Agriculture
Luc Guyau,
Pauline Massis-Desmarest
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Luc Guyau
Pauline Massis-Desmarest
1) Vous êtes le président du Conseil de la FAO. A quelques jours de la fin de votre mandat, pouvez-vous faire le bilan de votre action durant les quatre années passées au sein de cette organisation ?
Mon mandat a été, à vrai dire, un double mandat de deux ans renouvelable une fois. Ce fut une expérience personnelle assez extraordinaire, parce que, dans ma carrière (FNSEA, APCA, etc.,) j'ai développé des relations très fortes avec le ministère des Affaires étrangères de l'ensemble des pays (192 pays, dans le cadre du Conseil, des organismes de gouvernance et dans mes visites extérieures). C'était une véritable chance. De plus, je suis arrivé au moment où la FAO avait engagé une vraie réforme de fond en matière de gouvernance. Auparavant le Président présidait le Conseil trois fois par an pendant une semaine. Désormais, il doit résider de six à huit mois à Rome, afin d'animer le Conseil, gérer les relations avec les Etats, le secrétariat et la société civile. Il est en quelque sorte un entremetteur de relations. Cependant, il est important de souligner la particularité de cette présidence puisque le Président et le Directeur général ont la même légitimité et sont au même niveau. Le Directeur général est élu tout comme le Président. Chacun exerce ses fonctions. Le Président s'occupe de la gouvernance, du contrôle budgétaire, de la préparation des programmes ; le Directeur s'occupe de la gestion, des relations extérieures, du personnel et de la mise en œuvre de la politique. Ce nouveau mode de gouvernance a été difficile au début mais tout s'est plutôt bien déroulé par la suite.
Le point le plus positif de mon mandat a été la mise en place de la réforme consistant à faire en sorte que les pays membres soient des acteurs permanents de la vie et des orientations de la FAO. Auparavant, il y avait une conférence tous les deux ans. Les ministres et les ambassadeurs venaient, discutaient, définissaient les orientations et, à la fin de la conférence, chacun se saluait et se disait "on revient dans deux ans pour observer ce qui a été fait". Toute la réforme a été de faire en sorte que les pays membres soient acteurs sur la définition budgétaire, la définition des orientations, le fonctionnement de la FAO et la décentralisation. Cette réforme s'est mise en place pendant ma présidence. Par ailleurs, j'ai eu à assumer l'accompagnement du choix d'un nouveau Directeur, ce qui est assez extraordinaire dans cette maison parce que les deux anciens Directeurs avaient été en poste chacun pendant 18 ans. Ce changement a permis un renouvellement. Un autre point positif vient du fait que j'appartiens à la société civile. C'était la première fois qu'un Président venait de la société civile. Lors du dernier Conseil a été voté un cadre pour les relations "normalisées" entre la société civile et les entreprises privées. Cela est important parce que la FAO ne peut exister que si elle est proche du terrain, proche de ceux qui sont concernés.
Un regret cependant, durant ma présidence, en termes de résultats sur la réduction de la faim dans le monde, nous en sommes toujours, en chiffres absolus, à 870 millions de personnes. Pendant ces quatre ans, la population mondiale a certes augmenté, mais il y en a toujours autant même si le pourcentage diminue chaque jour. J'ai été aussi heureux de mettre en application les orientations du G20 après les crises alimentaires, notamment la décision de la meilleure connaissance des stocks et des productions, et puis la mise en place d'un fonds de réaction rapide.
2) Les crises alimentaires ces dernières années, caractérisées par des émeutes de la faim dans de nombreux pays en développement et la hausse plus générale du prix des ressources naturelles, ont mis sur le devant de la scène la question de la raréfaction des ressources naturelles. L'accroissement de la population mondiale et sa consommation croissante induisent une hausse de la pression sur des ressources limitées, malgré l'augmentation des capacités de production. Comment, selon vous, gérer ces évolutions ?
