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Le budget européen : quelle négociation pour le prochain cadre financier de l'Union européenne ? (1ère partie)

Budget et Fiscalité

Nicolas-Jean Brehon

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25 mai 2010

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Brehon Nicolas-Jean

Nicolas-Jean Brehon

Conseiller honoraire au Sénat
Consultez les annexes

Introduction :

L'Union européenne devrait entamer fin 2010 sa négociation budgétaire sur les prochaines perspectives financières 2014-2020. Cette négociation s'annonce très difficile, en particulier pour la France. Ce sera la plus dure de toute son histoire. Le budget de la Politique agricole commune (PAC) n'a pas été renégocié lors de la définition des actuelles perspectives financières 2007-2013. Il le sera cette fois. Pour beaucoup d'États membres, le prochain rendez-vous budgétaire est l'occasion de prendre une revanche et, d'une certaine façon, de régler des comptes, au sens propre comme au sens figuré. L'évolution récente de la répartition des financements pourrait toutefois influencer la position des Etats membres dans cette négociation, traditionnellement tendue.

 

I - Le nouveau contexte budgétaire

 

A - Rappel des conditions de négociations

 

1 - La négociation du cadre financier pluriannuel

 

Le cadre financier pluriannuel (CFP) - aussi appelé perspectives financières (PF), par allusion à l'appellation d'origine - est la clef de voûte du système budgétaire européen. Il " assure l'évolution ordonnée des dépenses ", selon les termes du traité de Lisbonne. Formellement, le CFP se présente simplement sous la forme d'un tableau chiffré fixant année par année, sur la durée de la programmation (actuellement 7 ans [2]), les dépenses prévisibles de la Communauté ou, plus exactement, les plafonds des dépenses classées en grandes rubriques qui correspondent aux secteurs d'intervention de l'Union.

 

Sur le plan budgétaire, le cadre financier est le document de référence pendant la durée de l'accord malgré sa nature hybride. Il ne s'agit pas d'un budget pluriannuel puisqu'il ne fait que prévoir un plafonnement des dépenses [3]. Le montant définitif du budget, en pratique inférieur au plafond [4], est arrêté chaque année par l'autorité budgétaire, à savoir le Parlement européen et le Conseil. D'ailleurs, le cadre pluriannuel n'est pas totalement figé et peut être révisé. Mais c'est plus qu'une programmation indicative puisque les plafonds doivent être respectés. Sur le plan politique, le cadre financier est un élément d'affichage, tant par les sommes en jeu (la négociation tourne autour de 1000 milliards € sur la durée de la programmation) que par les priorités budgétaires qu'il énonce. Il assure aussi la paix budgétaire, en évitant les crises autour du budget, régulières avant la création du cadre pluriannuel, en 1988. Même si cette paix est précédée d'une très grande tension.

 

Comment se déroule la négociation ? Trois éléments doivent être rappelés.

 

Il s'agit d'abord d'une négociation politique intergouvernementale. La négociation s'ouvre sur un document préparé par la Commission doublé, le cas échéant, par des positions publiques exprimées par un groupe d'États membres. Il y a d'abord un travail de 18 mois de préparation technique et diplomatique, qui permet de préciser les positions des Etats membres et d'identifier les blocages. Cette première phase de négociation se conclut lors d'un Conseil européen, dédié aux ultimes arbitrages. L'accord politique des chefs d'État et de gouvernement, sous forme de " conclusions du Conseil " est adopté par consensus, c'est-à-dire à l'unanimité sans recours au vote. Il sert de base à un accord juridique, qui, jusqu'à présent, prenait la forme d'un accord interinstitutionnel (AII) tripartite conclu entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission qui comporte, en annexe, le tableau   financier. Il faut cependant reconnaître que l'accord final ne fait qu'apporter des ajustements mineurs à l'accord politique antérieur, à la demande du Parlement européen  [5]. Il n'est guère possible, pour ce dernier, de faire abstraction du consensus si laborieusement obtenu au sein du Conseil européen. L'essentiel est bien dans l'accord politique intergouvernemental précité.

 

Il s'agit ensuite d'une négociation budgétaire. Le cadre financier pluriannuel fixe des plafonds de dépenses. Trois éléments sont déterminants dans la position de négociation des États membres. Le montant total des dépenses va déterminer la contribution brute de chacun [6]. La répartition des dépenses va déterminer les retours que les Etats peuvent escompter. Ainsi, un État agricole sera sensible aux dépenses agricoles, tandis qu'un Etat relativement pauvre sera plus intéressé par les crédits des fonds structurels. Enfin, l'expérience montre que " les États membres, qu'ils soient bénéficiaires nets ou contributeurs nets, abordent la négociation avec une conscience aiguë de leur position et de leurs intérêts financiers " [7]. En fait, " les clivages entre contributeurs nets et bénéficiaires nets expliquent la quasi-totalité des conflits entre Etats membres sur le budget depuis plus de 20 ans " [8]. Même si les tensions existent aussi entre contributeurs nets.

 

La procédure de négociation est aussi capitale pour la détermination du budget. Il y a deux façons de procéder qui conduisent à des résultats différents. Spontanément, la méthode adaptée pour élaborer ce cadre financier consiste à déterminer d'abord les politiques que l'Union européenne est prête à financer et à fixer, ensuite, l'argent que les États membres veulent leur consacrer (méthode dite par addition). C'est ainsi que la 1ère programmation financière (1988-1992) s'est construite. Mais il existe aussi une méthode inverse, qui consiste à déterminer d'emblée les sommes que les États membres sont prêts à consentir au budget communautaire et à procéder ensuite à des arbitrages internes entre dépenses afin de rester dans la limite fixée (méthode dite par soustraction). C'est ainsi que les choses se sont déroulées lors de l'élaboration du cadre financier 2007-2013.

