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Entretien d'Europe"Il faut s'appuyer sur le plan de relance pour faire des investissements intelligents"
"Il faut s'appuyer sur le plan de relance pour faire des investissements intelligents"

Numérique et technologies

Philippe Aghion,  

Céline Antonin

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6 décembre 2021
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Invité

Aghion Philippe

Philippe Aghion

Professeur au Collège de France, à la London School of Economics, membre de la Société économétrique et de l'Académie américaine des arts et des sciences.

Invité

Antonin Céline

Céline Antonin

Économiste senior à l'Observatoire français des conjonctures économiques, maître de conférences à Sciences Po et chercheur associé au Collège de France.

"Il faut s'appuyer sur le plan de relance pour faire des investissements intelli...

PDF | 186 koEn français

Votre dernier livre fait le constat que la destruction créatrice a hissé nos sociétés à des niveaux de prospérité inimaginables. Comment cela fonctionne-t-il ?

Philippe Aghion : Nous utilisons le paradigme de la destruction créatrice pour expliquer un certain nombre d'énigmes économiques, à commencer par le décollage industriel. La croissance est un phénomène contemporain qui date du XIXe siècle. La question est de savoir pourquoi cela s'est passé en Europe et pourquoi si récemment. Pourquoi pas en Chine où il y eut des innovations majeures telles que l'invention de la roue ou du compas ? Malgré le fait que de nombreuses inventions sont venues de Chine ou d'ailleurs, le décollage économique ne s'est pas produit là-bas.

Trois conditions indispensables pour le décollage de la croissance se trouvaient en Europe, et nulle part ailleurs, en 1820. Tout d'abord, des institutions favorisant l'innovation cumulative : les universités, la République des sciences, ce réseau des correspondances, des académies et des livres scientifiques au XVIIIe siècle. La première édition de l'Encyclopædia Britannica a été publiée à la fin du même siècle, et Diderot nous a donné l'Encyclopédie française. Ensuite, des institutions garantissant la protection des droits de propriété sur l'innovation : de telles institutions ont vu le jour en Angleterre grâce à la " Révolution Glorieuse ", et en France suite à la Révolution Française, ces deux révolutions ont permis de limiter les pouvoirs de l'aristocratie. Enfin, en Europe existaient les conditions permettant de soutenir la destruction créatrice, comme l'explique l'historien économique Joel Mokyr. En Chine, dès qu'il y avait un innovateur, il était muselé par l'Empereur qui craignait pour son pouvoir. Tandis qu'en Europe, ce qui a permis à la destruction créatrice de se développer est la concurrence entre pays européens. Un chercheur persécuté en France pouvait migrer en Suisse, en Prusse ou en Angleterre.

Céline Antonin : Nous nous sommes beaucoup appuyés, entre autres, sur les idées de la République du savoir, de l'Europe de la connaissance, développées par Joel Mokyr dans son ouvrage The gifts of Athena. Ce dernier montre effectivement comment cette fragmentation européenne d'États concurrents et l'utilisation du latin comme langue universelle ont permis le développement des échanges et, par-là, de ce décollage industriel.

Vous le répétez dans votre livre : pour libérer le plein potentiel de la destruction créatrice, il faut un bon contexte institutionnel. Barry Eichengreen argumentait dans son livre que les institutions de l'économie européenne ont été pensées et mises en place pour convenir à une croissance économique fondée essentiellement sur l'accumulation de capital et le rattrapage technologique, mais qu'elles n'étaient pas appropriées pour le passage à une croissance fondée sur l'innovation technologique. Est-ce que l'Europe est toujours tributaire de cet héritage institutionnel ?

C. A : Ce que nous voulons montrer c'est qu'il y a deux paradigmes.

Dans le septième chapitre, nous évoquons la manière dont un pays passe d'une économie de rattrapage, qui consiste surtout dans l'imitation d'un modèle situé à la frontière technologique, à une économie de l'innovation. Il existe ce point de bascule essentiel où on passe d'une économie du rattrapage à une économie de l'innovation, d'une croissance extensive à une croissance intensive, pour éviter le piège du revenu intermédiaire -ce que des pays comme l'Argentine par exemple n'ont pas réussi à faire. Ce point de bascule est important au sens où ce ne sont pas les mêmes moteurs qui sont à l'œuvre. Dans une économie de l'innovation, il faut favoriser l'enseignement supérieur et la compétition sur le marché des biens et services.

