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Corinne Deloy
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Le 23 juin, les Britanniques ont choisi de quitter l'Union européenne. A la question qui leur était posée (Le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l'Union européenne ou quitter l'Union européenne ?", Should the United Kingdom remain a member of the European Union or leave the European Union?), une majorité des électeurs (51,9%) ont répondu "quitter l'Union européenne" tandis que 48,1% ont voté en faveur du maintien. La participation s'est élevée à 72,2%.
Les clivages géographiques et générationnels sont clairement observables dans les résultats de cette consultation. Ainsi, seuls l'Angleterre (53,4%), notamment la partie Est, à l'exception de Londres, et le Pays de Galles (52,5%) ont voté majoritairement en faveur du Leave tandis que l'Ecosse (62%) et l'Irlande du Nord (55,8%) ont choisi le Remain. Beaucoup craignent d'ailleurs que le référendum du 23 juin renforce les lignes de rupture entre les différentes entités du royaume. En Irlande du Nord, le Sinn Fein a déjà réclamé un référendum d'union avec la partie méridionale de l'île ; le Parti national écossais (SNP) brandit la menace d'un nouveau référendum sur l'indépendance de l'Ecosse.
Selon l'enquête sortie des urnes réalisée par l'institut d'opinion YouGov, les trois quarts des électeurs âgés de 18 à 24 ans (66%) et la moitié des 25-49 ans (52%) ont voté pour le Remain tandis que 58% des 50-64 ans ont préféré le Leave comme 62% des plus de 65 ans. Le vote en faveur du maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne est arrivé largement en tête dans les villes étudiantes que sont Cambridge, Oxford, York, Liverpool, Manchester ou Bristol.
Plus généralement, les jeunes, les personnes les plus diplômées et les urbains ont voté pour le maintien du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne tandis que les plus âgés, les personnes peu diplômées et les ruraux ont fait le choix inverse.
Le Brexit (Britain exit), soit la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, témoigne bien entendu du désamour des Britanniques à l'égard de Bruxelles. Il pourrait avoir un effet domino (aux Pays-Bas, le populiste Geert Wilders (Parti de la liberté, PVV) a déjà promis d'organiser la sortie de son pays de l'Union si son pays remporte les élections législatives prévues au printemps 2017). Il laisse entrevoir la possibilité d'une déconstruction de l'Union européenne après des années d'élargissement continu. La désaffection du Royaume-Uni constitue l'échec le plus important de l'histoire de l'Europe et devrait profondément modifier le visage de cette dernière.
La position particulière des Britanniques
Depuis leur adhésion en 1973, les Britanniques ont toujours eu un pied au-dedans et un pied au-dehors de l'Union européenne.
Certains des défenseurs du Brexit, comme ceux du groupe Vote Leave, emmenés par l'ancien maire de Londres (2008-2016), le conservateur Boris Johnson, sont d'ardents partisans du libéralisme économique qui, durant la campagne électorale, ont mis en avant la souveraineté britannique quand d'autres, conduits par Nigel Farage (Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni, UKIP) du groupe Leave EU, exprimaient avant tout leur hostilité à l'immigration.
Les premiers, favorables au marché unique, ne supportent plus les régulations émises par Bruxelles, qui, selon eux, contraignent les entreprises comme les citoyens. Pour eux, l'Union européenne constitue un frein à la puissance économique et à la liberté d'entreprendre. Elle est également un facteur de risque important en raison de son absence de croissance et de la crise de la dette. Les seconds voient dans l'adhésion de leur pays à l'Union européenne une perte de souveraineté et veulent retrouver le contrôle de leurs frontières.
"Les populations rendent responsables de leur insatisfaction la direction du Parti travailiste, l'establishment, les immigrés, les banquiers et l'Union européenne, tous dans un même sac. Ce référendum est lié à une question très polarisante : l'immigration. Lors du dernier référendum, en 1975, l'immigration n'était pas un sujet. Désormais, les petits revenus blâment les immigrés, et pas le gouvernement, pour leurs problèmes, leurs bas salaires. Voter Brexit, c'est prendre sa revanche sur l'injustice de la vie" a indiqué Vernon Bogdanor, professeur au King's College et à l'université d'Oxford. "Le vote Leave serait une forme de révolution dans un pays qui n'en a pas connu. Ce serait la première fois au Royaume-Uni que le résultat d'un vote, d'un référendum irait à l'encontre du gouvernement et du parlement" affirmait encore Vernon Bogdanor quelques jours avant le vote.