 

2 - Les particularités de la négociation  du cadre financier pluriannuel 2007/2013

 

La négociation du cadre financier pluriannuel 2007-2013 s'est accompagnée de 3 particularités. Tout d'abord, pour préciser ce qui vient d'être expliqué, la négociation budgétaire ouverte en 2004 a été préparée, en décembre 2003, par une lettre des 6 contributeurs nets représentant près de 60% du financement du budget communautaire et  85% du total des soldes nets négatifs. La " coalition d'austérité "  [9] comme elle fut parfois appelée, fixait les limites du budget que les États signataires étaient prêts à accepter, soit 1% du PIB communautaire. L'initiative venait de l'Allemagne. La France s'associa au groupe tant pour des raisons de fond, afin d'éviter une augmentation du budget communautaire, que pour des raisons tactiques afin d'éviter que l'accord budgétaire ne se fasse contre la PAC. Le résultat final fut pratiquement conforme à cette position initiale [10].

 

Ensuite, il s'agissait de la première négociation à 25. Outre l'arrivée de bénéficiaires nets du budget communautaire [11], l'élargissement de 2004 a entraîné une nouvelle méthode de négociation qui laissa une large place aux dérogations : " Jamais un accord n'avait été aussi complexe (...) La logique des cadeaux a permis d'organiser le ralliement des États au compromis final [12]. Il s'agit d'une conséquence indirecte du nouveau mode de négociation à 25. Dans le passé, les derniers blocages se dénouaient dans le rituel du conclave : les chefs d'État et de gouvernement se réunissaient seuls, dans une pièce, et n'en sortaient qu'une fois le compromis final trouvé. À 25/27, il n'y a plus de négociation multilatérale, le compromis se construit par itérations successives entre deux ou trois délégations à la fois. Cette procédure limite le leadership unique, donne plus de poids à la diplomatie, mais induit aussi des changements techniques. Entre chefs d'État et de gouvernement, on traitait des principes, à deux ou trois délégations, on discute des détails. Peu ou prou, tous ceux qui avaient quelque chose à demander l'ont obtenu. C'était sans doute la condition de leur signature " [13].

 

Enfin, et ce point est crucial, la négociation n'a pas été totale. L'accord sur une partie des dépenses agricoles avait en fait été scellé quelques années auparavant dans le cadre de la négociation sur l'élargissement. L'un des nœuds de cette négociation était le montant des aides directes aux revenus attribuées aux nouveaux Etats membres. Fallait-il ou non,  leur appliquer les aides directes ? Ces derniers considéraient qu'ils ne pouvaient être des membres de second rang ne bénéficiant que d'une moitié des aides, tandis que les opposants rappelaient que les aides directes avaient été introduites en 1992 pour compenser la baisse de prix, ce qui ne serait pas le cas après l'adhésion puisque les prix communautaires seraient, au contraire, plus élevés que les prix locaux. Le dossier agricole bloque la négociation d'adhésion. Il se dénoue le 24 octobre 2002 par un accord entre le président Chirac et le chancelier Schröder sur les bases suivantes : les nouveaux Etats membres bénéficieront des aides directes mais de façon progressive (25% des droits théoriques en 2004 jusqu'à 100 % en 2013); cette application se fera à plafond agricole constant jusqu'en 2013. En d'autres termes, à quelques ajustements près, ce qui était prévu pour 15 sera appliqué à 25. C'est une satisfaction allemande puisque l'adhésion se fait à plafond agricole constant jusqu'en 2013, la part de la PAC dans le budget communautaire va donc enfin baisser. Et c'est aussi une satisfaction française : même si le montant est gelé, il est aussi garanti.

 

L'accord franco-allemand fut repris le lendemain par les 15, laissant un goût amer aux États les plus critiques. Malgré quelques tentatives britanniques, il ne fut jamais remis en question lors de la préparation des perspectives financières : le budget du 1er pilier de la PAC fut fixé pour la période 2007-2013 au niveau conclu entre les 15 en 2002.

 

B - Les nouveautés de 2010

 

1 - Le traité de Lisbonne

 

La pratique des perspectives financières, pourtant cruciale pour la vie budgétaire de l'Union européenne depuis 1988, s'est développée hors des règles institutionnelles, comme une sorte de soft Law, utile mais extrinsèque. Le traité de Lisbonne donne un cadre légal à la pratique en consacrant un chapitre au cadre financier pluriannuel [14].

 

Ce dernier devient un acte juridiquement contraignant. Il "vise à assurer l'évolution ordonnée des dépenses de l'Union dans la limite de ses ressources propres ". Il est établi pour une période d'au moins 5 ans. Il est fixé par un règlement qui devra être conjointement approuvé par le Parlement et le Conseil, au moyen d'une " procédure spéciale ", héritée de l'accord interinstitutionnel. S'agissant du Conseil, le cadre pluriannuel sera adopté à l'unanimité même s'il existe une clause passerelle qui lui permet de décider, à l'unanimité, de passer à la majorité qualifiée [15]. Le Conseil statue " après approbation du Parlement européen " ; ce dernier ne dispose donc pas d'un véritable pouvoir de codécision comme c'est le cas pour la législation ordinaire. Détail qui peut avoir son importance, le cadre financier pluriannuel porte non seulement sur les dépenses, mais aussi sur " toute autre disposition utile au bon déroulement de la procédure budgétaire annuelle ", ce qui laisse supposer que les questions sur le financement pourront être également débattues.

 

Cet ancrage institutionnel est utile mais ne saurait faire oublier que, même s'il n'est pas nommé dans ce chapitre, le Conseil européen gardera la haute main sur l'accord. En pratique, la procédure d'adoption du cadre financier pluriannuel restera ce qu'elle était, en 3 temps : négociation technique et diplomatique intergouvernementale, accord politique au Conseil européen et formalisation finale par un règlement après ajustements mineurs.

