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Anibal Cavaco Silva est largement réélu à la présidence de la République du Portugal

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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24 janvier 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le président de la République sortant, Anibal Cavaco Silva (Parti social-démocrate, PSD), n'aura pas fait mentir la tradition qui veut que les chefs de l'Etat portugais soient élus dès le 1er tour de scrutin. Le 23 janvier, il a été réélu pour un 2e mandat de 5 ans à la tête du pays avec 52,94% des suffrages, soit un résultat supérieur à celui qu'il avait enregistré lors du précédent scrutin présidentiel du 22 janvier 2006 (+ 2,4 points). Il devance Manuel Alegre (PS), soutenu par le Bloc des gauches (BE) et le Parti démocratique de l'Atlantique (PDA), qui a recueilli 19,75% des voix (- 1 point par rapport à 2006).

Ils sont suivis de Fernando Nobre, candidat indépendant, fondateur du Groupe d'assistance médicale internationale (AMI), qui a obtenu 14,10%, de Francisco Lopes, candidat du Parti communiste (PCP) soutenu par les écologistes du parti Os Verdes, 7,14%, José Manuel Coelho, membre du Parti de la nouvelle démocratie, 4,50% et Defensor de Moura, 1,57%.

La participation au scrutin a été exceptionnellement faible : seuls 46,63% des électeurs se sont rendus aux urnes, un record depuis le retour du pays à la démocratie en 1974. L'enjeu de cette élection présidentielle a semblé mineur aux Portugais, inquiets de la progression du chômage et de la pauvreté et soumis depuis le début de l'année à leur 3e plan d'austérité en 12 mois. Le scrutin était également porteur de peu de suspense, les pouvoirs exécutifs du chef de l'Etat étant limités (celui-ci peut cependant dissoudre le parlement). Finalement, l'ampleur de la victoire a constitué le seul enjeu de l'élection présidentielle.

"Je serai une référence de confiance, de stabilité et de solidarité, sans renoncer aux pouvoirs que la Constitution me confère" a déclaré Anibal Cavaco Silva. Le Président de la République, qui s'est posé en "défenseur de la stabilité politique" et a promis d'être "impartial et au-dessus des partis politiques", a fait de son expérience son principal atout de campagne face aux inquiétudes suscitées par la crise financière qui a très fortement affecté le Portugal. Il a appelé les électeurs au "vote responsable". "Jamais la situation de notre pays n'a été aussi critique. Ce n'est pas le moment des aventures : les autres nous regardent et le Portugal a besoin de crédibilité" a-t-il déclaré, ajoutant "Je serai exigeant avec le gouvernement et j'examinerai avec attention les propositions venant du parlement et de l'exécutif".

Le candidat socialiste Manuel Alegre a reconnu et assumé sa défaite personnelle. Le Premier ministre, José Socrates, a souligné que les Portugais avaient voté "pour l'absence de changement, pour la continuité et la stabilité politique". Le chef du gouvernement s'est engagé à travailler "dans le sens de la coopération institutionnelle" avec le chef de l'Etat.

Pourtant, le succès du président de la République peut indéniablement être analysé en partie comme un rejet de la politique du gouvernement socialiste de José Socrates. "Les électeurs vont saisir l'occasion de punir le Parti socialiste au pouvoir pour les difficultés économiques du pays" avait prévu avant l'élection présidentielle Antonio Barroso, analyste d'Eurasia Group. Manuel Alegre avait d'ailleurs pris soin de répéter durant la campagne qu'il n'était pas le candidat du gouvernement

"Je m'attends à ce que Anibal Cavaco Silva et les socialistes conservent leur habitude de stabilité institutionnelle, c'est la tradition" a déclaré Adelino Maltez, politologue à l'université de Lisbonne. Le politologue Antonio Costa Pinto a affirmé que la victoire d'Anibal Cavaco Silva ne changerait rien à la vie politique du Portugal. "Le gouvernement a besoin de stabilité pour continuer à faire face à la crise et aux soubresauts financiers. Une chose est certaine, le président de la République aura un rôle éminemment plus important après l'élection qu'avant. Pas seulement à cause de la crise mais aussi parce que nous avons un gouvernement minoritaire et que le chef de l'Etat dispose d'une marge de manœuvre".

Certains analystes ont en effet émis l'idée que réélu avec une large majorité, le président de la République pourrait envisager de dissoudre le parlement. Le Premier ministre José Socrates ne dispose pas de majorité au parlement, ce qui est parfois jugé dangereux en ces temps de grave crise économique et alors que le pays, lourdement endetté, est menacé d'avoir à recourir à l'aide internationale. Certains des adversaires du président de la République sortant l'ont également accusé de vouloir précipiter la chute du gouvernement socialiste. Durant la campagne électorale, le leader du parti social-démocrate, Pedro Passos Coelho, avait tenu à préciser que son soutien à Anibal Cavaco Silva n'était pas destiné à reconquérir le pouvoir. "Si un jour nous revenons au gouvernement au Portugal, ce sera par la volonté des Portugais et non du président" avait-il déclaré.

Les résultats économiques du 1er trimestre de l'année attendus en avril prochain ou le débat autour du prochain budget de l'Etat pourraient fournir des occasions de crise politique. "Si le gouvernement échoue à réduire le déficit budgétaire, il perdra sa crédibilité et la probabilité pour qu'il soit amené à affronter de nouveau le verdict des urnes croîtra" a déclaré le politologue André Freire de l'université de Lisbonne. "Si aucun accord n'est trouvé pour le vote du budget de 2012, on pourrait assister à un vote de défiance au parlement qui ferait tomber l'actuel gouvernement. Dans ce cas, le président de la République n'aura pas besoin de dissoudre mais de faire émerger un consensus des partis sur un vote contre le gouvernement" a souligné Joao Cantiga Esteves, économiste à l'université technique de Lisbonne qui a cependant précisé accorder peu de foi à ce scénario. "Les présidents de la République tendent à être un peu plus interventionnistes dans leur 2e mandat puisqu'ils n'ont rien à perdre" a déclaré l'analyste politique José Miguel Judice, ajoutant "Anibal Cavaco Silva est par nature un homme prudent. Il ne prendra aucune initiative contre le gouvernement, sauf en cas de crise".

Agé de 71 ans, Anibal Cavaco Silva, économiste de formation, a travaillé comme professeur d'économie au Haut institut des sciences économiques et financières de Lisbonne, à la Faculté d'économie et à l'université catholique du Portugal. Il a également été chercheur à la Fondation Calouste Gulbenkian et à la Banque centrale du Portugal.

Entré au Parti social-démocrate en 1974, il a connu une ascension rapide au sein du parti et est devenu ministre du Plan et des Finances de 1980 à 1981. Après avoir été fortement contribué au renversement de la coalition Parti social-démocrate-Parti socialiste au pouvoir à l'époque, il a été élu président du PSD à la tête duquel il a remporté les élections législatives de 1985. Anibal Cavaco Silva est ensuite nommé Premier ministre, une fonction qu'il exercera durant 10 ans. En 1996, il échoue à l'élection présidentielle contre Jorge Fernando Branco de Sampaio et se met en retrait de la vie politique nationale portugaise, retrouvant son métier d'enseignant en économie et de conseiller auprès de la Banque centrale du Portugal. Dix ans plus tard, le 22 janvier 2006, il effectue son grand retour et est finalement élu à la tête de l'Etat.

Anibal Cavaco Silva entamera son 2e mandat présidentiel le 9 mars prochain.

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