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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
La victoire des forces de droite était, depuis longtemps, annoncée par l'ensemble des enquêtes d'opinion et les partis de gauche s'étaient d'ores et déjà résignés à la défaite. La véritable bataille des élections législatives et sénatoriales polonaises se jouait donc entre les deux principales formations libérales du pays, toutes deux héritières du syndicat Solidarité, à savoir la Plateforme civique (PO) et Droit et justice (PiS).
Comme prévu, la droite a largement remporté le scrutin dimanche, mais, contrairement à ce que prévoyaient tous les sondages, Droit et justice (PiS) a finalement devancé la Plateforme civique (PO), recueillant 26,99% des suffrages (cent cinquante-cinq sièges) et devenant donc le premier parti de la Sjem (Diète), Chambre basse du parlement. La Plateforme civique, longtemps en tête des enquêtes d'opinion, arrive en deuxième position, obtenant 24,14% des voix (cent trente-trois sièges). A elles deux, ces formations remportent donc deux cent quatre vingt-cinq sièges à la Diète, soit la majorité absolue mais vingt-trois sièges de moins que la majorité des deux tiers indispensable pour modifier la Constitution.
Autodéfense de la République (Samoobrona, S), formation populiste dirigée par Andrzej Lepper, arrive en troisième position, recueillant 11,41% des suffrages (cinquante-six sièges). L'Alliance de la gauche démocratique (SLD), au pouvoir depuis quatre ans et minée par de nombreux scandales de corruption et d'abus de pouvoir, enregistre une sévère défaite en obtenant 11,31% des voix, soit quarante points de moins que lors des dernières élections législatives du 23 septembre 2001 (cinquante-cinq sièges). Le nouveau leader de la formation, Wojciech Olejniczak, a affirmé que son parti saurait être une « force constructive de l'opposition ». Enfin, la Ligue des familles (LPR), dirigée par Roman Giertych, recueille 7,97% des voix (trente-quatre sièges) et le Parti populaire (PSL) de Jaroslaw Kalinowski, 6,96% (vingt-cinq sièges). Le Parti démocratique du Premier ministre sortant, Marek Belka, et le Parti social-démocrate (SDPL) ne sont pas parvenus à franchir le seuil des 5% nécessaires pour être représentés au Parlement.
L'autre événement marquant de ces élections législatives et sénatoriales a été la très faible participation enregistrée : 38%, soit 8,3 points de moins que lors du précédent scrutin d'il y a quatre ans alors même que les vingt-cinq mille bureaux de vote du pays sont restés ouverts durant quatorze heures (de six heures à vingt heures). Il s'agit du plus faible taux enregistré en Pologne depuis la chute du système communiste en 1989 dans un pays de l'Union européenne pour un scrutin national. La sociologue Lena Kolarska-Bobinska note ainsi que seul un Polonais sur cinq a réellement voté pour les deux formations arrivées en tête des élections parlementaires. Elle accuse également la classe politique d'avoir, depuis 1989, intentionnellement négligé d'encourager la participation électorale par crainte d'un rejet par la majorité de la population des réformes imposées par le passage à l'économie de marché, réformes douloureuses pour une grande partie des Polonais. De son côté, le sociologue Edmund Wnuck-Lipinski impute cette forte abstention à « la faiblesse de la culture politique inhérente à la société polonaise et au bas niveau du débat politique dans le pays, deux choses qui n'encouragent pas les gens à prendre leurs responsabilités et à s'engager ». Le Haut représentant pour la politique extérieure de l'Union européenne, Javier Solana, a regretté cette faible participation aux élections législatives et sénatoriales l'attribuant en partie à la crise que traverse l'Europe. « Il faut sortir de cette situation et amener les Européens à voter. Voter, c'est prendre une décision pour l'avenir et il est donc important que les gens votent d'une manière significative » a-t-il souligné.
« Nous avons gagné en tant que parti et, ce qui est le plus important, nous avons gagné sur notre programme, sur une certaine idée de la Pologne, et cela devrait s'avérer décisif » a déclaré Jaroslaw Kaczynski, le leader de Droit et justice, à l'issue de l'annonce des premiers résultats, ajoutant « Nous devons reconstruire beaucoup de choses en Pologne, nous devons restaurer la confiance dans l'Etat, une valeur largement compromise ces dernières années ».
Il a immédiatement revendiqué le poste de Premier ministre compte tenu de l'accord conclu entre son parti et la Plateforme civique selon lequel le Premier ministre devait être issu de la formation arrivée en tête au soir du 25 septembre. Dans les jours précédant le scrutin, Jan Rokita, candidat de la Plateforme civique au poste de Premier ministre, avait émis le souhait que le nom du chef de l'exécutif soit rendu public en même temps que les résultats, Lech Kaczynski, frère jumeau de Jaroslaw et candidat de Droit et justice à l'élection présidentielle du 9 octobre prochain, avait alors déclaré son opposition à une telle annonce. « Il ne faut pas que la formation du gouvernement devienne un élément de la campagne présidentielle » a-t-il souligné, soucieux de préserver toutes ses chances face à Donald Tusk, candidat de la Plateforme civique qui le devance dans toutes les enquêtes d'opinion.