 

2 - La consultation publique

 

 

Le prochain cadre financier pluriannuel a été préparé par une double consultation publique. En 2007, pour faire suite à l'invitation du Conseil européen, en décembre 2005, à entreprendre " un réexamen complet et global " des dépenses et des ressources de l'Union européenne, la Commission a assorti sa réflexion " Réformer le budget, changer l'Europe " d'une consultation publique sur l'avenir des finances de l'Union européenne [16]. Cette dernière a révélé [17] que " le budget devait être instrument de changement des priorités politiques européennes et que le concept de valeur ajoutée européenne devait être considéré comme le critère fondamental permettant de justifier que les dépenses soient effectuées au niveau européen " [18]. 3 priorités ont été identifiées : le changement climatique, la compétitivité et la sécurité énergétique. Sans surprise, la consultation a aussi dénoncé la logique des soldes nets, l'inertie du budget communautaire et, par-dessus tout, la PAC.

 

Cet exercice a été complété par un sondage auprès des citoyens européens esquissant une sorte de budget idéal [19] . A la question " À quels domaines souhaiteriez-vous que le budget de l'UE soit consacré ? ", les réponses sont :

                                  

 

Dans ce sondage, les deux principaux postes budgétaires de l'Union européenne - les dépenses de cohésion et les dépenses agricoles qui représentent plus des ¾ du budget actuel - ne sont soutenues que par moins de 15 % des Européens. Il faut cependant mettre ces deux consultations à leur juste place. Ces procédés, présentés comme des exercices de démocratie directe de l'Union européenne, sont des thermomètres d'opinion, surtout utiles à la Commission pour la conforter dans son ardeur réformatrice. Néanmoins, il faut prendre cet exercice avec circonspection, ne serait-ce que parce le profil souhaité pour un budget communautaire idéal fait abstraction des compétences de l'Union européenne et révèle surtout les attentes sociales du moment. Les dépenses de santé et de défense, par exemple, ne sont pas encore communautarisées !

 

3 - Les premières contributions institutionnelles

 

Le 3 mars 2010, la Commission a publié son document stratégique intitulé " Europe 2020, une stratégie pour une croissance intelligente, durable, et inclusive " [20], préparé en novembre 2009 par un document de consultation [21] et destiné à suppléer la stratégie de Lisbonne. La stratégie, articulée autour de 5 objectifs et 7 initiatives phares, prévoit que les moyens devront être articulés en conséquence, et peut donc être interprétée comme une ébauche budgétaire. " Ces nouvelles priorités devront apparaître dans les politiques budgétaires. La Commission a l'intention de les examiner dans le cadre du réexamen budgétaire qu'elle publiera en 2010 ainsi que dans ses propositions relatives au prochain cadre financier pluriannuel ".

 

Le Conseil des 25 et 26 mars 2010 a " discuté de la nouvelle stratégie " en précisant que " toutes les politiques communes, y compris la politique agricole commune et la politique de cohésion, devront appuyer la stratégie. Un secteur agricole productif et compétitif apportera une contribution importante à la nouvelle stratégie (...). Le Conseil européen souligne aussi qu'il importe de promouvoir la cohésion économique sociale et territoriale (...) afin de contribuer à la réussite de la nouvelle stratégie ". La référence explicite aux deux premières politiques budgétaires de l'UE est évidemment délibérée. Dans son document préparatoire, la Commission n'utilise les mots agriculture et cohésion qu'une seule fois. Les expressions de politique agricole commune et politique de cohésion ne sont jamais mentionnées. Ce seront pourtant, l'une et l'autre, des nœuds de la négociation.

 

C - Un nouveau contexte budgétaire européen

 

1 - Les aménagements budgétaires récents

 

La négociation budgétaire avive les tensions entre Etats membres. Même si, selon l'accord de Fontainebleau de 1984 à l'origine de la correction britannique, "la politique des dépenses est à terme le moyen essentiel de résoudre la question des déséquilibres budgétaires", les rigidités du budget communautaire sont un frein à cet objectif et le partage du financement est donc un élément de marchandage courant au cours de la négociation.

 

Le financement du budget est établi par des décisions du Conseil sur les ressources propres [22]. En dépit des difficultés à mettre en place un financement par des ressources propres indépendantes des Etats membres, l'essentiel vient des contributions de ces derniers [23] et les accords sur le financement ont donc un effet direct sur les Etats. Les aménagements décidés par le Conseil reprennent, en pratique, les accords politiques du Conseil européen sur le cadre financier. Les concessions sur le financement, présentées comme une solution d'équité pour les pays les plus contributeurs nets, sont aussi une condition pour parvenir à un accord sur les dépenses.

 

En effet, à plusieurs reprises, plusieurs Etats se sont plaints de leur contribution excessive. En mars 1998, avant la négociation des perspectives financières 2000/2006, l'Allemagne, la Suède, les Pays Bas et l'Autriche forment " le quartet des contributeurs nets " qui revendique un système qui mette fin aux déséquilibres budgétaires. " Ils considèrent leurs soldes budgétaires négatifs comme excessifs au regard de leur prospérité et sont donc candidats à une correction en vertu de l'accord de Fontainebleau. Ces pays ont en outre exprimé leur mécontentement devant la situation actuelle où d'autres États membres, de même capacité contributive au budget de l'UE, ont des soldes négatifs beaucoup plus réduits, voire des soldes positifs " [24]. La fronde sera reconduite en 2005. Le message est clair, ces pays contribuent beaucoup, surtout par rapport " à d'autres ", et il s'agit, bien entendu, de la France.

 

Pour répondre à ces critiques, le Conseil adopte des décisions réduisant les contributions des Etats visés au budget communautaire [25]. 2 méthodes sont appliquées : la formule dite du " rabais sur le rabais ", c'est-à-dire d'une réduction de la participation des Etats au financement de la correction britannique, complétée, en 2007, par une diminution du taux d'appel de la TVA. Bien entendu, ces aménagements sont financés par les autres Etats membres, au prorata de leur part dans le PNB communautaire. Ces aménagements, modestes mais répétés, conduisent peu à peu à rééquilibrer les contributions des Etats.

 

2 - Le rééquilibrage global de la position budgétaire des États membres

 

Depuis 3 ans, la hiérarchie des contributeurs est modifiée.

