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Considérable percée des populistes aux élections législatives en Finlande

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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18 avril 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Considérable percée des populistes aux élections législatives en Finlande

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Les élections législatives du 17 avril en Finlande ont vu la forte percée des "Vrais Finlandais" qui sont devenus le 3e parti du pays. Ils ont recueilli 19% des suffrages et remporté 39 sièges, soit +34 par rapport au précédent scrutin législatif du 18 mars 2007. Les Vrais Finlandais sont le seul parti à progresser et à accroître son nombre de députés à l'Eduskunta/Riksdag, chambre unique du Parlement. Ils font quasiment jeu égal avec le Parti social-démocrate (SPD) de Jutta Urpilainen qui a obtenu 19,1% des voix et remporté 42 sièges (- 3). Le Rassemblement conservateur (KOK), dirigé par le ministre des Finances sortant, Jyrki Katainen, est arrivé en tête avec 20,44% des suffrages et 44 sièges (- 6). C'est la première fois dans l'histoire finlandaise que le KOK remporte un scrutin législatif. Le Parti du centre (KESK) de la Premier ministre sortante, Mari Kiviniemi, essuie un revers en obtenant 15,8% des voix et 35 sièges (-16). L'Alliance des gauches (VAS) de Paavo Arhinmäki a enregistré une baisse avec 8,1% des suffrages et 14 sièges (- 2), les Verts (VIHR), dirigés par le ministre du Travail sortant, Anni Sinnemäki, sont également en recul avec 7,2% et 10 sièges (-5). Le Parti du peuple suédois (SFP) de Stefan Wallin s'est maintenu avec 4,3% des suffrages (9 sièges, =). Enfin, le Parti chrétien-démocrate (SKL), emmené par Päivi Räsänen, a recueilli 4% des voix et remporté 6 sièges (- 1).

La participation a été élevée et s'est établie à 70,4%, soit +2,5 points par rapport au précédent scrutin législatif de 2007.

"C'est un bon départ ! C'est la victoire du bon sens. Il n'est plus réaliste de continuer sous la gouvernance des vieux partis d'année en année" a déclaré le leader des "Vrais Finlandais", Timo Soini, à l'annonce des résultats. "C'est un changement historique. Les Vrais Finlandais ont désormais un député dans chaque circonscription !" a-t-il ajouté.

Ces élections marquent en effet un véritable bouleversement de la vie politique où règne depuis toujours une forte culture du consensus. La scène politique est dominée depuis les années 1970 par 3 partis de force quasi-équivalente – à gauche, le Parti social-démocrate ; à droite, le Rassemblement conservateur et le Parti du centre – qui avaient l'habitude de se partager le pouvoir. Nous assistons donc à un nouveau partage du pouvoir en raison de la considérable percée des populistes, force politique en expansion dans toute l'Europe. "C'est un vrai big bang dans la vie politique finlandaise, c'est un grand, grand changement. Cela va modifier le contenu des politiques de la Finlande" a souligné Jan Sundberg, professeur à l'université d'Helsinki.

Le discours fortement eurosceptique et nationaliste de Timo Soini mêlé à un discours socioéconomique plutôt orienté à gauche a su convaincre les Finlandais. Il semblerait que de très nombreux abstentionnistes traditionnels se soient rendus aux urnes pour voter en faveur des "Vrais Finlandais". "Le succès annoncé des Vrais Finlandais tient au fait qu'ils attirent un électorat très divers" a indiqué le politologue du Centre de recherches sur les relations ethniques d'Helsinki, Pasi Saukkonen, qui prévoit que le leader populiste "pourrait avoir de grosses difficultés à tenir ses troupes après les élections législatives".

"Je suis heureuse que notre message sur l'emploi et la justice ait été entendu par les électeurs" a déclaré la présidente du parti social-démocrate Jutta Urpilainen. Le SPD fait en effet mieux que ce que lui prédisaient les enquêtes d'opinion. L'infléchissement de son discours vers des thèmes portés par les "Vrais Finlandais", comme une approche plus critique, voire sceptique, à l'égard de l'Europe et de l'immigration, semble avoir porté ses fruits électoralement. Jutta Urpilainen, qui avait été décriée en raison d'un déficit d'image, peut également savourer une victoire personnelle.

Enfin, la Premier ministre sortante Mari Kiviniemi a reconnu la défaite de son parti. "Cela ressemble une défaite écrasante pour nous" a-t-elle indiqué. "C'est une déception, mais les citoyens nous ont dit ce qu'ils voulaient et il faut écouter" a-t-elle ajouté.

"Mes chers amis, nous avons écrit l'histoire !" s'est écrié le leader du Rassemblement conservateur, Jyrki Katainen. "Responsabilité, droiture, notre projet d'avenir et notre orientation positive ont su gagner la confiance du peuple" a affirmé le ministre des Finances sortant.