L'échec de David Cameron
David Cameron (Parti conservateur) a donc perdu son pari. En janvier 2013, espérant contrer le parti UKIP de Nigel Farage et apaiser l'aile eurosceptique de son parti, le Premier ministre annonçait qu'il organiserait un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne d'ici la fin de l'année 2017 en cas de victoire des Tories aux élections législatives de 2015. Sa réélection à la tête du gouvernement britannique à l'issue du scrutin de mai 2015 était finalement davantage due à sa promesse de référendum qu'à son bilan à la tête du pays.
David Cameron a sous-estimé la vigueur du sentiment eurosceptique comme probablement le discrédit dont son gouvernement fait l'objet. Le dirigeant conservateur n'a pas été aidé dans cette campagne électorale par son homologue travailliste Jeremy Corbyn, qui n'a lui-même jamais été un fervent europhile (il était opposé à l'adhésion de son pays à l'Union européenne en 1975, au traité de Maastricht en 1992, au traité établissant une Constitution pour l'Europe en 2005 et au traité de Lisbonne en 2009) même s'il s'était rangé à la position du Labour en faveur du maintien du Royaume-Uni au sein de l'Union européenne. En outre, le Labour, échaudé par ce qui s'était passé lors du référendum du 18 septembre 2014 sur l'indépendance de l'Ecosse, a refusé de faire campagne avec le Parti conservateur. Les partisans du maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne ont certainement trop peu mis en avant les aspects positifs de cette dernière ou les bénéfices de l'intégration et de la solidarité entre Etats membres au cours de la campagne.
Le chef du gouvernement britannique a annoncé le 24 juin sa volonté de démissionner de son poste à l'automne prochain. "Je pense que le pays a besoin d'un nouveau dirigeant pour mener les négociations avec l'Union européenne" a déclaré David Cameron. Le Parti conservateur devrait désigner son nouveau leader lors d'un congrès en octobre ; ce dernier serait nommé ensuite au poste de Premier ministre. A ce jour, Boris Johnson est favori pour succéder à David Cameron, mais d'autres noms circulent.
L'avenir
L'article 50 du traité de Lisbonne stipule que l'Etat membre qui choisit de se retirer de l'Union doit notifier son intention au Conseil européen. Par la suite, Bruxelles "négocie et conclut avec cet Etat un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l'Union". Les traités européens cessent d'être applicables à l'Etat concerné "à partir de la date d'entrée en vigueur de l'accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification, sauf si le Conseil européen, en accord avec l'Etat membre concerné, décide à l'unanimité de proroger ce délai".
200 accords commerciaux vont devoir être renégociés, 80 000 pages de lois communautaires examinées mais les traités européens n'ont rien prévu pour la période spécifique du retrait d'un Etat membre qui peut donc durer plusieurs années. Quid du commissaire britannique (Jonathan Hill, commissaire à la Stabilité financière, aux Services financiers et à l'Union des marchés de capitaux, a démissionné de ses fonctions le 25 juin), des 73 députés européens britanniques? Continueront-ils à se prononcer sur la législation européenne alors qu'ils sont appelés à quitter l'Union? Quel sera le calendrier des négociations ? Celles sur l'élaboration de nouvelles relations entre les Britanniques et les Européens seront-elles concomitantes à celles sur le divorce entre Londres et Bruxelles ? Le traité de Lisbonne ne permet pas de répondre à ces questions.
Par la voix du président de la Commission européenne, Bruxelles a cependant demandé que les Britanniques notifient au plus vite leur volonté de retrait pour dissiper l'incertitude des marchés. " Aussi douloureux que soit ce processus, nous espérons désormais du gouvernement britannique qu'il donne suite à sa décision le plus tôt possible. Tout retard ne ferait que prolonger le sentiment d'incertitude " a déclaré Jean-Claude Juncker.
Le référendum britannique du 23 juin constitue le troisième échec concernant les affaires européennes en six mois. Le 3 décembre 2015, les Danois rejetaient une participation de leur pays aux programmes européens de sécurité : 53,1% des électeurs disaient "non" à l'adoption de 22 règles européennes en matière de lutte contre le crime organisé, la fraude financière transfrontalière, la menace djihadiste, le trafic d'êtres humains, la cybercriminalité, l'abus et l'exploitation sexuelle des enfants. Le 6 avril dernier, les Néerlandais rejetaient à 61% le traité d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine.
Ces scrutins sapent la légitimité des institutions européennes et des dirigeants nationaux. Ils témoignent du fossé existant entre les Européens et leurs représentants qui semble se creuser au fil des années.
Une réforme et une relance de l'Union européenne sont plus que jamais nécessaires.
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