Premier constat : la population mondiale actuelle est de 7 milliards d'habitants ; on estime dans 30 à 40 ans que le seuil de 9 milliards sera atteint. En 1960, nous n'étions que 2,5 milliards, autrement dit, en 50 ans, de 1960 à 2010, nous avons nourri 4,5 milliards de personnes de plus. La question qui se pose est de savoir si nous pouvons nourrir les 2 milliards de plus avec les mêmes méthodes qu'auparavant. La réponse est négative à cause de la raréfaction des ressources et des sols disponibles. En effet, trop de sols sont de nos jours gaspillés. Il reste des réserves disponibles en Afrique ou ailleurs. Nous avons cependant les atouts pour produire suffisamment pour 9 milliards d'habitants, mais la raison pour laquelle il y a eu cette flambée des prix est, en particulier, un manque de disponibilité des sols.
Comment expliquer les émeutes de la faim ?
Premièrement : il y a eu un désinvestissement global depuis 30 ans dans le secteur agricole au niveau mondial. Rappelons juste un chiffre : en 1980, il y avait 20% de l'aide mondiale au développement qui était affectée à l'alimentaire et à l'agriculture ; en 2010, il n'y en avait plus que 3% et désormais 5%. Deuxièmement, il y a eu une forte demande mondiale liée à la croissance continue des populations qui s'est accompagnée d'une amélioration du niveau de vie, en particulier en Chine. En conséquence, la consommation a nettement augmenté. Troisièmement, il y a eu une croissance de l'utilisation des biens non alimentaires, notamment pour faire de l'éthanol. Quatrièmement : les populations urbaines, de plus en plus nombreuses qui dépendent soit de l'aide alimentaire, soit du marché international, ont vu les prix flamber, multipliés par trois.
Différentes thèses ont tenté d'expliquer les raisons de ces émeutes de la faim. Selon moi, la spéculation est la conséquence de cette situation. En effet, si on avait eu trop de production, il n'y aurait pas eu de spéculation. Or, nous ne sommes pas raisonnables. En 2010, il s'est vendu 45 fois la production mondiale de céréales. Sur le papier, on spécule sur la production. Il est criminel de spéculer sur la vie des gens. On peut cependant retenir un aspect positif de cette spéculation : cela a fait prendre conscience, au moins pour un certain temps, aux gouvernants des pays les plus industrialisés, que derrière la pénurie alimentaire il pouvait y avoir aussi la déstabilisation de certaines parties du globe et de certains pays. Après les émeutes de la faim, les stocks sont remontés à 90 jours, c'est une situation à peu près stable même si les prix ont plus ou moins augmenté.
3) Quel peut être le rôle de l'Union européenne dans la lutte contre les famines, la malnutrition, la sous-nutrition, alors que son aide au développement en matière alimentaire est, elle aussi soumise à des contraintes budgétaires ?
Tout d'abord, il y a l'attitude de l'Europe vis-à-vis de ses propres ressortissants. J'ai été scandalisé de voir l'Europe se désengager fortement sur l'aide alimentaire intérieure, même si pour des raisons juridiques cela est compréhensible. Je crois en une Europe qui est capable politiquement de dépasser les aspects juridiques. Je le regrette doublement, pour ceux qui ont faim, il y a 18 millions d'Européens parmi les 870 millions au niveau mondial.
En revanche, l'Europe ne s'est pas désengagée, malgré les crises financières, auprès des plus démunis de la planète. Dans le cadre de la FAO, ce ne sont pas les Etats-Unis qui apportent la plus grosse contribution mais l'Europe dans son ensemble. 42% du budget de la FAO proviennent de l'Union européenne. Ces trois dernières années, il y eut un engagement fort de l'Union européenne notamment autour de l'action du commissaire au développement Andris Piebalgs et à la commissaire à la coopération internationale, l'aide humanitaire et la réaction aux crises, Kristalina Georgieva. Par ailleurs, il y a un intérêt de plus en plus fort, mais progressif, du Parlement européen pour connaître dans le détail les décisions qui sont votées sur ces sujets. Il y a encore quelques années, on avait une aide un peu nationalisée. Dorénavant, on sent une réelle politique européenne, ce qui est positif.
4) La volonté de développer une agriculture pour des utilisations industrielles de ses produits (énergétiques notamment) ne menace-t-elle pas la vocation première, alimentaire, de l'agriculture ?
