Toomas Hendrik Ilves sera-t-il le premier président de la République élu par le parlement en Estonie ?

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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22 août 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Dans une semaine, les 29 ou 30 août prochains, les 101 membres du Riigikogu, chambre unique du parlement estonien, sont appelés à élire le prochain président de la République. Toomas Hendrik Ilves, chef de l'Etat sortant, a annoncé dès décembre dernier qu'il était candidat à sa succession. Il sera opposé au député européen, Indrek Tarand (Verts/ALE, EE).

Les candidatures à l'élection présidentielle peuvent toutefois être enregistrées jusqu'à 4 jours avant le vote, soit jusqu'au 25 août prochain.

Pour la première fois dans l'histoire du pays, le chef de l'Etat pourrait être élu par le Riigikogu. En Estonie, l'élection présidentielle se déroule en effet en premier lieu au sein du parlement. Lors du 1er tour de scrutin, le candidat qui recueille au moins les 2/3 des suffrages des 101 députés (soit 68 voix) est déclaré élu. Dans le cas où aucun candidat ne parvient à obtenir ce nombre de voix, un 2e tour de scrutin est organisé le lendemain, suivi d'un 3e tour si nécessaire. A l'issue de ces 3 tours de scrutin, si aucun candidat ne recueille suffisamment de suffrages pour pouvoir accéder à la fonction suprême, le président du Riigikogu convoque alors le Collège électoral (Valimiskogu) qui sera chargé d'élire le chef de l'Etat.

Le Collège électoral rassemble les 101 députés et les membres des assemblées représentatives des 227 municipalités d'Estonie. Lors du vote du collège électoral, de nouvelles personnalités peuvent se porter candidates à l'élection présidentielle (tout groupe rassemblant au moins 21 membres du Valimiskogu peut présenter un candidat). Toute personne qui recueille la majorité simple des voix est déclarée élue. Si cette majorité n'est pas atteinte, un 2e tour est organisé le même jour et le candidat recueillant la majorité des suffrages est alors déclaré élu.

Si, hypothèse toutefois assez improbable, les grands électeurs ne parvenaient pas à désigner le prochain Président, cette fonction revient alors, de nouveau, aux 101 députés du Riigikogu. L'élection se déroulerait dans les 14 jours après l'annonce des résultats négatifs du 2e tour de scrutin au Valimiskogu.

Le président sortant, Toomas Hendrik Ilves, est soutenu par le Parti de la réforme (ER) du Premier ministre Andrus Ansip, l'Union pour la patrie-Res Publica (IRL), dirigée par Tunne Kelam et partenaire du Parti de la réforme au sein de la coalition gouvernementale, et le Parti social-démocrate (SDE), présidé par Sven Mikser, soit au total 75 députés, (+7 par rapport à la majorité des 2/3 obligatoire pour être élu à la tête de l'Etat).

Toomas Hendrik Ilves a cité la défense de la Constitution et de la démocratie parlementaire, le développement de la société civile et la poursuite d'une politique étrangère soucieuse des intérêts de l'Estonie comme ses priorités pour un nouveau mandat de 5 ans.

Indrek Tarand a été investi le 18 juin dernier à bulletins secrets (par 94 voix contre 7) par le principal parti d'opposition, le Parti du centre (KE) d'Edgar Savisaar. Si le candidat devrait bénéficier du soutien de la majorité des 26 députés centristes au Riigikogu, le KE ne fera pas campagne pour Indrek Tarand. "Bien sûr, nous l'aiderons s'il nous demande des conseils mais le Parti du centre ne fera pas campagne en sa faveur" a déclaré son secrétaire général, Priit Toobal.

