L'Union européenne et le défi de l'économie verte, quels modèles pour une meilleure efficacité dans l'utilisation des ressources ?

Climat et énergie

Antoine Frérot

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23 mai 2011

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Antoine Frérot

Président Directeur Général de Veolia.

L'Union européenne et le défi de l'économie verte, quels modèles pour une meille...

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Introduction

"La pression des populations est tellement supérieure à la capacité de la terre à pourvoir à leur subsistance qu'une mort prématurée doit rendre visite d'une façon ou d'une autre au genre humain". Que dirait, de nos jours, Thomas Robert Malthus, qui sonnait à ses contemporains en 1798 cette funeste alarme [1], alors que notre planète compte presque 7 milliards d'habitants, soit près de sept fois plus qu'à son époque ? Du débat qu'il lançait sur l'équilibre entre les ressources disponibles et l'accroissement de la population on peut retenir deux enseignements qui font écho aux débats actuels sur l'économie verte :

- le thème de la rareté et de l'épuisement des ressources s'est invité au débat économique et politique bien avant celui du changement climatique.

- les théories de Malthus ont été jusqu'à ce jour mises en défaut, en méconnaissant le rôle et les effets déterminants de l'innovation [2]. Notre capacité à innover est plus que jamais au cœur des réflexions des décideurs européens pour concilier relance de la croissance et respect de l'environnement.

L'économie verte, avatar du développement durable ?

 

Dans la définition qu'en donnent les Nations Unies, l'" économie verte " est une " économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l'équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources [3] " ; elle ne se réduit donc pas à la seule lutte contre le changement climatique ou à la découverte de technologies propres. Bien plus qu'un simple avatar du développement durable, l'économie verte est la mise en œuvre effective du développement durable dans l'activité économique.

 

C'est au XXème siècle que la pression exercée par l'homme sur les ressources naturelles de la planète ou " capital naturel ", l'eau, les matières premières, l'énergie, les sols, s'est à la fois accrue et accélérée dans des proportions inouïes : l'accélération a résulté de l'augmentation des populations, et surtout des changements majeurs de modes de consommation, à commencer par ceux de la frange la plus riche. Si la croissance a apporté une prospérité nouvelle et permis la sortie d'une partie des populations de l'extrême pauvreté, elle s'est aussi souvent accompagnée d'un indésirable cortège : gaspillage des stocks de ressources accessibles, pollution de l'eau et de l'air, destruction des terres arables ou des habitats.

 

Le concept de " développement durable " apparu à la fin des années 80 est venu mettre un nom sur la voie rêvée par l'ensemble mondialisé des acteurs du développement, Etats, acteurs économiques et société civile : parvenir à concilier le développement de l'économie, la protection de l'environnement et l'engagement social. L'effervescence des discussions de la communauté internationale sur les questions d'environnement s'est alors cristallisée sur un petit nombre de thèmes : le changement climatique, la rareté des ressources naturelles, notamment énergétiques, et la perte de biodiversité. Vint-cinq ans plus tard le rêve, plus que jamais présent, semble encore loin d'être à portée de main : peu de scientifiques, d'économistes ou d'observateurs avertis s'aviseraient d'affirmer que les trajectoires de croissance actuelles s'inscrivent dans le cadre d'un développement durable.

 

C'est dans le sillage de la crise de 2008 qu'apparaissent de nouveaux objets de débat, la " croissance verte " puis l'" économie verte ", dans les grands forums internationaux, aux Nations Unies, à l'OCDE, dans les institutions des grands ensembles économiques régionaux (UE, USA, Chine). La croissance verte est surtout présentée comme une manière de sortir par le haut des soubresauts de la crise financière, en utilisant les technologies de l'environnement ou " cleantechs ", capables de réduire l'intensité énergétique et l'intensité carbone de la production, et de créer de nouveaux emplois.

 

Rapidement la sémantique du débat international s'est enfin portée sur l'" l'économie verte", concept plus complet que celui de " croissance verte " adopté par les Nations Unies et dont le fondement est d'éviter que la situation du monde ne se dégrade en raison des atteintes portées par l'homme à l'environnement et au climat. Dans son acception la plus large, l'économie verte n'est autre chose que l'économie vers laquelle on doit tendre, dans laquelle le développement est durable ou soutenable.

