Le programme de Stockholm : compte-rendu de la conférence organisée le 12 novembre et des conclusions du Conseil

Liberté, sécurité, justice

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14 décembre 2009

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Le programme de Stockholm : compte-rendu de la conférence organisée le 12 novemb...

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Discours d'ouverture

 

 

Magnus G. GRANER, secrétaire d'Etat suédois, responsable des négociations du programme de Stockholm 

 

Ce programme est l'une des priorités de la Présidence suédoise. Les discussions sur la question de la gestion de l'information sont apparues sous la Présidence allemande en 2007. Les contributions ont été importantes sous la forme d'échanges bilatéraux entre Etats et sous la forme de contributions écrites des Etats et des sociétés civiles (environ 700 contributions). Le 16 octobre, la présidence a présenté une première mouture qui sera négociée au Comité des représentants permanents (COREPER) puis soumise au Conseil pour adoption le 10 décembre. Le Parlement européen a également joué un rôle important et productif à différents niveaux. Les ministres débattront de la résolution qui sera prise par le Parlement européen sur la Communication de la Commission du 10 juin.

La Communication de la Commission place le citoyen et sa vie de tous les jours au cœur de la problématique. C'est une approche qui a reçu le soutien de l'ensemble des Etats membres. L'Union entend garantir une pleine sécurité pour ses citoyens, une application efficace des lois pour laquelle une coopération énergique est cruciale. La question de l'application des lois concerne notamment le domaine de la gestion des informations et des possibilités de leur échange. C'est une priorité de ce programme qui ne doit cependant jamais être détachée de la question du droit, c'est-à-dire de ce que l'on nomme en anglais le " rule of law " et des droits individuels dans le cadre des procédures pénales notamment. Il est possible de concilier sécurité et liberté dans une loi efficace.

La question de l'accessibilité des informations est primordiale. Ce principe est d'ores et déjà mis en application mais les efforts doivent être poursuivis. Les procédures et les instruments actuels sont souvent incomplets et incohérents. Cela coûte du temps, les décisions ne sont souvent pas appliquées et les résultats ne sont souvent pas ceux qui sont attendus. De nombreux efforts doivent être poursuivis. Les Etats doivent dans un premier temps discuter et décider comment et jusqu'où ils souhaitent accroître la coopération dans le domaine de la sécurité intérieure afin de déterminer ce qu'il est possible de faire. Dans un second temps, il est primordial de savoir où nous en sommes afin d'identifier la distance entre la situation actuelle et les objectifs que nous souhaitons atteindre. Dans un troisième temps, il faut développer les outils technologiques et des méthodes standardisées utiles. C'est une question de cohérence. La présidence suédoise a proposé une stratégie de développement. De quelles informations s'agit-il ? Quelles personnes sont concernées ? Qui en bénéficiera ? A quel moment ? Le renforcement ou la création d'une nouvelle agence de management de l'information serait utile à bien des égards. Elle permettra notamment de déterminer les solutions techniques qui doivent être prises. Enfin, les citoyens attendent que l'on protège leur intégrité. Il ne faut pas arbitrer entre sécurité et intégrité du citoyen, ces deux principes sont conciliables.

 

 

1ère table ronde : "Une stratégie de gestion de l'information pour la protection des citoyens"

 

 

Jan Philip ALBRECHT, député européen

 

 

La question du programme de Stockholm est une question importante dont les opinions publiques internes ne sont pas encore assez saisies. La question de la gestion des données et de leur utilisation est une question controversée. Il n'y a pas eu de réel débat sur la problématique de la protection des données. On discute souvent de comment construire une base de données et de comment former un personnel adéquat tandis que la question de la protection des données est trop rarement abordée. On confond par ailleurs trop souvent la question de la sécurité des données avec celle de la protection des données. En outre, les citoyens veulent savoir ce que l'on fait des informations obtenues. Il s'agit là de la question de la transparence. Il serait nécessaire d'orienter les discussions sur deux points, l'évaluation des outils déjà en possession afin par la suite de déterminer les changements qui doivent être faits.

