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L'opposition de droite vire en tête aux élections législatives croates

Élections en Europe

Corinne Deloy

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9 novembre 2015
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

L'opposition de droite vire en tête aux élections législatives croates

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La coalition d'opposition de droite Domoljubna Koalicija (Coalition patriotique), emmenée par l'Union démocratique (HDZ) dirigée par Tomislav Karamarko et qui rassemble le Parti paysan (HSS), le Parti des droits-Dr Ante Starcevic (HSP-AS), le Bloc des retraités (BUZ), le Parti social libéral (HSLS), le Parti de la croissance (HRAST) et le Parti chrétien démocrate (HDS), est arrivée en tête des élections législatives qui se sont déroulées le 8 novembre en Croatie. Elle recueillerait 59 des 151 sièges du parlement.

La coalition Hrvatska Raste, (La Croatie grandit), conduite par le Parti social-démocrate (SDP) du Premier ministre sortant Zoran Milanovic et qui regroupe le Parti populaire-Libéraux démocrates, le Parti des retraités, les Travaillistes-Parti du travail (HL-SR), le Parti paysan autochtone et le Parti Zagorje (région du nord-est du pays), obtiendrait 56 députés.

Comme la Pologne il y a deux semaines, l'opposition de droite remporte les élections législatives quelques mois après la victoire de Kolinda Grabar Kitarovic (HDZ) à la présidence de la République le 11 janvier dernier avec 50,74% des suffrages (49,26% pour le chef de l'Etat sortant Ivo Josipovic (SDP). La droite n'obtient cependant pas la majorité absolue et devra conduire des négociations pour former une majorité parlementaire.

4 autres partis ont dépassé le seuil de 5% des suffrages et seront donc représentés au Hrvatski Sabor, chambre unique du Parlement. Most Nezavisnih Lista (Pont-Listes indépendantes), parti fondé en 2012 par Bozo Petrov, recueillerait 19 sièges. Il a déclaré avant les élections législatives qu'il ne s'unirait à aucun des deux principaux partis du pays à l'issue du scrutin : "Nous tiendrons parole. Nous n'allons pas intégrer de coalition". Il a néanmoins indiqué que son parti soutiendrait un gouvernement qui proposerait une réforme du système judiciaire et de l'administration et qui se montrerait favorable aux entreprises. "La percée de Most montre que les électeurs ne veulent plus d'un système de deux partis et d'élites politiques qui commencent à être une sorte de monde à part, loin du peuple" analyse Davor Gjenero, politologue.

Zivi zid (Bouclier humain, ZZ), conduit par Ivan-Vilibor Sincic qui avait créé la surprise en prenant le 28 décembre 2014 la 3e place du 1er tour de l'élection présidentielle avec 16,42% des suffrages en se présentant comme un candidat anarchiste, devrait également entrer au parlement de même que Milan Bandic 365 (MB 365), parti populiste de l'actuel maire de Zagreb et le parti écologiste Développement durable de Croatie (ORaH) de l'ancienne ministre de l'Environnement Mirela Holy.

Ces élections législatives étaient les premières organisées en Croatie depuis l'entrée du pays dans l'Union européenne le 1er juillet 2013.

Durant la campagne électorale, de nombreux analystes ont pointé du doigt le fait qu'aucun des deux grands partis ne proposait de réformes crédibles pour redresser l'économie du pays très affectée par la crise. "Aucune des deux plus grandes coalitions n'a dit clairement comment elle s'attaquerait aux problèmes économiques les plus importants. Leurs messages en sont restés aux généralités, avec une tonalité populiste" a déploré l'association des patrons croates (HUP). "Aucun des deux principaux partis n'a fourni des réponses sérieuses aux questions importantes" a affirmé Davor Gjenero, politologue.

La Croatie est l'un des Etats les plus pauvres de l'Union européenne. Après six années de récession (- 13% de recul du PIB depuis 2008), le pays devrait retrouver la croissance en 2015 (1,1%). Le taux de chômage s'élève à 16,2% (chiffre de septembre dernier), et à 43,1% parmi les jeunes, et le déficit budgétaire s'établit à 5,5% du PIB.

L'économie croate reste très largement dominée par l'Etat : le secteur public est très important et le faible développement du secteur privé, et notamment des petites et moyennes entreprises (PME), constitue l'un des principaux problèmes du pays.

Le Premier ministre sortant Zoran Milanovic a multiplié les promesses durant sa campagne électorale et s'est notamment engagé à réduire la dette publique, qui dépasse 90% du PIB. L'opposition avait critiqué le bilan des sociaux-démocrates à la tête de l'Etat. Tomislav Karamarko a promis de mettre en place un plan nommé Croatie + 5, permettant d'arriver à une croissance du PIB de 5% d'ici à 2019, une baisse du taux de chômage de 5%, 5 milliards € des fonds de l'Union européenne, une augmentation des retraites de 5% et enfin une réduction de 5 points de la TVA. Le dirigeant de l'Union démocratique a également promis de créer 100 000 nouveaux emplois dans le pays.

Le thème des réfugiés qui fuient la guerre en Syrie ou en Afghanistan et traversent l'Europe s'est invité dans les dernières semaines de la campagne électorale. Zoran Milanovic a fait preuve d'un mélange de fermeté à l'égard des pays voisins et d'humanisme envers les 350 000 réfugiés qui ont transité en Croatie depuis la mi-septembre. Le Premier ministre a condamné la décision de la Hongrie de construire une clôture de barbelés sur sa frontière avec la Serbie et critiqué la Serbie pour sa manière de gérer la crise. Le HDZ, qui se positionne comme défenseur des "valeurs patriotiques", a accusé le gouvernement d'avoir fait preuve de laxisme et d'une mauvaise organisation dans sa gestion des réfugiés. Tomislav Taramarko a évoqué l'utilisation des forces armées et la mise en place de barrières comme solutions pour réduire le nombre de migrants traversant le pays.

Selon l'analyste politique Ivan Rimac, "l'approche très humaine du gouvernement a touché les citoyens qui se souviennent avoir été dans cette situation lors de la guerre des années 1990 (celle-ci a fait 500 000 réfugiés)" Davor Gjenero a souligné que le thème des réfugiés avait permis de détourner l'attention des difficultés économiques. "Le gouvernement a eu la chance de voir cette crise repousser à l'arrière-plan tous les autres thèmes du débat électoral" a-t-il déclaré.

A l'issue du scrutin, Tomislav Karamarko devrait devenir le prochain Premier ministre croate. Agé de 56 ans, l'homme est originaire de Zadar. Diplômé d'histoire de l'université de Zagreb, il a été l'un des fondateurs de l'Union démocratique en 1989. Chef de cabinet de deux Premiers ministres (Josip Manolic, 1990-1991 et Franjo Greguricil, 1991-1992) et du président de la chambre basse du parlement (à l'époque bicaméral) (1992-1994) Stjepan Mesic, il est devenu directeur de la police de Zagreb en 1992. En 2000, il a dirigé la campagne électorale de Stjepan Mesic (Parti populaire, HNS), candidat au scrutin présidentiel des 23 janvier et 7 février. Après sa victoire avec 56,01% des suffrages, Tomislav Karamako est devenu conseiller pour la sécurité auprès du chef de l'Etat et directeur du Bureau national de la sécurité.

En 2002, il devint directeur de l'Agence de renseignement (POA) et deux ans plus tard, de l'Agence de sécurité et d'intelligence (SOA). Il est nommé ensuite ministre de l'Intérieur, poste qu'il occupe jusqu'au retour des sociaux-démocrates au pouvoir en 2011. Il a pris en 2012 la tête du HDZ.

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