Jaroslaw Kaczynski a, par ailleurs, affirmé à plusieurs reprises qu'il renoncerait au poste de Premier ministre si son frère Lech remportait l'élection présidentielle : « Si mon frère gagne, je serai obligé de renoncer au poste de Premier ministre. Ce serait inacceptable pour les Polonais que deux frères occupent les deux principaux postes de l'Etat ». La formation conservatrice a également revendiqué le poste de ministre des Finances. « Il serait préférable que le ministère des Finances revienne à un membre du même parti que le Premier ministre » a ainsi affirmé Jaroslaw Kaczynski au quotidien Rzeczpospolita.
Les deux formations ont confirmé dimanche soir leur volonté de constituer une coalition gouvernementale. « Nous disons depuis longtemps que nous voulons former cette coalition et il n'y a aucune raison qu'elle ne voie pas le jour » a affirmé le leader de Droit et justice (PiS). Les négociations risquent cependant d'être difficiles, les deux partis ayant des vues différentes sur des sujets importants, comme la fiscalité. Ils divergent principalement sur la dose de libéralisme dont doivent être porteuses les réformes qu'ils souhaitent mettre en œuvre et sur la dose d'étatisme à maintenir dans une Pologne dont le niveau de vie est deux fois inférieur à la moyenne de l'Union européenne et où le taux de chômage -le plus élevé des Vingt-cinq- atteint 17,8% de la population active. La Plateforme civique (PO) se déclare en faveur d'une importante libéralisation, de nombreuses privatisations et d'une forte réduction des dépenses publiques. Plus strict dans le domaine des mœurs, attaché aux valeurs chrétiennes, le programme de Droit et justice comporte un volet social plus important. La formation est ainsi favorable à la préservation de l'aide aux familles nombreuses et aux plus démunis comme au maintien d'un système de santé étatisé.
Les deux partis ont chacun pris position contre la corruption mais le PiS va jusqu'à réclamer une purge à la tête du gouvernement pour en chasser les anciens dirigeants communistes. « Droit et justice est plus à droite sur les questions de société et de souveraineté mais nous le sommes davantage en ce qui concerne les mesures économiques » déclare l'ancien gouverneur de la Banque centrale de Pologne et membre de la PO, Hana Gronkiewicz-Waltz. « Les Polonais veulent la révolution mais une révolution tranquille et la stabilité » analyse le sociologue Edmund Wnuck-Lipinski.
Comme pour les chrétiens-démocrates allemands de la CDU-CSU, le résultat de la Plateforme civique s'explique probablement par l'impopularité de la mesure phare de son programme, à savoir un taux unique de 15% pour la TVA, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. Le leader de la PO, Jan Rokita, a cependant réaffirmé dimanche soir sa volonté de mettre en place cet impôt unique : « Nous ne pouvons pas y renoncer. Je ne peux pas y renoncer ». Pour sa part, Droit et justice propose de réduire les tranches fiscales à deux (18% et 32%) contre trois (19%, 30% et 40%) actuellement.
L'Eglise catholique, très puissante en Pologne, avait choisi de rester à l'écart de ces élections parlementaires, rappelant seulement à ses fidèles, visiblement sans être très entendue, d'accomplir leur devoir de citoyen. De son côté, l'ancien Président de la République (1990-1995) Lech Walesa, a fait part de sa déception devant les résultats obtenus par la Plateforme civique. « Ni les dirigeants de Droit et justice, Jaroslaw et Lech Kaczynski, ni leur parti ne sont à même de relever les défis. La Plateforme civique aurait fait mieux parce qu'elle compte en ses rangs des gens sensés » a déclaré l'ancien leader de Solidarité.
La bataille entre les deux formations libérales se poursuit désormais pour l'élection présidentielle dont le premier tour se déroulera le 9 octobre prochain. La dernière enquête d'opinion réalisée dimanche 25 septembre donne l'avantage au candidat de la Plateforme civique, Donald Tusk, crédité de 45% des suffrages, contre 33% pour celui de Droit et justice, Lech Kaczynski. Le leader du Parti social-démocrate (SDPL), Marek Borowski, recueillerait 11% des voix et Andrzej Lepper (Autodéfense de la République-Samoobrona), 6%. Selon ce sondage, au deuxième tour (prévu pour le 23 octobre), Donald Tusk battrait Lech Kaczynski par 57% contre 43%.
Résultats des élections législatives polonaises du 25 septembre 2005
Participation : 38%
source : commission électorale polonaise
Résultats des élections sénatoriales du 25 septembre 2005
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