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Le Premier ministre social-démocrate Victor Ponta, favori de l'élection présidentielle en Roumanie

Élections en Europe

Corinne Deloy

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6 octobre 2014
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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18,3 millions de Roumains désigneront leur président de la République le 2 novembre prochain. Si aucun des 14 candidats en lice ne recueille la majorité absolue lors de ce 1er tour, un 2ème tour sera organisé deux semaines plus tard, soit le 16 novembre. Le chef de l'Etat sortant Traian Basescu, qui termine actuellement son 2ème mandat, ne peut pas se présenter de nouveau.

L'actuel Premier ministre Victor Ponta (Parti social-démocrate, PSD) est le favori de ce scrutin. Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut CSCI, il recueillerait 42% des suffrages devant Klaus Johannis, qui obtiendrait 37% des voix. Calin Popescu-Tariceanu arriverait en 3ème position avec 9% des suffrages, devançant Elena Udrea (6%), Dan Diaconescu (5%), Kelemen Humor (4%), Monica Macovei (3%) et Corneliu Vadim Tudor (2%). Les 2/3 des Roumains (68%) se déclarent prêts à se rendre aux urnes le 2 novembre.

294 bureaux de vote seront ouverts à l'étranger pour les Roumains vivant en dehors de leur pays. Lors de la dernière élection présidentielle des 22 novembre et 6 décembre 2009, 146 000 s'étaient rendus aux urnes, un nombre record.

Les candidats en lice

En Roumanie, le Président de la République est élu pour 5 ans. Tout candidat à la magistrature suprême doit être âgé d'au moins 35 ans et déposer une liste d'au moins 200 000 signatures d'électeurs en faveur de sa candidature. Il doit également jurer sur l'honneur ne pas avoir collaboré avec les services de la Securitate, police secrète roumaine sous le régime communiste.

Le chef de l'Etat roumain dispose de pouvoirs limités. Il nomme le Premier ministre "après consultation du parti disposant de la majorité absolue au parlement ou, si cette majorité n'existe pas, des partis représentés au parlement" (article 103-1 de la Constitution) qu'il ne peut le révoquer.

La Roumanie possède un Parlement bicaméral renouvelé tous les 4 ans au sein de 41 circonscriptions au système majoritaire mixte. La Chambre haute, le Sénat, compte 143 membres et la Chambre basse, la Chambre des députés (Camera deputatilor), 346. Les minorités nationales (Roms, Allemands, Arméniens, Italiens, Croates, Albanais, Serbes, etc.) disposent d'un nombre de sièges réservés à la Chambre des députés (18).

14 personnalités sont officiellement candidates à la fonction présidentielle :

– Victor Ponta (Parti social-démocrate, PSD), Premier ministre depuis le 7 mai 2012 et président du Parti social-démocrate depuis le 21 février 2010 ;

– Klaus Johannis (Parti national-libéral, PNL), maire de Sibiu, membre du Forum démocratique des Allemands de Roumanie (FDGR), et soutenu par l'Alliance chrétienne-libérale (ACL) ;

– Calin Popescu-Tariceanu (Parti libéral-réformiste), actuel président du Sénat et ancien Premier ministre (2004-2008) ;

– Dan Diaconescu (Parti populaire-Dan Diaconescu, PP-DD), ancien animateur du show Dan Diaconescu Direct sur la chaîne de télévision OTV ;

– Elena Udrea (Parti du mouvement populaire), ancienne ministre du Développement régional et du Tourisme (2009-2012) soutenu par le président de la République sortant Traian Basescu ;

– Hunor Kelemen (Union démocratique des Hongrois de Roumanie, UDMR), actuel ministre de la Culture ;

– Monica Macovei, membre du Parti libéral-démocrate (PD-L) qui se présente en candidate indépendante, actuelle députée européenne et ancienne ministre de la Justice (2004-2007) ;

– William Brinza (Parti écologiste roumain, PER) ;

– Constantin Rotaru (Parti de l'alliance socialiste, PAS) ;

– Corneliu Vadim Tudor (Parti de la grande Roumanie, PRM) ;

– Zsolt Szilagyi (Parti du peuple hongrois de Transylvanie, EMNP) ;

– Mirel Mircea Amaritei (Parti Prodemo) ;

– Teodor Melescanu, indépendant ;

– Gheorghe Funar, indépendant.

2014, l'heure de la gauche a-t-elle sonné ?

Le Premier ministre Victor Ponta peut s'appuyer sur les bons chiffres de la croissance de la Roumanie (3,5% en 2013) et la légère baisse du taux de chômage (7%, chiffre de juillet 2014). Les questions économiques devraient d'ailleurs dominer la campagne électorale. L'agence de notation Fitch a maintenu la note de Bucarest et indiqué qu'elle pensait que le pays parviendrait cette année à atteindre son objectif de faire baisser le déficit budgétaire à 2,2% du PIB. Une enquête d'opinion réalisée en juin dernier par l'institut CATI a toutefois révélé que plus de la moitié des Roumains (54%) pensaient que leur pays allait dans la mauvaise direction.

