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Le Parti du centre emmené par Juha Sipilä remporte les élections législatives en Finlande

Élections en Europe

Corinne Deloy

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20 avril 2015
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le Parti du centre (KESK) dirigé par Juha Sipilä, est arrivé en tête des élections législatives organisées le 19 avril en Finlande en recueillant 21,1% des suffrages et remportant 49 des 200 sièges de l'Eduskunta/Riksdag, nom finnois et suédois du parlement soit + 14 par rapport au précédent scrutin législatif du 17 avril 2011.

Les Vrais Finlandais (PS), parti populiste emmené par Timo Soini, ont obtenu la deuxième place avec 38 sièges (-1) (17,6% des voix). Ils sont suivis par le Rassemblement conservateur (KOK) dirigé par le Premier ministre sortant Alexander Stubb, qui a recueilli 18,2% des suffrages et 37 députés (-7). Le Parti social-démocrate (SPD), membre du gouvernement sortant et conduit par le ministre des Finances sortant Antti Rinne, a pris la 4e place avec 16,5% des voix et 34 sièges (-8).

Les Verts (VIHR) de Ville Niinistö ont réalisé une percée en obtenant 8,5% des suffrages et 15 députés (+5). L'Alliance des gauches (VAS), parti d'extrême gauche de Paavo Arhinmäki, a recueilli 7,1% des voix et 12 élus (-2). Enfin, le Parti du peuple suédois (SFP), représentant les intérêts de la minorité suédoise et dirigée par le ministre de la Défense sortant Carl Haglund, a obtenu 4,9% des suffrages (9 sièges) et le Parti chrétien-démocrate (SKL), dirigé par la ministre de l'Intérieur sortant Päivi Räsänen, 3,5% des voix (5 députés, -1).

La participation s'est élevée à 70,1%, soit + 2,7 points par rapport au scrutin de 2011. Un tiers des votants (32,3%) avaient voté par anticipation.

Ces élections ont donc vu la victoire de l'opposition : le Parti du centre et les Vrais Finlandais ont largement devancé les partis du gouvernement sortant. Le Rassemblement conservateur a été sanctionné dans les urnes pour son incapacité à gérer la crise économique qui affecte le pays. De même, la victoire du Parti du centre tient sans doute plus au mécontentement des électeurs et à leur désir de changement qu'à un véritable engouement des Finlandais pour les propositions centristes.

Les questions socioéconomiques ont figuré au cœur de la campagne. De nombreux plans sociaux ont été annoncés au cours des dernières semaines même si le projet de rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia a réjoui les Finlandais, avant de les inquiéter : cette opération fait effectivement craindre de possibles suppressions de postes. Le pays a souffert de deux chocs importants au cours des dernières années : l'écroulement de l'empire Nokia, premier constructeur de téléphones mobiles au monde entre 1998 et 2011 (la compagnie a revendu ses portables à Microsoft en 2013), qui a entraîné une baisse de 4,5% du PIB du pays, et le fort recul de la demande de l'industrie papetière (la Finlande est leader dans ce domaine en Europe) en raison de la chute des publications papiers. Cette baisse a fait reculer le PIB de 1%. En outre, ces deux industries étant de grandes exportatrices, les ventes finlandaises à l'étranger ont chuté de 25% depuis 2008.

En octobre, l'agence de notation Standard and Poor's a abaissé la note du pays qui a perdu son triple A et est désormais AA +. L'agence a pointé la vulnérabilité de la Finlande par rapport à la Russie: le commerce avec Moscou représente un dixième du total des exportations finlandaises et 4% du PIB de la République nordique. La crise du rouble a entraîné une baisse de 13% du tourisme russe et de 14% des exportations de la Finlande vers Moscou.

La dette nationale, inférieure à 50% du PIB à l'arrivée de Jyrki Katainen (KOK) au pouvoir en 2011 (48,5% précisément) atteint presque la barre de 60% (58,9% en 2014), seuil que le Pacte de stabilité et de croissance de l'Union européenne interdit de dépasser. Les impôts ont, en moyenne, augmenté de 3 points au cours des 4 dernières années, l'Etat ayant tenté d'éviter au maximum les coupes budgétaires. Enfin, le taux de chômage est en progression : il s'établissait à 8% en janvier 2015, soit son plus haut niveau depuis l'arrivée au pouvoir du Rassemblement conservateur et du Parti social-démocrate.

