Entretien d'Europe"Le gouvernement polonais pense qu'il faut élaborer un nouveau modèle de croissance européen"
"Le gouvernement polonais pense qu'il faut élaborer un nouveau modèle de croissance européen"

Marché intérieur et concurrence

Mikolaj Dowgielewicz

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27 juin 2011

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Mikolaj Dowgielewicz

"Le gouvernement polonais pense qu'il faut élaborer un nouveau modèle de croissa...

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1. La Pologne va exercer la présidence du Conseil de l'Union européenne pour une période de six mois à compter du 1er juillet 2011. Pouvez-vous nous présenter les grandes priorités de cette présidence ?

Durant les travaux préparatifs à la présidence du Conseil, nous nous sommes fixés trois grands objectifs :

L'intégration européenne en tant que source de croissance. La présidence polonaise prendra des mesures pour stimuler la croissance économique en développant le marché intérieur et en utilisant le budget européen de manière à augmenter la compétitivité de l'Europe. L'Union européenne a tiré les conclusions de la crise: de nouveaux principes de gouvernance économique ont été instaurés et de nouveaux outils mis en place, comme le Mécanisme européen de Stabilité qui vise à prévenir d'éventuels retours de la crise. Le gouvernement polonais croit néanmoins qu'il faut passer à l'étape suivante et élaborer un nouveau modèle de croissance grâce auquel l'Union européenne pourrait s'assurer pour les prochaines décennies un développement économique suffisant pour garantir le bien-être de ses habitants.

Une Europe sûre – alimentation, énergie, défense. Il s'agit ici de renforcer l'Europe au niveau macroéconomique mais aussi d'assurer la sécurité alimentaire et de mener une politique énergétique extérieure qui permettra d'assurer la sécurité dans ce domaine. La Commission a été d'ailleurs appelée à agir dans le domaine de la politique énergétique extérieure lors du Conseil Transports, Télécommunication et Energie du 31 mai dernier.

"Une Europe sûre" implique également des frontières sûres. Durant notre présidence, nous chercherons à achever les travaux sur une modification du règlement de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne (Frontex). La présidence polonaise du Conseil de l'Union européenne se concentrera également sur le renforcement des capacités militaires et civiles européennes. Nous soutiendrons les mesures visant à maintenir un dialogue direct de l'Union européenne avec l'OTAN.

Une Europe qui tire profit de l'ouverture. Deux aspects sont ici cruciaux : la continuation de l'élargissement, le développement de partenariats (à l'Est et au Sud de l'Europe). Tout cela bien évidemment se déroule dans un contexte international que nous ne pouvons pas négliger comme "le printemps arabe". L'Union européenne doit soutenir les transformations démocratiques et la Pologne peut y apporter son expérience propre dans ce domaine. Pour ce qui est du partenariat oriental, un sommet consacré à ce sujet se déroulera du 29 au 30 septembre à Varsovie.

Voici nos priorités présentées de façon très générale. Cependant, à l'heure où je réponds à vos questions, des évolutions demeurent possibles, en fonction de la situation de l'Union, des résultats obtenus par la présidence hongroise et des conclusions du Conseil européen de juin.

2. Pensez-vous que le pic de la crise soit passé ? A votre avis, l'Union européenne sort-elle renforcée politiquement de cette période d'instabilité économique et de crainte ?

De nouveau, au moment où je vous parle, nous suivons de près les discussions et les décisions prises notamment en ce qui concerne la situation de la Grèce. Il est donc difficile de dire si la crise est déjà passée. Cependant, je voudrais souligner deux choses.

La première c'est que chaque crise est une étape importante. Nous devons sortir renforcés de cette période car elle nous apprend beaucoup sur notre façon de fonctionner et comment nous pouvons l'améliorer. Quand vous n'avez pas mal aux dents, vous ne vous rendez même pas compte que vous les avez. C'est quand vous avez mal que vous commencez à chercher des soins et à réfléchir à comment éviter cette situation à l'avenir. Donc chaque crise est utile.

Deuxièmement, je dois dire que nous abordons la présidence de façon résolument optimiste en disant qu'il est temps de commencer à parler de "reprise" et non de "crise".