Sur le plan extérieur, le chef du gouvernement roumain s'est récemment dissocié de la Russie de Vladimir Poutine et a proposé que Bucarest renforce ses liens avec les Etats-Unis.

"Nous avons appris suffisamment appris pour ne pas perdre l'élection présidentielle pour la 3ème fois" a déclaré le Premier ministre. "Mon programme présidentiel comprend une priorité : la Roumanie a besoin d'un changement véritable, de façon à ce qui a été source de divisions au cours des dix dernières années disparaisse. Par ces termes, je veux dire que nous devons réunifier les Roumains. Cela constitue mon principal objectif" a indiqué Victor Ponta. Celui-ci a été désigné officiellement candidat lors du congrès extraordinaire de son parti le 12 septembre dernier à Alba Iulia. Il a lancé sa campagne électorale huit jours plus tard, le jour de ses 42 ans, dans le National Arena Stadium de Bucarest devant une foule de 70 000 personnes. Son programme est intitulé Victor Ponta président - la grande union des Roumains. Le Premier ministre a choisi pour slogan "Fier d'être Roumain" et avoué son désir d'être le président de son pays en 2018, année où la Roumanie célèbrera les cent ans de la grande union de 1918 (cette année-là, les territoires austro-hongrois et russes peuplés de roumanophones que sont la Bessarabie, la Bucovine, le Maramures, la Crisana, le Banat et la Transylvanie ont rejoint le royaume de Roumanie).

Enfin, il a tenu à assurer ses compatriotes que s'il accède à la présidence de la République, le pays ne connaîtra plus aucun conflit entre son président et son chef du gouvernement [1]. Le dernier événement en date est la tentative du parlement de faire démissionner le président de la République Traian Basescu que certains députés estimaient "ne plus posséder le prestige l'intégrité morale pour incarner la légitimité de la fonction présidentielle". Cette tentative a échoué le 14 juin, le texte soumis au vote des députés n'a pas recueilli la majorité des suffrages.

Le Premier ministre est soutenu par l'Union nationale pour le progrès de la Roumanie (UNPR) de Gabriel Oprea et le Parti conservateur (PC) de Daniel Constantin, 2 partis membres de la coalition gouvernementale qu'il dirige. Il a déclaré qu'il espérait affronter Calin Popescu-Tariceanu lors du 2ème tour le 16 novembre, précisant que se retrouver face à Elena Udrea, Klaus Johannis ou Monica Macovei équivaudrait à affronter le président de la République sortant Traian Basescu.

7 Roumains sur 10 (70%) s'attendent à une victoire de Victor Ponta.

La droite reste associée dans l'esprit des Roumains avec la politique d'austérité menée par l'ancien Premier ministre (2008-2012) Emil Boc (Parti démocrate-libéral, PD-L), soutenu par le président de la République sortant Traian Basescu. La droite roumaine souffre également de sa fragmentation. Les partis sont si divisés qu'ils passent plus de temps à se quereller entre eux qu'à le disputer à la gauche au pouvoir.

Le 5 février 2011, le Parti national-libéral (PNL) s'est allié au Parti social-démocrate de Victor Ponta, à l'Union nationale pour le progrès de la Roumanie et au Parti conservateur au sein de l'Union sociale-libérale. Trois ans plus tard, le 25 février 2014, le Parti national-libéral a quitté cette union et rejoint l'opposition de droite après une dispute entre son dirigeant Crin Antonescu et le Premier ministre Victor Ponta à propos de la composition du gouvernement.

Aux élections européennes du 25 mai dernier, les forces de droite ont été largement battues par les sociaux-démocrates : le Parti national-libéral et le Parti démocrate-libéral (PD-L) ont recueilli ensemble 27,23% des suffrages (-17 points par rapport à 2009) pour 37,6% des voix au parti du Premier ministre Victor Ponta). Quelques jours plus tard, le Parti national-libéral a fusionné avec le Parti démocrate-libéral et de présenter un candidat commun pour le scrutin présidentiel des 2 et 16 novembre prochains. Les 2 partis concourront sous l'étiquette d'Alliance chrétienne libérale (Alianta Crestin Liberal, ACL). Le parti qui sera formé, probablement à la fin de cette année, à partir des 2 principaux partis de droite du pays devrait conserver le nom de Parti national-libéral.

