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Entretien d'EuropeEntretien d'Europe avec Sylvie Goulard, députée européenne (ALDE, FR), sur la supervision financière
Entretien d'Europe avec Sylvie Goulard, députée européenne (ALDE, FR), sur la supervision financière

Union économique et monétaire

Sylvie Goulard

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10 janvier 2011

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Goulard Sylvie

Sylvie Goulard

Députée européenne (ALDE, FR) de la circonscription Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes). Ancienne présidente du Mouvement européen-France.

Entretien d'Europe avec Sylvie Goulard, députée européenne (ALDE, FR), sur la su...

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1. Vous étiez Rapporteur du règlement sur le Comité européen du risque systémique (CERS). Vous avez également suivi avec intérêt les débats autour des trois nouvelles autorités européennes de surveillance financière (ABE, autorité bancaire européenne ; AEAPP, autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles ; AEMF, autorité européenne des marchés financiers). Etes-vous satisfaite du dispositif adopté par l'Union ? Pouvez-vous le décrire? Comment va s'articuler le travail de ces trois nouvelles institutions ?

Le Parlement européen a utilisé au maximum ses pouvoirs (codécision Parlement/Conseil) pour contrer la volonté d'un certain nombre d'Etats membres, malgré la crise, d'entraver la naissance d'autorités européennes.

Nous nous sommes appuyés sur le travail du groupe d'experts présidé par Jacques de Larosière qui préconisait d'avancer par étape.

Grâce au Parlement, un processus est engagé, mais il nous faudra rester vigilant à la fois lors de l'adoption par le Parlement, à l'avenir, de textes sectoriels pouvant confier des pouvoirs aux autorités (par exemple sur les ventes à découvert) et lors des futures révisions du dispositif de supervision déjà programmées. L'un des éléments de cette future révision sera notamment d'aller vers une supervision directe, par ces nouvelles autorités, de grands groupes financiers transfrontaliers dans le secteur bancaire ou des assurances. Le Parlement a également fait pression pour que les choses évoluent en matière de gestion de crise bancaire, les événements continuent à nous donner raison.

En bref, le rôle du Comité européen du risque systémique (CERS) est de prévenir les crises dites systémiques, c'est-à-dire qui pourraient déstabiliser le système dans son ensemble mais aussi en portant un regard sur tout élément qui pourrait générer un phénomène menant à une déstabilisation du système. Pour avoir ce regard novateur et "synoptique", nous avons élargi sa composition à des personnalités expérimentées issues de différents secteurs afin de ne pas le limiter aux banquiers centraux. Enfin, étant donné son rôle de conseil, nous avons tenu à ce qu'il soit présidé par une personnalité dont la parole porte : le Président de la Banque centrale européenne.

En ce qui concerne les autorités européennes sectorielles (banques, marchés, assurances et pensions professionnelles), leur rôle sera de coordonner l'action des régulateurs nationaux, de faire en sorte qu'il y ait un ensemble de règles communes ("single rules book") et une même interprétation de celles-ci, d'arbitrer les différends qui pourraient survenir entre eux, agir en dernier ressort dans un certain nombre de cas comme, par exemple, interdire de manière temporaire un produit financier jugé nocif pour le consommateur.

Le Parlement européen a tenu à ce que ces trois autorités sectorielles et le CERS soient traités comme "un paquet" car, pour les députés européens, il était évident que ces nouvelles structures devaient constituer un tout cohérent : le travail des autorités européennes, entre elles mais aussi avec le CERS, ne doit pas être cloisonné. Une des leçons de la crise a été que les régulateurs ne se sont pas suffisamment parlé : pour le Parlement, le nouveau système ne pouvait reproduire les erreurs passées.

2. L'année 2010 a vu l'Union progresser vers une meilleure gouvernance économique. Diriez-vous que les circonstances ont favorisé l'adoption de mesures que les Etats membres n'ont pas voulu prendre à froid ?

Les Etats membres ont pris, à chaud, un certain nombre de mesures de gestion de crise, mais elles souffrent d'être intergouvernementales et orientées à court terme. En revanche, en ce qui concerne les règles plus durables relatives au déficit public, à la dette et aux déséquilibres macro-économiques, le processus débute. Mais le Conseil tente déjà d'en diminuer la portée. Le Parlement a commencé ses travaux sur la base des 6 propositions adoptées sous la houlette du Commissaire européen Olli Rehn fin septembre 2010. Je suis rapporteur sur la proposition relative aux sanctions pour la zone euro. Dans la même logique que le paquet "supervision", nous, rapporteurs, entendons travailler à ces propositions comme un tout. L'expérience a montré que les marchés, la Commission et les Etats membres se sont souciés à tort du seul déficit.