3. La présidence polonaise estime dans son programme que l'Union européenne a tiré les leçons de la crise et que la gouvernance économique a été reformée. Le besoin de "passer à l'étape suivante et d'élaborer un modèle de croissance grâce auquel l'Union européenne pourrait poursuivre son développement social et économique" est également cité. Pourriez-vous nous décrire concrètement ce modèle souhaité?

La croissance peut être encouragée par différents mécanismes législatifs facilitant le développement de certains domaines. La construction du marché unique en ligne, l'encouragement en faveur des PME ou encore la création d'un système de brevet européen facile d'accès ne sont que quelques pistes à explorer. A titre d'exemple, environ 60 % des transactions en ligne ne sont pas réalisées en raison de barrières administratives. Pour ce qui est du soutien aux PME c'est un enjeu vital pour l'UE car ce sont justement les PME qui créent 70 % des emplois et 60 % du PIB.

Nous travaillerons aussi à la création d'un 28ème régime juridique qui simplifierait la conclusion des contrats de vente dans le marché intérieur, y compris la facilitation des transactions en ligne pour les 500 000 000 citoyens européens. Ce nouveau régime légal fonctionnerait à côté des 27 régimes déjà en vigueur.

4. Les réactions de certains gouvernements ont été assez négatives lorsque la Commission a présenté son projet de budget augmenté de 4,9% [1] pour la période 2012. Le rôle de la présidence est également de servir de conciliateur. Quels seront vos arguments pour soutenir, ou pas, la demande de la Commission ?

Effectivement, en ce qui concerne le budget, nous allons remplir le rôle d'intermédiaire qui est toujours celui de la présidence. Mais nous devons aussi tenir compte de la situation qui découle des perspectives financières pour les années 2007-2013. Ces perspectives ont été négociées en 2005 et les engagements doivent être tenus. Par conséquent, la question ne se pose pas ici en termes de soutien à la Commission ou non. Nous allons être les facilitateurs dans cette discussion pour veiller au respect des engagements déjà pris. Tout cela doit favoriser la reprise de la croissance économique et de la confiance des citoyens.

5. C'est sous la présidence polonaise que débuteront les négociations sur la question épineuse du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Vous souhaitez que le budget soit le premier instrument d'investissement. Quelles orientations seront soutenues plus précisément?

Comme vous le soulignez à juste titre, nous débuterons les négociations, nous ne serons pas en mesure de les achever. Par conséquent, à cette étape du processus, il me semble important d'établir des règles claires qu'il faudra respecter quand la discussion passera à l'étape suivante : les chiffres. Ici aussi nous avons déjà un indicateur qui permettra de tracer le chemin : c'est l'Agenda 2020. Nos efforts doivent aller dans le sens de la réalisation de ses objectifs en termes d'innovation et de croissance.

La présidence polonaise souhaite que ce nouveau budget confirme qu'une plus grande coopération au sein de l'Union européenne est la bonne réponse à apporter à la crise économique et que la politique de cohésion demeure une politique fondamentale de l'Union, dont profitent et profiteront tous les États membres. Il sera également essentiel de réformer la Politique agricole commune afin de moderniser l'agriculture européenne et de lui assurer une plus forte compétitivité.

6. Quels sont les objectifs de la Pologne pour la réforme de la Politique Agricole Commune ? La majorité des pays de l'Union est favorable à une simplification de la PAC et à des outils d'intervention rénovés. Face aux défis structurels des exploitations et à la spéculation sur les produits agricoles, est-ce le bon moment pour une réforme en profondeur ? Quels en sont les préalables pour une ambition réaliste ?

Le gouvernement polonais estime que le renforcement de la sécurité de l'Europe passe par une Politique agricole commune (PAC) réformée, utilisant efficacement les fonds communautaires. La consolidation de la PAC devrait maintenir son orientation vers le marché et prendre en compte les biens publics, y compris la sécurité alimentaire et le développement plurifonctionnel de l'agriculture et du monde rural. La question des paiements directs et celle du soutien au développement rural seront des éléments-clés de la PAC réformée.

En ce qui concerne la simplification de la PAC, nous devons prendre en compte les positions des Etats membres et aussi la situation des agriculteurs qui doivent faire face aux démarches administratives souvent laborieuses. Nous n'allons éluder aucun aspect même ceux qui sembleraient les plus difficiles.