Le 3 juillet, le président du Sénat Calin Popescu-Tariceanu, opposé à la fusion comme au passage du Parti national-libéral, auparavant membre de l'Alliance des démocrates et libéraux pour l'Europe (ADLE) au Parti populaire européen (PPE), a annoncé la création du Parti libéral-réformiste. L'homme est nostalgique de l'Union social-libérale et souhaite que son parti se rapproche du Parti social-démocrate.

Le président de la chambre haute est candidat à l'élection présidentielle et espère recueillir 20% des suffrages au 1er tour de scrutin pour affronter Victor Ponta le 16 novembre. Son programme est intitulé "La Roumanie, septième puissance d'Europe". Il met l'accent sur trois points : la réforme administrative et politique, l'éducation et la culture et enfin, la démographie. Calin Popescu-Tariceanu veut encourager les 3 millions de Roumains qui ont émigré dans d'autres pays d'Europe à rentrer au pays.

Klaus Johannis, dirigeant du Parti national-libéral par intérim, a annoncé sa candidature le 11 août dernier. Il représentera l'Alliance chrétienne-libérale. Maire de Sibiu (Hermannstadt), ville située en Transylvanie, depuis 2000 (il effectue actuellement son quatrième mandat à la tête de la ville), l'homme est un symbole de réussite : il a en effet complètement transformé sa ville en renouvelant les infrastructures et en restaurant son centre historique. Sibiu a alors connu un véritable essor économique et est devenue une destination touristique privilégiée qui a été choisie comme capitale européenne de la culture en 2007, année où la Roumanie a rejoint l'Union européenne. "Sibiu est la preuve vivante qu'en Roumanie, il est possible d'avoir une administration saine et efficace, que l'on peut faire une politique décente sans scandale et sans injure, que l'on peut encourager les investissements qui créent la prospérité. Si nous avons pu le faire à Sibiu, nous pouvons le faire dans toute la Roumanie" a déclaré Klaus Johannis.

"Qui aurait imaginé que moi, enseignant au nom allemand (...) se retrouverait un jour devant des dizaines de milliers de personnes pour présenter sa vision de la Roumanie ? C'est la première fois depuis la chute du communisme il y a 25 ans qu'une structure politique d'envergure désigne pour la fonction présidentielle un candidat appartenant à une minorité ethnique. Cela prouve que la société roumaine est mûre. Nous ne pouvons pas demander le respect des autres si nous ne nous respectons pas nous-mêmes. Dans ma vision des choses, la Roumanie sera un pays occidental" a-t-il également indiqué.

La Transylvanie compte depuis le XIIe siècle une importante minorité allemande venue défendre la frontière orientale du royaume de Hongrie contre les incursions des Tatars et, plus tard, des Turcs à la demande roi Géza II de Hongrie. Les Roumains d'origine allemande étaient 745 000 en 1930 et ne sont plus désormais que 30 000. Au cours de son règne, Nicolae Ceaucescu a "vendu" de nombreux Roumains d'origine allemande à la République fédérale d'Allemagne. Un étudiant en début de cursus était "vendu" 5 500 Deutsche Mark (2 700 €) ; un étudiant en fin d'études, 7 000 Deutsche Mark (3 500 €) et un étudiant diplômé, 11 000 Deutsche Mark (5 500 €). La Roumanie aurait gagné plus d'un milliard de Deutsche Mark avec ces transactions. Après l'effondrement du régime communiste en 1989, les Roumains d'origine allemande ont quitté le pays en masse.

"Je veux moins de politique spectacle et plus de sérieux. Vous me connaissez, je suis un homme qui privilégie l'action au détriment des paroles, l'homme des promesses tenues (...) Je propose aux Roumains une décennie de prospérité et d'Etat de droit" a indiqué Klaus Johannis qui, dans son programme intitulé La Roumanie des choses bien faites, a fait de l'emploi des jeunes, la réforme de l'éducation, le rapprochement de la Roumanie avec l'Union européenne et les Etats-Unis et la croissance économique ses priorités.

Selon le sociologue Barbu Mateescu, "les candidats ont tout intérêt à prendre leurs distances avec les partis. Aucun parti n'a une image propre et chacun a plusieurs de ses membres derrière les barreaux".

Source : Site internet des élections en Roumanie (http://www.bec2009p.ro/rezultate.html)
[1] Les Roumains ont été appelés aux urnes à deux reprises pour se prononcer par référendum sur la destitution de leur Chef d'Etat Traian Basescu. Le 19 mai 2007, les trois quarts des électeurs (74,48%) avaient choisi de s'opposer à cette décision et le 29 juillet 2012, la majorité des Roumains, appelés à se prononcer pour ou contre la destitution du chef de l'Etat, avaient boudé les urnes. Seuls 46,13% étaient allés voter alors que la participation d'au moins la moitié des inscrits était obligatoire pour que la consultation soit valide.

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