Election présidentielle en Autriche, 24 avril 2010

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Fondation Robert Schuman

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29 mars 2010
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Les Autrichiens sont appelés aux urnes le 24 avril prochain pour élire leur Président de la République.

Heinz Fischer, Chef de l'Etat sortant, a annoncé le 23 novembre dernier qu'il briguait un 2e mandat. Il a indiqué avoir fait ce choix après y avoir été "encouragé par de nombreuses personnes de convictions politiques différentes". Le jour du scrutin présidentiel, les électeurs des Länder du Burgenland et de Styrie, ainsi que la capitale Vienne désigneront également leurs représentants régionaux.

La fonction présidentielle

La Présidence de la République autrichienne est un poste essentiellement honorifique. Le Chef de l'Etat désigne – à partir des résultats des élections législatives – le Premier ministre et nomme l'ensemble de son gouvernement. Il dispose du pouvoir de destituer le gouvernement fédéral ainsi que le Conseil national (Nationalrat), Chambre basse du Parlement (à la demande du gouvernement), des pouvoirs dont aucun Chef de l'Etat n'a toutefois jamais fait usage. En 1959, le Président Adolf Schärf (Parti social-démocrate, SPÖ) avait refusé de nommer un gouvernement de coalition qui réunissait des conservateurs du Parti populaire (ÖVP) et des membres de l'Association des indépendants (VdU), formation d'extrême droite composée, entre autres, d'anciens membres du Parti nazi. Adolf Schärf avait fini par donner son aval à un gouvernement de coalition, rassemblant conservateurs et sociaux-démocrates.

Commandant en chef des armées, le Chef de l'Etat autrichien est élu pour 6 ans et son mandat n'est renouvelable qu'une seule fois. Tout candidat à la fonction présidentielle doit être âgé d'au moins 35 ans et recueillir un minimum de 6000 signatures d'électeurs ou encore obtenir le soutien d'au moins 5 membres du Conseil national. Tout candidat recueillant plus de la moitié des votes est élu au 1er tour. Un 2e tour est organisé si aucun candidat ne parvient à ce résultat. Dans ce cas, un nouveau candidat peut venir remplacer l'un de ceux du 1er tour.

Un référendum est organisé si un seul candidat se présente au scrutin présidentiel. Cette mesure a été instituée en 1982 afin d'éviter qu'un Chef de l'Etat puisse être élu sans avoir à mener de véritable campagne électorale.

Le vote est obligatoire dans 4 des 9 Länder: Tyrol, Carinthie, Styrie et Vorarlberg.

3 personnalités sont officiellement candidates à la fonction présidentielle :

- Heinz Fischer, 61 ans, Chef de l'Etat sortant qui a succédé à Thomas Klestil le 25 avril 2004 à la magistrature suprême en recueillant 52,41% des suffrages (pour 47,49% à sa rivale de l'ÖVP, Benita Ferrero-Waldner). Le Président sortant est un ancien membre du SPÖ et ancien vice-président du Parlement ;

- Barbara Rosenkranz, 51 ans, candidate du Parti libéral (FPÖ) et leader régional de ce parti en Basse-Autriche ;

- Rudolf Gehring, 52 ans, leader des Chrétiens (CPÖ), formation conservatrice (non représentée au Parlement) et qui a fait de l'opposition à l'avortement le cœur de son combat.

La campagne électorale

Fait exceptionnel de ce scrutin, le principal parti d'opposition, le Parti populaire (ÖVP), ne présente pas de candidat, une première depuis 1945. Erwin Pröll, gouverneur du Land de Basse-Autriche depuis 1992 et détenteur du plus long mandat à la tête d'un Land depuis 1945, a été considéré comme le candidat potentiel avant de déclarer qu'il renonçait à briguer la tête de l'Etat. Erwin Pröll est le neveu de l'actuel vice-Chancelier et président de l'ÖVP, Josef Pröll, un lien familial qui rendait sa candidature difficilement envisageable. L'ÖVP a en outre décidé de ne soutenir aucun des 3 candidats en lice.