7. La Commission a présenté le 13 avril dernier son nouvel "Acte pour le marché unique". Quelles sont les mesures que vous souhaitez soutenir en priorité et qu'il faudrait développer à l'heure où la libre circulation des personnes est mise en question ? Que peut-on attendre du "Forum du Marché unique" prévu par votre présidence ?

La Pologne soutiendra le paquet de modifications des directives européennes sur le marché (dénommé "Acte pour le marché unique") préparé par la Commission européenne. Notre pays organisera également les 3 et 4 octobre le Forum du Marché unique (SIMFO), un événement important servant d'appui au développement du marché intérieur. Ce forum sera une occasion exceptionnelle pour réunir les décideurs politiques européens et nationaux et les entrepreneurs afin de débattre de l'avenir de ce marché. Ce sera aussi une opportunité pour la présidence polonaise de confronter ses objectifs avec les représentants du monde économique et politique européen en même temps.

8. La Pologne a été assez mesurée dans ses prises de position concernant la crise en Libye jusqu'à la visite du ministre polonais des Affaires étrangères le 11 mai dernier. Ce dossier démontre la difficulté du consensus et d'une action commune sur les problématiques de sécurité et de défense. Quels enseignements en tirez-vous, alors que la défense européenne constitue une priorité stratégique de la présidence polonaise?

Dans le domaine de la politique extérieure, la présidence du Conseil n'est pas un acteur majeur depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Mais il est bien évident que nous ne pouvons pas ignorer ce sujet et nous allons y travailler de concert avec la Haute représentante pour la Politique étrangère et de sécurité commune, Catherine Ashton. Je me permets aussi d'ajouter que bien que notre position vous semble timide elle est tout de même très claire notamment suite à la visite de M. Sikorski en Libye. Depuis, il a aussi effectué un déplacement en Egypte et en Tunisie. Par conséquent, nous ne sommes pas du tout timides mais au contraire décidés à remplir le rôle qui est le nôtre. Nous avons aussi émis l'idée de création d'une fondation européenne en faveur de la démocratie. Ce projet sera soumis à nos partenaires européens.

9. La Pologne affiche sa volonté de poursuivre l'élargissement de l'Union européenne. On pense au souhait de signer le traité d'adhésion avec la Croatie, aux négociations avec les Balkans occidentaux. Quels sont les objectifs de la présidence à ce sujet ?

La Pologne souhaite réaliser lors de sa présidence des progrès dans la concrétisation de l'élargissement. Un des objectifs majeurs de la présidence polonaise du Conseil de l'Union sera de finaliser les négociations d'adhésion avec la Croatie et de signer le traité d'adhésion. Bien évidemment, notre implication dans ce processus dépend encore du progrès réalisé sous la présidence hongroise. Nous mettrons aussi à profit toute occasion de poursuivre les négociations d'adhésion avec la Turquie. Nous prendrons soin de faire avancer les négociations d'adhésion avec l'Islande et nous encouragerons les aspirations européennes des États des Balkans occidentaux.

10. Ces derniers mois ont vu une montée en puissance inquiétante des mouvements populistes en Europe et une défiance vis-à-vis des politiques. L'Europe fait souvent office de bouc émissaire. Pourriez-vous nous citer des actions qui seront concrétisées sous la présidence polonaise et qui rapprocheraient l'Europe de ses citoyens ?

Il est vrai que chaque crise économique apporte son lot de nationalisme et de repli sur soi. C'est un phénomène bien connu et nous devons maintenant y faire face au niveau européen. Là aussi nous nous préparons à une présidence forte de notre expérience propre. La Pologne fait figure presque d'exception en ce qui concerne le taux d'opinion favorable par rapport à la perception européenne avec plus de 80% des Polonais favorables. Ce résultat est dû certainement aux bénéfices concrets que la population tire de l'adhésion de la Pologne à l'Union européenne. Nous pensons donc que ce sont par les actions concrètes au niveau de la qualité de vie que nous pouvons aussi inverser la tendance en Europe. Le renforcement du marché unique notamment dans le domaine de l'économie numérique ou encore l'action en faveur d'une meilleure unification du marché des télécoms (roaming) sont seulement deux exemples parmi d'autres. C'est aussi important de ne pas oublier le principe de solidarité même, et peut-être surtout, dans la période de crise. Alors oui, bien que cela soit difficile nous pouvons changer la perception de l'Europe dans l'ensemble de la population. Mais la tâche est souvent difficile et nous en sommes conscients.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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