Peter HUSTINX, Contrôleur européen de la protection des données

 

 

La ratification du traité de Lisbonne va permettre de renforcer les droits fondamentaux dans le domaine de la gestion des données personnelles. Il est important de comprendre que la protection des données est un élément de la gestion de l'information. Le juste compromis entre la nécessaire protection des données et la non moins nécessaire collecte de ces informations dans un but sécuritaire doit être trouvé. Le droit doit pouvoir limiter cette collecte si ces informations ne sont pas nécessaires (" Sélectionner avant de collecter "). Le but de la collecte ne doit pas résider dans la constitution d'une base de données dans la seule éventualité de s'en servir dans le futur. Avant de collecter les informations, il faut définir ce que l'on veut faire. Le principe " sectionner avant de collecter " est donc également très utile au travail de police. En limitant le nombre d'informations, en se concentrant sur la collecte de l'information nécessaire, on assure également la qualité de l'information. Collecter les informations requière a contrario une grande transparence et une grande sécurité dans l'accès de ces informations. Par ailleurs, une supervision extérieure doit permettre de garantir un respect accru des droits fondamentaux mais elle ne doit pas pour autant remplacer les organismes responsables. Une architecture et une procédure légale appropriées doivent être pensées. Ce domaine nécessite par-dessus tout un cadre règlementaire robuste, complet et compréhensif identifiant les besoins et les conséquences de la gestion de l'information.

 

 

Jérôme DEROULEZ, conseiller Justice à la représentation permanente de la France auprès de l'UE

 

 

Les citoyens attendent de l'EUrope qu'elle les protège mais aussi qu'elle leur confère des avantages tels que la libre circulation. La question de la protection des données est donc centrale. Le programme de Stockholm devra rendre les politiques communautaires plus visibles, plus concrètes et plus protectrices tout en faisant sienne la culture de l'évaluation. L'objectif principal porté par la France en matière de protection des données est d'accroître et améliorer les échanges d'information en mettant en œuvre un modèle européen de protection des données accompagné d'instruments de coopération judiciaire et policière présentant des garanties fortes. Il faut porter une réflexion sur la nature des données à partager de façon prioritaire ou non, également sur la finalité de ces échanges et les contrôles qui doivent être mis en place. Il ne s'agit cependant pas de réinventer mais bien de moderniser les outils existants (Système d'information Schengen). En outre, c'est l'occasion pour l'Union européenne de développer un standard de gestion et de protection des données et d'influer dans ce domaine au-delà de ses propres frontières. La disparition de la structure en pilier grâce à l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne va générer une nouvelle réflexion sur les modalités de contrôle de la protection des données et de développer un instrument-cadre plus général, prenant en compte les exigences de la coopération judiciaire et policière. La réflexion doit également se situer dans un cadre plus large entre l'Union et les Etats tiers. Sur la question des droits fondamentaux, il faut trouver un équilibre entre sécurité et protection des droits. Cette préoccupation, politique, a largement évolué. On assiste en effet à une véritable prise de conscience. Cet arbitrage est délicat, la protection des données, la réglementation de leur accès, les régimes de responsabilité uniformes et la question du recours (accès et rectifications) sont des questions décisives.

 

 

Franck CROKET, Information Management Systems Lead, Accenture

 

 

 L'échange d'information est un sujet vaste qui aborde tant des questions technologiques qu'organisationnelles, de structure, de gestion ou encore de qualité et de nature des données. Tous ces éléments doivent être pris en considération. Sur le marché belge, lors de la libéralisation des secteurs du gaz et de l'électricité en 2003, les acteurs ont du collaborer et échanger des informations. Cela fut un grand succès. Les raisons de ce succès sont premièrement que les règles du jeu ont été définies antérieurement par le régulateur. Deuxièmement, un vocabulaire commun a été imaginé ce qui a permis d'assurer une certaine qualité de l'information. Enfin, l'échange d'information est un moyen de prendre de meilleures décisions. Il faut donc prévoir un objectif clair et concret à la collecte et l'échange d'informations, ce qui permet de bâtir des structures claires et efficaces.

 

 

Fredrik NYGREN, Président du groupe de travail sur l'échange d'information, Présidence suédoise de l'UE

 

 

