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L'incertitude perdure au lendemain des élections parlementaires espagnoles où le Parti populaire du Premier ministre sortant Mariano Rajoy est arrivé en tête

Élections en Europe

Corinne Deloy

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21 décembre 2015
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le Parti populaire (PP) du Premier ministre sortant, Mariano Rajoy, est arrivé en tête des élections parlementaires qui se sont déroulées le 20 décembre en Espagne. Avec 28,72% des suffrages, le parti a obtenu 123 sièges au Congrès des députés, chambre basse du Parlement espagnol, soit –63 par rapport aux précédentes élections parlementaires du 20 novembre 2011. Le PP a également remporté 124 sièges au Sénat (- 12). Le PP est suivi du Parti socialiste ouvrier (PSOE), dirigé par Pedro Sanchez, qui a recueilli 22,01% des voix et remporté 90 députés (- 20) et 47 sénateurs (- 1).

Les 2 principaux partis espagnols ont cependant enregistré les résultats les plus faibles de leur histoire. Ensemble, ils ne rassemblent que la moitié des Espagnols (50,02%) pour près des trois quarts en 2011 (73,40%) et 83,80% en 2008.

Les 2 partis ont devancé Podemos (Nous pouvons), parti d'extrême gauche conduit par Pablo Iglesias, qui a obtenu 19,03% des suffrages et 63 députés et Ciudadanos (C's), parti centriste dirigé par Alberto Rivera, qui a recueilli 13,93% des voix et 40 députés. Le parti de Pablo Iglesias a également remporté 14 sièges de sénateurs.

"Pour la première fois au terme d'une soirée électorale, les Espagnols iront se coucher sans connaître le nom du nouveau président du gouvernement" avait déclaré José Pablo Ferrandiz, chercheur à l'institut de sondage Metropolis, quelques jours avant le scrutin. La prédiction était juste.

"Ce soir, c'est sûr, l'histoire de notre pays aura changé" a affirmé le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias, ajoutant "Les résultats montrent que le système politique bipartisan, en vigueur depuis la fin de la dictature franquiste il y a 40 ans, a vécu. C'est un jour historique pour l'Espagne (...) Nous ouvrons une nouvelle ère politique dans notre pays. L'Espagne ne sera plus jamais la même"

Les élections parlementaires du 20 décembre ont profondément bouleversé l'équilibre des forces à l'œuvre sur la scène politique espagnole dominée depuis 1982 par le bipartisme (PP/PSOE). A l'issue des résultats, il est bien difficile de dire qui gouvernera l'Espagne dans les 4 années à venir et même si le prochain Parlement pourra permettre de former un gouvernement.

La participation a été plus élevée que celle enregistrée il y a 4 ans pour ce même scrutin : elle s'est élevée à 73,20%, soit + 1,53 point qu'en novembre 2011.

"Le Parti populaire reste la force majoritaire, la force préférée des Espagnols, par conséquent si les sondages se confirment, ce sera la force ayant gagné les élections" a indiqué Pablo Casado, porte-parole du parti du chef du gouvernement sortant

Mariano Rajoy a indiqué être prêt à former un gouvernement tout en notant que les négociations à venir seraient compliquées : "Celui qui remporte les élections doit tenter de constituer un gouvernement. Je vais essayer de former un gouvernement, un gouvernement stable, mais ce ne sera pas facile"

"Il appartient à la force politique qui a reçu le plus de voix d'essayer de former un gouvernement" a également affirmé le dirigeant socialiste Pedro Sanchez.

"Le Parti populaire sera le premier à essayer de former une coalition mais le bloc de gauche a plus de chances parce qu'il compte un plus grand nombre de sièges" a indiqué Ignacio Jurado, politologue. "La question est de savoir s'il y aura une coalition de partis contre Mariano Rajoy" a affirmé son confrère Antonio Barroso.

A priori, quatre solutions pouvaient être envisagées : une coalition regroupant le Parti populaire et Ciudadanos ; une coalition PSOE/Podemos, un gouvernement minoritaire dirigé par le Parti populaire et, enfin, une grande coalition rassemblant le PP et le PSOE. Cela sans parler des députés des partis régionalistes sur lesquels les forces de droite, et surtout de gauche, pourraient éventuellement s'appuyer.

Les deux premières coalitions semblent impossibles puisqu'aucune d'entre elles n'obtiendrait la majorité absolue. Un gouvernement minoritaire semble difficile à soutenir face aux forces de gauche qui ne manqueraient pas de s'y opposer. Enfin, si le PP n'a pas exclu la possibilité d'une grande coalition, il a cependant exclu qu'elle puisse se faire avec le dirigeant socialiste actuel Pedro Sanchez.

Certains analystes politiques prédisent déjà l'organisation de nouvelles élections parlementaires anticipées au printemps prochain.

"Le grand succès de Podemos, jusqu'ici, a été de capitaliser la colère contre le système. Ailleurs en Europe, et notamment en France, cela passe par l'extrême droite. En Espagne, par l'extrême gauche" a indiqué Edurne Uriarte, politologue. Une analyse que partage un Ignacio Sanchez-Cuenca, directeur de l'institut Juan March : "Malgré des coutures sociales mises à l'épreuve, malgré l'énorme phénomène des indignés, l'Espagne demeure fondamentalement un pays réformiste et modéré. Le sentiment de colère, bien réel et très justifié avec la crise, ne s'est pas encore accompagné d'options jusqu'au-boutistes".

"A force d'avoir fait croire à l'opinion que la politique est soumise à l'économie, le ras-le-bol a explosé contre le système en place" a souligné Josep Ramoneda, philosophe, qui voit dans le vote une punition des 2 principaux partis politiques. "Le Parti populaire et le Parti socialiste ouvrier ont fini par patrimonialiser les institutions : c'est cela le poison du bipartisme. Les conservateurs sont largement associés aux inégalités, à la précarité et au manque d'attention aux citoyens ; quant aux socialistes, dominés par les baronnies, ils sont englués dans un vide idéologique et à bout de souffle. En 2011, les indignés criaient : "Vous ne nous représentez pas !" Reste aujourd'hui aux partis hégémoniques à payer les conséquences de leur cécité".

"Jusqu'alors, on pensait autour de l'axe gauche-droite. Or les nouveaux partis introduisent un autre fossé : la brèche générationnelle. Les Espagnols qui sont nés en démocratie sont beaucoup plus exigeants sur la corruption et l'application des programmes électoraux, et aussi sur la défense du système de santé ou l'arsenal éducatif" a souligné Enrique Gil-Calvo, politologue de l'université Complutense de Madrid.

De longues négociations vont sans doute être nécessaires pour tenter de former le futur gouvernement espagnol. Pour être élu chef du gouvernement, un candidat doit rassembler sur son nom la majorité absolue des parlementaires lors du 1er tour de scrutin, puis, lors du 2e, une majorité simple.

Le nouveau Congrès des députés siègera pour la première fois le 13 janvier prochain.

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