Concernant le cadre institutionnel actuel, disons que si l'Europe à la sortie de la Seconde Guerre mondiale a essayé de réduire l'écart avec les États-Unis, comme la croissance des Trente Glorieuses l'illustre bien, dorénavant il faut miser sur une Europe de la connaissance, de l'innovation et de la recherche. Il y a encore un écart important entre les investissements dans la recherche et le développement entre l'Europe et les États-Unis qui se situent en moyenne à 2% du PIB en Europe contre 3% aux États-Unis. Si le nombre de chercheurs par tête est à peu près le même, les États-Unis se démarquent clairement par des initiatives et des institutions comme l'Agence pour les projets de recherche avancée de défense (DARPA) ou la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA). Ce sont des projets qu'on appelle de nos vœux en Europe. Il faut avoir un investissement massif dans la recherche et le développement en Europe.

Mais l'idée du livre est aussi de proposer une troisième voie : arriver à faire coexister à la fois ce qu'il y a de bon dans le modèle américain, c'est-à-dire ce côté très favorable aux investissements dans la recherche et le développement et ce qu'il y a de bon du côté européen, c'est-à-dire l'existence de filets de sécurité, ce capitalisme régulé qui s'occupe aussi de l'humain et qui ne laisse personne au bord du chemin. Il s'agit de prendre le meilleur des deux modèles.

Ph. A : L'Europe a eu effectivement une forte croissance après la Seconde Guerre mondiale parce qu'il fallait reconstruire le continent. Le plan Marshall a beaucoup aidé. Mais à partir d'un certain moment, il fallait basculer vers une croissance davantage centrée sur l'innovation à la frontière. Or, celle-ci suppose davantage de concurrence et de flexibilité et, pour y parvenir il fallait engager des réformes structurelles qu'un certain nombre de pays, dont la France, étaient réticents à mener.

Par ailleurs, il existe tout un écosystème favorable à l'innovation aux États-Unis que nous n'avons pas en Europe. Une recherche fondamentale très bien financée, à la fois par les organismes publics (National Science Foundation, National Institutes of Health) et par des institutions de mécénat comme par exemple le Howard Hughes Medical Institute. Puis il existe un système développé de capital-risqueurs et d'investisseurs institutionnels. Enfin, des organismes comme la DARPA qui permettent de déployer une politique industrielle compatible avec la concurrence. Rien de tel en Europe. Nous l'avons vu au moment de la crise sanitaire, les États-Unis ont été capables de mobiliser les financements nécessaires pour produire à grande échelle en moins d'un an un nouveau vaccin basé sur la technologie de l'ARN messager. En France, la recherche n'a pas permis de trouver encore un vaccin.

La politique de concurrence européenne peut-elle aller de pair avec l'innovation ?

Ph. A. : La concurrence stimule l'innovation dans les entreprises à la frontière technologique, elles innovent pour échapper à leurs concurrents ; mais la concurrence a un effet de découragement sur les entreprises éloignées de la frontière. Cependant, nous nous sommes rendu compte au cours des dernières décennies que la croissance avait faibli aux États-Unis malgré la révolution de l'intelligence artificielle et celle des technologies de l'information et de la communication. C'est l'énigme de la stagnation séculaire. L'explication la plus plausible est qu'à la faveur de la révolution des technologies de l'information et de communication se sont développées des grandes entreprises comme les GAFAM. Au début, cela a dopé la croissance, mais ensuite, lorsque ces entreprises sont devenues hégémoniques grâce à des fusions-acquisitions sans limite, elles ont fini par inhiber l'innovation des autres entreprises. D'où le déclin de la croissance. Le problème de la politique de concurrence est qu'elle n'a pas su s'adapter à l'ère du numérique. Il faut donc acclimater cette politique à l'ère du numérique pour faire redémarrer la croissance et la productivité, redonner à ces révolutions technologiques leur plein potentiel de croissance.