Du côté des Verts, le président Alexander van der Bellen, avait indiqué en janvier 2009, qu'il renoncerait à se présenter si Heinz Fischer sollicitait un 2e mandat. En février dernier, les Verts ont définitivement annoncé qu'ils ne présenteraient pas de candidat. Leur porte-parole, Eva Glawischnig- Piesczek, a souligné que le parti préférait concentrer ses forces sur les élections régionales au Burgenland, en Styrie et à Vienne

Enfin, le parti d'extrême droite, l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ), avait envisagé de soutenir la candidature à la magistrature suprême de Claudia Haider, veuve de son ancien leader Jörg Haider, décédé le 11 octobre 2008. Le parti avait invité les Verts et le FPÖ à former un comité non partisan pour soutenir leur candidate. Mais cette tentative a fait long feu et le BZÖ a renoncé à présenter un candidat.

Cette absence d'opposant au Chef de l'Etat sortant Heinz Fischer ouvre un espace à la 3e force politique du pays. Le 28 févier, le leader du FPÖ, Heinz-Christian Strache, a donc confirmé que Barbara Rosenkranz serait bien la candidate du parti à l'élection présidentielle "Nous ne laisserons pas Heinz Fischer faire campagne seul" a-t-il déclaré.

Barbara Rosenkranz, mère de 10 enfants, appartient à l'aile ultra-conservatrice du FPÖ. Son mari, Horst, édite la revue Fakten qui aime à dénoncer "les Turcs, les Tchétchènes, les Asiatiques, les Tziganes et les nègres" ou encore "les poncifs éculés des prétendus crimes de la Wehrmacht et des horreurs des camps". Elle est la seule députée autrichienne à avoir voté contre le traité de Lisbonne. Sa candidature est soutenue par Hans Dichland, eurosceptique notoire et patron du journal Kronen Zeitung, qui compte 3 millions de lecteurs quotidiens, soit 43% de la population autrichienne en âge de lire un journal (le Kronen Zeitung est le plus grand quotidien au monde rapporté à la population).

Des voix s'élèvent contre la personnalité de Barbara Rosenkranz. L'archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, a indiqué le 5 mars dernier, qu'il excluait de voter pour la candidate du FPÖ. "Une personne qui remet en cause la loi sur la "prohibition du national-socialisme" (loi qui, depuis 1947, interdit de propager l'idéologie nazi comme de soutenir ou de fonder une organisation ou un parti néo-nazi (cette loi est l'une des plus strictes d'Europe) et ne parvient pas à avoir de position claire sur l'Holocauste ne représente pas pour moi une option possible" a-t-il déclaré. Face à ces accusations, Barbara Rosenkranz a affirmé "avoir toujours défendu et n'avoir jamais remis en cause les valeurs de l'Autriche et vouloir se battre pour la liberté d'expression en Autriche". Elle a déclaré que son engagement politique était l'expression de "son amour pour sa patrie et pour la République d'Autriche, pour sa neutralité et sa liberté ". Enfin, elle a décidé de déclarer sous serment qu'elle n'avait jamais remis en cause l'existence des chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale, un geste qui lui a été recommandé par le patron du Kronen Zeitung, Hans Dichland.

Le 25 mars dernier, environ 3 000 personnes portant chacune une bougie se sont rassemblées dans le centre de Vienne à l'appel du groupe anti-Rosenkranz établi sur le réseau Facebook pour protester contre la candidature de Barbara Rosenkranz.

En l'absence de candidat de l'ÖVP, Barbara Rosenkranz pourrait cependant recueillir les suffrages des électeurs conservateurs qui ne souhaitent pas voter pour Heinz Fischer.

Etant donné le peu d'enjeu de ce scrutin dû à la large avance du président sortant Heinz Fischer dans les enquêtes d'opinion, l'élection présidentielle autrichienne mesurera avant tout les capacités de mobilisation du SPÖ et du FPÖ. Heinz Fischer, dont la cote de popularité s'établit aux alentours de 75% d'opinions positives, ne devrait pas déroger à la règle qui veut que jusqu'à ce jour en Autriche, tous les Présidents de la République en quête de réélection sont parvenus à conserver leur poste.

Source : Ministère de l'Intérieur autrichien

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