 Le principe de disponibilité de l'information est au cœur du débat. Ce principe parait simple. Il signifie en principe que les informations sont disponibles au bon moment, au bon endroit, pour la personne adéquate. Or les difficultés pratiques sont encore nombreuses car aucune architecture règlementaire ou technologique n'a été pensée. L'obtention et l'échange d'information nécessite donc trop de manipulations, ce qui accroît le nombre d'erreurs possibles. Le système de gestion des données se doit d'être plus rentable et plus efficace. Il faut donc penser des objectifs clairs qui donneront à la loi tout son sens. La recherche de sens doit également se situer au niveau du vocabulaire, des processus de travail ou encore au niveau de la prise de décision. Les Etats et leurs législations internes sont les acteurs clefs de l'échange d'information. Les bonnes décisions doivent être prises au bon niveau, les compétences doivent être distribuées au mieux. Il est notamment possible d'utiliser le processus de décision communautaire de meilleure façon que cela n'a été fait jusqu'à présent. Enfin on doit avoir recours à une approche " multidisciplinaire " afin d'atteindre les objectifs définis et d'assurer l'application de la législation existante. Les négociations dans le domaine de la gestion de l'information n'ont pas été très difficiles. Seul un problème est apparu, celui de l'étendue de l'application de cette stratégie.

 

 

Jean-Louis DEBROUWER, Directeur, DG JLS, Commission européenne

 

 

La Communication de la Commission européenne du 10 juin 2009 a proposé d'établir une stratégie de sécurité intérieure, dite stratégie des " 3 x 3 ". Elle est basée sur la mobilisation et mise en cohérence des ressources humaines, technologiques et de l'information. Elle suppose le renforcement et la création de synergie entre trois politiques : la coopération policière, judiciaire en matière pénale et le contrôle de l'accès au territoire, et destinée à lutter contre le crime organisé, le terrorisme et les catastrophes naturelles et humaines. Le traité de Lisbonne abolit la distinction en pilier qui paralysait les progrès en ce domaine et renforce le contrôle démocratique et juridictionnel. Le moment est donc propice. Le modèle européen d'information est basé sur deux types d'informations. L'information " douce " (stratégique), et l'information opérationnelle (échange de données personnelles à des fins de sécurité intérieure). Il s'agira de savoir de quelles informations nous avons besoin, à quelles fins, pour qui et par qui elles seront collectées. Selon la Commission, les grands systèmes de collecte d'informations sont liés aux phénomènes de mobilité des individus. La gestion des données ne peut donc être limitée à la question criminelle. La dimension civile doit également être prise en compte dans le modèle européen d'information. En outre, ce modèle européen dépasse l'architecture traditionnelle d'information. Les grands systèmes d'information sont des outils, des véhicules de la collecte d'informations. Une architecture est nécessaire, indispensable notamment en matière de contrôle démocratique. On dépasse ainsi la question de l'interopérabilité des techniques. Il faut aller plus loin que la simple agence de gestion. Il faut définir l'objectif de ce modèle européen, le Parlement européen le demande depuis longtemps. Enfin, la protection des données devra faire partie intégrante de la question de la gestion des données. C'est une question qui n'est pas, en soi, directement liée au progrès technologique.

 

 

2ème table ronde : "La gestion intégrée des frontières"

 

 

Jackie DAVIS, journaliste

 

Les données personnelles sont souvent collectées au moment du déplacement transfrontalier des individus. La stratégie européenne de gestion des frontières est effectivement un élément clef du système européen d'information dans un monde de mobilité. La Communication de la Commission européenne de février 2008 relative aux outils nécessaires à une telle stratégie rappelait l'importance de prendre en compte les possibilités offertes par les nouvelles technologies tout en demeurant cohérent, en s'inscrivant dans le respect du droit de façon proportionnée.

 

Hendrik NIELSEN, Chef d'unité "Gestion des frontières et politique de retour" DG JLS, Commission européenne

 

La gestion des frontières ne consiste pas seulement à collecter et partager des données personnelles. C'est bien plus que cela. La plus grande réalisation de la stratégie de gestion des frontières est avant tout une législation commune, le code frontière Schengen, qui détermine la nature des contrôles aux frontières extérieures de l'Union. Cette législation doit être appliquée de façon uniforme afin d'assurer un passage rapide des frontières par les personnes en conformité avec ce droit et d'assurer a contrario une imperméabilité pour les autres dans le respect des droits fondamentaux. FRONTEX est un outil important de cette stratégie en termes de coopération politique et financière entre les Etats membres. Ces outils sont nécessaires à la réalisation d'un marché et de politiques communes.

