Entretien d'EuropeLes législations européennes sur le sort des détenus âgés
Les législations européennes sur le sort des détenus âgés

Liberté, sécurité, justice

Béatrice Houchard

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30 septembre 2002

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Houchard Béatrice

Béatrice Houchard

Au-delà de l'aspect passionnel de l'affaire, il est intéressant de comprendre dans quelles circonstances Maurice Papon a été libéré avant d'avoir effectué la moitié de sa peine, et quelles sont les législations en vigueur en Europe pour les détenus âgés ou très malades.

L'ancien secrétaire général de la Préfecture de Gironde a bénéficié, après une dizaine d'autres détenus, de la loi votée le 4 mars 2002 à l'initiative de Bernard Kouchner, ministre de la Santé du gouvernement de Lionel Jospin. Ce texte stipule qu'une suspension de peine peut intervenir " pour les condamnés dont il est établi qu'ils sont atteints d'une pathologie engageant le pronostic vital ou dont l'état de santé est incompatible avec le maintien en détention". Deux expertises médicales concordantes doivent avoir abouti à l'une de ces constatations.

Avant le vote de cette loi, Maurice Papon n'aurait pu bénéficier d'une telle remise d'une peine mais seulement d'une grâce présidentielle, que Jacques Chirac lui avait refusée à trois reprises. Il n'existait pas, auparavant, de limite d'âge pour être maintenu en prison. Seul l'état de santé pouvait amener les juges à décider d'une libération conditionnelle [1]

On estime à plus de 1700 le nombre de détenus âgés de plus de soixante ans en France, et à une vingtaine le nombre de ceux qui ont dépassé 80 ans. Ce qu'on appelle déjà la "jurisprudence Papon" devrait donc s'appliquer à un certain nombre ou à la totalité d'entre eux.

Mais par la loi du 4 mars 2002, la France n'a pas vraiment innové. Elle n'a fait que rejoindre les législations en vigueur en Italie et en Espagne, alors que la plupart des autres pays d'Europe manifestent une plus grande fermeté, quels que soient l'âge et l'état de santé des détenus.

Espagne : Après 70 ans

Libération conditionnelle : L'article 176 du code pénal italien stipule –sans mentionner l'âge ni l'état de santé- que, si la durée de la peine restant à purger ne dépasse pas cinq ans, un détenu peut être libéré. Mais il y a des conditions : il doit avoir déjà effectué au moins trente mois de sa peine, et quatre ans si sa condamnation est intervenue dans le cadre d'une récidive. Les terroristes et auteurs de crimes mafieux ne peuvent obtenir cette libération conditionnelle qu'après avoir purgé au moins les deux tiers de la durée de leur peine. En cas de condamnation à perpétuité, la durée minimale à effectuer est une "période sûreté" de 26 ans.

Plus original, par rapport au droit commun, le détenu italien qui veut prétendre à une libération conditionnelle doit donner l'assurance de son repentir.

Suspension de l'exécution de la peine : En cas de maladie grave, le code pénal italien prévoit un aménagement possible lorsque l'état de santé du détenu se révèle incompatible avec le maintien en détention.

Certains détenus peuvent alors purger leur peine dans le cadre d'une assignation à résidence s'il leur restait moins de quatre ans de détention à effectuer. C'est le cas pour les détenus âgés de plus de 60 ans, handicapés ou gravement malades. Cette "assignation à résidence" signifie au domicile ou dans un service de soins. Mais sous surveillance.

Les détenus atteints d'une maladie particulièrement graves (notamment le Sida) peuvent bénéficier d'une suspension de peine pour être hospitalisés et soignés.

Allemagne : l'âge n'est pas pris en compte

Libération conditionnelle : l'article 92 du code de procédure pénale prévoit que les détenus ayant dépassé l'âge de 70 ans ou qui les atteindront pendant la durée de leur peine, ainsi que ceux qui souffrent d'une maladie incurable, peuvent obtenir une libération conditionnelle.

Cette libération conditionnelle s'applique aussi, en Espagne, et indépendamment de l'âge et de l'état de santé, aux détenus jugés aptes à bénéficier d'un régime de semi-liberté, ou qui sont considérés comme ré-insérables après avoir purgé les trois quarts de leur peine.

