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Entretien d'EuropeLes décrets beneš et l'intégration de la République tchèque dans l'Union européenne
Les décrets beneš et l'intégration de la République tchèque dans l'Union européenne

Élargissements et frontières

Anne Bazin

-

23 septembre 2002

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Anne Bazin

Chargée de mission à la Fondation Robert Schuman.

1. Les "décrets Beneš" et l'expulsion des Allemands de Tchécoslovaquie

Du point de vue juridique, la légitimité de l'expulsion des Allemands de Tchécoslovaquie à la fin de la Seconde Guerre mondiale repose sur deux types de sources : les décrets du président tchécoslovaque Beneš, édictés à partir du printemps 1945 et les Accords de Potsdam, signés par les trois puissances victorieuses le 2 août 1945.

A l'époque, le recours aux décrets présidentiels comme instrument juridique était lié à l'impossibilité de réunir une assemblée législative dans les premiers mois de l'après-guerre. Ainsi, la première session de l'Assemblé nationale provisoire tchécoslovaque n'a eu lieu que le 28 octobre 1945, les décrets présidentiels devenant force de loi a posteriori à la suite du vote d'une Loi constitutionnelle.  [1]

Au total, les décrets édictés par le président tchécoslovaque Edvard Beneš sont au nombre de 143. Seule une dizaine d'entre eux concerne la question allemande sudète. Ils s'inscrivent dans un contexte général de fuite ou/et d'expulsion vers l'Allemagne vaincue des populations allemandes implantées dans les territoires de l'Est. On estime cette population à douze millions de personnes.

a) Les décrets présidentiels

Les principaux décrets présidentiels dit "décrets Beneš" concernant la question sudète sont les suivants :

Le décret du Président de la République du 21 juin 1945 (n°12) sur la "confiscation et la répartition accélérée des biens agricoles et des terres des Allemands, Magyars, ainsi que des traîtres et ennemis du peuple tchèque et du peuple slovaque." Il correspond à l'expropriation des terres agricoles appartenant aux Allemands et aux Hongrois. Etaient exclues de son application les personnes de nationalité allemande ou hongroise qui "avaient pris une part active à la lutte pour la préservation de l'intégrité et la libération de la République tchécoslovaque."

Le décret constitutionnel du Président de la République du 2 août 1945 (n°33) relatif à la "réglementation sur la citoyenneté tchécoslovaque des personnes de nationalité allemande et magyare." Les personnes concernées se sont vues déchues de la citoyenneté tchécoslovaque. Etaient exclues du décret les personnes d'origine allemande ou hongroise qui pouvaient "prouver qu'elles étaient restées loyales à l'égard de la République tchécoslovaque, qu'elles n'avaient commis aucune offense contre le peuple tchèque et slovaque ou bien qui avaient pris une part active à la lutte pour leur libération ou bien qui avaient été victimes (et souffert) de la terreur nazie et fasciste." [2]

La question de la citoyenneté tchécoslovaque de la population allemande de Tchécoslovaquie est aussi liée aux conséquences des Accords de Munich : en vertu de ces accords, les citoyens tchécoslovaques d'origine allemande avaient pu choisir la citoyenneté du Reich en octobre 1938. La quasi-totalité d'entre eux l'avait fait. Ce choix avait été considéré par les Tchèques comme une trahison puisque la Tchécoslovaquie n'a jamais reconnue la validité des Accords de Munich dont elle exigeait l'annulation ex tunc (c'est à dire depuis le début). Pour la partie allemande en revanche, ces accords ont été annulés lorsque Hitler les a lui-même violés en envahissant le reste de la Bohême-Moravie en mars 1939. Aujourd'hui, les deux parties, qui ont une position différente sur la nullité des Accords de Munich, n'expriment aucune revendication sur ce sujet et se sont mises d'accord sur une formulation "diplomatique" qui a été énoncée dans le traité bilatéral de 1973 entre la République fédérale d'Allemagne et la République fédérative tchèque et slovaque [3], reprise dans les mêmes termes dans le Traité bilatéral de 1992.

Le Décret du Président de la République du 19 septembre 1945 (n° 71) sur le "travail obligatoire des personnes qui ont perdu la citoyenneté tchécoslovaque."