 

Le financement du budget communautaire reste très concentré : 5 États financent 70 % du budget. La répartition reste dominée par la part de chacun dans le PNB communautaire, mais les aménagements dont ont bénéficié les 5 États membres visés par les deux dernières décisions du Conseil relatives aux ressources propres de 2000 et 2007 se sont traduits par une baisse de 4,6 points de leur contribution (de 43,6% à 39 %). 

 

Les contributions se sont équilibrées. Actuellement, la France est l'un des pays qui contribuent le plus au budget communautaire (si l'on tient compte des seules contributions prélevées sur les recettes fiscales nationales et donc en excluant les droits de douane). Ce rapprochement est particulièrement net entre la France et l'Allemagne : en 2001/2003, chaque Français versait 20 € de plus qu'un Allemand. Cet écart est passé à 30 € en 2004/2006 et à près de 40 € en 2007/2009. Les soldes nets se sont rapprochés.

 

 

 

Ce rééquilibrage a été surtout patent pour les deux principaux financeurs du budget. Rien ne se décidera sans eux. L'Allemagne et la France sont les acteurs clefs de la prochaine négociation budgétaire. Même si leurs priorités et attentes tendent à diverger.

 

D - L'inconnue de la position de l'Allemagne

 

L'Allemagne, qui demeure le premier financeur du budget communautaire, a parfaitement conscience qu'elle est l'acteur pivot de la négociation. Elle peut orienter le budget, déterminer son ampleur, le faire pencher dans un sens ou dans un autre, vers une politique ou vers une autre. Sa position sera déterminante. Néanmoins, contrairement à plusieurs pays qui ont une position claire et constante sur les questions budgétaires, la position allemande ne va pas sans quelques ambiguïtés.

 

1 - L'Allemagne, un colosse budgétaire imposant mais discret

 

L'Allemagne garde le souvenir d'une situation budgétaire extrêmement déséquilibrée vis-à-vis du budget communautaire. Jusqu'à la fin des années 90, l'Allemagne se présentait comme une sorte d'autre " colosse budgétaire " [26], imposant mais discret. L'application des règles de financement contribuait à faire de l'Allemagne le 1er financeur du budget communautaire, jusqu'à en devenir écrasant. En 1996/1997, la part de l'Allemagne atteignit près de 30 %, soit autant que les parts de la France et du Royaume-Uni réunis, autant que les parts de la France et de l'Italie réunis, ou autant que les parts des 11 autres Etats membres ! 1er  financeur brut, l'Allemagne est aussi le 1er contributeur net (déduction faite des dépenses communautaires dans le pays). Sa contribution nette fut même considérable. En 20 ans, entre 1981 et 2000, le solde net cumulé de  l'Allemagne vis-à-vis du budget communautaire dépasse 200 milliards € (en € actualisés 2009) ! Par comparaison, certains Etats, tout aussi prospères qu'elle, pouvaient incontestablement apparaître comme étant plus privilégiés. Au cours des années 90, le solde annuel de l'Allemagne dépassait 15 milliards € soit autant que la contribution brute de la France.

 

L'Allemagne aurait eu quelques raisons de manifester quelque mécontentement. Il n'en a rien été. Pour reprendre les termes de l'accord de Fontainebleau de 1984 à l'origine de la correction britannique, " le moment n'était pas venu " pour corriger les déséquilibres. Comment expliquer cette réserve allemande ?

 

En premier lieu, il y a au fond le rapport particulier de l'Allemagne avec la construction européenne. La charge du passé a longtemps pesé, " la construction européenne a été le cadre de la réintégration du pays dans la communauté internationale " [27] ; " (elle) a offert aux Allemands une identité, voire une forme de nationalisme de substitution " [28]. Malgré ses succès économiques, l'Allemagne a su se montrer discrète dans la réussite. L'Allemagne pouvait être présentée, à certains égards, comme une sorte d'Etat modèle, illustrant une sorte d'idéal européen et démontrant la vacuité des comptabilités de boutiquier familières à certains Etats. La construction européenne valait mieux qu'un déficit comptable.

 

En deuxième lieu, il faut convenir que l'Allemagne pouvait d'autant plus faire abstraction du coût du budget commun qu'elle trouvait des avantages ailleurs. Elle retrouvait dans les échanges économiques ce qu'elle perdait en termes budgétaires. D'ailleurs, cette discrétion ne l'a pas empêché de marquer l'histoire économique et budgétaire de l'Europe à des moments cruciaux [29].

 

Le revirement de l'Allemagne sur la question budgétaire apparaît au milieu des années 90. La clef est, bien entendu, la réunification. La réunification crée une autre Allemagne, plus affirmée, avec des responsabilités, mais aussi des exigences et des calculs. L'importance de la contribution nette commence à poser un problème politique. En 1998, la Bundesbank [30] rend public les chiffres que chacun taisait depuis 10 ans et pronostique que, sans inflexion, l'Allemagne sera bientôt débitrice de plus de 20 milliards € par an. Le ton de la presse d'outre Rhin change à son tour. L'Allemagne qui acceptait autrefois d'être le Zahlmeister (l'intendant) de la Communauté européenne, s'irritait d'être devenue " le banquier  de l'Europe ", et plus encore d'en être " la vache à lait ": " Brussel has been milking Germany for more than 4 decades This has got to stop " [31].

 

Pourtant, plusieurs tentatives de rééquilibrage échouent. C'est le cas en 1992 lors de la préparation des perspectives financières 1993/1999 et surtout en 1999, alors que les négociations budgétaires des perspectives financières 2000/2006 sont conduites sous présidence allemande de l'UE. L'Allemagne n'obtient qu'un petit aménagement de sa contribution, bien en deçà des ambitions affichées [32]. C'est un échec politique et budgétaire pour l'Allemagne :" Germany was regarded as the loser of the agreement. Although German net contribution had to go down over in the following 7 years, the government had failed to achieve a significant reduction of its net contribution. The opposition strongly criticized the Schröder government for failing to a better deal. Yet, Chancellor Schroder and Minister Fischer had opted for (...) a successful presidency. They presented the Berlin summit as part of a sequence (...) to strengthen Germany's role as a key player on the international stage " [33]. Il faut attendre 2005 pour que l'Allemagne, à la tête d'" une coalition d'austérité ", parvienne enfin au rééquilibrage attendu.