C.A. : Il faut également passer d'une politique de la concurrence statique, c'est-à-dire une politique basée sur l'étude des prix et des parts de marché, à une politique de la concurrence beaucoup plus dynamique, ce qui suppose de prendre en compte et de garantir la libre entrée et sortie des entreprises sur le marché dans le futur.

Il faut également réactiver la notion de marché contestable qu'on doit à William Baumol, John Panzar et Robert Willig. Un marché contestable est un marché sur lequel toute augmentation des prix de l'entreprise en monopole provoque l'entrée d'un concurrent sur le marché. Parmi les conditions de la contestabilité figure la possibilité pour l'entreprise qui est entrée de ressortir facilement, sans supporter de coût irrécupérable (" sunk costs "). Il faut s'assurer que n'importe quel acteur économique puisse entrer et sortir librement du marché sans rencontrer de barrières. À tort, on néglige la question de savoir si une fusion va inhiber l'entrée future d'acteurs sur le marché. On regarde essentiellement la question des parts de marché ce qui n'est pas suffisant. Pour prendre un exemple, lorsque Alstom et Siemens ont voulu fusionner, la Commission européenne a refusé, au motif que leur part de marché serait trop importante. Pourtant il s'agit d'un marché contestable. Répondre à la question de savoir s'il y a entrée et sortie potentielle sur un marché donné et donc beaucoup plus important que la simple étude des parts de marché.

Soulignons également la notion de monopole naturel. Une entreprise peut très bien être en situation de monopole tandis que le marché reste contestable. La notion d'entrée et de sortie dynamique doit primer sur l'idée de parts de marché et les indices qui mesurent la concentration du marché.

Alors que de nouveaux variants du coronavirus circulent dans des pays en développement, peu vaccinés, la question des brevets sur les médicaments pour promouvoir l'accès aux soins, est à l'ordre du jour. Quelle est votre position ?

Ph. A : C'est vrai que le grand problème actuellement est qu'il y a de très fortes différences en termes de taux de vaccination entre les pays. C'est la raison pour laquelle des variants se diffusent.

Il faut un système de brevets qui permette à la fois de produire de l'innovation et la diffuser. L'un est un peu contradictoire avec l'autre, car diffuser l'innovation enlève des droits de propriété à ceux qui produisent l'innovation. Or, nous l'avons souligné, le décollage de la croissance a eu lieu grâce à la mise en place d'institutions qui protègent l'innovation. D'où l'idée, proposée par le Prix Nobel Michael Kremer, que l'Etat ou une communauté d'Etats, le G20 par exemple, puissent acheter les innovations et ainsi compenser les innovateurs pour ensuite diffuser ces innovations en direction de pays moins développés.

C A. : Effectivement, en ce qui concerne les biens publics mondiaux comme les vaccins, dont la diffusion est extrêmement importante, le rôle de l'État est fondamental. Mais il faut toujours garder des incitations à l'innovation.

Est-ce que ce contexte institutionnel, créé et garanti par l'État que vous décrivez, nécessaire à l'innovation, peut répondre au défi de la transition environnementale ?

Ph. A. : D'aucuns pensent que la décroissance est la meilleure façon de lutter contre le réchauffement climatique. Il est vrai que la température de la planète s'est mise à augmenter au moment du décollage industriel en 1820. La courbe de l'augmentation de la température de la planète coïncide en effet avec le décollage industriel. Faut-il pour autant revenir en arrière, au monde d'avant 1820 ? Nous avons connu récemment une expérience de décroissance. Au cours du premier confinement en France entre mars et mai-juin 2020, le PIB a baissé de 35% et les émissions de CO2 de 8 %. Pour diminuer les émissions de CO2 par la décroissance, il faudrait donc maintenir indéfiniment la France comme durant le premier confinement, lequel a généré des dégâts considérables, pas seulement économiques mais également psychologiques, à la fois dans les pays développés et dans ceux en voie de développement. La décroissance ne peut donc pas être LA solution.