Mon slogan est "tout est dans la dose", autrement dit tout dépend de ce que l'on fait. Si l'on remonte au début du siècle dernier, une partie très substantielle de la production agricole servait à l'énergie, notamment dans les exploitations ou pour les diligences. L'agriculture a toujours produit une partie de son travail pour l'énergie ou les biens industriels.
Aux Etats-Unis, 40% de la surface de maïs servent actuellement à produire de l'éthanol. La position des Brésiliens avec la canne à sucre, qui est le meilleur en ce qui concerne la transformation en énergie, a des limites. Ce que fait l'Europe, globalement, dans ses doses de développement, reste raisonnable, même si je ferais une petite critique sur la méthanisation. 800 000 hectares de maïs allemand ne passent pas par le circuit des vaches pour faire du lait ou de la viande et vont directement dans le "méthaniseur"[1]. Selon moi, cela n'est pas raisonnable et peut poser problème.
L'autre danger est que certains pays, ou certaines entreprises multinationales, investissent dans des régions du monde pour développer de la production agricole à des fins uniquement énergétiques ou oléiques, comme l'huile de palme. Il y a ici un double inconvénient. Le premier est humanitaire autrement dit celui de ne pas respecter les populations locales. Le deuxième inconvénient est de ne pas assurer, pour ces pays, un minimum de sécurité alimentaire. En réalité, le danger est que cet accaparement des terres soit un peu basé sur le système pétrolier ("Je pompe. Quand il n'y en a plus, je m'en vais"). Alors que si cela était fait de manière raisonnable cela servirait à la modernisation.
Dans le cadre de la FAO, nous avons adopté un texte au mois de mai de l'année dernière sur la réglementation de l'accaparement des terres. Le problème, c'est que la FAO, comme toutes les structures internationales, doit respecter la souveraineté des Etats, c'est-à-dire qu'ils peuvent bien voter à l'unanimité un texte à la FAO, mais il faut qu'ensuite ils aient la volonté de le mettre en application dans leur pays. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas.
5) Il y a actuellement un débat entre les partisans d'une agriculture plus productive et ceux d'une agriculture de meilleure qualité, par exemple sur la place à accorder aux OGM ? Comment concilier ces deux visions ?
Premièrement, il ne faut pas opposer la qualité et la quantité. La qualité sanitaire doit être la règle pour tous les citoyens de chaque pays pour accéder à l'alimentation. Deuxièmement, les marques de qualité ne doivent pas être exclusives. Aucun consommateur ne doit être exclu. Troisièmement, le rejet des OGM n'est pas forcément une question de qualité. La question se pose de la maîtrise mal assumée des nouvelles technologies des OGM et il y a, par ailleurs, un débat politique sur l'accaparement des brevets par des entreprises privées. L'Europe s'est mise hors de ces dossiers alors que d'autres pays continuent à intensifier leurs recherches. Certains pays d'Europe font une erreur en ne séparant pas assez production et recherche. Certes, il ne faut pas tout accepter. Mais, il ne faut pas oublier que pour les OGM, il y a 15 ans, la France et l'Europe étaient sur le devant de la scène. Or, actuellement, il n'y a plus de recherche dans notre pays. L'Europe rate certainement le virage de sa modernisation. Un grand plan de recherche au niveau européen serait tout à fait justifiable.
6) Vous avez été Président de la FNSEA. La négociation sur le prochain budget européen - 2014-2020 - est dans sa dernière phase. Quel regard portez-vous sur la Politique agricole commune (PAC) et ses évolutions ? Qu'est-ce qui justifie encore cette politique tant décriée ?
Avant tout, à titre d'Européen convaincu, j'ai été scandalisé de voir les gouvernements européens souhaiter réduire le budget européen. En effet, dire qu'on veut "faire plus d'Europe" tout en diminuant le budget n'est pas un signe politique fort vis-à-vis des autres pays émergents. J'ai vu pendant les quatre années de mon mandat à Rome le poids des pays européens et de l'OCDE diminuer face aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). L'Europe est indispensable pour que ses Etats membres résistent face à l'émergence de ces pays émergents.
