Entretien d'EuropeEntretien avec Paul Magnette, Ministre belge du climat, de l'énergie, de la protection des consommateurs et du développement durable
Entretien avec Paul Magnette, Ministre belge du climat, de l'énergie, de la protection des consommateurs et du développement durable

Climat et énergie

Paul Magnette

-

7 décembre 2009

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Paul Magnette

Entretien avec Paul Magnette, Ministre belge du climat, de l'énergie, de la prot...

PDF | 36 koEn français

1 – Le sommet de Copenhague qui s'ouvre le 7 décembre doit jouer un rôle crucial pour l'avenir de la lutte contre le changement climatique. Selon vous, quels doivent être les objectifs que l'Union européenne doit se fixer dans le cadre de ces négociations ?

L'Union européenne doit réaffirmer son engagement à réduire ses émissions de 30% en 2020 par rapport à 1990 dans le contexte d'un accord international ambitieux, et maintenir la pression pour que les autres pays développés s'engagent à des efforts comparables.

Ceci signifie que les pays développés ne peuvent se soustraire à leurs responsabilités : ils doivent prendre des engagements contraignants menant à une réduction collective de leurs émissions de gaz à effet de serre dans une fourchette de 25 à 40%, tel que le recommande le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). Les efforts annoncés par une série de pays développés constituent à cet égard un signal positif, mais pas encore suffisant.

Les pays en développement doivent aussi s'engager à mener des actions d'atténuation. Le défi principal consiste ici à orienter résolument les pays en développement sur la voie du développement durable, et d'une croissance faible en carbone. La grande diversité des pays en développement, en termes de contextes nationaux, de niveau de développement économique, et de niveaux d'émissions, doit être prise en compte. Si des engagements de réduction peuvent et doivent être attendus de la part des principaux émetteurs des pays en développement, il serait déraisonnable de faire peser des exigences similaires sur les pays moins avancés, qui ne contribuent que de manière tout à fait marginale au réchauffement climatique, ou sur les pays qui en subissent le plus les conséquences. Il faudra donc veiller à mettre en place des instruments suffisamment flexibles pour s'adapter à ces différentes réalités.

2 – Certains observateurs estiment que le protocole de Kyoto a constitué une étape symbolique importante, mais n'a pas permis d'aboutir à un effort significatif en matière de réduction des gaz à effet de serre ; par ailleurs, en l'absence d'une ambition forte, le protocole de Copenhague, censé définir l'après-Kyoto, risque d'aboutir à un plan d'action insuffisant. Partagez-vous ce constat et ce pessimisme ? Ou, à l'inverse, quelles sont les raisons d'espérer?

Il y a de nombreuses raisons de se montrer optimistes. Les efforts chiffrés en termes de diminution d'émissions de la part des Etats-Unis, de la Chine, du Japon, sont encourageants. On constate donc une avancée dans le positionnement des grands pays. Par ailleurs, Copenhague va réunir plus de 190 pays. C'est donc très différent de Kyoto. Un déclic s'est produit, à travers tous les continents, que cela soit au sein des pays industrialisés, émergents ou en voie de développement. Il existe une réelle prise de conscience, non seulement politique, mais également au sein du monde économique et de l'opinion publique.

Ma priorité pour le Sommet de Copenhague reste de parvenir le plus vite possible à l'adoption d'un instrument juridiquement contraignant dont l'ambition soit compatible avec l'objectif de limitation du réchauffement. Cet accord doit permettre d'engager résolument la communauté internationale sur la voie d'une économie et d'un développement faibles en carbone. Il devra s'articuler autour de la définition d'objectifs de réduction contraignants pour les pays développés, d'engagements pour les actions d'atténuation des pays en développement et la mise en place d'un mécanisme pour le financement de ces actions. Enfin, il faut créer un mécanisme spécifique pour soutenir les efforts de lutte contre la déforestation.

Cet accord devra présenter des actions qui permettront le démarrage immédiat des éléments clés de l'accord et constitueront un gage de confiance et de succès pour l'avenir.

3 – L'une des clés principales d'un accord international à Copenhague réside dans un engagement conséquent de la Chine, de l'Inde et des Etats-Unis. Or, malgré des avancées notables après l'élection de Barack Obama, les objectifs proposés par les Etats-Unis restent modestes et ne sont pas contraignants ; par ailleurs, le groupe des 77 aux Nations unies, qui inclut la Chine, l'Inde et d'autres pays émergents, est réticent à accepter davantage de contraintes. Dans ce contexte, comment l'Union européenne peut-elle convaincre ces pays d'accepter un effort substantiel ?