Indrek Tarand espère que les parlementaires sauront aller au-delà de leurs appartenances partisanes et voter en toute liberté. "Ma candidature a provoqué des développements intéressants au Parti du centre comme à l'Union pour la patrie-Res Publica" a-t-il déclaré. Il dit faire confiance aux Sociaux-démocrates qui, selon lui, ont élu leur leader le 16 octobre 2010 de façon très démocratique. Enfin, il a assuré avoir obtenu le soutien de 10 parlementaires appartenant aux partis soutenant officiellement le chef de l'Etat sortant !

Le choix d'Indrek Tarand s'explique par la volonté du parti du Centre de regagner la confiance des électeurs "estoniens", émoussée après l'affaire dite Vladimir Yakounine rendue publique par le quotidien Postimees qui révélait le 21 décembre 2010 que, selon un rapport de la Kaitsepolitsei (police de sécurité, services secrets estoniens), Edgar Savisaar avait sollicité des fonds auprès du président des chemins de fer russes et ancien officier du KGB, Vladimir Yakounine, à l'occasion d'une visite à Tallinn. Selon les services secrets, il aurait versé 1,5 million € pour la campagne électorale du Parti du centre aux élections législatives du 3 mars 2011 et une somme équivalente pour la construction d'une église orthodoxe à Lasnamäe, ville dont Edgar Savisaar est le maire.

En outre, Edgar Savisaar veut empêcher que le nouveau président de la République soit élu par le Parlement. En soutenant Indrek Tarand, il mise sur la confusion que peut engendrer sa candidature et espère que l'indépendance des députés empêchera la réélection de Toomas Hendrik Ilves lors du vote du Riigikogu les 29 et 30 août prochains.

Indrek Tarand a proposé l'organisation d'un référendum sur le mode d'élection du président de la République. Il est favorable à une désignation du chef de l'Etat au suffrage universel direct. Le Parti social-démocrate s'est déclaré opposé à cette initiative qu'il a qualifiée de "pseudo-démocratie". "Les sociaux-démocrates considèrent que la gouvernance doit être démocratique et pas seulement avoir l'allure de la démocratie. Les droits et les devoirs que la Constitution accorde au président de la République sont liés au fait que celui-ci n'est pas élu par le peuple. Il serait injuste de faire croire aux électeurs que le chef de l'Etat a davantage de pouvoirs que ceux que la Loi fondamentale lui donne" a déclaré Eiki Nestor, chef du Parti social-démocrate au Riigikogu. Le chef de l'Etat sortant Toomas Hendrik Ilves a plusieurs fois exprimé son opposition à une élection du président de la République au suffrage universel direct. Il voit en effet dans la concentration des pouvoirs entre les mains d'un chef de l'Etat élu de façon directe une menace pour la démocratie. "Cela créerait un conflit entre le gouvernement et le président de la République. Ce dernier aurait du mal à résister au fait qu'il tient son mandat du peuple quand le chef du gouvernement est désigné par le seul parlement. On peut souhaiter un chef de l'Etat désigné au vote populaire et qui conserverait ses pouvoirs actuels. Mais cela n'est pas possible".

La scène politique estonienne connaîtra un autre moment fort le 27 août prochain, lorsque le Parti du centre élira son leader. Edgar Savisaar, favori du scrutin, est candidat à sa propre succession. Il sera opposé à Juri Ratas, vice-président du Riigikogu et ancien maire de Tallinn (2005-2007). Il a reçu le soutien de 27 districts, 3 s'étant déclarés en faveur de son challenger.

Cette élection pose la question essentielle de l'avenir politique du KE. En effet, depuis l'affaire Yakounine, le Parti du centre est ostracisé par les autres partis au point qu'il lui est impossible d'envisager de rejoindre une coalition gouvernementale.

Toomas Hendrik Ilves et Indrek Tarand se retrouveront le 27 août prochain à la télévision pour un débat de deux heures.

La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Emor pour la chaîne de télévision ERR sur l'élection présidentielle révèle que près de la moitié des Estoniens (48%) souhaitent la victoire de Toomas Hendrik Ilves, tandis que 20% lui préféreraient Indrek Tarand.

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