Roumen Radev, soutenu par un comité d'électeurs et par le Parti socialiste (BSP), a remporté le 2e tour de l'élection présidentielle en Bulgarie le 13 novembre. Avec 59,35% des suffrages (selon des résultats encore partiels), il a devancé Tsetska Tsatcheva, qui représentait le parti du Premier ministre en exercice Boïko Borissov, les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), qui a recueilli 36,17% des voix. Il s'agit d'un sérieux revers pour le chef du gouvernement qui voit sa candidate battue de plus de 20 points (23,18).

Environ 6% des électeurs ont choisi l'option " aucun des candidats " lors de leur vote, une option qui leur est désormais offerte lors de toutes les élections qui se déroulent au scrutin majoritaire comme celles permettant de désigner le président de la République et les députés.

Roumen Radev était arrivé en tête du 1er tour de l'élection présidentielle le 6 novembre avec 25,44% des suffrages. Sa rivale avait recueilli 21,96% des voix.

Selon les enquêtes d'opinion sortie des urnes, Roumen Radev aurait rassemblé sur son nom 92% des électeurs qui avaient choisi Plamen Oresharski au 1er tour (6,63% des voix) et 60% de ceux qui s'étaient prononcés pour Krassimir Karakachanov, candidat de la coalition Patriotes unis (14,97% des suffrages). Sa rivale aurait rallié un peu plus de la moitié des électeurs de Traïtcho Traïkov, candidat du Bloc réformiste (RB), qui avait recueilli 5,87% des voix.

Conformément à la promesse qu'il avait faite de se retirer dans le cas où la candidate de son parti ne remporterait pas le scrutin (" Si nous perdons le 2e tour, je démissionnerai " avait-il annoncé), le Premier ministre Boïko Borissov, qui avait transformé l'élection présidentielle en vote de confiance de son gouvernement alors que le chef de l'Etat a un rôle essentiellement honorifique en Bulgarie, a annoncé sa démission à l'issue de l'élection présidentielle. " Les résultats montrent clairement que la coalition au pouvoir ne possède pas de majorité. Demain ou après-demain, au premier jour ouvrable du parlement, je déposerai ma démission " a t-il déclaré.

Le président de la République sortant Rossen Plevneliev ne pouvant dissoudre le parlement durant les 3 derniers mois de son mandat qui se terminera le 22 janvier 2017, les élections législatives consécutives à la démission du chef du gouvernement ne pourront pas avoir lieu avant le printemps prochain.

" La démocratie a vaincu l'apathie et la peur " a affirmé Roumen Radev à l'issue des premiers résultats qui lui accordaient la victoire.

Il a indiqué qu'il serait très actif en matière de lutte contre la corruption - un fléau qui gangrène la Bulgarie –, la transparence des institutions et la gestion des migrations. Face à l'arrivée en Europe de personnes fuyant les conflits du Moyen-Orient ou d'Afrique, il défend une position de fermeté. " Nous sommes obligés d'aider les réfugiés, mais les migrants d'Afghanistan et du Pakistan doivent être renvoyés. Sauf si nous voulons suivre l'exemple de la France, de la Belgique et de l'Allemagne et avoir ensuite leurs problèmes d'intégration " a t-il déclaré.

Surnommé " le général rouge " par ses opposants, Roumen Radev a annoncé qu'il développerait la coopération économique avec la Russie. Il est favorable à la levée des sanctions économiques imposées par l'Union européenne à Moscou à la suite de son annexion de la Crimée et de son intervention militaire dans l'Est de l'Ukraine. Il a fait part de son désir de " travailler étroitement avec le gouvernement et avec les collègues de l'Union européenne, en vue d'une levée des sanctions européennes contre Moscou ".

"Une amélioration nécessaire des relations avec la Russie ne constitue pas un recul des valeurs euro-atlantiques" a t-il indiqué. " Je ne suis ni prorusse ni proaméricain mais pro-bulgare " a t-il souligné, ajoutant qu'" être pro-européen en signifie pas nécessairement être antirusse ". Roumen Radev aime à rappeler qu'il est un " général de l'OTAN formé aux Etats-Unis " et que pour lui " l'appartenance de la Bulgarie à l'Union européenne à l'OTAN n'est pas négociable ". Il se veut le défenseur d'une position de la Bulgarie " active et non soumise " au sein de ces deux instances.

L'élection de Roumen Radev constitue toutefois, après la victoire de Donald Trump (Parti républicain), le 8 novembre à l'élection présidentielle américaine, la deuxième bonne nouvelle de la semaine pour le président russe, Vladimir Poutine (Russie unie, ER).

Agé de 53 ans et originaire de Dimitrovgrad (Sud-Est), Roumen Radev est un novice en politique. Il est diplômé de plusieurs établissements : l'Ecole de mathématiques de Haskovo (1982), l'université des forces aériennes (1987), l'Ecole d'officiers Squadron (1992), l'université de la défense Rakovski (1996) et l'université de la guerre aérienne de la base militaire de Maxwell (Etats-Unis) (2003). Il a fait toute sa carrière dans l'armée bulgare et a été nommé en 2014 chef des forces aériennes du pays, responsabilité qu'il a cessé d'exercer en 2016 afin de se présenter à la présidence de la République.

En 2014, il avait présenté sa démission au Premier ministre Boïko Borissov pour protester contre la faiblesse du soutien de l'Etat aux forces militaires aériennes et après que le gouvernement eut déposé un projet de loi qui permettait aux forces aériennes des pays de l'OTAN d'intervenir auprès de celles de la Bulgarie. Il avait repris sa démission après avoir été reçu par le chef du gouvernement.

Face à Roumen Radev, Tsetska Tsatcheva s'était présentée comme une garantie de stabilité, comme l'assurance de voir l'orientation européenne et euro-atlantique de la Bulgarie préservée. De nombreuses personnes avaient cependant critiqué le choix de Boïko Borissov pour cette élection présidentielle, arguant que la présidente du Parlement, désignée très tardivement comme candidate, manquait cruellement du charisme nécessaire pour remporter le scrutin.

" Les gens en ont assez d'entendre le GERB se vanter alors qu'ils ne voient aucune amélioration de leur niveau de vie " a souligné Antony Todorov, professeur de science politique à la Nouvelle université bulgare. Parvan Simeonov, directeur de l'institut Gallup, a parlé de " vote de protestation dans un contexte international qui encourage la volonté de changement : écroulement des autorités traditionnelles en Europe occidentale, changement radical aux Etats-Unis, hausse des ambitions de la Russie ". " Ce n'est pas seulement un vote de protestation, a précisé Kancho Stoychev qui travaille dans le même institut, c'est un vote pour le changement. Les Bulgares ont montré qu'ils ne voulaient plus assister à un one man show ".

La victoire de Roumen Radev signe donc la fin de la campagne présidentielle mais également le début de la campagne législative. Selon le Premier ministre Boïko Borissov, en cas d'élections législatives anticipées, la coalition alternative à son gouvernement serait une alliance entre les socialistes et le Mouvement pour les droits et les libertés (DPS) de Lioutvi Mestan, parti représentant la minorité turque. " Une coalition qui isolerait la Bulgarie au niveau international et se solderait par un gel des financements européens " a souligné le chef du gouvernement dont le parti demeure favori pour les élections à venir.

Source : Commission électorale http://results.cik.bg/pvrnr2016/tur2/president/index.html