Précarité et mesure des ressources au coeur de l'économie verte

 

Dans sa formulation la plus simple, une économie verte est " à bas carbone, efficace en ressources et socialement inclusive " [4] : la question des ressources y est donc centrale. Peut-on de façon simple la formuler et en faire une évaluation ? Pas si facile, si on ne dispose pas d'une unité de mesure reconnue.

 

Une telle unité existe pour évaluer le principal impact des actions de l'homme sur le climat : c'est la " tonne d'équivalent CO2" rejetée dans l'atmosphère. Cet étalon unique et élément de langage et de dialogue commun sur le changement climatique depuis la fin des années 80 a facilité le débat scientifique et l'émergence de modèles, débouchant sur un corpus de scénarii et de lignes directrices partagées par la communauté internationale [5]. Ces avancées ont eu lieu en dépit des différences méthodologiques observables entre les bilans " carbone " utilisés dans différents territoires de l'Union européenne, recensées par l'étude comparative publiée en 2009 sous l'égide du Collège d'Europe et de l'Institut Veolia Environnement [6].

 

Dans le cas de l'épuisement des ressources, qui pose à l'humanité un défi sans doute plus crucial encore que le réchauffement climatique, la tenue d'un débat scientifique et politique est apparue plus difficile, pour plusieurs raisons :

 

- il y a d'abord la difficulté méthodologique de créer et partager un étalon commun de mesure (semblable à la " tonne d'équivalent CO2 " du débat climatique). La ressource [7] est en effet, extraordinairement multiforme : minerais, cheptels, ressources en eau, forêts, sources d'énergie, biodiversité, etc., en font partie.

 

- une deuxième raison tient aux difficultés d'évaluation, de consolidation et de mise à jour des notions de " réserves " et de " ressources " [8] de matériaux de base non renouvelables, tant pour ceux utilisés dans la production des biens (fer, cuivre, aluminium, etc.) que pour les substances énergétiques (pétrole, gaz, uranium, etc.).

 

- enfin alors que la tonne d'équivalent CO2 émise en n'importe quel point de la planète a le même effet sur le changement climatique, l'aspect local est souvent déterminant pour les ressources y compris renouvelables (l'eau, le bois, l'ensoleillement) qui peuvent être suivant le cas rares ou pléthoriques d'un territoire à l'autre.

 

Pourtant des méthodes simplificatrices élaborées par des scientifiques permettent d'évaluer à l'échelle d'un être humain, d'un territoire, d'une ville ou de l'humanité la pression totale exercée sur les ressources. Ainsi en est-il de " l'empreinte écologique ", notion apparue au moment de la conférence de Rio en 1992, affinée depuis par l'association Global Footprint Network [9]. Appliquée aux (bientôt) 7 milliards d'êtres humains, cette empreinte s'établit à près d'une planète terre et demie, traduisant le fait que la demande mondiale de l'humanité sur la nature dépasse déjà l'offre en ressources que la biosphère [10] peut assurer. L'empreinte serait même de cinq planètes terre si chaque Terrien vivait comme un Nord-Américain.

 

Ce dépassement, effectif depuis les années 70, conduit tout droit à un épuisement des ressources naturelles non renouvelables de la planète et à une accumulation accrue de déchets inexploités, car la pression sur les ressources continue inéluctablement de croître. Dans une hypothèse de continuité des tendances démographiques et de consommation actuelles, l'empreinte écologique de l'humanité s'établirait avant 2040 à deux planètes terre selon les scénarios moyens de l'Organisation des Nations Unies. Cela traduit le fait que l'être humain vit actuellement " à crédit sur son capital ressources", en empruntant à la planète des parts de ce capital sans en payer les annuités, et en laissant aux générations futures le soin de bien vouloir en assurer le remboursement.

 

Du fait qu'elle compare et consolide des données d'une extraordinaire diversité, la méthode de mesure d'empreinte écologique peut et doit certainement être débattue, voire même contestée dans sa rigueur ou sa précision ; il faut néanmoins lui reconnaître une grande force pédagogique, et une capacité à enrichir utilement le débat scientifique international sur la question des ressources.