Juha Sipilä a indiqué qu'il privilégierait les coupes budgétaires aux augmentations d'impôts (les taxes représentent 46% du PIB), promis de réduire les dépenses de l'Etat (qui s'élèvent à 58% du PIB) et la croissance de la dette d'ici à 2017. Le dirigeant centriste a annoncé la création de 200 000 emplois dans les dix années à venir (la Finlande a perdu 100 000 emplois depuis 2008). Il veut gouverner la Finlande comme il manage ses équipes de collaborateurs au sein des sociétés qu'il dirige et prévoit pour cela d'appliquer les règles et les stratégies qui lui ont réussi dans ses entreprises. " Je ne suis pas bon dans les jeux politiques mais en ce moment où les gens pensent que nous souffrons d'un manque de leadership, je peux faire bénéficier le pays de ma façon pragmatique de résoudre les problèmes " a t-il déclaré au quotidien britannique The Financial Times à la mi-février dernier.

Agé de 54 ans et originaire de Veteli, Juha Sipilä est diplômé en ingénierie de l'université d'Oulu. Il a commencé sa carrière comme manager au sein de l'entreprise Lauri Kuokkanen Ltd., puis chez Solitra Oy, fabricant de composants pour les réseaux GSM, dont il est devenu directeur général avant de racheter l'entreprise en 1994 et de la revendre pour 12 millions € deux ans plus tard à la société américaine ADC Telecommunications. Juha Sipilä s'intéresse ensuite à la finance et aux bioénergies. En 1998, il créé sa propre entreprise, Fortel Invest Oy.

Elu député pour la première fois lors des précédentes élections du 17 avril 2011 sous l'étiquette centriste, il prend la tête du parti l'année suivante en battant Tuomo Puumala par 1 251 suffrages pour 872 voix à son adversaire.

Juha Sipilä n'a, pour l'heure, pas donné d'indication sur les partis avec lesquels il entendait former son gouvernement. " Nous avons besoin avant tout d'obtenir la confiance et ensuite, nous parlerons du programme gouvernemental " a-t-il déclaré. Il avait cependant laissé entendre au cours de la campagne électorale qu'il ne souhaitait collaborer qu'avec un seul des deux principaux partis du gouvernement sortant, le Rassemblement conservateur et le Parti social-démocrate. " Les électeurs ont envoyé un message clair pour dire qu'un changement est nécessaire en Finlande " a-t-il souligné.

Les Vrais Finlandais devraient selon toute vraisemblance rejoindre le gouvernement. Le concept de cordon sanitaire (alliance des partis de gouvernement dans le but d'empêcher un parti extrémiste ou populiste d'arriver au pouvoir) n'existe pas en Finlande. Le Parti rural (SMP), dont sont issus les Vrais Finlandais, a d'ailleurs participé aux gouvernements finlandais entre 1983 et 1990. Leur dirigeant Timo Soini a travaillé durant toute la campagne à se construire une image de ministrable. Sa deuxième place lui offre la possibilité d'obtenir le poste de ministre des Affaires étrangères dont il rêve. En outre, on signalera que le parti arrivant en deuxième position obtient traditionnellement le portefeuille des Finances..

La future coalition gouvernementale aura la lourde tâche de faire sortir le pays de la crise socioéconomique (récession, consommation privée atone, réformes repoussées) qu'il traverse depuis plus de 3 ans. " La Finlande risque d'être la prochaine Grèce si des mesures urgentes ne sont pas prises pour réduire les dépenses publiques et la dette " a déclaré Juha Sipilä durant la campagne. Le dirigeant centriste sait qu'il peut compter sur l'attachement de ses compatriotes à la discipline budgétaire. L'ensemble des partis politiques considèrent que la fiscalité, déjà très lourde, ne peut être augmentée et sont d'accord pour réduire les dépenses de l'Etat et le coût du travail. La différence porte sur l'ampleur des efforts à mettre en place.

Enfin, le recul des sociaux-démocrates et l'éventuelle entrée des Vrais Finlandais au gouvernement devrait contribuer à durcir la position d'Helsinki en Europe, notamment face à la Grèce.

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