La gestion des frontières ne concerne pas seulement ce qui se passe physiquement autour des frontières, cela concerne également la question des relations consulaires et la coopération avec les Etats tiers. Il faut donc prendre en compte la variable temporelle dans nos besoins. Il ne s'agit pas seulement de savoir quelle information est pertinente mais d'obtenir cette information au bon moment. Le fait que nous vivions dans un espace de liberté (Schengen) doit être pris en compte dans la conception de cette stratégie. Un ressortissant d'un Etat tiers peut entrer ou ressortir de ce grand espace par une seule frontière de son choix et y circuler librement pendant 3 mois. Cela pose la question de savoir de quelle information nous avons besoin mais aussi de quelle information nous avons besoin de partager entre Etats membres. Enfin la coopération  " inter-agence " est un outil important dont l'Union doit se saisir.

Les outils d'échanges d'informations sont nombreux. Au sein des consulats et des ambassades, par le système d'information Schengen, et au moyen des visas avant le passage de la frontière. Enfin, il est nécessaire de remplacer définitivement le système de tampon par un système électronique de passeport qui permettrait une collecte automatique de l'information. Les nouvelles technologies doivent permettre de faciliter la circulation aux frontières, de la fluidifier, de l'accélérer notamment pour les voyageurs étrangers qui se rendent fréquemment dans l'Union. Ceux-ci sont à même de participer plus volontairement à un système de collecte d'information automatique. Accélérer le franchissement des frontières est un choix politique. Enfin, il ne faut pas négliger que la mise en place de tels outils peut trouver écho dans la lutte contre la criminalité et toutes sortes de trafic. Ces phénomènes nécessitent une plus large coopération.

 

Ger DALY, Directeur général, Gestion des frontières et sécurité publique, Accenture

 

 

L'ampleur des mouvements de voyageurs rend inappropriés les outils et les méthodes de contrôle aux frontières. L'Union européenne est à la croisée des chemins. Mais la question n'est pas simple. Les agences, systèmes et informations se sont multipliés selon les besoins démontrant combien la question du système de gestion des frontières et de collecte de l'information est une question complexe. La réponse ne doit pas être trop rapide. Le programme de Stockholm est une incroyable opportunité de reconsidérer l'organisation et l'architecture des systèmes d'information.

Un mode de communication approprié doit être pensé. Un schéma organisationnel, une structure des données de base, doit être transmis au public sous la forme d'une brochure simple et succincte afin de garantir l'intelligibilité d'un système aussi complexe. Celle-ci devra être conçue par le Parlement européen car c'est l'institution qui représente le peuple.

Par ailleurs il y a beaucoup de parties prenantes (citoyens, Etats, société civile, institutions communautaires) et personne ne représente la " majorité silencieuse ". Il est important de développer un mécanisme de participation au niveau européen. Les Etats tiers, au premier titre desquels on compte les Etats-Unis sont également concernés par ce système d'information. Celui-ci dépasse les simples frontières de l'Union.

Le plus grand challenge est celui du changement (démographique, technologique, financier). Il faudra répondre au souci de construire une organisation solide et évolutif dans un monde qui n'est pas immuable tout en restant fidèle aux objectifs et valeurs qui auront été décidées.

En outre, l'inefficacité ou les faiblesses des outils et systèmes actuels sont principalement la conséquence d'une mauvaise adéquation des méthodes de management et de formation avec les technologies. Il faut trouver un équilibre entre les dépenses en technologie et les dépenses concernant l'apprentissage et la bonne utilisation de celles-ci.

Enfin, il est primordial de combler le fossé entre la prise de décision centralisée à Bruxelles et la mise en œuvre du système de gestion de l'information qui demeure réalisé au niveau des Etats.

 

 

Ilkka LAITINEN, Directeur Exécutif, FRONTEX

 

 

En supprimant la structure en pilier des politiques européennes, le traité de Lisbonne est synonyme de changement en termes de sécurité des frontières. Il est désormais possible de concevoir une approche horizontale en utilisant le contrôle aux frontières comme instruments adéquat de divers objectifs.

Le contrôle aux frontières a trois conséquences principales. Il facilite le franchissement des frontières des hommes, des biens et des activités. Mais a contrario il empêche la réalisation de crimes transfrontières. Enfin, il assure le respect des droits de l'Homme et assure la protection personnelle des individus.

Dans la conception de ce contrôle aux frontières nous devons prendre en considération quatre objectifs. Il n'est pas possible d'assurer la sécurité aux frontières sans ce contrôle qui permet la prise de conscience, la sensibilisation de la situation aux frontières. Une fois que l'on connaît la situation, ce contrôle doit permettre de répondre efficacement à cette situation. Ce contrôle doit donc également permettre de collecter l'information. Enfin, ce contrôle (ainsi que l'administration qui y procède) doit être soumis à une régulation efficace.