Le Décret du Président de la République du 25 octobre 1945 (n° 108) sur la "confiscation des biens ennemis et sur le fonds de renouveau national." Ce décret est le plus "célèbre" et le plus souvent dénoncé : il a entraîné la confiscation de tous les biens des Allemands et des Hongrois de Tchécoslovaquie.

La principale critique concernant les décrets présidentiels dits "décrets Beneš" est liée au fait qu'ils reposent sur le principe de la culpabilité collective des Allemands des Sudètes. Ce principe, dénoncé aujourd'hui comme totalitaire, a conduit à l'expulsion de la quasi-totalité de la population allemande de Tchécoslovaquie - environ 3 millions de personnes -.

Si ces décrets concernent les expropriations et le retrait de la citoyenneté tchécoslovaque aux Allemands (et aux Hongrois) de Tchécoslovaquie, ils n'évoquent pas l'expulsion des Allemands de Tchécoslovaquie. Ce sont les Accords de Potsdam qui abordent le transfert des Allemands de Tchécoslovaquie.

b) Les Accords de Potsdam

Signés le 2 août 1945 par la Grande-Bretagne (Attlee), les Etats-Unis (Truman) et l'Union soviétique (Staline), les Accords de Potsdam évoquent dans l'alinéa 3 de l'article XIII le transfert des populations allemandes d'Europe de l'Est : "Les trois gouvernements ont étudié la question sous tous ses aspects et reconnu que devait être effectué le transfert vers l'Allemagne des populations allemandes ou de parties de celles-ci restées en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Hongrie. Ils se sont mis d'accord sur le fait que ce transfert devait avoir lieu de manière ordonnée et humaine."

Les Accords de Potsdam ont ainsi donné une légitimité internationale aux transferts de populations allemandes d'Europe de l'Est à la fin de la guerre. Les déplacements de population - fuite et expulsion - avaient, en effet, commencé au fur et à mesure de la libération des territoires occupés par l'Allemagne nazie et de l'avancée de l'Armée rouge vers l'ouest.

c) Le règlement de l'après-guerre

Par une Convention multilatérale "sur le règlement des questions liées à la guerre et à l'occupation", signée le 26 mai 1952 à Bonn [4], l'Allemagne s'est engagée à "ne pas opposer, dans le futur, d'objections contre les mesures qui ont été prises ou seront prises concernant les biens et propriétés allemands à l'étranger qui ont été saisis en tant que dommages de guerre ou restitution ou comme conséquence de l'état de guerre ou sur la base des accords conclus ou qui seront conclus par les trois puissances avec les pays alliés, neutres ou les anciens alliés de l'Allemagne" [5]. L'article 3, § 3 stipule qu'"aucune revendication ou action n'est admissible contre des personnes qui auraient acquis ces biens ou bénéficié d'un transfert de propriété sur la base des mesures évoquées dans les § 1 et 2 de cet article, ou contre des organisations internationales, des gouvernements étrangers ou des personnes qui ont agi selon les instructions de ces organisations ou gouvernements." L'article 5 enfin stipule que "la RFA devra s'assurer que les anciens propriétaires des biens saisis conformément aux mesures évoquées dans les articles 2 et 3 de ce chapitre reçoivent des compensations." Cette convention est toujours en vigueur actuellement.

L'Autriche, de son côté, a signé en 1974 un Accord avec la Tchécoslovaquie par lequel elle s'est engagée à ne faire valoir à l'avenir aucune revendication de propriété à l'égard de la Tchécoslovaquie.

d) La loi allemande de compensation pour les expulsés

Une "Loi de compensation" [Lastenausgleichgesetz] a été votée par la RFA le 16 mai 1952. Cette loi a permis aux expulsés de recevoir du gouvernement ouest-allemand une indemnisation pour les pertes et dommages subis lors du transfert. Le montant global des compensations pour les Allemands expulsés des territoires de l'Est à la fin de la guerre est estimé à 146 milliards de DM.

En Allemagne de l'Est, les "réfugiés" ne se sont pas vus reconnaître de statut particulier et le gouvernement communiste est-allemand n'a pas eu recours à des indemnisations du type "loi de compensation" pour venir en aide aux expulsés installés en RDA. Après la réunification cependant, ces derniers ou leurs descendants ont obtenu une somme d'argent du gouvernement allemand, au titre du Lastenausgleich.