Pour rétablir la confiance, il ne faut pas uniquement créer un mécanisme de sauvetage : il faut parvenir à avoir des finances publiques saines et s'attaquer aux déséquilibres macro-économiques. Finances saines, non pas pour plaire aux marchés mais c'est en réduisant déficit et dette que l'on dégage des marges de manœuvre pour mener de véritables politiques d'emploi et de croissance. Cependant, au vu de l'héritage de la crise, ce n'est pas suffisant : on ne peut miser uniquement sur des sanctions pour arriver à être vertueux, il faut aussi des incitations. En tant que rapporteur, je pense qu'il faut lancer ce débat au sein du Parlement et je suggère notamment de créer des "eurobonds". Il serait malsain que ce débat se déroule partout, dans la presse, au Conseil, dans les Etats mais qu'il soit interdit au Parlement. Cette hypothèse mérite d'être étudiée sur le plan juridique et technique et débattue démocratiquement. L'objectif est de rétablir une discipline de marché et non – cela mérite d'être répété – d'encourager un endettement excessif. Ainsi, la proposition est conçue pour abaisser le coût de financement d'une partie seulement de la dette de chaque pays, la partie excédant un seuil (40%) devant toujours être financée sur le marché en fonction de la qualité de signature de chacun. Ainsi ces "eurobonds" pourraient avoir un effet positif, vis-à-vis des marchés, en donnant le signal de la solidarité, sans relâcher la discipline, mais également créer un marché des obligations plus liquide et, enfin, débarrasser la Banque centrale européenne du rachat des titres de pays en difficulté.

Les grandes nouveautés conceptuelles de la Commission sont de s'intéresser aux déséquilibres macro-économiques des Etats membres et c'est une bonne idée dans le contexte de la zone euro mais aussi d'instaurer une coopération entre le niveau européen et le niveau national pour l'adoption du budget national à travers le "semestre européen".

Rendre plus transparentes et objectives les décisions du Conseil sur la gouvernance économique d'habitude prises à huis-clos et obéissant souvent à des marchandages est une autre dimension très importante. Pour cela, le Parlement européen me semble être un lieu de débat démocratique adéquat.

Le travail ne fait que débuter mais il est fondamental : les rapporteurs veulent forcer le débat sur un certain nombre de points et se battre contre la volonté de statu quo des Etats membres. La situation est trop grave pour se contenter d'amender les règles à la marge.

3. Quelles sont, selon vous, les mesures que le Parlement, le Conseil et la Commission devraient désormais envisager pour faire face aux conséquences de la crise de la dette souveraine ?

Le Parlement européen a adopté au mois de décembre dernier une résolution dans lequel il énumère un certain nombre de points : le mécanisme de sauvetage permanent pour les États membres en difficulté financière doit préciser clairement la participation du secteur privé (en conformité avec les pratiques du FMI), la contribution des États membres situés en dehors de la zone euro et l'incidence sur le budget de l'Union.

La résolution pose également la question de l'origine de la crise de la dette, le gel des marchés de la dette qui ont rendu le refinancement de la dette difficile et coûteux pour certains États membres. Nous demandons la création d'une Agence européenne pour la stabilité appelée à gérer la crise des dettes souveraines et à préserver un marché des euro-obligations unifié et fortement liquide. Nous invitons la Commission à présenter des propositions sur d'autres instruments qui pourraient être mis en place en vue de garantir, aux États membres, l'accès approprié au financement.

Il est important que la zone euro fasse un certain nombre de gestes visant à clarifier son mode de fonctionnement aux yeux des marchés : la représentation externe unique de la zone euro en fait partie. Il est temps que nous prenions au sérieux les enjeux d'une monnaie unique.

4. Faut-il, selon vous, réguler, et comment, le travail des agences de notation? Quel regard portez-vous sur leur travail ?

Le Parlement a appelé, à de nombreuses reprises, à combler les lacunes de la régulation financière depuis plus de dix ans (voir notamment les rapports Van den Burg ou Garcia-Margallo) y compris la supervision de ces agences. Les rapports de Jean-Paul Gauzès (PPE, FR), l'un de 2009 et l'autre adopté fin 2010, répondent à ces appels et sont un pas significatif vers plus de transparence et d'impartialité ou la mise en place d'outils pour se prémunir des conflits d'intérêt. Les agences de notation sont très utiles au fonctionnement des marchés et surtout à leur lisibilité, mais pas sans garantie du respect de ces principes.

En 2009, il a fallu réagir dans l'urgence et en 2010, l'objet principal a été d'inscrire ces agences sous la supervision directe de la nouvelle autorité européenne des marchés.