La seule alternative est l'innovation verte. Il nous faut trouver de nouvelles sources d'énergies plus propres, des moyens d'économiser de l'énergie, innover dans nos habitudes. Le problème est que les entreprises qui ont innové dans des technologies polluantes dans le passé tendent à continuer d'innover dans des technologies polluantes dans le futur, c'est que qu'on appelle la dépendance au sentier.

Pour lutter contre ce phénomène, l'État a un rôle à jouer, en dirigeant les investissements des entreprises vers les technologies vertes grâce à la taxe carbone, aux subventions à l'innovation verte, à la politique industrielle verte. Le rôle de la société civile est aussi crucial. Les consommateurs de plus en plus informés poussent les entreprises à devenir plus vertueuses en jouant sur la concurrence. Cela plaide pour un changement des pratiques.

Il reste des choix à faire : si la France contribue aux émissions mondiales de CO2 à hauteur de 0,8% seulement, alors qu'elle est pourtant la sixième puissance économique mondiale, c'est grâce au nucléaire en grande partie. En même temps, il faut renforcer la recherche dans d'autres sources d'énergie : la fusion nucléaire, le photovoltaïque, l'éolien, l'hydrogène.

Quelles sont, selon vous, les faiblesses économiques que la crise sanitaire a mises en évidence à l'échelle européenne ?

C. A. : D'abord, la crise de Covid-19 a mis en évidence les faiblesses en termes d'investissements dans la recherche et le développement. En Europe, nous nous sommes focalisés sur l'aspect budgétaire, sur le Pacte de stabilité et de croissance, sur la réduction des déficits en perdant un peu de vue l'Europe de l'investissement, comme les investissements publics, et de la connaissance. Mais l'Europe ne peut pas être qu'une Europe de la rigueur budgétaire. Cette rigueur doit exister mais il faut sortir l'investissement public de ce cadre budgétaire pour permettre aux pays d'investir. L'Allemagne et l'Italie sous-investissent considérablement en matière d'infrastructures. C'est l'une des insuffisances majeures mises en évidence par la pandémie.

Ph. A. : De plus, cette crise a mis en évidence l'insuffisance de l'écosystème d'innovation européen à tous les niveaux : recherche fondamentale, capital-risque et institutionnel. La priorité est de rendre l'économie européenne plus innovante. Par ailleurs jusqu'à présent, la politique de concurrence en Europe a été particulièrement mise au service de l'intégration, il faut maintenant la mettre au service de l'innovation.

En outre, il faut repenser la pratique de la dépense publique. À tort, les critères de Maastricht ne regardent pas la composition de la dépense publique. Il faut pourtant investir pour faire augmenter les taux de croissance et augmenter la croissance accroît notre capacité de rembourser notre dette publique. Or certaines dépenses - éducation, innovation, politique industrielle - peuvent aider à accélérer la croissance. A mon avis, il convient d'utiliser ces critères de Maastricht de manière plus intelligente afin de permettre aux gouvernements d'investir dans la croissance tout en réduisant d'autres types de dépense publique. En outre, il importe que les gouvernements rendent des comptes sur la gouvernance des investissements de croissance et se soumettent à des critères de performance.

Enfin, l'Europe doit cesser de se regarder elle-même. Si elle ne prend pas ces dispositions-là, elle sera dépassée par la Chine et les Etats-Unis qui continuent d'innover.

Nous l'expliquons dans le chapitre treize de l'ouvrage : il existe deux manières de réagir à un déclin de nos pertes de parts de marché. L'une consiste à faire du protectionnisme par l'utilisation des outils tarifaires. L'autre vise à utiliser l'innovation pour regagner des parts de marché. Le problème de l'outil tarifaire et qu'il peut provoquer des mesures de rétorsion, lesquelles se traduisent par un accès plus difficile de nos entreprises à l'exportation, ce qui nuit à leur innovation en fin de compte. Or la reconquête des chaînes de valeur et des parts de marché passe d'abord par l'innovation.