2. Les décrets Beneš et le droit européen

Le problème de l'incompatibilité des décrets Beneš avec le droit européen est un sujet de polémique entre la République tchèque et l'Autriche, la Bavière et la Hongrie. La CSU bavaroise, le chancelier autrichien Schüssel, le leader du FPÖ Jörg Haider ou l'ancien premier ministre hongrois Orban exigent que la République tchèque - et la Slovaquie - abrogent ces décrets avant de pouvoir intégrer l'Union européenne. Alors que la Commission européenne a déclaré, à plusieurs reprises, que cette question ne saurait interférer avec le processus d'élargissement, le Parlement européen a, depuis 1999, une position plus réservée et a demandé, en février 2002, à une commission d'experts de statuer sur cette question.

Deux questions principales sont soulevées par les décrets : l'expropriation (le fond) et l'application du principe de culpabilité collective (la forme). Il apparaît a priori que la validité des décrets Beneš n'entre pas en conflit avec les normes juridiques de l'Union européenne.

L'article 295 du Traité de la Communauté européenne laisse à chaque Etat membre la liberté de régler les questions relatives à la propriété. La seule contrainte exercée par l'ordre juridique européen sur les questions de propriété étant que tous les citoyens de l'Union européenne doivent être traités de manière égale, sauf certaines exceptions en période transitoire notamment. Cette contrainte entrera en vigueur le jour de l'accession de la République tchèque à l'Union européenne mais ne s'applique pas de manière rétroactive aux années quarante.

La véritable question concernant le droit européen et les décrets Beneš est celle des droits de l'Homme : l'article 6 du Traité de l'Union européenne déclare que l'Union repose sur des principes de liberté, de démocratie, de respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Ceux qui demandent l'abolition des décrets avant l'entrée de la République tchèque dans l'Union reposent leur argumentation sur cet article.

3. La position des différentes parties

a) La position de l'Etat tchèque

Les différents gouvernements depuis 1989 ont affirmé leur refus de procéder à des restitutions en faveur des Allemands des Sudètes. Ils ont toujours refusé de dénoncer ou d'abroger les décrets Beneš, arguant qu'ils faisaient partie intégrante de l'ordre juridique tchèque - et qu'il était par conséquent impossible de les en "extraire". La crainte du gouvernement tchèque est qu'une fois dénoncés les décrets Benes, les Allemands et les Sudètes ne réclament la restitution de leurs biens.

Au mois d'octobre 1990 [6], le vote d'une loi dite de "réhabilitation" prévoyait la restitution, aux citoyens tchécoslovaques résidant dans le pays, de leurs biens confisqués entre le 25 février 1948  [7] et le 1er janvier 1990. Cette loi excluait donc très clairement les Allemands des Sudètes - expulsés ou encore en Tchécoslovaquie - qui avaient été expropriés au titre des décrets Beneš édictés en 1945.

Un arrêt de la Cour constitutionnelle tchèque en 1995  [8] a confirmé la légitimité des décrets Beneš et fonde juridiquement le refus de les abroger. Cet arrêt constitue le premier commentaire juridique tchèque après 1989. Les arguments invoqués par la Cour étaient les suivants : le gouvernement en exil à Londres avait été reconnu sur le plan international par les Alliés ; il y avait continuité juridique de la Tchécoslovaquie depuis 1918 ; les décrets ont servi de fondement juridique à la reconstitution de l'ordre juridique tchécoslovaque après la guerre ; il n'est pas nécessaire de les annuler car ces décrets n'ont plus d'effet.

b) Les revendications juridiques des Allemands des Sudètes après 1989

Des demandes de restitution des biens confisqués et d'indemnisation pour les dommages subis lors de l'expulsion ont été formulées par les associations sudètes, Sudetendeutsche Landsmannschaft, en RFA dès les années cinquante. Elles n'ont guère changé aujourd'hui mais le contexte d'après-guerre froide leur a donné une impulsion nouvelle :

revendication d'un Heimatrecht, c'est à dire d'un droit au retour pour les Allemands expulsés leur donnant la possibilité de s'établir en République tchèque, d'obtenir automatiquement la citoyenneté tchèque et de pouvoir bénéficier, en République tchèque, des droits spécifiques aux minorités nationales. De ce point de vue, l'intégration de la République tchèque dans l'Union européenne et l'application dans ce cadre du droit de résidence pour tous les citoyens de l'Union ne répond que partiellement à cette revendication puisqu'il ne garantit pas aux nouveaux résidents de droits "différents" de ceux des autres habitants du lieu.