 

Le dépassement évoqué précédemment peut s'observer avec la plupart des matières premières les plus couramment utilisées. Si on prend l'exemple du plus courant des métaux, l'acier, dont la production a été multipliée par 30 au cours du XXème siècle, une étude de référence prévoit l'épuisement du minerai de fer en 2042. [11] La même étude prévoit l'épuisement avant 2030 de métaux tels que le chrome, l'étain, le zinc, l'argent et le plomb.

 

Le pétrole, ressource devenue cruciale au XXème siècle, emblème d'une précarité commune à tous les gisements finis de matériaux non renouvelables, est l'invité récurrent du débat public après les chocs pétroliers successifs de 1973, 1979 et 2008. Sa rareté révélée au monde à travers de brutaux accroissements de son prix diffusait très largement une sourde mais profonde conscience de précarité et d'épuisement prochain du gisement, relayée par les théories du " peak-oil " [12].

 

Toutes ces observations rendent compte du " changement de braquet " à partir du XXème siècle de l'accroissement - surtout concentré dans les pays développés- de la pression sur les ressources de la planète, laissant prévoir à l'échéance de quelques générations tout au plus un épuisement pur et simple des gisements de matériaux non renouvelables tels que les minerais pour les métaux communs, le pétrole ou le gaz. [13]

Le pari du " découplage " entre croissance et consommation des ressources

 

Bien que le caractère intenable des trajectoires de croissance du point de vue de la ressource ne fasse plus guère de doute, les réflexions des grands ensembles économiques régionaux (UE, USA, Chine) peinent à se structurer. Parmi ces acteurs, l'Union européenne apparaît en pointe dans la réflexion stratégique, qui s'est matérialisée par la publication de plusieurs communications : 

 

- la communication sur " les marchés des produits de base et les matières premières " [14] prévoit une série de mesures pour sécuriser l'accès de l'Union européenne aux matières premières, et dresse une liste de 14 matières premières critiques [15] dont la pénurie impacterait grandement l'économie européenne, et dont le risque d'approvisionnement provient du fait que leur production est concentrée majoritairement dans un tout petit nombre de pays hors de l'Union européenne.

 

- la communication pour " une Europe efficace dans l'utilisation des ressources " [16], une des initiatives phares de la stratégie Europe 2020, prévoit dans son chapitre 4 un cadre d'actions visant à assurer un " découplage entre, d'une part, la croissance économique et, d'autre part, la consommation de ressources et ses retombées sur l'environnement ", et à " se doter d'une économie à faible émission de carbone en 2050".

 

- la communication pour " une consommation et une production durable " [17] propose un plan d'action utilisant plusieurs outils pour " créer plus de valeur avec moins de ressources " : règles d'éco-conception des produits, étiquetage énergétique, politique de marchés publics " verts " d'éco-innovation etc.

 

- la communication " stratégie thématique pour une utilisation durable des ressources naturelles " [18] fixait dès 2003 comme objectif de " réduire les impacts environnementaux négatifs engendrés par l'utilisation des ressources tout en restant dans une économie en expansion ".

 

Le découplage prôné par l'Union européenne serait déjà en partie observable en son sein depuis quelques années [19]. Un tel phénomène, s'il devait se confirmer sur la durée, serait évidemment très encourageant et pourrait donner à l'Union européenne une avance en matière d'utilisation efficace des ressources et, en conséquence, en matière de compétitivité. En l'absence d'un recul suffisant, il convient néanmoins d'être prudent quant aux phénomènes réellement observés, en s'efforçant d'y faire la part des véritables réussites des politiques d'utilisation efficace des ressources, et des baisses conjoncturelles de production.

 

Il faut aussi et surtout veiller à la cohérence des différentes stratégies entre elles et des objectifs qu'elles se donnent. Des injonctions trop contrastées risquent de paralyser les acteurs économiques ; pour ne prendre que l'exemple du recyclage, on perçoit aisément une tension entre l'objectif souhaité d'une économie circulaire ou " société du recyclage ", dont le déchet constitue la ressource, et celui d'une économie privée de cette ressource par une politique de réduction à la source.