C. A. : La crise de Covid-19 a mis en lumière la question de la délocalisation et du risque associé à l'existence de chaînes de valeur fragmentées. Par exemple, au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), la Chine continue de profiter de son statut auto déclaré de pays en développement pour bénéficier d'un certain nombre d'avantages et d'une forme de protectionnisme. Il faut, là aussi, agir pour avoir une concurrence qui ne soit pas déloyale. L'Europe s'est beaucoup ouverte mais n'a pas toujours eu des exigences de réciprocité. Nous devons développer une stratégie industrielle européenne et des politiques coordonnées.

Quel regard portez-vous sur la stratégie de relance déployée par l'Union européenne ?

Ph. A. : Le plan de relance est une bonne réaction de l'Europe, mais il faut aller vers une réforme de Maastricht plus intelligente. Par exemple, le Président du Conseil italien, Mario Draghi, a utilisé les fonds européens pour emprunter davantage alors que la dette publique italienne représente 156% du PIB, pour investir dans des investissements de croissance : éducation, recherche, numérique. En même temps, il a approfondi la réforme de l'État. C'est une bonne utilisation des fonds. Il faut s'appuyer sur le plan de relance pour faire des investissements intelligents.

Le plan de relance européen a aussi montré que la position de l'Allemagne évolue. Elle est plus ouverte à l'idée, encore hypothétique, d'une mutualisation des dettes. Il faut s'appuyer sur ces évolutions pour adopter une politique différente vis-à-vis de la dépense publique. Pour procéder à des investissements, cela suppose d'abord réduire d'autres dépenses. Par exemple, en France, il faut investir dans la réindustrialisation de certains secteurs et dans les secteurs d'innovation, mais en même temps, il faut mener des réformes structurelles, comme la réforme de retraite ou autres.

Dans le but d'être crédible sur le plan budgétaire, il faut approfondir la réforme de l'État, c'est-à-dire s'attaquer aux doublons de la réforme territoriale et réformer la politique industrielle d'investissement. Il faut une politique industrielle où les entreprises doivent rendre des comptes. Nous devons procéder à des investissements de transformation. Pour changer la politique des universités il faut changer la gouvernance des universités. Pour réformer l'école, il faut donner de l'autonomie aux chefs d'établissement. Pour investir dans la politique industrielle, il faut la rendre moins colbertiste. Il faut accepter de rendre des comptes sur les performances. C'est la grande révolution à mener.

Le plan de relance est donc une bonne chose car il a permis de sauver les économies européennes mais il faut désormais l'utiliser pour réaliser des investissements de transformation, comprendre l'importance de l'analyse de la composition de la dépense publique, regarder la gouvernance des politiques et accepter que des critères de performance soient mis en place.

C. A. : En analysant les plans de relance européens, nous remarquons qu'ils restent des plans nationaux et que les montants sont, somme toute, limités au regard de la relance américaine et des besoins massifs d'investissements en infrastructures dans certains pays : Allemagne, Italie, etc. Certes, le financement est partiellement mutualisé à l'échelle européenne. Par ailleurs nombre de plans de relance ont les mêmes orientations, notamment sur la transition énergétique ou la modernisation des infrastructures. Cependant, nous e sommes encore au stade où chaque pays a sa politique nationale et sa stratégie. L'Europe devrait s'engager vers plus de coordination et définir de grandes priorités, et pas seulement pour incarner une Europe de la discipline budgétaire. Il faudrait une politique commune ambitieuse, par exemple dans le secteur de la santé ou dans le domaine de l'énergie. Actuellement, il n'existe pas de " mix énergétique " européen, or les mix énergétiques nationaux sont loin de converger. C'est vers ces politiques industrielles communes et ambitieuses que l'Union européenne devrait concentrer ses efforts. Le mot de Robert Schuman, qui soulignait l'importance des " réalisations concrètes " pour faire avancer le projet européen, est plus que jamais d'actualité.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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