 

2 - Un positionnement budgétaire délicat

 

La priorité allemande reste d'éviter les contributions et les déséquilibres excessifs. En l'absence de définition légale, la pratique montre qu'un déséquilibre est excessif quand il est considéré comme tel par une opinion ou un État à un moment donné ! La pression peut être par conséquent très variable selon les États et les années. Le déséquilibre allemand était deux fois supérieur, au milieu des années 90, à celui d'aujourd'hui, mais la sensibilité sur le sujet est beaucoup plus vive désormais qu'il y a 15 ans. " In order to gain the long term acceptance of tax payers and contributors we must ensure that excessive contributions are avoided in future financial systems (...) The net balances are a regular part of the debate on fair burden-sharing especially among the public and in national parliaments" [34]. Ce seuil acceptable est surtout apprécié par comparaison, à la situation des autres États membres, de même niveau économique.

 

Mais une fois l'objectif annoncé, l'Allemagne évolue entre plusieurs contraintes. Il y a d'abord une question institutionnelle, liée à la nature fédérale du pays. " Contributeurs et bénéficiaires se trouvent à des niveaux institutionnels différents : c'est le budget fédéral qui finance mais ce sont les Länder qui profitent des aides européennes. L'Allemagne se trouve ainsi dans une position délicate lors des négociations budgétaires européennes : le gouvernement fédéral songe à contenir les dépenses tandis qu'au niveau national, les Länder ne cachent pas leur désir de recevoir le plus possible de fonds européens " [35].

 

Ensuite, l'Allemagne est tiraillée entre sa gestion et son nouveau statut. Sa détermination budgétaire se heurte à des impératifs politiques. Ainsi à plusieurs reprises, lors des négociations des cadres financiers, l'Allemagne fut écartelée entre la logique budgétaire liée à sa position de contributeur net et la logique politique liée à son statut de puissance européenne. Ce sera le cas à Berlin en 1999. Elle apparaît d'abord plus décidée que jamais à limiter sa contribution au budget communautaire en réduisant notamment sa part dans le financement du rabais britannique, avant finalement de renoncer. Il ne fallait rien faire qui puisse retarder ou compromettre l'élargissement. L'Allemagne accepte un déséquilibre budgétaire en échange d'une reconnaissance de sa place internationale. L'Allemagne accepte de rester " the key payer" pour devenir " a key player ". De fait, jusqu'en 2000, la logique politique a toujours pris le pas devant la logique budgétaire. Il est vraisemblable que le chapitre est clos. L'Allemagne n'a plus à acquérir ce statut. Elle l'a. La logique purement budgétaire peut prendre le dessus.

 

Enfin, l'Allemagne, plus qu'aucun autre pays, doit faire la synthèse entre plusieurs solidarités. La solidarité gouvernementale, qui n'est jamais évidente compte tenu des coalitions politiques au pouvoir ; la solidarité budgétaire avec les autres contributeurs nets qui restent des alliés budgétaires ; la solidarité politique avec les Etats d'Europe centrale et orientale qui attendent les soutiens communautaires ; la solidarité historique et objective avec la France qui reste très présente. Sur les questions budgétaires comme sur de très nombreux sujets, l'Allemagne et la France ont souvent eu des positions communes ou voisines.

 

Toutes ces contradictions se révèlent au cours des grandes négociations budgétaires. L'Allemagne reste hésitante. Concernant les dépenses, l'Allemagne reste équilibrée et prudente (" a balance must be struck between stability and flexibility in the budget (...)  do the Members States have a shared interest in the measures? " [36]), désirant orienter le budget vers les défis du futur, sans renoncer aux politiques plus traditionnelles. Concernant la question agricole par exemple, l'Allemagne condamne la PAC traditionnelle, prône la compétitivité, exprime son soutien aux solutions libérales mais sans renoncer ni au principe d'une PAC, ni à l'intervention communautaire. L'initiative franco-allemande en juin 2009 pour une régulation du secteur laitier est le dernier exemple d'une solidarité franco-allemande toujours solide. La création d'un fonds laitier dans le budget 2010 doit beaucoup à la pression allemande. L'Allemagne reçoit plus au titre de la PAC qu'au titre des politiques régionales [37]. L'intérêt budgétaire bien compris de l'Allemagne n'est donc pas de casser l'outil mais plutôt d'essayer d'en tirer partie.

 

E - Les nouveaux défis lancés à la France

 

La France est un acteur majeur de la négociation mais sans avoir la place pivot de l'Allemagne. Par contraste, la position de la France est aussi plus simple et plus embarrassante.

 

1 - La France, ou l'image du  privilégié budgétaire de l'UE

 

 

En premier lieu, grâce à des retours très importants et à des soldes nets modérément négatifs, la France a longtemps fait figure d'État privilégié de l'Europe.

 

La France est certes le 2e contributeur, avec une part moyenne dans le financement du budget de 19% (contre 28% pour l'Allemagne) sur la période 1981/2000, mais c'est aussi le 1er bénéficiaire des fonds communautaires [38]. 1ère puissance agricole européenne, elle était, de fait, bien placée pour bénéficier des dépenses agricoles, 1er poste du budget communautaire. De telle sorte que son solde net n'est que modérément négatif (-1,7 milliard en moyenne en 20 ans), sans comparaison avec celui de l'Allemagne, proche de -10 milliards par an ! Tandis que le solde de l'Allemagne se creuse à partir de 1991, celui de la France s'améliore en raison des retours accrus dont elle bénéficie au titre de la réforme de PAC [39]. Les versements au titre de la PAC atteignent alors 10 milliards d'ECU/€ par an. Le rapprochement des deux chiffres est à lui seul signifiant : 10 milliards de déficit dans un cas, 10 milliards de retours dans l'autre. A l'époque, au milieu des années 90, personne n'ose le parallèle, politiquement embarrassant.