Actuellement, le budget agricole européen s'élève à 40% du budget total. Je suis favorable au remplacement de la Politique agricole commune (PAC) par une Politique alimentaire, agricole et territoriale commune. Quand on dit 40% du budget vont à l'agriculture, il va en réalité au consommateur. Le principal bénéficiaire de cette politique est le citoyen, pas l'aménagement du territoire. La Politique agricole commune est indispensable. Il y a des équilibres à trouver : si nous sommes en concurrence directe avec des pays émergents où les coûts de production sont inférieurs, ou si nous prenons le risque d'être dépendants de pays comme l'Argentine ou l'Australie qui connaissent tous les trois ans une sécheresse qui fait flamber les prix, il ne faudra pas être surpris par la suite.
Ensuite, pour la réforme, j'ai été d'abord choqué que l'on puisse proposer de mettre 7% des terres en jachère environnementale au moment même où l'on manque de nourriture dans le monde. Bien entendu, l'Europe ne va pas alimenter le monde, mais elle y contribue en nourrissant sa population, mais aussi en participant à l'équilibre alimentaire économique et politique mondial. Si l'Europe abandonne sa place d'exportateur au niveau agricole, cela signifie qu'on laisse à d'autres le soin de faire cet équilibre alimentaire (Brésil, Etats-Unis, Nouvelle-Zélande). Politiquement, l'Europe a un rôle à jouer en la matière.
Dernier point, la politique agricole, telle qu'elle est, mériterait d'être réformée profondément. Mais j'ai bien peur qu'on n'y touche pas assez, notamment l'équilibre entre les différentes productions. Ce n'est plus tenable pour un citoyen de voir que la situation des marchés des céréales est très favorable et qu'en même temps le système d'aide n'est toujours pas réajusté. Il serait normal que les aides pour les céréales soient réduites quand les prix du marché sont très élevés. Le danger, on le voit bien en France, est qu'il y a beaucoup de producteurs spécialisés dans le secteur animalier ou végétal qui abandonnent leur production pour se mettre sur le marché des céréales. Ils travaillent moins et gagnent plus. C'est dangereux pour l'aménagement du territoire, pour l'emploi, y compris pour l'équilibre alimentaire français. Par exemple, suite au débat sur la viande de cheval, il a été décidé qu'on allait faire des lasagnes mais uniquement avec de la viande française. En réalité, cela est impossible car nous en manquons. C'est un paradoxe dans un grand pays comme le nôtre et cela risque de continuer ainsi. Il faut donc un rééquilibrage pour permettre aux éleveurs de mieux gagner leur vie.
7) L'Union européenne en tant que puissance agricole a-t-elle vécu ? Comment protéger l'économie et la qualité de notre agriculture face aux nouvelles puissances agricoles, et notamment au Brésil, à l'Argentine, à la Russie ou à la Chine ?
A la FAO, on a coutume de dire que pour relever le défi des futurs 9 milliards d'habitants, on a besoin de toutes les agricultures. Chaque pays doit avant tout définir un seuil minimum d'approvisionnement pour garder son indépendance alimentaire. Il s'agit d'avoir une bonne production qui permette aux localités d'être en proximité pour vendre. L'Union européenne, qui a souvent été accusée d'exporter à bas prix, se trouve dans l'espace d'importation le plus important. Nous avons 500 millions de consommateurs, je pense que notre mission est au moins d'approvisionner ces 500 millions d'Européens. Nous ne sommes par forcément compétitifs sur tous les produits, notamment basiques, au niveau mondial.
De plus, sur le marché mondial, il y a encore de nombreux marchés à gagner. Par exemple, la Chine et l'Inde représentent 2,5 milliards habitants, dont 20% ont le même niveau de revenu comparé à l'Europe.
Je pense que l'Europe, économiquement, a non seulement un rôle à jouer au niveau des échanges mondiaux, mais aussi politiquement, pour participer à l'équilibre alimentaire. Il y a deux ans, lors de la sécheresse, les Russes ont fermé leurs frontières d'un seul coup ; heureusement nous avions en Europe, notamment en France, les stocks suffisants pour approvisionner des pays comme l'Egypte.
