges à la Chambre des députés et 53 au Sénat ;
– le Parti du mouvement populaire (PMP), emmené par l'ancien président de la République (2004-2014) Traian Basescu, compte 37 députés et 24 sénateurs ;
– l'Alliance des libéraux et des démocrates (ALDE), présidée par Calin Popescu Tariceanu et Daniel Constantin, possède 23 sièges à la Chambre des députés et 14 au Sénat ;
– l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR), conduite par Hunor Kelemen, compte 16 députés et 7 sénateurs ;
– le Parti national démocratique (PND), emmené par Daniel Fenechiu, possède 11 sièges à la Chambre des députés ;
– le Parti national des paysans chrétiens-démocrates (PNTCD), dirigé par Aurelian Pavelescu, compte 1 député et 1 sénateur ;
– le Parti vert (PV), conduit par Remus Cernea, possède 1 siège à la Chambre des députés et 1 au Sénat ;
– le Parti de la nouvelle République (NRP), emmené par Alin Bota, compte 1 sénateur.
La Roumanie élit également son président de la République au suffrage universel direct. Le chef de l'Etat en exercice, Klaus Johannis, a été élu à ce poste pour un mandat de cinq ans le 16 novembre 2014 avec 54,43% des suffrages. Il a devancé le Premier ministre de l'époque Victor Ponta (PSD), qui avait recueilli 45,56% des voix. La participation s'était élevée à 64,1%.
[1] : Huff, Sondaj alegeri parlamentare 2016. Cum stau partidele la intenţia de vot
[2] : http://www.pna.ro/index.xhtml
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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