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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Les Croates ont approuvé à une large majorité l'entrée de leur pays dans l'Union européenne lors du référendum qui s'est déroulé le 22 janvier. Les deux tiers des électeurs (66,67%) ont voté en faveur de l'adhésion quand 33,33% ont répondu "non" à la question qui leur était posée ("Approuvez-vous l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne ?").
La participation a cependant été faible : elle s'est élevée à 43,54%. Le Premier ministre Zoran Milanovic (Parti social-démocrate, SDP) a déploré cette forte abstention, estimant qu'il s'agissait d'un "message envoyé à son gouvernement par la partie de la population qui souffre en raison de la difficile situation économique que connaît la Croatie". Aucun seuil minimal de participation n'était toutefois exigé pour valider le scrutin
Le président de la République Ivo Josipovic a salué un "grand jour pour la Croatie". "La Croatie a choisi l'Europe et l'association avec tous les pays démocratiques européens" s'est-il félicité, ajoutant "L'année 2013 marquera un tournant dans notre histoire. J'attends avec impatience le jour où je pourrai considérer toute l'Europe comme ma maison". "C'est une décision historique" a affirmé le chef du gouvernement Zoran Milanovic.
Le président de la République avait appelé ses compatriotes à trouver "le courage et la sagesse de dire oui" lors de son dernier message télévisé avant le référendum. "L'Europe ne va pas résoudre tous nos problèmes mais c'est une grande opportunité. Tout comme les 27 autres pays d'Europe, la Croatie ne renoncera pas à sa souveraineté en adhérant à l'Union européenne. La Croatie investit intelligemment une partie de sa souveraineté dans la communauté politique et économique la plus prospère au monde" avait-il indiqué. "La situation n'est pas fantastique mais la Croatie n'a pas de meilleure option à l'heure actuelle en dehors de l'Union européenne" avait affirmé le Premier ministre Zoran Milanovic.
La ministre des Affaires étrangères Vesna Pusic (SDP) n'avait pas hésité à user de menaces, parlant de "question de vie ou de mort" à propos du référendum. "D'une certaine façon, la décision lors du référendum porte sur la survie économique de la Croatie" avait-elle déclaré, évoquant la baisse de la notation de la dette souveraine du pays, l'annulation des investissements et les pertes d'emplois comme des conséquences possibles d'une victoire du "non" le 22 janvier.
Dans un pays où neuf personnes sur dix se déclarent catholiques, l'Eglise avait également pris position en faveur de l'adhésion, qualifiée d'intérêt national stratégique. "La Croatie appartient à la culture et à la civilisation millénaire européenne" pouvait-on lire dans un communiqué signé par les évêques et reprenant les mots prononcés par le pape Benoît XVI lors de sa visite dans le pays les 4 et 5 juin dernier. La hiérarchie catholique avait appelé les Croates à "rejeter les peurs et toute résignation et à s'ouvrir à l'avenir avec audace".
La quasi-totalité des partis politiques croates étaient favorables à l'adhésion. Les élus de gauche et de droite avaient fait campagne sur le fait que l'entrée de Zagreb dans l'Union européenne allait apporter "un environnement financier et macroéconomique stable et un système juridique efficace" et "relancer le développement de l'économie". Le pays espère recevoir environ 450 millions €, soit 1% de son PIB, pour ses projets de développement économique. Au total, la Croatie devrait percevoir entre 2013 et 2015 3,5 milliards € de fonds européens. "Seul l'argent européen peut relancer la croissance du pays. Le pays n'a pas et n'aura pas tout seul l'argent pour financer les infrastructures, développer les zones rurales et financer les réformes du marché du travail" a affirmé le professeur de science politique Zavko Petak.
L'adhésion recueillait également l'approbation des Serbes de Croatie qui voient dans l'Union européenne une instance capable de garantir le respect de leurs droits. 132 000 des 250 000 Serbes qui avaient fui le pays au moment de la guerre opposant les Croates aux Serbes (1991-1995) sont revenus dans leurs foyers à l'issue du conflit. La communauté serbe représente 4,5% de la population du pays.
L'enthousiasme de la population, qui avait atteint son sommet en 2003 où jusqu'à 80% de personnes se déclaraient favorables à l'adhésion, s'était cependant estompé pendant les négociations d'adhésion (2005-2011) en raison notamment de la crise économique internationale et de celle de la zone euro et de la dette en Europe. "Qu'un pays de l'Union européenne soit source de problèmes et non de solutions n'est d'évidence pas un vecteur favorable d'intégration. Plus largement, la Grèce a porté un coup terrible à l'élargissement dans les Balkans car elle a longtemps été présentée comme un modèle. Aujourd'hui, c'est un repoussoir. Les pays de l'ex-Yougoslavie vont dorénavant devoir prouver qu'ils ne sont pas la Grèce. L'heure n'est plus à l'euro-rêverie mais à l'euro-réalisme" a affirmé Jacques Rupnik, directeur de recherche au Ceri-CNRS, dans un entretien accordé au journal La Croix le 20 janvier dernier. "L'Union européenne est confrontée à une série d'échecs économiques et structurels et l'espoir qu'elle pourrait offrir quelque chose à la Croatie a diminué" a souligné Radovan Vukadinovic, expert en relations internationales.
De nombreux Croates ont également jugées exorbitantes les conditions fixées par Bruxelles à leur pays pour rejoindre l'Union européenne, notamment la pleine coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de La Haye (TPIY) et la poursuite des auteurs de crimes de guerre. Une partie des Croates reprochent à l'Union européenne de considérer la guerre d'indépendance (qui a fait environ 20 000 morts) comme une simple entreprise criminelle. "Pour les pays qui ont fraîchement conquis leur indépendance au prix du terrible traumatisme de la guerre, l'idée de partager à nouveau sa souveraineté au sein de l'Union européenne ne va pas de soi" a souligné Jacques Rupnik. "Je voterai pour l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne parce que nous appartenons à l'Union européenne" avait fait savoir (par l'intermédiaire de ses avocats) Ante Gotovina, condamné par le TPIY le15 avril dernier à 24 années d'emprisonnement.
Les Croates ont dit "oui" à leur entrée dans l'Union européenne quelques jours après avoir célébré le 20e anniversaire de la reconnaissance internationale de l'indépendance de leur pays et 5 jours après que l'OSCE a annoncé la fin de sa mission dans le pays (celle-ci avait débuté en 1996).
Le traité d'adhésion de la Croatie doit maintenant être ratifié par les 27 Etats membres avant le 1er juillet 2013, date à laquelle Zagreb deviendra la deuxième des six anciennes Républiques de l'ex-Yougoslavie à rejoindre l'Union européenne. Tous les Etats des Balkans occidentaux sont invités à rejoindre les Vingt-sept. Le Monténégro et la Macédoine ont obtenu le statut de candidats officiels mais leurs négociations d'adhésion n'ont pas encore débuté. Skopje est en conflit avec Athènes à propos du nom même de Macédoine ; les autorités européennes ont demandé à Podgorica de poursuivre ses réformes et de progresser dans la lutte contre la corruption et le crime organisé, des évolutions indispensables pour l'ouverture des négociations d'adhésion en juin 2012. L'Albanie et la Serbie sont dans l'attente. Le 9 décembre dernier, jour où Zagreb signait son traité d'adhésion, Belgrade s'est vu refuser le statut de candidat officiel. Bruxelles a invité les Serbes à progresser dans leur dialogue avec leurs voisins kosovars et promis d'examiner de nouveau leur candidature en février prochain.
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