L'Europe a cette chance d'être une zone de paix, avec un climat très diversifié qui permet toutes les cultures. De plus, il n'y a pas trop de catastrophes naturelles qui remettent en cause 30% de la production (contrairement à l'Australie et la Nouvelle-Zélande avec 50% de production en moins sur les cinq dernières années). Certes, l'Europe ne nourrira pas le monde, mais à mon sens, elle est l'un des éléments essentiels de l'équilibre alimentaire mondial. Ce n'est pas forcément le discours ambiant des commissaires européens et de certains dirigeants en particulier du nord de l'Europe. C'est pour cela qu'il faudrait une Politique agricole, alimentaire et territoriale commune, car c'est la meilleure façon de responsabiliser les pays du nord qui s'intéressent peu à l'agriculture, mais placent l'alimentation au centre de leur préoccupations. Ces pays ont l'impression que les dépenses en matière agricole ne les concernent pas. Pourtant, elles les concernent bien en tant que consommateur. C'est une question à la fois tactique et de communication qui mérite d'être développée.
8) La libéralisation commerciale des échanges agricoles est envisagée par le Partenariat Transatlantique de Commerce et d'investissement (TTIP). Cette ouverture des marchés suscite des inquiétudes dans certains Etats membres de l'Union européenne, notamment en France ? Quelle est votre position sur le sujet ?
Première chose, on ne peut pas traiter au niveau mondial, que ce soit en bilatéral ou multilatéral, l'agriculture de la même façon que les téléphones portables ou les produits manufacturés. C'est pour cela que je pense que l'agriculture n'a pas sa place entière dans l'Organisation mondiale du commerce. Je vous rappelle que, si 11% de la production agricole mondiale s'échange entre les pays, 89% est consommée dans le pays producteur. Je plaide donc pour une entente entre l'OMC et la FAO sur une gouvernance en la matière.
Deuxième chose, le marché seul ne peut pas réguler les biens alimentaires venant de l'agriculture ou de la pêche, étant donné que les fluctuations de productions sont liées à plusieurs facteurs, le climat entre autres. Contrairement aux productions industrielles où l'on ferme l'usine quand un bien ne marche plus, on ne peut faire de même dans le secteur agricole. Le marché seul ne peut donc pas le réguler.
Sur les accords multilatéraux qui se négocient en ce moment, pourquoi pas ? Cependant, il est nécessaire d'avoir une transparence absolue des mécanismes de soutien et d'accompagnement de l'agriculture. Avec les Etats-Unis, cela fait 25 ans qu'on a des problèmes dans les négociations internationales car on ne parle pas des mêmes choses : d'un côté, l'Europe a soutenu l'agriculture avec des mécanismes de soutien alors que les Etats-Unis avaient des mécanismes d'aide directe. Ils ont finalement réussi, avec le GATT et la première partie de l'OMC, à convaincre les Européens à rentrer dans le même mécanisme. Le système repose ainsi sur l'aide directe, ce qui n'a plus rien à voir avec la production. Aux Etats-Unis, 66% du budget de l'agriculture sert à l'aide alimentaire. C'est donc une façon de soutenir les marchés. Si on était vraiment dans la transparence absolue, on pourrait en discuter. Cela vaut également avec les autres pays : il faut que les règles sociales, sanitaires et environnementales convergent.
L'Europe a toujours été naïve dans les échanges internationaux. Pour le GATT, puis ensuite l'OMC, l'Europe a cru être en face de gens tout à fait honnêtes. Ils ont émis des propositions et les autres les ont empilées : il n'y a donc pas eu les avancées espérées. On est dans une situation où, tant que l'Europe ne clame pas, comme le fait le président américain Obama, que l'agriculture et la pêche sont des éléments essentiels de la construction européenne, on reste en position de faiblesse. On a trop regardé la politique agricole comme un aspect de coût budgétaire.
Enfin, je pense personnellement que des accords multilatéraux sont mieux que des accords bilatéraux successifs. Mais, d'un autre côté, je ne suis pas certain que les négociations de l'OMC puissent reprendre de façon satisfaisante.
Entretien réalisé par Pauline Massis Desmarest
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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