 

Quoi qu'il en soit des difficultés de mise en cohérence des différentes stratégies, le pari du découplage que fait l'Union européenne apparaît comme un objectif majeur, lisible et extraordinairement ambitieux. Il permet de sortir par le haut d'un dilemme dont les deux voies sont également inacceptables : une économie en décroissance qui appauvrirait les individus, ou à l'opposé  une économie qui continuerait sans changement sa route vers des pénuries prévisibles.

Comment faire de ce pari un succès ? Vers une plus grande efficacité dans l'utilisation des ressources

 

La première priorité est d'accroître l'efficacité d'utilisation des ressources. Cela passe d'abord par une gestion plus économe de l'énergie à l'échelon des villes et des territoires. Le développement de réseaux de chaleur et de froid est une piste prometteuse pour la promotion d'une énergie sobre en carbone.

 

- Il s'appuie d'une part sur la possibilité de développer la cogénération [20] ; à titre d'exemple, le bilan carbone de la ville de Poznań (Pologne) montre que la cogénération a permis à la ville d'économiser 14% de rejets de CO2   en comparaison avec une ville polonaise qui n'utiliserait pas de cogénération.

 

- D'autre part, la modernisation des réseaux de chaleur permet le recours accru aux énergies renouvelables. En Europe centrale, Veolia, avec sa filiale Dalkia, prévoit d'effacer progressivement les émissions issues de la combustion du charbon de réseaux de chaleur en Pologne (villes de Poznań et Łódź) et en Hongrie (ville de Pecs), en construisant des chaudières entièrement dédiées à la biomasse où le charbon est remplacé par des combustibles d'origine forestière et agricole.

 

La récupération d'énergie va souvent de pair avec celle de la matière extraite des déchets. Ceux-ci constituent un véritable " gisement urbain " qui, à l'échelle du monde, représentent près de quatre milliards de tonnes produites chaque année, dont à peine un milliard de tonnes est valorisé (toutes formes confondues). Les trois quarts de cette ressource gigantesque, présente sous forme de matériaux à recycler ou d'énergie (quand les déchets ont un pouvoir calorifique), sont donc inexploités. Pour pouvoir valoriser des fractions de cette ressource qui n'étaient, auparavant, pas valorisables dans des conditions techniques et économiques acceptables, Veolia a conçu et construit des centres de tri de plus en plus automatisés, comme ceux de Nantes et de Ludres en France, qui combinent des procédés mécaniques, optiques et bientôt chimiques et biologiques.

 

Les eaux usées produites par les stations d'épuration traitant les déchets des ménages et de l'industrie peuvent elles-mêmes être vues, non pas comme un déchet, mais comme une ressource. Les matières organiques qu'elles contiennent pourront-elles être converties en produits ayant une valeur, comme des bioplastiques ou du méthane ? C'est le sens de l'expérimentation menée en première mondiale par Veolia sur le site de la station de traitement de Bruxelles-Nord.

 

De manière plus générale, le cycle de l'eau peut être accéléré en cas de déséquilibre local entre l'offre et la demande d'eau [21]. Les technologies disponibles actuellement permettent la réutilisation des eaux usées, selon les usages souhaités par les autorités locales (irrigation principalement). Il est même possible de produire de l'eau potable par le recyclage des eaux usées, comme cela est le cas pour l'usine de Windhoek en Namibie, pour assurer sa sécurité d'approvisionnement. Quant à la mer, elle constitue une ressource en eau potentiellement inépuisable, dans la mesure où les progrès technologiques permettent de limiter la consommation d'énergie et les rejets excessifs de saumure des usines de dessalement ; celles-ci peuvent alors alimenter en eau potable, comme c'est le cas à Ashkelon en Israël, des agglomérations côtières en zones arides.

 

Au bout du compte si la gestion efficiente de l'eau, ressource renouvelable, doit toujours se concentrer en premier lieu sur les eaux de surface et les eaux souterraines, par la lutte contre le gaspillage et le bon entretien des réseaux, les voies du dessalement et du recyclage des eaux usées illustrent les perspectives nouvelles de l'économie verte.