Suspension de l'éxécution de la peine : elle peut intervenir si la peine n'excède pas deux ans, mais est sans condition pour un condamné souffrant d'une maladie incurable.

Italie : La nécessité du repentir

Libération conditionnelle : L'article 176 du code pénal italien stipule –sans mentionner l'âge ni l'état de santé- que, si la durée de la peine restant à purger ne dépasse pas cinq ans, un détenu peut être libéré. Mais il y a des conditions : il doit avoir déjà effectué au moins trente mois de sa peine, et quatre ans si sa condamnation est intervenue dans le cadre d'une récidive. Les terroristes et auteurs de crimes mafieux ne peuvent obtenir cette libération conditionnelle qu'après avoir purgé au moins les deux tiers de la durée de leur peine. En cas de condamnation à perpétuité, la durée minimale à effectuer est une "période sûreté" de 26 ans.

Plus original, par rapport au droit commun, le détenu italien qui veut prétendre à une libération conditionnelle doit donner l'assurance de son repentir.

Suspension de l'exécution de la peine : En cas de maladie grave, le code pénal italien prévoit un aménagement possible lorsque l'état de santé du détenu se révèle incompatible avec le maintien en détention.

Certains détenus peuvent alors purger leur peine dans le cadre d'une assignation à résidence s'il leur restait moins de quatre ans de détention à effectuer. C'est le cas pour les détenus âgés de plus de 60 ans, handicapés ou gravement malades. Cette "assignation à résidence" signifie au domicile ou dans un service de soins. Mais sous surveillance.

Les détenus atteints d'une maladie particulièrement graves (notamment le Sida) peuvent bénéficier d'une suspension de peine pour être hospitalisés et soignés.

Allemagne : l'âge n'est pas pris en compte

Libération conditionnelle : elle concerne des détenus qui ont purgé les deux tiers de la durée totale de leur peine, avec deux nuances. La moitié de la peine seulement doit avoir été exécutée si la condamnation ne dépassait pas deux ans. Pour les condamnés à perpétuité, la libération conditionnelle ne peut intervenir qu'au bout de quinze ans. Mais l'âge du condamné n'est pas pris en compte : seuls sont pris en considération le comportement du condamné en détention, sa personnalité, son passé et les circonstances de l'infraction ou du crime commis.

Suspension de l'exécution de la peine : elle peut intervenir lorsque le détenu souffre d'une maladie mentale, si la poursuite de la détention met en danger sa vie [2]. La suspension de peine ne prend pas la forme d'une libération, mais d'une transformation des conditions de l'enfermement : le condamné passe alors de l'établissement pénitentiaire à un établissement de santé où il peut recevoir des soins.

Grande-Bretagne : le pouvoir du ministre de l'intérieur

Libération conditionnelle : Elle est automatique pour les détenus qui ont effectué la moitié de leur peine si la durée de celle-ci n'excédait pas quatre ans. Ou les deux-tiers si elle dépassait quatre ans. Cette durée minimale passe à quatre ans en cas de récidive. Pour les condamnés à perpétuité, une "peine de sûreté" figurant dans le jugement (comme c'est le cas en France) doit avoir impérativement été purgée avant que libération conditionnelle puisse être envisagée.

Le ministre de l'Intérieur peut, après consultation des instances judiciaires, accorder une libération conditionnelle à un détenu "lorsque des circonstances exceptionnelles justifient la libération pour des raisons humanitaires". Une loi de 1997 prévoit que cette disposition peut s'appliquer également aux détenus condamnés à perpétuité.

Belgique : Sans limite d'âge

Libération conditionnelle : Elle ne peut intervenir que si le condamné a purgé le tiers de sa peine, ou les deux tiers pour un récidiviste. Pour les condamnés à perpétuité, ces délais passent respectivement à dix et quatorze ans.

L'âge n'est pas mentionné, ni l'état de santé.

[1] Article 729 du code de procédure pénale, ancienne rédaction [2] L'équivalent, en France, de la notion de "pathologie engageant le pronostic vital"

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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