Multilatéralisme
Jean-Paul Betbeze
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Jean-Paul Betbeze
Économiste, Membre du Comité scientifique de la Fondation Robert Schuman
Tout, normalement, est prêt pour la grande réunion transnationale des 20 grandes puissances mondiales (G20), destinée à réduire les tensions sous les promesses diront les uns, à avancer dans un monde plus tendu diront les autres, en fonction de principes permanents d'ouverture et de transparence. Les 7 et 8 juillet à Hambourg, la chancelière allemande, Angela Merkel, dont le pays préside cette année le G20, recevra ainsi les dirigeants du G20, après la Chine l'an dernier. Ce sont 19 pays [1], plus l'Union européenne [2], qui vont se réunir autour d'une grande table : deux tiers de la population mondiale et 80% de son PIB.
Quels seront les thèmes économiques privilégiés lors du G20 de Hambourg ?
Le menu du G20, assez traditionnel, comporte trois thèmes : construire la stabilité et la résistance de l'économie aux chocs (building resilience), améliorer la soutenabilité (improving sustainability) et assumer ses responsabilités (assuming reponsability). Il commence, comme toujours, par le renforcement économique et financier de l'économie mondiale aux chocs. En effet, elle n'est pas vraiment sortie de la grande crise de 2008. Sa productivité augmente peu, ce qui l'expose à des rechutes, tout en la fragilisant. Pour avancer, l'idée du G20 est bien sûr de coopérer plus et mieux - notamment en matière financière pour, à la fois, permettre et surveiller les flux de capitaux, renforcer la régulation bancaire, notamment dans le shadow banking.
Dans cette même veine, on trouve la transparence et l'équité des conditions de la taxation mondiale, plus le développement des échanges et des investissements internationaux, la formation et l'emploi privé dans une économie plus égalitaire (inclusive), le climat et la croissance durable, l'économie digitale, les migrations, l'égalité homme-femme, le terrorisme et la corruption.
En quoi la réunion du G20 de Hambourg différera-t-il de celui de Hangzhou en 2016 ?
La réunion de Hambourg est faite pour continuer sur la piste de Hangzhou. Ce premier G20 chinois fut aussi le dernier G20 d'Obama, avec l'idée d'en faire alors un succès, notamment par la signature conjointe, par la Chine et les Etats-Unis, de la COP 21 sur le climat. Le communiqué de l'époque était un épais document rempli d'engagements de coopérations multiples. Il n'est pas sûr que celui de Hambourg lui ressemble tant notre monde change rapidement, avec plus de tensions régionales et religieuses et plus de " changements " à son sommet.
Ce G20 sera le premier de Donald Trump. A quelles positions peut-on s'attendre de la part des Etats-Unis ?
L'inconnue... annoncée sera en effetl'attitude de Donald Trump, quand on se souvient des difficultés du G7 de Taormina (26 et 27 et mai derniers) face notamment à la question du climat - ce qui devait conduire au retrait des Etats-Unis de la COP 21. Cette inconnue est d'autant plus forte pour ce G20 que le nombre de participants est non seulement plus élevé, donc les enjeux plus importants, mais ils sont surtout plus opposés, entre pays de niveaux de développement différents. Mais rien n'est sûr, tant des jeux tactiques auront lieu et tant tout se prépare, entre acteurs et réseaux d'influences.
Les Etats-Unis ont bien changé depuis l'an dernier, notamment en matière internationale - mettant en avant leurs intérêts propres et immédiats. La Chine aussi - poursuivant de manière plus nette une stratégie internationale de la nouvelle route de la soie [3], et réduisant les libertés internes. Le monde est plus tendu et la baisse des prix du pétrole et des autres matières premières menace de nombreux pays. On sait ainsi que les questions sur les échanges et les taxes, la sécurité financière, le climat, les migrations et le terrorisme seront particulièrement difficiles, s'il s'agit de parvenir à un texte à la fois ramassé et engageant.
Un ensemble de configurations sont possibles dans ce G20, où personne n'a intérêt à une confrontation. Mais on sait que la stratégie américaine va s'opposer à celle de nombreux autres pays en matière de réchauffement climatique (déjà commencé), de surveillance bancaire (Donald Trump assouplit déjà les contrôles aux Etats-Unis), de migrations et de lutte contre le terrorisme (où il est en pointe). Il serait cependant trop simple de polariser ce G20 autour des Etats-Unis, même si le risque d'un départ américain de l'OMC existe (après celui de la COP21 ?), étant entendu que les problèmes sont plus complexes qu'avant et que l'affaiblissement de la dynamique coopérative internationale nous fragilise tous.
Pour l'Union européenne, quels sont les points importants de ce G20 ?
Dans ce contexte, l'Union européenne est majoritairement unie autour des sujets fondamentaux que le G20 aborde, même si elle n'est évidemment pas un bloc homogène. Cette unité de philosophie et d'intérêts, en phase avec la logique du G20, est sa force. L'essentiel est donc de ne pas accroître les tensions internes à l'Union et, au contraire, de renforcer les échanges et la coopération pour stimuler la croissance au sein du G20, en veillant surtout à l'équité et à la réciprocité des accords.
Les points importants pour l'Union européenne dans le cadre du G20 concernent ainsi le renforcement de la croissance dans un cadre aussi stable et résistant que possible. A côté des discussions " classiques " sur les échanges et les flux de capitaux, qui doivent être encouragés s'ils sont équilibrés et transparents, et sur la concurrence fiscale dans la mesure où elle n'érode pas la base fiscale et ne pousse pas à la disparition des profits (Base Erosion and Profit Shifting, BEPS), l'Union européenne est impliquée dans les discussions sur le terrorisme, les migrations et les rapports avec l'Afrique. La Présidence allemande a en effet invité le Président de l'Union Africaine et celui du NEPAD (New Partnership for Africa's Development). On retrouve ici la même préoccupation qui avait conduit à l'invitation de responsables africains au G7 à Taormina.
Quel rôle l'Union européenne peut-elle ou doit-elle jouer dans ce G20 ?
Dans un tel contexte, l'Europe doit peser. On peut compter qu'elle sera numériquement très présente : 5 membres (3 pays plus les deux Présidents du Conseil européen et de la Commission), plus l'Espagne, les Pays-Bas comme invités. La Norvège, pays européen, est également invitée. Evidemment il y a des divergences, dont le Brexit, mais les enjeux communs sont autrement plus importants. L'Union européenne a évidemment besoin d'une croissance plus forte et surtout plus transparente, égalitaire et régulée - et surtout plus sûre. Les problèmes liés au terrorisme et à l'Afrique sont les plus sérieux, et les plus proches. Il est donc à souhaiter que l'Union européenne fasse passer ses messages, qui sont d'ailleurs les plus en liaison avec le message central du G20. Il ne s'agit pas ici d'un vœu pieux, mais de la cohérence économique, politique et sociale fondamentale. En résumé, il faut réussir le G20, avec et pour l'Europe.
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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