 

L'urbanisation et la densification des agglomérations suscitent des tensions sur plusieurs ressources, à commencer par l'espace. La réduction de l'empreinte environnementale des villes passe notamment par une bonne gestion de la mobilité. Il importe, à chaque fois que c'est possible, de favoriser le transport collectif ou mutualisé - en partage ou à la demande- au lieu du transport individuel ; l'exemple du réseau intermodal du Limbourg aux Pays-Bas illustre le passage d'une situation où les voyageurs faisaient face à un agrégat complexe de réseaux de transport (train en concurrence avec des lignes de bus et compagnies de taxis) à une organisation totalement intégrée, avec un gestionnaire unique pour l'ensemble du système de transport, où tout est conçu pour simplifier leur parcours.

 

En définitive, les collectivités doivent veiller à ce que la bonne gestion d'une de leurs ressources ne se fasse pas au détriment d'une autre mais, au contraire, puisse profiter à une autre quand c'est possible. Ainsi, par exemple, bien collecter et bien traiter le " gisement urbain " des déchets sur un territoire, notamment les déchets dangereux, est souvent une condition pour ne pas contaminer la nappe du bassin versant et garantir la qualité de la ressource en eau.

La nécessité de nouveaux modèles économiques

 

Le succès du découplage prôné par l'Union européenne entre la croissance économique et la consommation de ressources exige également de concevoir de nouveaux modèles économiques, qui devront inciter à des comportements vertueux. A l'échelle du continent, l'Union européenne a mis en place un instrument novateur pour lutter contre le changement climatique avec le système ETS des quotas d'émission de gaz à effet de serre. Demain ce système sera peut-être complété par une taxe carbone [22].

 

Mais c'est surtout pour les services publics locaux que les nouveaux modèles restent à construire. Plusieurs pistes se dessinent, notamment :

 

- Instaurer une rémunération basée sur les performances, donc partiellement déconnectée des volumes vendus. Dans un tel schéma, pour accroître ses revenus, il ne sert à rien à l'opérateur de vendre davantage de kWh ou de m3 d'eau, mais de parvenir aux objectifs fixés.

 

- Une autre solution, qui prolonge la précédente, consiste à passer d'une économie de volumes à une économie de " non volumes ", avec une rémunération basée sur les ressources économisées.

 

- Une troisième solution vise à dissocier les volumes vendus des volumes prélevés dans la nature, en recyclant les eaux usées et les " matières usées " que sont les déchets solides.

 

Nous le constatons chaque jour, mettre en place de nouveaux modèles économiques ne va pas sans peine. Nous devons " faire plus avec moins ". Mais comment rendre la production plus sobre en utilisation de ressources naturelles si le consommateur, séduit par des modes passagères, se sent incité à les gaspiller ? Pour que des services du développement durable se diffusent, il ne suffira pas de les imaginer, encore faudra-t-il que clients et législateurs les acceptent. Ainsi, la validation des nouveaux modèles et leur cohérence avec l'ambition de réduction de l'empreinte environnementale passeront-elles par l'impulsion et l'accord des collectivités locales, qui demeurent les autorités organisatrices du service et en fixent les tarifs.

 

Il faudra faire preuve d'imagination et d'innovation ; sans elles nous n'échapperons pas au dilemme entre " croissance dans la pollution et épuisement des ressources " et " protection de l'environnement et des ressources dans la stagnation ". Pour désintoxiquer l'économie, droguée au carbone et à la surconsommation, la seule ressource inépuisable à convoquer sans relâche est notre créativité ; l'économie verte sera une économie de l'innovation ou ne sera pas.

ANNEXE - Qui parle de croissance ou d'économie verte ?

Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) a publié en 2011 un rapport très documenté sur l'économie verte, qui ambitionne d'alimenter les débats préparatoires au sommet Rio+20. Les deux thèmes phares de ce sommet, qui se tiendra en juillet 2012 à Rio de Janeiro, sont l'économie verte et la gouvernance du développement durable. Le rapport du PNUE conclut notamment que la réaffectation, en faveur d'" investissements verts " dans dix secteurs clés [23], de 2% du PIB mondial, soit moins de 10% des investissements mondiaux, permettrait d'impulser la transition vers une économie à faible émission de carbone à la fois plus prospère et plus respectueuse de l'environnement.