 

 

En deuxième lieu, la France s'est toujours bien sortie des différentes négociations budgétaires. En 1998, l'offensive du quartet des contributeurs nets a échoué. Mais la plus belle victoire budgétaire française est incontestablement l'accord d'octobre 2002 qui dénoue la négociation d'élargissement. L'accord garantit non seulement le maintien du budget de la PAC pour 11 ans (2003-2013) mais aussi un retour à la France de 10 milliards € par an. Le 24 octobre 2002, le président Chirac est revenu avec un chèque de 110 milliards €.

 

Dorénavant la France est touchée par la négociation financière qui suit. Comblée par l'accord de 2002, elle n'a pas d'autre choix que d'accepter quelques révisions. Le temps du rééquilibrage est venu. D'abord, le mot agriculture disparaît du cadre financier pluriannuel. Ensuite, la France accepte une révision plus substantielle de la charge du financement. L'augmentation de la contribution française au budget communautaire est le prix à payer pour l'accord  sur la PAC.

 

2 - Le retournement de situation depuis 2004

 

La PAC sera au cœur de la prochaine négociation budgétaire [40] et les conditions exceptionnelles précitées ne se reproduiront pas. La France devra faire preuve d'initiative, car il faut prévoir que quelques flèches seront dirigées contre elle. Elle doit se préparer à certains défis. Le risque est de payer une image qui ne correspond plus à la réalité. Car la France contribue de plus en plus et son solde budgétaire avec l'UE se creuse inexorablement, y compris, sur les dépenses agricoles.

 

Tout d'abord, l'augmentation de la contribution française est sensible. En 2010, la contribution réelle (prélevée sur les recettes fiscales nationales) atteint 281 € par habitant, soit +100 € qu'il y a 15 ans.

 

 

Si l'année 2009 est exceptionnelle et prend en compte l'effet rétroactif de la décision de 2007 sur les ressources propres, la contribution de la France est la plus importante des Etats membres, égale voire supérieure (hors droits de douane) à celle de l'Allemagne, ou  près du double de celle du Royaume-Uni.

 

Peu à peu, le rééquilibrage avec l'Allemagne s'opère. Plus que jamais, la France et l'Allemagne sont les 2 principaux contributeurs au budget communautaire. Ils l'ont toujours été mais le grand décalage s'est estompé  De nos jours, la France et l'Allemagne sont presque sur un pied d'égalité. La situation des soldes budgétaires est, elle aussi, modifiée. La position de la France s'est notablement détériorée et s'est donc rapprochée de la situation allemande.

 

 

 

Du fait de l'augmentation de la part de la France dans le budget communautaire et de la progression des aides directes dans les nouveaux États membres, le solde agricole de la France devrait même devenir négatif à partir de 2012. Ainsi, du fait du mouvement en ciseaux d'une contribution accrue et des retours progressivement réduits, le solde contributeur net de la France ne peut que se creuser. Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes l'a évalué à 5 milliards € [41]. " Au total, le solde net français devrait passer de 0,21% à 0,37% du RNB en moyenne et sur l'ensemble de la période 2007/2013. La combinaison du nouveau cadre financier et de la nouvelle DRP accentue donc le statut de contributeur net de la France au budget communautaire " [42]. A 0,37% du RNB, en fin de période, le solde net français sera supérieur au solde net actuel de l'Allemagne (qui n'est qu'à 0,35% en moyenne sur 5 ans).

 

Ainsi, tombent beaucoup des critiques traditionnelles formulées à l'encontre de la France. S'il faut admettre que la France a longtemps fait figure d'État privilégié, grâce aux retours de la PAC, c'est de moins en moins le cas. Il faudra cependant du temps pour que s'estompe cette image de privilégié, qui ne correspond plus à la réalité [43]. La France est désormais l'un des plus gros contributeurs au budget communautaire, le 2e après l'Allemagne. Même si la France a longtemps dénoncé la focalisation de certains États membres sur leur contribution nette, il n'est pas impossible qu'elle l'évoque à son tour et reconnaisse, avec moult contorsions, " l'incontournable mesure des soldes nets " [44]. Le ton a été donné par le Premier ministre en août 2009 : " La France contribue chaque année pour 19 milliards au budget européen. Elle en reçoit chaque année 14 milliards, PAC comprise. Cette vision comptable de l'Europe n'est qu'un aspect parcellaire du " bilan européen " pour la France, mais nos partenaires devront comprendre que cette position de 1er contributeur net, avec l'Allemagne, ne pourra pas résister aux tensions actuelles des finances publiques ". [45]

 

3 - Les maladresses françaises

 

La France sait que la clef de la négociation est en Allemagne. Tous les responsables budgétaires et diplomates le savent et s'attachent à entretenir une relation de confiance [46]. Pourtant, quelques déclarations officielles ne sont guère favorables à ce climat.

 

Les déclarations du président français en mars 2010 se disant prêt " à une crise en Europe plutôt que d'accepter le démantèlement de la PAC " sont une position de négociation qui a le mérite d'être claire mais qui peut heurter les partenaires allemands et quelques autres. Car ce soutien inconditionnel envers et contre tout sera aussi envers et contre tous. Or, dans l'Union à 27, la posture de l'Etat isolé est intenable.

 

La gestion de la crise grecque a été l'occasion d'accusations plutôt maladroites. Etait-il bien opportun d'opposer "la France solidaire" et "l'Allemagne égoïste" quand on sait l'effort budgétaire de ce pays en direction de l'Union européenne ? Le principal vecteur de la solidarité financière entre Etats membres n'est pas le prêt qu'ils peuvent accorder, mais leur contribution au budget communautaire. Sur ce point, l'Allemagne n'a de leçon à recevoir de personne. Par le jeu des contributions nettes au budget européen, l'Allemagne a ainsi versé, en 10 ans, depuis la création de l'euro, près de 70 milliards € aux autres Etats membres, dont 17 milliards à la Grèce (soit 20 € par Allemand et par an).

