Référendum sur la loi sur l'accord Icesave 9 avril 2011

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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14 mars 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Référendum sur la loi sur l'accord Icesave 9 avril 2011

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Une décision présidentielle contestée

Le 20 février dernier, le président de la République d'Islande Olafur Ragnar Grimsson annonçait l'organisation d'un référendum sur la nouvelle loi sur l'accord Icesave, votée par l'Althing, chambre unique du parlement, 4 jours auparavant par 44 voix (sur 63 députés). La décision du chef de l'Etat a surpris les Islandais et choqué certains membres de la classe politique. Des voix se sont élevées pour protester contre ce que certains considèrent comme une opposition au Parlement, organe pourtant dépositaire de la volonté nationale. La Premier ministre Johanna Sigurdardottir (Parti de l'alliance social-démocrate) s'est déclarée "déçue" de la décision d'Olafur Ragnar Grimsson. "Nous avions anticipé que le président de la République signerait la loi sur l'accord Icesave, celui-ci a été approuvé à la majorité du Parlement et il n'est pas commun qu'un chef de l'Etat s'oppose à un accord adopté à une telle majorité". Elle a ajouté qu'il y avait peu de chance que le Royaume-Uni et les Pays-Bas soient prêts à renégocier le texte signé. "La décision du président Grimsson de soumettre la loi sur l'accord Icesave à un référendum va entrainer un blocage de l'économie, un recul de la capacité de l'Etat à assurer les prêts financiers et une augmentation du chômage" a indiqué l'économiste Gudmundur Olafsson, à l'université de Reykjavik.

Seuls les leaders du Parti de l'indépendance, principal parti de l'opposition, Bjarni Benediktsson, et du Parti du progrès, Sigmundur David Gunnlaugsson, ont approuvé la décision du chef de l'Etat.

Ce référendum est le deuxième organisé sur ce sujet. Le 6 mars 2010, une écrasante majorité d'Islandais (93%) avait rejeté la première loi sur l'accord Icesave votée fin décembre 2009. A l'époque, le président avait en partie justifié son recours par l'article 26 de la Constitution et l'organisation d'une consultation populaire par la nécessité d'obtenir une meilleure offre de la part des autorités britanniques et néerlandaises.

Le chef de l'Etat considère indispensable l'approbation de ses compatriotes. "Le président pense que si la majorité du parlement était opposée à la majorité de la population, il se devrait alors d'écouter la population" a déclaré la politologue Stefania Oskarsdottir.

Selon une enquête réalisée par l'institut MNR8 pour l'association Andriki, plus de 6 Islandais sur 10 (62,1%) étaient favorables à l'organisation d'une nouvelle consultation populaire sur la loi sur Icesave. En outre, 42 000 personnes ont signé la pétition mise en ligne le 21 février dernier par l'organisation Samstada (qui signifie unité) demandant un rejet du nouvel accord.

Le nouveau référendum sur la loi sur l'accord Icesave se tiendra le 9 avril prochain.

La nouvelle loi sur l'accord Icesave

Les difficultés des banques islandaises ont commencé au début de l'année 2008. Peinant à s'approvisionner en liquidités, la Landsbanki a créé la banque en ligne Icesave qui, s'appuyant sur les taux d'intérêt islandais (élevés), promet une forte rémunération à ses déposants et attire de nombreux Britanniques et Néerlandais. Mais le système s'effondre à l'automne 2008 et l'Islande se retrouve en situation de faillite économique. Les banques du pays, qui avaient engagé près de 10 fois le PNB islandais (à la fin de l'année 2007, les actifs des 3 banques nationalisées par la suite représentaient 923% du PNB du pays selon le Fonds monétaire international), ne peuvent plus financer leurs opérations ni rembourser leurs créanciers ou leurs déposants. Le 29 septembre 2008, la banque Glitnir, en faillite, est nationalisée ; les 5 et 6 octobre, c'est au tour de ses homologues Kaupthing et Landsbanki. Ces 3 établissements – les plus importants de l'île –, représentaient environ 85% du système bancaire.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. L'Islande, ruinée, se retrouve redevable d'une lourde dette envers le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Le pays doit rembourser 3,8 milliards € (soit 40% du PIB national et environ 12 000 € par habitant) à plus de 320 000 citoyens britanniques et néerlandais qui, en 2008, ont vu disparaître toutes les économies qu'ils avaient confiées à la banque en ligne Icesave. Une partie (85%) de cette somme est récupérable par les actifs de la banque en faillite mais pas avant un certain laps de temps. Avec les intérêts, la somme totale que les Islandais doivent honorer s'élève à environ 2 milliards €.