 

L'OCDE a publié en mai 2010 un rapport de " stratégie pour une croissance verte " dans lequel celle-ci apparaît comme un moyen de poursuivre la croissance tout en prévenant la dégradation de l'environnement, l'appauvrissement de la biodiversité et l'exploitation non viable des ressources. Ce rapport contient des recommandations techniques, telles que la mise en place de signaux ou instruments de marché pour faire payer la pollution, ou la mise en place de nouveaux indicateurs.

 

L'Union européenne a lancé en 2010 sa stratégie "Europe 2020" qui affiche l'ambition de promouvoir une économie "plus efficace dans l'utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive" s'appuyant notamment sur les technologies vertes et les technologies de l'information et de la communication ; l'accent y est mis sur la lutte contre le changement climatique et les questions énergétiques. 

 

En France, le programme d'investissements d'avenir décidé en 2010 pour venir en soutien du programme d'actions du Grenelle de l'Environnement a prévu de consacrer plusieurs milliards d'euros aux " filières vertes d'avenir ", qui vont des biocarburants aux bâtiments efficaces en énergie et aux réseaux intelligents (smart grids), en passant par la chimie verte et les véhicules du futur.

 

Aux Etats-Unis, le débat sur l'économie verte s'est centré sur la question énergétique, la trop forte addiction du pays aux énergies fossiles et le souci de recouvrer une plus forte indépendance énergétique.

 

En Chine, l'étendue visible des dommages infligés à l'environnement par une croissance sans équivalent dans l'histoire humaine a amené certains observateurs à exprimer l'hypothèse que le coût de ces dommages annule une part significative, voire pour certains l'ensemble [24] des bénéfices de la croissance [25]. Les autorités chinoises, confrontées au besoin d'augmenter sensiblement la capacité de production énergétique du pays, ont lancé de très importants programmes d'investissement dans les énergies renouvelables : la Chine a accédé au premier rang mondial dans l'éolien, tant en exploitation qu'en fabrication d'équipements [26].


