Entretien d'EuropeEntretien avec Joseph Daul, Président du groupe PPE-DE au Parlement européen
Entretien avec Joseph Daul, Président du groupe PPE-DE au Parlement européen

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Joseph Daul

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1 juin 2009

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Daul Joseph

Joseph Daul

Entretien avec Joseph Daul, Président du groupe PPE-DE au Parlement européen

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1. Les prochaines élections parlementaires européennes auront lieu du 4 au 7 juin prochain. Quel bilan tirer de la législature 2004-2009 ? Quels sont les projets majeurs en chantier et ceux à venir ? Quel regard portez-vous sur la législature 2009-2014 ? Et quels sont les enjeux à court et moyen termes ?

La législature qui s'achève a été intense, sur le plan législatif comme sur le plan politique.

Le Parlement européen a en effet joué un rôle déterminant, à égalité avec le Conseil des Ministres, sur des sujets aussi importants que la directive services, le règlement REACH sur les produits chimiques, ou plus récemment le paquet énergie/climat. Il a aussi très largement contribué à faciliter la vie des Européens au quotidien : je pense à la sécurité des jouets, à la baisse du coût des appels téléphoniques depuis un portable, mais aussi à la mise en commun de notre recherche pour lutter contre le cancer, l'Alzheimer ou les maladies rares.

Sur le plan politique, le Parlement européen et l'Union européenne, en particulier sous la Présidence française, se sont affirmés dans la crise entre la Russie et la Géorgie, et ont empêché que la guerre ne perdure. L'Europe a également été à l'origine de la réunion du G20 qui a commencé à remettre de l'ordre dans un système financier international excessivement dérégulé.

La prochaine législature 2009/2014 devra, à court et moyen terme, remettre l'Europe sur les bons rails économiques, en s'assurant que la solidarité européenne fonctionne à plein et en créant des emplois durables. A plus long terme, nous nous emploierons à faire de notre engagement sur le climat une obligation pour tous nos partenaires dans le monde. Nous devrons assurer notre indépendance énergétique, parler et travailler d'égal à égal avec nos amis américains, avec la Russie, avec les pays émergents, sans oublier bien entendu le défi de l'aide aux pays en développement, sur lequel l'Europe est déjà en pointe, en tant que premier donateur mondial.

Le travail ne manquera pas !

2. Il est frappant de constater que, à mesure que les compétences et les pouvoirs du Parlement européen s'accroissent, la participation aux élections européennes ne cesse de diminuer. Comment expliquer ce paradoxe ? Comment, selon vous, susciter un intérêt politique pour ce scrutin et pour une institution, le Parlement européen, qui a un rôle de plus en plus important dans le système politique de l'Union européenne ?

Le taux d'abstention croissant aux élections européennes, mais aussi à l'ensemble des scrutins régionaux ou nationaux, est en effet très préoccupant.

Chacun doit se sentir interpellé par ce phénomène, à commencer par la classe politique, qui doit mieux expliquer les enjeux de chaque scrutin, et abolir certaines pratiques qui, bien que minoritaires, nuisent à la réputation de l'ensemble des décideurs. Les médias ensuite, qui ont trop tendance à mettre en avant les aspects plus spectaculaires, plutôt que de faire de la pédagogie sur les défis et les différentes façons de les relever. Les citoyens enfin, qui doivent prendre leur rôle d'électeur plus au sérieux, en cette année où nous célébrons les 20 ans de la chute du mur de Berlin, et le retour à la liberté d'expression de millions d'Européens.

La construction européenne est complexe. Il ne peut en être autrement, tant il est objectivement difficile de faire s'entendre, de façon volontaire et sur des sujets de plus en plus importants, 27 Etats membres et autant de cultures nationales. Elle n'en est pas moins indispensable, et nos concitoyens ont bien compris que sur des sujets comme la sécurité, l'économie, les migrations, le climat ou l'énergie, nous ne pouvons influencer la mondialisation qu'en étant unis.

Voter le 7 juin, c'est exprimer un choix de société. Comment y renoncer ?

3. Quel regard portez-vous sur le déroulement des prochaines élections au Parlement européen ? Comment éviter la confusion entre des considérations de politique nationale et les véritables enjeux européens de ces élections ?