Toutefois, un certain nombre de questions sont pour l'instant restées sans réponse, en particulier la question de la notation des dettes souveraines. Le rapport d'initiative (c'est-à-dire non législatif) de Wolf Klinz (ALDE, DE), entend lancer la réflexion sur ces questions qui nécessitent une réflexion plus longue et doivent s'inscrire dans une démarche mondiale.

5. Avant d'être député européen, vous présidiez le Mouvement européen-France et vous êtes une Européenne engagée et militante. Quel jugement portez-vous sur la crise de doute qui semble frapper l'Europe toute entière ?

Je répondrai à cette question en me faisant l'écho du grand Européen qu'était Tommaso Padoa Schioppa qui vient malheureusement de nous quitter. Il disait du Conseil qu'il était devenu "le cartel des nationalismes" et, sans relâche, il dénonçait l'étroitesse de ce qu'il appelait "l'esprit westphalien", nationaliste, qui est à l'œuvre dans la plupart des capitales.

Pour cette raison, avec Isabelle Durant, Daniel Cohn-Bendit et Guy Verhofstadt et d'autres fervents Européens, nous avons créé le groupe Spinelli. Il a vocation à réunir tous les députés européens désireux de défendre ardemment une Europe communautaire et prêts à rechercher l'intérêt commun au-delà d'une confrontation stérile des intérêts nationaux.

Un manifeste est soumis à la signature des membres du groupe, il rappelle la nécessité d'approfondir l'intégration européenne en encourageant des approches post-nationales pour répondre aux enjeux du XXIème siècle. Comment passer à une armée européenne ? Comment doter l'Union d'un budget autonome abondé par des ressources propres ? Pourquoi pas une action commune pour économiser l'énergie ? Ou pour renforcer les liens culturels entre Européens ?

Les premières phrases du manifeste sont : " Plus que jamais, les défis du XXIème siècle sont de nature planétaire : changement climatique, épuisement des ressources, destruction de l'environnement, régulation financière et économique, menace nucléaire et sécurité collective, maintien de la paix,... ".

Dans ce nouveau monde, chaque pays européen est un petit pays. Mais nous avons un atout : nous avons bâti ensemble l'Union européenne. C'est une construction remarquable et inédite, dans laquelle les Etats-nations d'Europe, pour certains longtemps divisés par des conflits incessants, ont décidé d'être "unis dans la diversité" et de former ensemble une Communauté au sens le plus fort du terme.

Ces phrases résument bien le regard que nous portons sur cette crise et sur les réponses à y apporter.

6. Depuis votre entrée au Parlement, vous vous êtes énormément investie sur les questions économiques et financières. Si vous deviez décrire votre travail, diriez-vous que vous avez joué au pompier, installé des alertes incendie ou amorcer un changement durable des pratiques dans un secteur qui manquait de transparence?

Depuis les élections de juin 2009, les membres de la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement ont dû en effet développer de nombreux talents : éteindre l'incendie notamment par le biais de la création de ces nouveaux organes européens de supervision ; installer des alertes incendie par exemple dans le cas des agences de notation ; amorcer un changement durable des pratiques dans le cas des fonds d'investissement alternatifs ou dans le cas des politiques de rémunération du monde financier.

Le travail est loin d'être achevé. Citons pour mémoire la réforme de la gouvernance économique, les ventes à découvert, les produits dérivés, les chambres de compensation, les exigences en capitaux propres ou encore les normes comptables internationales. Suivant le sujet et surtout les lacunes ou la nécessité des adaptations, il s'agira d'aller puiser dans ces talents !

7. Quels sont les atouts de l'Union dans la nouvelle configuration des rapports de forces dans le monde ?

La force de son projet politique, pour autant que les Etats membres s'en souviennent. Le projet de l'Union n'est pas uniquement fondé sur la coopération économique comme c'est le cas dans d'autres parties du globe. Ce projet se fonde sur des valeurs comme le respect des libertés fondamentales que nous ne nous contentons pas d'imposer aux autres mais pour lesquelles nous veillons au respect en notre sein. Ce qui se passe actuellement avec la Hongrie en est la parfaite illustration.

Ce projet, mis à mal pour l'instant, reste d'une actualité criante : la gestion commune de certaines politiques a beaucoup plus de sens qu'une gestion fragmentée.

La crise économique, qui a généré d'autres crises, est en ce sens un moment douloureux étant donné les conséquences sociales mais c'est aussi un moment instructeur. J'ai confiance en la capacité de l'Union à évoluer et à rebondir après cette crise.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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