demande de restitution des biens expropriés et d'indemnisation pour les dommages subis lors de l'expulsion.

demande d'abrogation des décrets Beneš concernant les Allemands de Tchécoslovaquie.

c) La position du gouvernement fédéral allemand

Depuis 1989, les gouvernements allemands ont refusé de soutenir officiellement les revendications des Allemands des Sudètes. Le Chancelier Schröder a clairement présenté la position du gouvernement social-démocrate dans un discours prononcé à Berlin, le 3 septembre 2000, devant l'assemblée des Vertriebenen, lors du Congrès de la Heimat. Tout en ayant reconnu le caractère "injuste et injustifiable" de toute forme d'expulsion, le chancelier a rappelé que l'Allemagne n'avait "aucune revendication territoriale à l'égard d'aucun de ses voisins" et que le gouvernement ne soulèverait aucune question de propriété avec la République tchèque, ajoutant que la "validité d'un certain nombre de mesures prises après la Seconde Guerre mondiale comme les décrets Beneš était depuis périmée."

Bien que le Chancelier Schröder ait décidé de reporter une visite officielle prévue en République tchèque au début de l'année 2002, la question a été globalement perçue à l'échelle fédérale en Allemagne comme étant marginale au regard des enjeux de l'élargissement ou des relations de l'Allemagne avec l'Europe de l'Est. Les associations d'expulsés sont loin de recueillir la sympathie de la majorité de l'opinion allemande, qui les considère comme nostalgiques d'un passé dont elle voudrait justement se détacher.

d) La position de la Bavière

La Bavière soutient depuis les années cinquante les revendications des associations sudètes à l'égard de la Tchécoslovaquie. La Bavière s'est proclamée en 1962 "Land protecteur" des Allemands des Sudètes, qui ont été alors reconnus comme étant le "quatrième peuple constitutif" de la Bavière tandis que la question des "Heimatvertriebene" constitue toujours un chapitre du programme politique de la CSU.

En 1994, le ministre des Finances fédéral, Theo Waigel (CSU), a déclaré que pour intégrer l'Union européenne, la République tchèque devrait aussi "accepter l'ordre juridique européen" et donc dénoncer les décrets Beneš concernant l'expulsion. Pour la première fois, un lien de conditionnalité entre la résolution du problème sudète et l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne était posé. Les députés CSU sont particulièrement actifs au sein du Parlement européen pour promouvoir cette position.

e) La position du gouvernement autrichien

L'Autriche se définit depuis les années cinquante comme un "ami particulier" des Allemands des Sudètes expulsés. La question sudète n'est toutefois devenue un thème du débat politique qu'après le vote le 19 mai 1999, par le Parlement autrichien, (Nationalrat), d'une résolution concernant "l'incompatibilité avec le droit européen des lois et décrets relatifs aux expulsions de l'après-guerre dans l'ancienne Tchécoslovaquie". L'ensemble de la classe politique autrichienne se trouvait impliquée dans un processus qui, jusque là, avait concerné quelques parlements régionaux, proches des frontières hongroise et slovène, notamment dans la province de Carinthie, présidée par Jörg Haider. Ce dernier réclame depuis longtemps l'abolition des décrets Beneš dont il entend faire un préalable à l'intégration de la République tchèque dans l'Union.

Le Chancelier Schüssel a déclaré lors du Congrès des Allemands des Sudètes en 2001 qu'il était "très clair qu'il faudrait que, pour l'entrée de la République tchèque dans l'Union, les décrets Beneš qui sont contraires aux valeurs juridiques européennes appartiennent au passé".

f) La position de l'Union européenne

La Commission européenne, par l'intermédiaire du Commissaire chargé de l'élargissement, Günther Verheugen a affirmé qu'il n'était pas question que des problèmes bilatéraux, a fortiori des contentieux issus du passé, puissent interférer avec le processus d'élargissement de l'Union européenne en cours.

Le Parlement européen, dans une résolution du 15 avril 1999 "concernant les progrès de la République tchèque sur la voie de l'intégration" et accompagnant le rapport d'évaluation de la Commission, "invit[ait] le gouvernement tchèque à abroger [...] les lois et les décrets de 1945 et 1946 qui sont toujours en vigueur, dans la mesure où ils concernent le déplacement forcé de groupes ethniques de l'ancienne Tchécoslovaquie." [9]. La même revendication a été réitérée dans la résolution "sur la demande d'adhésion de la République tchèque à l'Union européenne et l'état d'avancement des négociations" votée le 5 septembre 2001  [10]. Au mois de février 2002, le Parlement européen a mis en place une commission d'experts qui devrait rendre un avis à l'automne 2002.