Les derniers chiffres annoncés par les grands pays prouvent que l'action de l'Europe dans ce domaine n'a pas été vaine. L'Europe est une réelle locomotive en matière de lutte contre les changements climatiques. Même si ces chiffres sont encore insuffisants, c'est une réelle avancée. Il y a à peine un an encore, l'ancien président des Etats-Unis annonçait sa volonté de creuser des puits de pétrole en Alaska et niait complètement les faits scientifiques liés au réchauffement de la planète. Le retournement de situation est spectaculaire. Mais il est évident que Copenhague est une étape, une transition et non un point d'arrivée vers la transformation complète de notre économie "low carbon". Il reste du chemin à parcourir pour atteindre les objectifs énoncés par les scientifiques, mais Copenhague est un pas essentiel.

4- Mise à part la question de l'établissement d'un nouvel objectif de réduction globale des émissions de gaz à effet de serre, la création d'un système mondial de droits à polluer négociables sur un marché est-elle envisageable, à l'instar de ceux créés en Europe et aux Etats-Unis ? Quels sont les pays susceptibles d'être favorables à cette création et, à l'inverse, ceux qui y sont réticents et pourquoi ?

Le système européen d'échange d'émissions constitue un instrument majeur. Par le biais de ce système, nous pouvons donner un signal clair relatif à l'émission des gaz à effet de serre en intégrant le coût du carbone dans le prix.

Un certain nombre de pays de l'OCDE, dont la Norvège, élaborent en ce moment un système similaire. L'Union européenne préconise l'extension du marché du carbone à condition que les systèmes des autres pays soient comparables et conciliables. Ce couplage pourrait se produire ultérieurement à l'horizon 2015. L'Union est également disposée à étendre cette disposition aux pays en voie de développement plus avancés afin d'évoluer vers un marché du carbone mondial entièrement intégré et ce afin de promouvoir des conditions de concurrence égales.

5 – La faiblesse des résultats obtenus depuis Kyoto s'explique en partie par l'incapacité à régler la question épineuse des compensations à offrir aux pays pauvres pour leur participation à l'effort collectif. Or, lors du Conseil européen d'octobre 2009, les 27 Etats membres ne sont pas parvenus à avancer des engagements concrets en termes de transferts financiers pourtant essentiels si un accord global doit être trouvé. Quelle est votre position sur cette question ?

La question du financement des actions d'adaptation et d'atténuation dans les pays en développement constitue, avec la définition des objectifs de réduction des pays développés, la clé de voûte de l'Accord de Copenhague. Cette thématique constitue aussi, malheureusement, un des éléments sur lesquels pèsent le plus d'incertitudes à ce stade des négociations.

Les récentes clarifications de la position européenne, dans le contexte du Conseil européen des 29 et 30 octobre, constituent un progrès important. L'Union européenne y a reconnu l'ampleur des besoins en matière d'atténuation et d'adaptation (plus de 100 milliards €/an à l'horizon 2020), et s'y est engagée à contribuer équitablement à la part de ce montant supportée par le financement public. Le Conseil a notamment montré la volonté de dégager des moyens immédiats, pour la période 2010-2012, pour les actions précoces qui sont requises dans les pays en développement. Celles-ci doivent viser en priorité le renforcement des capacités dans les pays les moins avancés, ainsi que les pays les plus vulnérables aux conséquences des changements climatiques.

6 - Le volontarisme dont fait preuve l'Union européenne en matière de lutte contre le changement climatique lui confère un certain leadership au plan international dans ce domaine. Les difficultés des négociations climatiques actuelles ne constituent-elles pas un défi pour l'UE et, in fine, dans quelles mesures et à quelles conditions, selon vous, l'Union peut-elle continuer d'exercer un tel leadership en matière environnementale ? Ses ambitions sont-elles partagées par ses partenaires ?

C'est précisément l'adoption par l'Europe du paquet Energie-Climat qui lui a conféré ce rôle prépondérant en la matière. Les objectifs contraignants de ce paquet obligent désormais chaque Etat membre à mettre en œuvre des actions drastiques dans leur politique climatique. Et il est vrai que l'Europe a, depuis, endossé un rôle de médiateur international important.

7 – Quels sont vos pronostics sur l'issue du sommet de Copenhague ?

Les conditions politiques n'ont jamais été aussi favorables. Copenhague sera une étape importante qui connaîtra de toute façon un prolongement important en 2010. C'est pourquoi il faut conclure un accord juridique contraignant et suffisamment ambitieux en termes d'objectifs de réduction des émissions, d'engagements des économies les plus avancées et de financement. Dès 2010, des actions importantes devront pouvoir être lancées dans les pays en voie de développement. Il faudra transposer l'accord conclu dans un texte juridique complet, un programme de travail concret avec des échéances claires. Il s'agira là d'un défi pour la présidence belge de l'Union en 2010 qui devra jouer un rôle constructif.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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