 

C'est avec ces coups d'épingle injustes qu'une relation se tend et, en réalité, se distend. De nombreux responsables politiques, conscients des enjeux et des dégâts des dérives actuelles s'efforcent de ramener la France à la raison, à la conciliation, à l'écoute et au partenariat. Tel, le président de la commission des Affaires européennes du Sénat, Jean Bizet, " n'accusons pas l'Allemagne avec de tels arguments, avant les grandes et graves échéances des négociations du budget communautaire et de la future politique agricole commune, au moment où la France a tant besoin d'elle ! " [47]. C'est une solution de sagesse.


[1] Nicolas-Jean Brehon fut l'expert budgétaire auprès de Marc Laffineur, député, et Serge Vinçon, sénateur, missionnés par le Premier ministre pour une étude préparatoire sur les perspectives financières 2007-2013 (Rapport au Premier ministre, février 2004, Documentation française, 2006)
[2] Les premières perspectives financières ont été conclues en 1988 pour une durée de 5 ans (1988-1992) ; les suivantes ont été conclues pour 7 ans 1993-1999, 2000-2006 et 2007-2013. Voir le cadre financier pluriannuel 2007-2013 à l'annexe 1.
[3] En fait, il y a un double plafonnement des dépenses : les plafonds sont fixés par rubrique, en crédits d'engagements (CE), c'est-à-dire en autorisations de dépenses. La somme des plafonds donne donc le total des CE sur l'année et sur la période, qui est une bonne indication de la dépense que l'UE est prête à engager sur la période. Ce total est également exprimé en crédits de paiement (CP), qui correspondent aux montants réellement déboursés une année donnée. Tandis que les CE permettent un affichage politique de la dépense, les CP, qui vont être financés par des prélèvements sur les Etats membres sont plutôt un outil de gestion budgétaire et d'évaluation de l'importance réelle du budget communautaire (1% du PNB).
[4] Il existe toutefois une petite marge au-delà du plafond. 4 instruments financiers peuvent être mobilisés en cas d'urgence et ne sont pas comptabilisés dans les plafonds annuels : la réserve pour aide d'urgence, le fonds de solidarité de l'UE, l'instrument de flexibilité, et le fonds européen d'ajustement à la mondialisation.
[5] Ainsi, pour le cadre financier pluriannuel 2007-2013, l'accord du Conseil européen du 19 décembre 2005 portait sur 862,4 milliards € (en CE) sur 7 ans, tandis que l'accord interinstitutionnel final du 17 mai 2006 porte sur 864,3 milliards € après majoration des crédits de 2 milliards € à la demande du Parlement européen. Voir détails annexe 2. Les valeurs sont en € 2004 et sont bien sûr actualisées chaque année en € courants.
[6] C'est donc le montant des CP (et non des CE) qui détermine le montant des contributions des États membres.
[7] M. Laffineur et S. Vinçon, op.cit. Les deux parlementaires ajoutaient : " On peut espérer du développement de la conscience européenne qu'il change progressivement cet état d'esprit. Dans l'immédiat, on peut toutefois faire confiance aux ministères des Finances de tous les pays de l'Union pour que cette problématique des soldes nets inspire, plus ou moins fortement, la position adoptée par les différents États membres ".
[8] Markus Gabel, " Budget européen : l'Allemagne se repositionne ", Bulletin du CIRAC, N° 75 mars 2006 § 7.
[9] La lettre des Six, signée en décembre 2003, rassemblait l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l'Autriche, la Suède et les Pays-Bas. Les Six manifestaient " leur inquiétude à l'égard de propositions de la Commission qui reviendraient à ignorer au niveau du budget de l'Union la discipline budgétaire que s'impose chacun des États membres au niveau national " et proposaient " d'indexer le budget de l'UE à 1% du PIB européen ". Sans indiquer toutefois s'il s'agissait de crédits d'engagements ou de crédits de paiements.
[10] L'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 s'est conclu sur un montant total de 864,3 milliards € (en € 2004) en crédits d'engagement, soit 1,048 % du Revenu national brut (RNB) et 820,8 milliards € en crédits de paiements soit 0,995% du RNB. La différence entre la lettre des Six et l'accord final tient du détail. Les Six s'engageaient sur 1% du Produit intérieur brut (PIB) et l'accord interinstitutionnel a été conclu sur 1% du Revenu national brut (RNB). La différence entre le PIB et le RNB tient à la prise en compte des revenus nets du travail et de la propriété (brevets) reçus du reste du monde ce qui représente un écart de 0,5%.
[11] Le solde moyen annuel dont ont bénéficié les nouveaux Etats membres sur les deux premières années se monte à de 10,6 milliards €, une somme comparable au solde net négatif moyen de l'Allemagne et de la France (11,2 milliards € en moyenne sur les deux années 2007 et 2008). Voir aussi annexe 3.
[12] S'agissant des recettes, il existe 4 mécanismes dérogatoires différents. S'agissant des dépenses, en particulier des dépenses régionales, on compte 15 régimes de répartition différents.
[13] N.-J. Brehon,, " L'Europe, un budget pour tous mais chacun pour soi ", Le Monde de l'économie, 31 janvier 2007
[14] Art. 312 du traité sur le fonctionnement de l'UE
[15] Dans une résolution du 7 mai 2009, le Parlement a déploré le maintien de l'unanimité au Conseil pour l'adoption du CFP, " favorisant une négociation sur le mode du plus petit commun dénominateur ".
[16] Commission européenne, Réformer le budget, changer l'Europe, Document de consultation en vue du réexamen du budget 2008-2009, Commission 12.09.2007, SEC (2007) 1988 final, http://ec.europa.eu/budget/reform/library/issue_paper/consultation_paper_fr.pdf
[17] Voir synthèse des 300 contributions in Commission, Rapport de consultation, 3.11.2008 SEC (2008) 2739
[18] Eric Paradis, in Fondafip, " Un budget européen pour quoi faire " ? juillet 2009.
[19] Sondage Eurobaromètre, Public opinion in the European Union, décembre 2008, http://ec.europa.eu/budget/reform/library/news/20081219_eurobarometer