J'observe avec une certaine satisfaction la plus grande mobilisation cette année de nos partis politiques, européens et nationaux, mais aussi de nos militants et sympathisants, ainsi qu'une couverture médiatique plus intense qu'en 1999 et 2004.

Certes, beaucoup reste encore à faire pour que les débats de la campagne électorale européenne se concentrent davantage sur les aspects européens, plutôt que sur les enjeux nationaux. Si certaines formations politiques font un effort particulier en ce sens, en développant un projet crédible au niveau européen, d'autres détournent l'attention des citoyens, essayant de dissimuler leur vide idéologique et programmatique. Je ne peux que le regretter.

4. La volonté d'un renforcement des liens entre les citoyens et l'Union européenne est au cœur des efforts visant à réformer les institutions communautaires depuis 15 ans et jusqu'au traité de Lisbonne. Dans cette perspective, comment faire en sorte que les pouvoirs conférés progressivement aux citoyens de l'Union ne soient pas théoriques ou illusoires mais concrets et effectifs ? Quel rôle peut et doit jouer le Parlement européen en la matière ?

Le Parlement européen est élu au suffrage universel depuis 1979, soit il y a exactement trente ans. Les députés européens sont donc responsables devant leurs électeurs.

Ils doivent rendre des comptes, et les électeurs sont libres, et ont même le devoir, de confirmer leur choix précédent, ou de le modifier, compte tenu du bilan de la législature.

Grâce aux nouvelles technologies, mais aussi du fait d'une couverture médiatique croissante, les travaux des députés européens font l'objet d'un examen permanent. Et c'est très bien ainsi !

Si le Traité de Lisbonne est adopté à brève échéance, les pouvoirs du Parlement européen seront renforcés de façon très substantielle. Cela augmenterait d'autant sa responsabilité dans ses prises de position, mais aussi devant ses électeurs. C'est dans cette direction que nous devons nous orienter.

5. Le scrutin européen sera organisé sur la base du traité de Nice mais une partie de la législature 2009-2014 pourrait se dérouler selon les règles du traité de Lisbonne. C'est la raison pour laquelle un courant fort dans l'opinion publique souhaite une désignation du prochain Président de la Commission européenne selon les modalités prévues dans le traité de Lisbonne, c'est-à-dire en tenant compte des élections au Parlement européen. Soutenez-vous cette démarche ? Ne vous paraît-elle pas de nature à susciter un véritable intérêt des électeurs pour le scrutin de juin prochain ?

Ma famille politique réclame depuis des mois que le Traité en vigueur soit appliqué, qu'il s'agisse du Parlement européen ou de la Commission.

A-t-on retardé les élections européennes sous prétexte que le Traité de Lisbonne n'est pas encore en vigueur ? Non, heureusement. Il n'y a pas de vide juridique en Europe, et nous vivons dans un système d'état de droit. Donc, nous appliquons le Traité en vigueur, en l'occurrence le Traité de Nice.

J'ai plusieurs fois soutenu publiquement que le prochain Président de la Commission européenne devra être choisi à la fin juin, et que la personnalité proposée par le Conseil, et soumise au vote du nouveau Parlement le 15 juillet, devra être issue de la famille politique qui aura remporté les élections.

Je note d'ailleurs que seul le PPE a un candidat, en la personne du Président actuel José-Manuel Barroso, les socialistes, les verts, les communistes et les eurosceptiques se contentant de le critiquer sans proposer d'alternative, ni sur le fond, ni sur la personne.

Je note aussi que plusieurs Chefs de Gouvernement sociaux-démocrates, et non des moindres, ont déjà plusieurs fois réaffirmé leur confiance dans le candidat du PPE.

Les Européens ont en effet besoin de savoir qui incarne l'Europe. Outre le Président de la Commission, ils se reconnaissent dans le Président du Parlement européen, et ils mettront d'autant plus vite un visage sur le Président du Conseil que le Traité de Lisbonne, qui prévoit une Présidence stable de deux ans et demi, sera en vigueur.

"L'Europe, quel numéro de téléphone ?", demandait un Président américain. Nos concitoyens ont aussi besoin d'une réponse à cette question.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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