Pour ces raisons, FRONTEX doit pouvoir utiliser tous les outils qui existent et agir en coopération avec toutes les autres agences et  systèmes d'information, tel qu'Europol.

Enfin, nous semblons bien armés pour connaître des dangers qui sont à nos frontières. Toutefois il demeure des dangers qui peuvent provenir des Etats membres eux-mêmes. Par conséquent, le débat doit donc d'abord porter sur nos besoins et non pas seulement sur le seul contrôle aux frontières.  

 

 

Jean-Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman

 

Le domaine du programme de Stockholm concerne principalement des compétences nationales. Les méthodes de coopération et de reconnaissance mutuelle sont par conséquent naturellement privilégiées. La tache est donc très complexe car elle repose avant toutes choses sur la volonté politique des Etats membres. José Manuel Barroso a notamment regretté que les Etats membres n'aient pas encore suffisamment intégré le " réflexe FRONTEX ". Il ne s'agit pas seulement de rechercher une solidarité entre les Etats membres, mais également de faire les efforts nécessaires afin de rechercher la mise en place d'un droit harmonisé, sinon commun. La diversité d'avancement des législations internes relatives à la protection des données est notamment un obstacle à réduire. Par ailleurs, le traité de Lisbonne replace la construction communautaire en marche avec le citoyen en son cœur, par l'intermédiaire du Parlement européen. Cet élément ne doit pas être négligé. Les députés européens auront très souvent leur mot à dire. Cette politisation complique la mise au point définitive des politiques envisagées mais elle permettra l'émergence de grands et longs débats sur des sujets sensibles et concrets, ce qui permettra d'aborder le programme de Stockholm de façon très complète.

 

 

Jacques Barrot, Vice-président de la Commission européenne en charge de l'espace de liberté, de sécurité et de justice

 

 

Le traité de Lisbonne permet de développer enfin un véritable espace de droit à un rythme plus rapide que précédemment pour deux raisons. Le Conseil statuera désormais à la majorité qualifiée et la disparition de la construction en pilier permettra à la Cour de Justice de connaître des infractions des Etats ne respectant pas les textes en vigueur. Le programme de Stockholm est également un état d'esprit. Nous sommes dans la dernière étape, le Conseil des ministres du 30 novembre au 1er décembre devrait adopter le programme, suivi par le Conseil européen des 10 et 11 décembre.

Si l'on veut créer véritablement une citoyenneté européenne, il ne suffit pas de la proclamer, il faut lui conférer un contenu. Il faut rendre nos citoyens conscients de leur appartenance à l'Europe. Aujourd'hui 8 millions d'européens vivent dans un autre Etat et il y 20 millions de ressortissants étrangers dans l'Union européenne. Nous sommes donc à un moment clef. La citoyenneté européenne a été bâtie sur la construction de la liberté de circulation, or cela pose la question de la liberté de circulation des proches (exemple du regroupement familial). L'Europe doit ensuite se doter d'un système de protection des données. Les Etats-Unis et l'Union ne sont pas encore d'accord sur le régime de protection des données qui pourrait être le même de chaque côté de l'Atlantique. Il faudra par ailleurs certainement développer une certification des technologies et des services respectueux de la vie privée. La protection consulaire est un sujet important de la citoyenneté européenne. Enfin, la participation électorale demeure une préoccupation majeure pour affirmer au jour le jour l'appartenance à l'Union. Il serait en effet souhaitable de procéder à un vote à l'occasion d'un jour unique.

 

La citoyenneté se décline aussi sur la capacité que l'on a de faire valoir ses droits. Des avancées sont notables en termes de suppression de la procédure intermédiaire ou de la procédure d'exequatur. Il faudrait dans l'idéal aboutir à une formation européenne systématique des juges. L'évaluation des systèmes judiciaires est tout autant une préoccupation première car la longueur des procédures peut être une entrave à la Justice. Les prescriptions pénales concernant les crimes les plus graves doivent être rapprochées. Pour l'activité économique, la mise en place d'une saisie bancaire automatique serait un grand avantage pour dans le cadre de petits litiges. La présidence suédoise à amené de grands changements en matière testamentaire ou encore sur la garde des enfants. De nombreux efforts restent toutefois à poursuivre.