Jyrki Katainen, qui a mené une campagne pro-européenne, notamment concernant l'aide financière aux Etats membres les plus touchés par la crise socioéconomique, va devoir maintenant négocier avec les "Vrais Finlandais", qui ont fait de leur opposition au plan de sauvetage du Portugal un thème "non négociable" et/ou avec le Parti social-démocrate qui a demandé de nouvelles garanties.

Timo Soini a fait des élections législatives un "référendum sur l'euro dont les Finlandais avaient été privés au moment de l'adoption de la monnaie unique". Il a rappelé qu'il souhaitait modifier les modalités du plan de sauvetage du Portugal, 3e pays de la zone euro à avoir besoin d'un plan de sauvetage après la Grèce et l'Irlande. Les "Vrais Finlandais" sont opposés à une augmentation de la capacité effective du Fonds européen de stabilité financière (FESF). La décision sur la façon de relever à 440 milliards € la capacité effective de prêt du Fonds (dont la Finlande a accepté de garantir 8 milliards €) devrait être prise par les partenaires européens à la fin du mois de juin. Le retrait d'un seul des 17 pays de l'Eurogroupe du FESF mettrait ce dernier en péril. La Finlande a garanti 12,5 milliards € au Mécanisme européen de stabilité, accordé un prêt de 1,48 milliard € à la Grèce et de 160 millions € à l'Islande et enfin promis 324 millions € à la Lettonie.

"Il est anormal que des pays qui ont mal géré leur économie créent des problèmes et fassent payer leurs dettes aux contribuables finlandais. Quand la Grèce s'est effondrée, on nous a dit que ce serait le dernier Etat membre que nous aurions à aider. Puis est venue l'Irlande, et maintenant le Portugal" a déclaré Timo Soini.

"Beaucoup de gens ont relégué l'apport de l'Union européenne en arrière-plan. D'une approche positive de l'Europe, on est passé à une vision plus sceptique et comptable" analyse Teija Tiilikainen, directrice de l'Institut finlandais des affaires étrangères, pour qui la montée des "Vrais Finlandais" est directement liée au plan d'urgence pour sauver la Grèce. "Le vote pour les Vrais Finlandais reflète le sentiment selon lequel la Finlande a pris soin de ses propres affaires pendant que d'autres dans la zone euro n'ont pas assumé leurs responsabilités, un sentiment dont les Vrais Finlandais sont su profiter" souligne Pasi Kuoppamaki, économiste à la banque Sampo. "Les Finlandais se sont serrés la ceinture et n'ont reçu aucune aide, ils n'ont jamais demandé de l'argent à personne et ont observé toutes les règles européennes quand d'autres pays ont mal géré leurs affaires" analyse Jan Sundberg. Pour celui-ci, l'indignation de l'opinion publique a de profondes racines qui plongent dans l'importante récession qu'a connue le pays dans les années 1990 qui a vu l'effondrement du secteur bancaire national et le taux de chômage avoisiner les 20%.

Après l'annonce des résultats, Jyrki Katainen a tenu à minimiser la perspective de voir son pays modifier son attitude à l'égard des difficultés européennes. "La Finlande a toujours été un pays attaché à régler des problèmes de manière responsable, pas à en causer. Il s'agit ici d'une cause européenne commune" a-t-il déclaré. En Finlande, le parlement est autorisé à se prononcer sur les demandes de fonds de financement de plans de sauvetage de l'Union européenne. Première conséquence du résultat des élections législatives du 17 avril : l'euro s'est déprécié le 18 avril face au dollar américain et au yen japonais.

"Traditionnellement, les partis politiques s'accordent pour que le dirigeant du parti le mieux représenté en sièges forme le gouvernement" a souligné Ilkka Ruostetsaari. Le leader du Rassemblement conservateur, Jyrki Katainen, devrait donc être le prochain Premier ministre d'un pays où les coalitions gouvernementales se sont toujours formées au gré des élections et au-delà des clivages idéologiques. Le Parti rural (SMP), dont sont issus les Vrais Finlandais, a ainsi participé aux gouvernements finlandais entre 1983 et 1990. "Quand on les interroge, la majorité des Finlandais disent que qui est au gouvernement n'a pas d'importance" indique Lauri Korvanen, professeur de sciences politiques à l'université de Turku.

Agé de 40 ans, Jyrki Katainen est diplômé de sciences sociales de l'université de Tampere. Après avoir obtenu plusieurs mandats locaux (conseiller municipal de Siilinjärvi et conseiller régional de Savonie du Nord), il est élu député en 1999. Cinq ans plus tard, en 2004, il prend la direction du Rassemblement conservateur. En 2007, il est nommé ministre des Finances du gouvernement dirigé par Matti Vanhanen (KESK). Il sera reconduit à ce poste par la Premier ministre Mari Kiviniemi en juin 2010. Il y a 3 ans, Jyrki Katainen avait été désigné meilleur ministre des Finances d'Europe par le quotidien économique The Financial Times.

Source : Site internet de l'Office des statistiques finlandaises

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