[1] "Les vices de l'humanité sont les ferments actifs et compétents du dépeuplement. Ils sont l'avant-garde de la grande armée de la destruction, et achèvent souvent eux-mêmes le terrible ouvrage. Même s'ils devaient échouer dans cette guerre d'extermination, alors les maladies, les épidémies, pestes et pestilences avanceront en rangs serrés, et balayeront les hommes par milliers et dizaines de milliers. Si le succès s'avérait encore incomplet, une inévitable et gigantesques famine rôdant à l'arrière viendrait, d'un même coup puissant, faucher la population et la nourriture du monde" - Thomas Malthus, 1798. Traduit de "An essay on the principle of population. Chapitre VII, page 61".
[2] Voir le chapitre "La fausse question de la surpopulation" dans l'Atlas des Futurs du Monde, de Virginie Raysson, pages 124-125.
[3] In rapport PNUE, " Vers une économie verte, vers un développement durable et une éradication de la pauvreté, synthèse à l'intention des décideurs " rendu public le 21 février 2011, page 1.
[4] In Rapport PNUE, page 16, "What is a green economy ?".
[5] Exemples : Différents scénarios du GIEC prévoyant un réchauffement mondial de 1,8 à 4°C en 2100, " Scénario 450 " de l'Agence Internationale de l'Energie, où la concentration d'équivalent CO2 dans l'atmosphère est limitée à 450 ppm, afin de maintenir le réchauffement sous la barre des 2°C.
[6] "Comparative analysis of local greenhouse gas inventory tools", Nikolas Bader, Raimund Bleischwitz - Collège d'Europe - Avril 2009 - http://www.institut.veolia.org/ive/ressources/documents/2/491,Final-report-Comparative-Analysis-of.pdf
[7] La notion de " ressource naturelle " a d'abord désigné les matières premières (minéraux, métaux) et la biomasse (bois, animaux, végétaux) utiles à l'homme, puis les différentes formes d'énergie utiles notamment pour l'agriculture (les chevaux, les moulins), et plus tard pour l'industrie et le transport (carburants fossiles). Renouvelables ou non, les ressources ont toujours formé la base des besoins humains, des plus essentiels (l'eau, la nourriture, les sources d'énergie pour se prémunir du froid) aux plus complexes, ceux acquis par les usages sociaux, culturels, de reconnaissance ou de prestige (les téléphones portables, les écrans plats, dont la fabrication nécessite de nombreux métaux). En pointant la dégradation de l'environnement et les risques de pénurie, le développement durable a élargi la notion de ressource naturelle à celles indispensables non seulement à l'homme mais aussi à tous les écosystèmes qui rendent des services écologiques utiles voire irremplaçables : les forêts, les terres arables nécessaires pour produire la nourriture, les réserves halieutiques des océans et des rivières, les habitats naturels, la bio-diversité.
[8] Définitions traduites de l'US Geological Survey (USGS 2010) - Ressource : gisement de matériau présent dans ou sur la croûte terrestre, sous une forme et en quantité qui en rendent l'extraction réalisable dans les conditions économiques du moment ou dans le futur. - Réserve : partie des ressources identifiées qui pourrait être extraite ou produite dans les conditions économiques du moment.
[9] L'empreinte écologique mesure (en hectares) les surfaces de terre productive et d'écosystèmes aquatiques nécessaires pour produire les ressources consommées et absorber les déchets produits, en utilisant les technologies du moment.
[10] Ensemble des parties de la terre où se trouvent les êtres vivants.
[11] USDI/USGS Mineral Commodities Summary 2010, cité dans l'Atlas des Futurs du Monde de Virginie Raisson.
[12] Moment où la moitié des réserves mondiales de pétrole d'origine ont été utilisées et où la production entame une période de déclin terminal caractérisée par la flambée des prix et des perturbations d'approvisionnement.
[13] Le Club de Rome s'était fait mondialement connaître en publiant en 1972 son rapport, au titre austère " the limits to growth " mal traduit en français par " halte à la croissance ? " : des chercheurs du MIT y remettaient en cause les vertus de la croissance dans les conditions où elle s'accomplissait à l'époque, au nom d'une prise de conscience de la précarité de l'accès aux sources d'énergie et des conséquences du développement industriel sur l'environnement.
[14] Communication 2011/25 du 2 février 2011
[15] Antimoine, beryllium, cobalt, fluorspar, gallium, germanium, graphite, indium, magnesium, niobium, platinoïdes, terres rares, tantale, tungstène
[16] Communication 2011/212 du 26 janvier 2011
[17] Communication 2008/397 du 16 juillet 2008
[18] Communication 2003/572 du 1er octobre 2003
[19] Communication 2008/397 du 16 juillet 2008, paragraphe 3.1 : " Dans l'UE la productivité des ressources s'est accrue de 2,2% par an au cours des dix dernières années. Cela signifie que l'UE a été capable de stabiliser l'utilisation des ressources dans une économie en croissance, principalement grâce à des gains d'efficacité dans la production, mais aussi au rôle accru des services dans l'économie. "
[20] Production simultanée d'électricité et de chaleur, permettant une amélioration sensible du rendement énergétique par rapport à la production d'électricité ou chaleur seule.
[21] Article " L'Union européenne face au défi de la rareté de l'eau " - Antoine Frérot - Fondation Robert Schuman - " Questions d'Europe N°126 ", 2 février 2009
[22] Les formes les plus couramment envisagées de " taxe carbone " sont le Mécanisme d'Inclusion Carbone (MIC) ou " taxe carbone à la frontière " rendue possible par la législation de l'Union européenne sur le système européen ETS d'échange de quotas, et la taxation des produits énergétiques et de l'électricité.
[23] Agriculture, bâtiment, offre énergétique, pêche, foresterie, industrie (dont efficacité énergétique), tourisme, transport, gestion des déchets, eau.
[24] Pan Yue, vice-directeur de l'Agence Chinoise pour la Protection de l'Environnement, 2007.
[25] La Banque Mondiale elle-même a estimé ces coûts dans un récent rapport à près de 6% du PIB du pays tous les ans.
[26] Trois premiers investisseurs mondiaux dans les " énergies propres " en 2010 (hors nucléaire) (en milliards de $ US) : Chine (54,4), Allemagne (41,2), USA (34,0)

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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