 

Au sujet de l'Europe qui protège, les technologies, la formation des personnes et l'accroissement des coopérations policières et judiciaires sont des sujets fondamentaux. Un fonds pour la sécurité intérieure permettrait aux Etats membres de faire état de leurs besoins de manière groupée afin de stimuler l'industrie et donc de bénéficier d'équipements appropriés, moins chers et interopérables. La formation des hommes passe inévitablement par un programme " Erasmus policier ". Enfin, les procédures doivent également être rapprochées comme cela a récemment été fait en ce qui concerne les normes minimales (droit à la traduction, à un interprète). Mais les efforts ne doivent s'y circonscrire. Il est important d'aboutir à l'élaboration de procédures convergentes voire communes (un mandat européen d'obtention des preuves). Il faut être conscient qu'il n'est pas concevable d'assurer la liberté de circulation sans sécurité aux frontières, pour laquelle il faudra être assurément exemplaire. Peut-être faudra-t-il concevoir un système d'entrée et de sortie ? En termes de système d'information, le visa Schengen européen est un élément vital.

 

Il faut par ailleurs aboutir à de grandes convergences dans les stratégies de lutte contre les grandes criminalités. Europol et Eurojust doivent pouvoir créer une véritable impulsion. Pour cela, ces organismes doivent bénéficier de véritables réseaux.

En définitive, le problème migratoire et d'asile est le dernier chapitre de ce programme. La multiplicité des conflits régionaux est un défi majeur pour l'Union et les Etats membres. L'unique solution envisageable à ce défi est une " réponse globale " qui passe notamment par la constitution de " profils migratoires " en collaboration avec les pays de l'immigration. Les immigrés entrés légalement devront par la suite être pleinement intégrés. Il est en conséquence capital de penser un code de l'immigration et en parallèle de lutter efficacement contre l'immigration clandestine dans le respect des droits de l'Homme. Les retours organisés doivent comprendre une intégration réussie dans les pays du retour. La création d'un médiateur peut être une solution efficace afin d'assurer le bon traitement de la question de l'immigration clandestine.

Il est important d'être concret afin de permettre qu'un plan d'action soit élaboré sous la Présidence espagnole. En outre, les citoyens n'adhéreront à l'Union que si l'on assure à la citoyenneté européenne un " contenu concret, précis et charnel ". Ce débat sur la citoyenneté européenne est fondamental et préférable à celui qui porte sur la question de quelques identités.

 

 

 

ANNEXE

 

Conseil "Justice et Affaires intérieures"

30 novembre et 1er décembre 2009

 

Les 27 ministres de l'intérieur et de la Justice se sont réunis les 30 novembre et 1er décembre (http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/jha/111775.pdf) dans le but de débattre notamment du programme dit de " Stockholm ". Celui-ci a, à cette occasion, été approuvé par un large consensus. Les ministres ont discuté de l'avancement du régime commun d'asile, d'un rapport du coordinateur de la lutte contre le terrorisme, de la nécessité d'améliorer la transmission des procédures pénales, ainsi que du renforcement de la lutte contre la traite des êtres humains et les crimes sexuels contre les enfants. Enfin, les ministres ont soulevé la nécessité d'aboutir à la mise en service du portail e-justice et ont fait part de leur intention de créer une agence des systèmes d'information à grande échelle.

 

Un régime d'asile européen commun

: les ministres ont abordé les deux propositions de directives de la Commission relatives à l'instauration de normes minimales communes dans le déroulement de la procédure d'octroi et de retrait de la protection (asile) et aux conditions minimales communes nécessaires pour bénéficier de cette protection internationale.

Par ailleurs ils sont convenus de l'installation du Bureau européen d'appui en matière d'asile à La Valette (Malte).

 

La lutte contre le terrorisme à l'échelle mondiale

: les ministres se sont exprimés au sujet du rapport du coordinateur de l'Union pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, relatif à la mise en œuvre du plan d'action européen en la matière. Ils ont ainsi rappelé l'importance de la prévention, afin d'éviter que les populations désœuvrées ne se tournent vers le terrorisme, mais également l'importance de la sécurisation de l'Union à ses frontières, et enfin de la poursuite des terroristes à l'intérieur et hors des frontières de l'Union.