4. Les enjeux de la polémique

a) Le contentieux juridique

Conformément au droit international, les décrets Beneš sont encore valides aujourd'hui. Ni le changement de régime en Tchécoslovaquie, ni le vote d'une nouvelle Constitution, ni la partition de la Tchécoslovaquie n'ont affecté leur validité. En pratique, ils ne sont plus mis en œuvre mais tant qu'ils n'ont pas été reconnus comme du "droit mort" par les différentes parties concernées, ils restent valides. D'un point de vue strictement juridique ces décrets sont des actes injustes pour lesquels une demande de réparation est a priori justifiée, sauf s'il est admis que la confiscation de propriété par décret était légale, parce qu'elle s'inscrivait par exemple dans le cadre des réparations pour les dommages de guerre. Ce point doit être apprécié et tranché par une Cour de justice reconnue par les différentes parties.

Il convient cependant de bien distinguer deux éléments :

1. la demande d'abrogation des décrets Beneš qui a récemment été liée à l'entrée de la République tchèque dans l'Union européenne.

2. les demandes de restitutions et d'indemnisations formulées par la Sudetendeutsche Landsmannschaft. L'abrogation des décrets Beneš n'implique pas - d'un point de vue juridique - des réparations pour les dommages subis. Politiquement liées, les deux questions ne le sont pas juridiquement. Ce qui signifie que si la République tchèque abroge les décrets Beneš et même si les autres Etats reconnaissent ces décrets comme du "droit mort", cela n'empêchera pas, d'un point de vue juridique, les associations sudètes de maintenir leurs revendications à l'égard de la République tchèque.

Le contentieux juridique dans son ensemble ne pourra être clos que s'il y a accord entre toutes les parties, ce que la complexité du dossier juridique rend improbable à court terme. Il existe un consensus politique entre la République tchèque et l'Allemagne pour ne pas ouvrir ce contentieux juridique.

b)La dimension politique

La question des décrets Beneš est aujourd'hui politique.

Il serait tentant de croire qu'il ne s'agit que d'une crise conjoncturelle liée à l'approche d'élections dans les différents pays concernés Hongrie, République Tchèque, Slovaquie, Allemagne. Ce contexte électoral a sans doute contribué à exacerber les positions mais l'instrumentalisation du passé dans les relations bilatérales et européennes n'est pas un phénomène nouveau. Certains populistes n'hésitent pas à recourir à des arguments nationalistes pour dénoncer l'élargissement de l'Union européenne.

Cette crise est révélatrice de plusieurs éléments qui caractérisent l'Europe centrale :

le poids de l'héritage historique pour les Etats d'Europe Centrale, où l'histoire récente n'a pas fait l'objet d'une relecture et d'un débat critiques.

le rôle essentiel de l'Allemagne en Europe centrale.

le développement d'arguments national-populistes dans le débat politique en Europe Centrale.

Conclusion

S'il est peu probable que cette polémique n'entrave effectivement le processus d'intégration de la République tchèque, il est essentiel de rappeler que l'essence de la construction communautaire, c'est œuvrer ensemble à un futur commun et créer les conditions du dialogue et de la réconciliation.

[1] n° 57 / 1946 du 28 mars 1946 (§ 2 art. 1).. [2] art.1, § 1, n° 2 [3] "La RFA et la ČSFR considèrent l'Accord de Munich du 29 septembre 1938 comme nul au regard de leurs relations mutuelles définies dans ce traité. [4] Amendée selon l'annexe IV du Protocole sur la fin du régime d'occupation de la RFA signé à Paris le 23 octobre 1954 [5] chap. 6, art. 3, § 1 [6] amendée le 21 février 1991 [7] Coup de Prague et prise du pouvoir par les communistes. [8] 8 mars 1995 - Affaire Dreithaler [9] (COM (98)0708 - C4-0111/99, point 7 [10] point 41) (COM (2000) 703 - C5-0603/2000 - 1997/2180 (COS), A5-0255/2001.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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