Le 14 novembre 2008 sous la contrainte de l'Union européenne, le gouvernement islandais, s'est engagé à indemniser les 320 000 clients d'Icesave dans la limite de 20 887 € par personne. Le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont partiellement indemnisés leurs compatriotes et se sont ensuite tournés vers les autorités islandaises pour se faire rembourser. Le 5 juin 2009, un accord est signé entre l'Islande et le Royaume-Uni et les Pays-Bas par lequel l'Etat islandais s'engage à apporter sa caution à un emprunt représentant 3,8 milliards €, remboursable en 15 ans à un taux d'intérêt de 5,5% (les premiers remboursements ne sont pas prévus avant 7 ans). Le texte comprend également des garanties afin que les remboursements n'empêchent pas le redressement économique de l'Islande et stipule que la garantie de l'Etat ne pourra s'étendre au-delà de 2024 (elle devra être renégociée si les paiements se poursuivent après cette date). Ce dernier amendement provoque la fureur du Royaume-Uni et des Pays-Bas comme celle du FMI qui cesse alors ses versements à l'Islande. Un nouveau texte qui supprime la limite de 2024 est donc soumis à l'Althing fin 2009 ; il est ratifié dans la nuit du 30 au 31 décembre par une courte majorité (33 voix, contre 30).

Mais le président Olafur Ragnar Grimsson refuse de promulguer cette loi et convoque un référendum le 6 mars 2010. Une grande majorité des Islandais (93%) rejette alors l'accord. Les négociations reprennent entre les trois Etats et débouchent sur un nouveau texte voté le 16 février dernier par le Parlement.

La nouvelle loi sur l'accord Icesave comprend plusieurs nouvelles mesures :

– les actifs de la banque Landsbanki ont été réévalués. La somme restant à payer s'élève donc aujourd'hui à 47 milliards de couronnes islandaises (293 millions €, soit 900 € par habitant). La somme était, il y a un an, trois fois supérieure ;

– la période de remboursement a été étendue jusqu'en 2046 ;

– les taux d'intérêt ont été diminués, passant de 5,5% à 3,2% en moyenne. Reykjavik devra verser au total 3,9 milliards €, dont 1,3 milliard à La Haye (taux d'intérêt de 3%) et 2,6 milliards à Londres (taux d'intérêt de 3,3%).

Le nouvel accord comprend également des mesures garantissant que les remboursements ne dépasseront jamais 5% des recettes du gouvernement islandais.

Les Islandais penchent pour le "oui"

Les enquêtes d'opinion anticipent une victoire du "oui" au référendum du 9 avril prochain. Un sondage réalisé fin février dernier pour le quotidien Frettabladid et la chaîne de télévision numéro 2 révèle que 61,3% des Islandais s'apprêtent à voter en faveur de l'adoption de la nouvelle loi sur l'accord Icesave. Un gros tiers (38,7%) déclarent qu'ils rejetteront le texte. Trois personnes interrogées sur dix (29,6%) se montrent toujours indécises.

L'agence de notation Moody's a déclaré qu'une victoire du "non" pourrait avoir pour conséquence un abaissement de la note de crédit de l'Islande. "Si l'accord est rejeté, nous déclasserons sans doute la note de l'Islande à Ba1 ou au-dessous compte tenu des répercussions négatives qui s'ensuivraient pour la normalisation économique et financière du pays" peut-on lire dans un communiqué publié par l'agence. En revanche, Moody's a annoncé que si le "oui" sortait victorieux du référendum et que le nouvel accord était donc approuvé, elle relèverait sans doute la note actuelle de l'île (Baa3) qui passerait de négative à stable.

Certains politiques affirment également qu'un nouveau "non" pourrait pousser le Royaume-Uni et les Pays-Bas à saisir le Tribunal de l'Association européenne de libre-échange (AELE), une menace que d'autres (dont la députée européenne Eva Joly (Europe écologie), ancienne conseillère du procureur spécial chargé de l'enquête sur la crise bancaire qui dévasté l'Islande) considèrent sans fondement juridique.

Enfin, la consultation populaire conditionne en partie la question de l'adhésion à l'Union européenne de l'Islande, candidat officiel depuis le 17 juin 2010. Une enquête d'opinion publiée en janvier dernier montrait que 65,4% des Islandais souhaitaient que les discussions en vue de l'intégration de leur pays au sein des Vingt-sept (qui ont débuté le 27 juillet 2010) se poursuivent.

Les sympathisants du Parti de l'indépendance sont les seuls à souhaiter majoritairement l'arrêt du processus de négociation en cours. Les 2/3 des proches du parti d'extrême gauche du Mouvement de gauche-Les Verts (67,2%) sont favorables à la poursuite des pourparlers quand bien même leur leader Steingrimur Sigfusson y est opposé.

Référendum sur la loi sur l'accord Icesave 9 avril 2011

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