 

La lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et contre la traite des êtres humains

: le Conseil a approuvé l'état d'avancement de la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants. Toutefois les questions de la définition et de la portée des infractions, ainsi que les questions du système de sanctions et de la compétence juridictionnelle restent en suspend. L'objectif est d'aboutir à un haut degré d'harmonisation des législations nationales et d'améliorer l'application du droit par l'intermédiaire notamment de la coopération judiciaire. Ces objectifs d'harmonisation des législations (définition d'une infraction commune de traite des êtres humains) et d'extension des moyens d'instruction, de poursuite et de jugement (clause d'extraterritorialité, accès aux informations financières, etc.) sont des objectifs partagés par la politique de lutte contre la traite des êtres humains.

 

La transmission des procédures pénales

: la transmission des procédures pénales, tout comme la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la traite des êtres humains, ont été définies comme des priorités. Le Conseil en a largement débattu, toutefois ce débat n'a pu aboutir quant aux questions de la compétence, des conditions de la transmission, de ses conséquences et de ses destinataires. Il s'agit avant tout de parvenir à un cadre juridique commun qui remplace ou englobe les outils juridiques déjà disponibles.

Le Conseil a également approuvé plusieurs textes qui permettent de prévenir, par l'échange d'informations entre autorités compétentes, l'existence de procédures pénales parallèles dans différents pays de l'Union.

 

Le plan d'action relatif à l'e-justice

: le Conseil a invité la Commission à ce que le portail soit lancé dès les premiers mois de l'année 2010 tant il est un outil important pour l'accès à l'information et à de nombreux services dans le domaine de la justice.

 

Le système d'information sur les Visas (VIS) et le nouveau système d'information Schengen (SIS II)

: les ministres de l'Union ainsi que ceux de la Norvège, de l'Islande, du Lichtenstein et de la Suisse (" Comité mixte "), ont approuvé le développement de ces deux systèmes d'information. Le VIS permettra d'appuyer la politique commune en matière de visas et de faciliter le contrôle aux frontières par l'enregistrement d'informations au passage des frontières, leur actualisation ainsi que l'échange des données biométriques et des données relatives aux visas. Le SIS II qui remplacera le SIS facilitera l'échange d'informations relatives aux personnes et objets entre les autorités nationales dans le cadre de contrôles douaniers et policiers. Ce comité mixte a par ailleurs débattu de la possibilité de créer une agence des systèmes d'information à grande échelle dans le domaine de la Liberté, de la Sécurité et de la Justice. Celle-ci serait chargée de la gestion opérationnelle du VIS, SIS II et d'EURODAC [1] ainsi que de tout autre système informatique à grande échelle qui pourra être développé dans ces domaines.

 

Europol

: le Conseil a par ailleurs approuvé plusieurs décisions relatives aux conditions de traitement des données, à la protection de la confidentialité de celles-ci, aux relations entre Europol et ses partenaires quant à l'échange de données à caractère personnel, ou encore relatives à l'approbation du règlement intérieur adopté par l'Autorité de contrôle commune d'Europol

 

Les ministres espagnols dont le pays assurera la présidence de l'Union à partir du mois de janvier 2010 ont également présenté leurs priorités relatives au programme de Stockholm. Ils envisagent ainsi dans le domaine des Affaires intérieures de poursuivre la mise en œuvre du régime d'asile européen commun (RAEC), l'adoption d'une stratégie de sécurité intérieure, d'un régime Erasmus pour les policiers ou encore la lutte contre le trafic de drogue. En matière de Justice, l'Espagne montre sa détermination à faire adhérer l'Union à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à assurer le respect des droits de la défense dès l'engagement des poursuites, et poursuivre les efforts de la Suède en matière de lutte contre la traite des êtres humains, d'exploitation sexuelle des enfants, de coopération judiciaire avec les Etats tiers et enfin de développer et mettre en œuvre le portail e-justice.

 

Le Programme de Stockholm, tel que proposé par le Conseil Affaires générales du 2 décembre 2009 (17024/09), a été adopté par le Conseil européen des 10 et 11 décembre 2009.

http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/111886.pdf

[1] Système qui permet aux États membres d'identifier les demandeurs d'asile ainsi que les personnes ayant été appréhendées dans le contexte d'un franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de la Communauté en collectant et permettant la transmission des empreintes digitales, de l'État membre d'origine, du lieu et de la date de la demande d'asile, du sexe, ainsi que la date à laquelle les empreintes ont été relevées et la date à laquelle les données ont été transmises à l'unité centrale notamment.

Directeur de la publication : Pascale Joannin

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