[20] Commission européenne, Communication " Europe 2020, une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive ", 3 mars 2010, COMM(2010) 2020.
[21] Commission européenne, Consultation sur la future stratégie UE 2020, 24 novembre 2009, COMM(2009) 647 final.
[22] Les DRP sont adoptées par le Conseil à l'unanimité, après avis du Parlement – et non en codécision. Elles sont ensuite ratifiées par les Etats selon les procédures parlementaires en vigueur dans chaque Etat membre. Ce régime n'a pas été modifié par le traité de Lisbonne.
[23] Les ressources propres sont constituées de ressources propres traditionnelles c'est-à-dire, pour l'essentiel, des droits de douane, seuls véritables impôts européens, d'une ressource calculée à partir du produit de TVA des Etats membres et d'une ressource dite PNB répartie proportionnellement aux PNB de chaque Etat dans le PNB de l'UE. Les ressources TVA et PNB sont, en fait, de " vraies fausses ressources propres " prélevées sur les impôts nationaux.
[24] Commission européenne, Le financement de l'Union : Rapport sur le fonctionnement du système des ressources propres, (7 octobre 1998) § 2.2.
[25] Il s'agit des décisions du Conseil sur les ressources propres (DRP) des 29 septembre 2000 et 7 juin 2007. Elles entraînent une réduction de la part de l'Allemagne, de la Suède, des Pays Bas et de l'Autriche dans le financement de la correction britannique ainsi qu'une diminution de leur taux d'appel de TVA, ce qui a pour effet de réduire la contribution totale des ces pays.
[26] L'expression de " colosse budgétaire " a été utilisée dans les années 80 pour désigner la politique agricole commune qui représentait alors plus des 2/3 du budget de la CEE.
[27] Hubert Haenel, la Constitution européenne et l'Allemagne, Sénat, 2009-2010 N°119, page 14.
[28] Maxime Lefebvre, " L'Allemagne, une nouvelle puissance ", Revue internationale et stratégique, n° 74, 2009/2
[29] Ce fut le cas dès le départ, lorsque l'Allemagne s'opposa à ce que le budget européen puisse recourir à l'emprunt. Si la PAC était une demande française, le niveau des prix garantis a été fixé au départ de façon à satisfaire les agriculteurs allemands. L'Allemagne marqua surtout l'Union économique et monétaire, en imposant des critères de convergence pour adopter l'euro et l'indépendance de la Banque centrale européenne.
[30] Bundesbank, Rapport mensuel novembre 1993, "The financial relations of the Federal Republic of Germany with the European Communities since 1988".
[31] Der Spiegel, 26 novembre 2005.
[32] L'objectif est de réduire la part de l'Allemagne dans le financement de la correction britannique Voir par exemple, la caricature de Haitzinger sur le site ENA, http://www.cvce.eu/obj/caricature_d_haitzinger_sur_la_contribution_allemande_a_la_compensation_britannique_juin_1998-fr-60966b54-21c0-4ef8-9a45-17a2a9fc24bd.html
[33] Johannes Lindner, Conflict and change in EU budgetary politics, Routledge Oxon, 2006.
[34] Contribution du gouvernement fédéral à la consultation de la Commission " Réformer le budget, changer l'Europe " avril 2008 (consultable sur le site internet de la Commission).
[35] Markus Gabel, " Budget européen : l'Allemagne se repositionne " , Bulletin du CIRAC, N° 75 mars 2006 § 6.
[36] Source: réponse du gouvernement fédéral à la consultation de la Commission " réformer le budget, changer l'Europe " http://ec.europa.eu/budget/reform/library/contributions/pgs/20080410_PGS_26_en.pdf
[37] 13,8 milliards € au titre des dépenses agricoles (toutes dépenses confondues (1er et 2° piliers) sur les deux années 2007-2008, contre 7,4 milliards au titre de la politique de cohésion.
[38] A une parenthèse près puisque l'Espagne a été le 1er pays bénéficiaire entre 2001 et 2004. La France a été le 1er bénéficiaire des fonds européens jusqu'en 2000. Depuis 2004 et la baisse relative des fonds structurels aux pays du Sud, la France a même retrouvé la place de 1er bénéficiaire du budget communautaire.
[39] La réforme de la PAC en 1992 consiste à baisser les prix d'intervention garantis par la CEE et de compenser la baisse des revenus qui en résulte pour les agriculteurs par des aides directes aux revenus payées par le budget communautaire. Ce qui était payé par le consommateur par des prix élevés devient financé par le contribuable. Ainsi, la dépense PAC augmente malgré la réforme. Les pays agricoles sont donc budgétairement privilégiés.
[40] Le débat sur la PAC de l'après 2013 sera présenté dans le 2e volet de cette étude.
[41] Audition de Pierre Lellouche, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, par la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale, 6 octobre 2009.
[42] Denis Badré, Approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes (Sénat 2007-2008 N° 303, p 18).
[43] Le cas est assez fréquent. Il arrive que les arguments avancés reprennent des idées qui ont été justes pendant une période donnée mais qui ne correspondent plus à la réalité. Il en est ainsi des "montagnes de beurre", des "fonds structurels qui financent les places de villages" ou "des aides aux poulets congelés qui dévastent les élevages africains" qui avaient cessé depuis 10 ans. (cf, Le Monde de l'économie, 2 mai 2007).
[44] Roland Blum, Prélèvement européen, Rapport de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances 2010, 14 octobre 2010, N°1970 13e législature, tome 9, p.21.
[45] François Fillon, Discours adressé aux ambassadeurs, 27 août 2009.
[46] La contribution française à la réflexion collective initiée par la Commission – "Changer le budget, réformer l'Europe" – a été traduite en anglais et en allemand, tandis que la contribution allemande n'a été traduite qu'en anglais.
[47] Jean Bizet, "Retrouver la relation de confiance avec l'Allemagne", lemonde.fr 13 avril 2010.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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